Chapitre 41 : Bienvenue chez nous

Ecrit par Sandy BOMAS

CHAPITRE 41 : Bienvenue chez nous !


-Grrrrrrrrr !!!!! Je ne serai jamais prête à temps !

C’était la millième fois que je me changeais. Je regardais désespérément le tas de linge qui s’était formé devant moi. On se croirait à moutouki* (friperie) chez le marchand de Cynthia spécialisé dans des fins de séries venue tout droit de mbeng, que j’avais découvert récemment. Jusque là je ne connaissais moutouki que de nom. Il faut avouer que j’avais une idée arrêtée de cet endroit et quelle ne fut pas ma surprise quand j’y avais découvert ma robe bleu mécanicien près du corps et dos nu en accompagnant Cynthia lors d’un déballage. Ma combi était définitivement la fille des bons plans de lbv.
Bref, je n’avais toujours pas trouvé la tenue qui conviendrait au repas d’anniversaire de future belle-maman et à la rencontre de la belle-famille en l’occurrence les deux sœurs de Stan : Katleen et Laurine.
Même si Stanley n’arrêtait pas de me dire que je n’allais pas à un casting cinématographique ou autre, je ne pouvais pas m’empêcher de me mettre la pression. « Les belles familles j’en connais quand même un rayon surtout les femmes elles sont sans pitié. » Entre mon expérience désastreuse avec la sœur et la mère de mon ex et les témoignages des gens autour de moi, je savais que je ne me mettais pas la pression pour rien. Les femmes sont méchantes entre elles, surtout lorsqu’il s’agit de protéger leur fils ou leur frère.
« Il faut que je sois présentable, classe pas trop sexy au risque de passer pour une fille vulgaire… »
Alors que je désespérais devant mes robes que je trouvais toutes aussi inappropriées pour l’occasion, mon regard se posait sur un bout de tissus de couleur saumon au fond de la penderie. « Une robe neuve ! » J’avais complètement oublié l’existence de cette robe achetée sur un coup de tête chez Zara lors de mon dernier voyage à Paris. « Comme quoi les achats compulsifs ça a du bon » Je tenais dans mes mains ZE robe. Oui cette robe ferait l’affaire, elle me tenait à la taille avant de partir dans un volant qui couvrait bien mes genoux, ajustée à la poitrine elle était assez féminine sans laisser voir mes seins. La dentelle qui couvrait la naissance de mon décolleté et les bras rajoutait ce petit plus qui faisait que je l’avais achetée sans hésiter.
« Il va falloir me préparer rapidement si je ne veux pas être en retard. On est attendu pour treize heures ». 
Je pris une douche rapidement. Petite touche de mascara, eye-liner et rouge à lèvres je relevai mes cheveux dans un chignon strict. Le miroir me renvoyait un résultat assez satisfaisant. Mes chaussures à talons aux pieds, j’appliquais une légère touche de parfum sur mes poignets et derrières les oreilles. J’étais enfin prête.
Je reconnu le bruit du moteur de la voiture de Stanley. « Allez ! Cette fois-ci je ne vais pas le faire attendre » Je pris le cadeau de future belle Maman acheté la veille à CK2 et emballé par mes soins avant de sortir de la maison, de fermer la porte à double tour et de donner les consignes au gardien.
Je m’engouffrai dans la voiture et embrassai chaleureusement Stanley.
-Bonjour mon choco….Tu es toute belle…
-Bonjour mon cœur, toi aussi tu es beau…
Il caressa ma joue de son pousse, je fermai les yeux quelques secondes avant de dire :
-Je suis hyper stressée….
