***CHAPITRE 46: LE POIDS DE MADAME H.***

**LINDA NDOMBI**

Quelques minutes plus tard, alors que nous étions tous assis en train de parler, nous avons écouté quelqu'un appelé ma mère. Nous avons tous tourné nos têtes en direction de la voix pour tomber sur mon père qui se tenait debout devant le mur qui cachait la porte de son bureau. Sans qu'on ne s'y attende, Raphaël s'est détaché de ma mère sur laquelle il était assis et a couru pour aller se jeter dans les bras de mon père en criant "Papi". Ce dernier a froncé les sourcils en regardant l'enfant qui s'était déjà accroché à lui avant de lever la tête dans notre direction Béni et moi le visage complètement fermé et austère. 

Moi: (Dans ma tête, le cœur battant) Seigneur !

J'ai voulu me lever pour aller rapidement récupérer Raphaël mais j'ai été retenue par ma mère.

Maman : (Levant une main, un sourire sur les lèvres, juste pour nous) Reste où tu es Lili.

Moi: (Dans les mêmes tons) Il va s'énerver maman.

Maman : Laisse faire.

J'étais inquiète, je connais mon père, sa réaction risque d'être très violente et désagréable, Raphaël est un enfant très sensible et il pourrait être traumatisé par mon père comme je l'ai été. La réaction de mon père ne s'est d'ailleurs pas fait attendre. Il a décollé Raphaël de lui en le gardant et le retenant à une petite distance de lui par deux doigts qu'il a posé sur son front. J'ai senti Benjamin s'agiter derrière moi et moi même mon cœur a repris à battre fortement dans ma poitrine.

Papa: (Sévère) Qui est ce garnement ?

Moi: Pa.

Raphaël : (Plus vite que moi, le sourire sur les lèvres) Je ne suis pas un garnement, je suis Raphaël NGUEMA, ton petit fils.

Papa: (Fronçant les sourcils) Mon quoi?

Raphaël : (Toujours souriant) Ton petit fils. Je suis le fils de maman Linda, ta fille. 

Papa: (Me regardant)C'est quoi cette histoire ?

Raphaël : Tu ne connais pas maman Linda? C'est ta fille non?

Maman : Oui mon bébé, Linda est sa fille.

Raphaël : (Réduisant la distance que mon père avait mis pour lui faire un autre câlin) Alors c'est comme ça, tu es mon papi. 

J'ai vu les traits du visage de mon père durcir davantage et j'ai voulu intervenir mais la voix de maman m'a devancé.

Maman : (Toujours souriante) Attention H, fais très attention.

Raphaël : Papi soulève moi.

Papa, Benjamin et moi étions tous les trois choqués au point de répondre simultanément.

Papa:  (Choqué) Pardon ?

Benjamin : Hein?

Moi: Quoi?

Raphaël : (Serein) Soulève moi papi.

Je ne sais pas si c'est parce qu'il est trop jeune qu'il ne comprend pas l'animosité qui est peinte sur le visage de mon père actuellement à son endroit. Pourtant, il comprend et arrive très vite à lire les émotions sur les visages des gens et s'en écarte généralement. Mais je ne sais pas ce qui lui arrive aujourd'hui au point de foncer tête baissée sur un individu qui ne cache nullement sa froideur et son mécontentement à son égard.

Maman : (Prenant à nouveau la parole) Hens ton petit fils te demande de le soulever, tu n'as pas compris ?

Papa: (Regardant sa femme, le visage dur) Je ne soulève pas les enfants.

Raphaël : (Le tenant toujours) On n'est pas beaucoup papi, c'est seulement moi que tu vas soulever. Ne dis pas "les". Et puis je ne pèse pas, tu peux même demander à maman, tu ne vas pas te fatiguer.

Il faut vraiment être Raphaël NGUEMA pour faire preuve d'autant d'impertinence et d'entêtement, ce n'est pas possible. 

Maman : Hens, ne sois pas ronchon et soulève l'enfant. 

Aussi fou que cela puisse paraître, au bout de quelques minutes durant lesquelles il a intensément fixé Raphaël qui soutenait son regard, il a tendu ses bras et l'a soulevé sous mon regard et ma bouche ébahis. Ce n'est pas possible , il ne l'a pas fait,si? Hens Maxime NDOMBI a pris un enfant dans ses bras? Je suis en train de rêver et je vais bientôt me réveiller. Raphaël a même poussé le bouchon jusqu'à lui faire un bisou sur la joue avant de le serrer au cou. Cela a comme donné le top aux deux autres qui se sont également levés et sont partis lui faire des câlins. J'étais abasourdie.