-Ne t’inquiète pas on va juste à l’anniversaire de ma mère, tu ne vas pas passer un quelconque examen ….Me dit-il avec le sourire.
-Si justement ! C’est comme un examen !
-Mais non Vanessa !....Tout le monde sera cool ne t’inquiète pas….
Comment ne pas m’inquiéter ? J’allais rencontrer les membres de sa famille aujourd’hui. Son père, sa mère, son frère et ses deux sœurs. Sans oublier qu’il y aura aussi des oncles, des tantes, des cousins, des cousines, des neveux, des nièces et des amis. Franchement j’étais stressée. Des questions n’arrêtaient pas de se bousculer dans ma tête. Est-ce qu’il fallait que je joue à la go qui s’intègre d’office et que j’aille mouiller le maillot à la cuisine, proposer de l’aide ? Rester à ma place en tant qu’invitée ? Et ses sœurs ? Comment sont ses sœurs ? Et sa mère ? C’est seulement à ce moment que je me rendais compte qu’il ne m’avait pas trop parlé de sa famille pour ne pas dire quasiment jamais. Ces derniers mois on avait plus été occupés à autre chose plutôt qu’à parler de nos familles. « J’ai besoin d’un petit topo sur chacun là maintenant vite fait avant qu’on arrive »
-Je pense que j’ai quand même des raisons de m’inquiéter….Tu ne m’a jamais parlé d’eux…Je veux dire j’aurais aimé avoir un avais sur chacun…ça m’aurait aidé…Tu comprends ?
En fait j’avais une autre appréhension, celle de marcher sur les traces de son ex que la famille aurait appréciée par exemple. Et en plus ils ont eu des enfants. Tout d’un coup le proverbe gabonais sorti de je ne sais où qui dit « un mariage où il y a les enfants ne finit jamais » s’imposait à moi….J’eus un sentiment bizarre, comme une crampe d’estomac soudaine. « Suis-je jalouse de son ex ? Non c’est complètement ridicule ! »
Et si je lui posais directement la question ? Ça ferait avancer le schmilblick plus rapidement au lieu de me torturer l’esprit avec des questions dont je n’avais aucune réponse. « Allez ! Je lui demande ! » 
-Comment….étaient tes sœurs…Ta mère….Heeuuu avec ton ex ?
Il écarquilla les yeux surpris, avant de mettre le contact de démarrer la voiture et de quitter Angondjé. Au bout de quelques secondes interminables, il finit par me dire :
-Où est-ce que tu veux en venir exactement ?
« Comment ça où est-ce que je veux en venir exactement ? Ma question n’est pas assez claire ou quoi ? »
-Je suis curieuse de savoir si….
-Si ?....
-Si elles s’entendaient bien….
« En vérité je voulais savoir si elles l’aimaient bien ….Mais je n’ai pas osé utiliser le mot aimer… »
-Oui ça allait….on va dire dans l’ensemble…..Mais je te le répète encore tu n’as pas de raison de t’inquiéter….Estelle et moi c’est de l’histoire ancienne. C’est la mère de mes filles, et rien de plus et c’est clair pour tout le monde y compris pour ma famille….
Le feu passa au rouge et Stanley en profita pour m’embrasser. A entendre les bruits de klaxon et les jurons qui provenaient de l’extérieur, notre effusion avait durée un peu plus longtemps qu’on le croyait.
« Allez y faire ça chez vous ! » « Les hôtels sont faits pour ça ! » « Vous-vous croyez où ?!! »
On rit de bon cœur en continuant notre itinéraire tout en prenant soin d’ignorer les remarques de tous les aigris au volant. Je cherchais dans la boite à gants mon cd mp3 que j’avais laissé volontairement pour écouter ma compile fétiche. Et c’est sur les rythmes de zouk love et compas, que peu à peu je retrouvais mon calme et me sentis rassurée.

La famille Wora-Monplaisir habitait le quartier Razel dans la commune d’Owendo. Quand Stanley se gara devant chez ses parents il était exactement treize heures. On n’était à l’heure, mais plusieurs autres membres de la famille étaient déjà arrivés à en juger par le nombre de voitures garées dehors.
-On y est ?
-Oui nous sommes arrivés. Tout se passera bien, ne t’inquiète pas.
Je jetai un dernier coup d’œil dans le rétroviseur intérieur de la voiture, histoire de voir si je n’avais rien de travers. Ma coiffure était ok, mon maquillage n’avait pas coulé. « Allez allons y affronter la future belle- famille ! » 
On remontait une grande allée recouverte de pavés. Des fleurs disposées dans d’énormes pots égayaient la demeure et lui donnait un air de jardin d’éden. La maison trônait en face de nous complètement dans le fond du jardin avec sur les côtés ce que je pensais être des dépendances. Une grande tente avait été dressée pour l’occasion, et on pouvait voir le buffet disposé et les tables dans une touche de décoration ethnique mixte ou se mariaient parfaitement madras et raphia. La voix d’Akendengué avec la chanson Carrefour Rio donnait une ambiance festive. 
-Poussin est là ! 
Une dame d’environs une soixantaine d’années vint à notre rencontre. 
-Poussin ? Lui murmurai-je amusée.
-Oui c’est mon petit nom. Et je t’interdis de te moquer de moi, sinon je te livre à ma tante Valérie qui se fera un plaisir de te faire passer le concours d’entrée au foyer !
-Bon c’est bon je ne ris plus ! Chuchotai-je en feignant d’avoir peur avant d’éclater de rire à nouveau. D’accord poussin je ne ris plus promis ne me livre pas Tante Valérie !....
La tante Valérie s’approcha de nous me regarda avec insistance, comme si elle analysait le moindre détail, avant de s’adresser à son neveu en omiénè.
-Ah mwami ! Ogoyi wami no wino ?* (Ah poussin ! C’est ma nouvelle belle fille ?)
-Yeni*…. (Oui)
-Ma tondi go mya ye* (Je suis contente de la rencontrer)
Puis elle se retourna vers moi et me dit :
-Bienvenue dans la famille oh ma fille !
-Merci Madame. Dis-je timidement
-Appelle-moi Tante Valérie ooh ! Je suis la tante de ton mari donc je suis également la tienne.
« Mari ? J’ai bien entendu ? »
Elle se retourna vers Stanley et lui dit :
-Poussin j’espère que tu ne me ramèneras plus quelqu’un d’autre hein ! 
Stanley sourit gêné.
-Oh tante !
-Ya pas de tante ! Tu sais que moi j’ai horreur des défilés de mode. Je ne veux plus voir un autre visage ici c’est tout !
Tante Valérie tourna les talons et s’éloigna vers le buffet où elle était visiblement entrain de donner des directives avant de venir à notre rencontre. 
-Je sens que je vais l’aimer ta Tante ! Dis-je à Stanley. Au moins je suis sûre que j’ai déjà quelqu’un de mon côté dans ta famille.
-Tu vois, je te disais de ne pas t’en faire. Viens je vais te présenter à mes sœurs et mes cousines. Elles sont assises sur la table là-bas.
Quand elles nous virent arrivées les sœurs et cousines de Stanley se redressèrent et cessèrent net leur bavardage. Je pouvais lire de la curiosité sur chaque visage. 
-Tu avais prévenu que tu viendrais avec moi ? Demandai-je soudain anxieuse.
-Mes parents savent que je viens avec toi. Quant à mes cadets je n’ai aucune justification ni aucune explication à leur donner. Je te présenterai à chacun et à chacune. Et puis cesse de t’en faire …..
« Je commence à l’énerver avec mes craintes on dirait… »
Même si je ne les avais jamais rencontrées, je reconnu tout de suite les sœurs de Stanley parmi le groupes de jeunes femmes qui étaient assises en face de nous. Elles affichaient de grands sourires en nous voyant nous approcher d’elles. On fit la bise à tout le monde et Stanley mentionnait à chaque fois le prénom de chacune :
-Laurine, Katleen, Lydiane, Marcelle, Cécilia, Naïka, Samira ….
« Trop de prénoms ! Je ne sais pas si je vais tous les retenir !... »
-Je vous présente Vanessa votre belle-sœur…
-Tu veux dire NOUVELLE belle-sœur ! lança Laurine l’une des deux sœurs de Stanley en me toisant au passage.
« Ça commence bien ! »
Stanley lança un regard dur à sa sœur qui calma aussitôt ses ardeurs.
« Ouh ! Je crois qu’on ne sera pas copines elle et moi »
Sa deuxième sœur Katleen proposa de me débarrasser du cadeau que je tenais encore dans les bras et le déposa à l’emplacement qui avait été aménagé pour disposer tous les présents.
On continuait de faire le tour des convives et les présentations continuaient entre tantes, cousins et même membres de l’association des antillais de Libreville. Jusqu’à ce jour j’ignorais qu’il y avait une forte communauté créole à Libreville. On avait vu tout le monde sauf les parents et le frère de Stanley. 
-Et où sont tes parents et ton frère ? Demandai-je 
L’accueil de la plus jeune sœur de Stan m’avait mise mal à l’aise et n’avait fait qu’augmenter mon anxiété. Qu’en sera-t-il de l’accueil que me réservait future belle-maman ? 
-Je me le demande aussi, ils doivent certainement être dans la maison. Viens on va s’assoir.