Daphnée : Bonsoir papi H, je suis la princesse de maman, je m'appelle Daphnée.

Il a posé son regard sur elle avant de le lever sur moi, le visage neutre cette fois-ci.

Darnell: H bonsoir.

Papa a froncé les sourcils avant de regarder Darnell.

Papa: Comment m'as tu appelé ?

Darnell : (Soutenant son regard) H, c'est bien ainsi que tu te fais appeler n'est-ce pas ?

Ah Seigneur ! Les enfants de NGUEMA n'ont pas froid aux yeux et apparemment ils ont résolu de le défier dans tous les sens du terme aujourd'hui.

Papa: Je suis ton égal ?

Seigneur ! On n'est pas arrivé là-bas déjà.

Moi: Papa stp.

Darnell : (Soutenant son regard) Non, tu n'es pas mon égal mais tu es mon grand-père donc je peux t'appeler par ton prénom si j'en ai envie et tu as de la chance, j'aime bien la lettre H dans l'alphabet et je trouve que cela te correspond bien. Du coup c'est donc ainsi que je t'appellerai "H".

J'avais seulement envie de mourir sur le champ. J'attendais les représailles, le cœur déjà meurtri face à ce que mon père qualifierai "d'insolence caractérisée et soutenue de mes enfants". 

Papa: (Le regardant) Bien.

Moi: Hein?

Papa: Appelle moi donc ainsi car je déteste le "Papi"

Raphaël : Papi moi, je vais toujours t'appeler Papi oh.

Daphnée : Moi aussi.

Darnell : D'accord. H, tu n'as pas répondu à notre salutation, mamie Judith dit que c'est malpoli de ne pas répondre quand on nous salue. Je sais que tu es un grand homme et en tant que tel tu ne peux donc pas être malpoli. Il faut répondre à notre salutation, ce sont des règles de bienséance.

Papa: (Après un moment) Bonsoir.

Darnell : Tu vas bien ? As-tu passé une bonne journée ?

Papa: (Regardant ma mère qui souriait) Oui 

Darnell : C'est pour les deux questions ?

Papa: (Exaspéré) Oui.

Darnell : (Souriant) D'accord. Nous aussi, nous allons bien. Au fait, Daphnée et moi, nous faisons appeler "les D" , de ce fait, tu peux également nous appeler ainsi "D", nous allons te répondre.

Daphnée : Oui. Et lui c'est Raph. 

Papa: Hum.

Raphaël : (Toujours dans ses bras) Papi H allons s'asseoir. Non, je ne veux pas descendre (Le serrant encore plus) tu marches avec moi. 

Papa s'est exécuté en roulant des yeux et est arrivé jusqu'à nous. Benjamin et moi nous sommes levés pour le saluer mais il n'a pas répondu.

Darnell : H, qu'est-ce qu'on a dit sur les salutations ?

Papa: (À nous) Bonsoir. Prenez place.

Nous : Merci.

Il s'est assis toujours avec Raphaël dans les bras et les deux autres se sont assis de part et d'autre de son corps.

Daphnée : (fouillant son petit sac et sortant deux chapeaux de Noël) Papi, je t'ai emmené un cadeau pour la Noël. On nous a donné ça au magasin la journée. J'ai emmené 2 pour mamie et toi.

Papa: Je n'aime pas les cadeaux.

Daphnée : Maman nous a dit ça mais c'est pas grave, on ne refuse pas les cadeaux de ses petits enfants donc tu es obligé de prendre. Attends je vais te porter ça, tu seras bien beau et Mami sera encore amoureuse.

Maman a éclaté de rire pendant que Benjamin et moi avons tout fait pour garder notre sérieux face à la situation qui était très risible surtout l'expression faciale de mon père qui était à mourir de rire. Elle a grimpé sur le canapé et est allée lui porter le fameux chapeau sur la tête avant de le faire avec sa grand-mère. 

Maman : (Contente) Merci mon bébé 

Daphnée : (Souriante) De rien Mami. Voilà, vous êtes beaux. Attendez je vais vous filmer avec ma caméra que maman m'a acheté. 