On prit place sous la tente sur l’une des tables disposées pour le repas.
-ça va ? 
-Oui….
-C’est quoi ce oui…Peu convainquant là ? 
« Je lui dis ou pas ? »
-En fait….Je marquai une pose en faisant mine de chercher mes mots. Je n’avais pas envie de pourrir l’ambiance et de compliquer mon premier jour dans la famille Wora-Montplaisir.
-C’est à cause de ma sœur ?
Je le regardais surprise.
-Il va falloir qu’elle s’y fasse. Tu fais partie de ma vie et ce n’est pas près de changer. Je lui dirai deux mots à la fin de la cérémonie. 
-Non….Laisse tomber….Ce n’est pas grave tu sais.
« Menteuse ! »
-Si au contraire ça l’est... Mais ne t’inquiète pas je mettrai les choses dans le bon ordre et ce très rapidement.

Une dame d’un certain, âge aux cheveux poivres et sel vêtue d’une toilette somptueuse, traversait la cour le sourire aux lèvres en prenant soin d’embrasser au passage toutes les personnes qu’elle rencontrait. « C’est la mère de Stan ça ! Il n’y a pas e doute ! »
-Viens je vais te présenter à ma mère…
« Ça y est on y est ! »

Marie –Elisabeth était une très belle femme et ce malgré les maternités et les soixante ans qu’elle célébrait aujourd’hui. Stanley tenait d’elle son teint caramel et aussi ses jolis traits.
Son visage s’illumina quand son fils fit les présentations. Le nœud qui nouait mon estomac depuis mon arrivée à me faire vomir se desserra instantanément. « Ouf elle semble contente de me rencontrer…. » Les présentations avec Jean-Didier le père et Harry son frère, furent également faites.
Finalement cette famille était plus cool de prime abord que les Minko. « Peut =-être que je m’avance un peu trop vite… »
Le repas se déroulait dans la joie et la bonne humeur. Quand Stanley s’aperçu que j’étais un peu plus détendue, il en profita pour discuter avec des cousins cousines, oncles et tante et aussi avec son frère qu’il n’avait pas vu depuis quelques temps.
C’est alors que la plus jeune des sœurs Wora-Moplaisir, s’approcha de moi et s’assis à ma table. Comme j’étais restée seule et que je commençais à répondre aux messages de Cynthia qui ne voulait pas rater une seule info. Peut-être voulait-elle s’excuser pour tout à l’heure ? 
Je restais sur mes gardes, je ne la sentais pas du tout, même si une petite voix au fond de moi me soufflait de ne pas voir le mal partout. 
Elle entama la conversation sur ma relation avec son frère. Je trouvais qu’elle était très curieuse mais je me prêtais volontiers au jeu de questions réponses qu’elle avait initié. On va dire que tout allait bien jusqu’à ce qu’elle me demande si je savais que son frère avait déjà des enfants et si ça ne me dérangeait pas de sortir avec un homme qui en avait déjà, puis rajouta.
-…. Car qui dit enfant dit mère des enfants dans les parages….Et à vie !
-Sur ce point je n’ai pas à m’inquiéter….Et puis j’apprendrai à connaitre les filles de Stanley à quatre ans elles doivent être adorables comme toutes les petites filles de leur âge…Lui avais-je répondu.
-Oui elles sont mignonnes, d’ailleurs tu auras l’occasion de les voir puisqu’ elles arrivent justement après demain avec leur mère. Elles passeront une semaine avec nous….
-Elles arrivent après demain ?!
-Quoi tu n’es pas au courant ? Me demanda Laurine faussement gênée.
Mais la lueur dans ses yeux m’indiquait le contraire.
-Si…Si… Mentis-je. Stanley me l’a dit mais j’ai tellement la tête dans le travail…Je pensais qu’elles viendraient dans quinze jours.
-Non elles viennent bien dans deux jours….Bon bein, je vais te laisser je vais aider à disposer les assiettes à dessert, Maman va bientôt souffler ses bougies.

« Estelle arrive avec ses filles dans deux jours ! Pourquoi Stanley ne m’a rien dit ???? »


© PLUME 241


Textes protégés (Copyright France Référence du dépôt DC7G1F4)

MISS CHOCO NOIR