Elle l'avait dans son sac, de même que son micro, elle a sorti la caméra et l'a braquée sur eux avant de l'allumer et faire des photos et une petite vidéo. J'étais complètement dépassée par la situation. Elle s'est ensuite tournée vers nous pour nous filmer.

Raphaël : Papi, tu connais jouer au basket ? Moi j'ai eu un ballon de basket et quand je serai grand, je serai un grand joueur de basket.

Maman : Ton grand-père aussi aime le basket, il joue même très bien.

Raphaël : C'est vrai ? Quand on va encore venir, je vais emmener le ballon comme ça on va jouer ensemble mais il ne faut pas pleurer quand je vais te battre hein.

Maman : (Riant) Il va bien pleurer, ton papi a le petit cœur. Quand les Lakers perdent, il veut pleurer. 

Raphaël : Mamie, tu connais les Lakers de Los Angeles ?

Maman : Oui, c'est l'équipe préférée de ton papi. 

Raphaël : (Surpris) C'est vrai ? C'est aussi mon équipe préférée et mon joueur préféré s'appelle (maman et lui) LeBron James.

Maman : C'est aussi le joueur de ton grand-père.

Il a écarquillé les yeux avant de bien le serrer au cou en déclarant qu'il était désormais son papi préféré. Ce n'était pas un secret pour moi, je sais que LeBron Raymone James est le basketteur préféré de mon père. Il aime également Tony Parker, le français, Michael Jordan et le regretté Kobe Bryant . J'ai eu à tous les rencontrer quand j'étais aux États Unis d'abord par le canal de mon père alors qu'il avait fait un déplacement là-bas, puis plus tard pour LeBron par le canal de Savannah son épouse avec laquelle j'ai déjà eu à collaborer. Ils font partis de mes contacts mais personne d'autre que Jennifer ne le sait. Ce qui m'a étonné, c'est que ce soit également le joueur préféré de Raphaël, je les mettrai certainement en contact un de ces jours mais pour l'instant, je garde cette information pour moi. 

Mon père s'est laissé prendre dans les bras par Raphaël et j'ai vu une subtile lueur s'allumer dans ses yeux avant de disparaitre. Raphaël s'est à nouveau assis sur ses jambes.

Maman : Et toi Darnell ? Qu'est-ce que tu as reçu en cadeau ?

Darnell : Un livre sur les ordinateurs.

Maman : (Surprise) Tu aimes les ordinateurs ?

Darnell : Oui. Je veux apprendre dessus comme maman, je trouve fascinant ce qu'elle fait et j'aimerais être bon comme elle.

Papa: sais-tu manipuler un ordinateur ?

Darnell : Pour l'instant, je ne connais que les basiques que maman m'a apprises mais j'espère rapidement me perfectionner à l'aide de l'ouvrage qu'elle m'a acheté et d'autres qui sont chez elle, naturellement avec la pratique qu'elle me montrera à ses heures libre.

Papa: (Regardant Benjamin) Vous me permettez ?

Benjamin : (Silencieux jusqu'alors) Oui 

Papa: (Se levant avec Raphaël dans ses bras) Suivez-moi les enfants. D, la fille, apporte ta caméra. 

Les D se sont levés à sa suite et sont allés avec lui dans son bureau sous mon regard étonné. 

Moi: Qu'est-ce qui se passe maman ?

Maman : (Souriante) Rien du tout. Viens m'aider avec le repas. (À Benjamin) Mon fils excuse nous une minute.

Benjamin : Il n'y a pas de problème.

Nous nous sommes levées et sommes allées à la cuisine où j'ai directement repris mes questions à ma mère.

Moi: Maman qu'est-ce qui se passe avec papa ?

Maman : (Souriante) Je t'ai déjà dit qu'il ne se passe rien du tout.

Moi: Je ne te crois pas. Il est malade c'est ça ? On l'a trouvé avec quelque chose de grave dans le corps ? Maman dis moi la vérité.

Maman : Mais que vas-tu chercher là ? Ton père va bien. 

Moi: Alors pourquoi se comporte-t-il de façon étrange ?

Maman : Comment ça ?

Moi: Papa ne touche pas les gens et tu le sais, alors c'est quoi son attitude ?

Maman : Ton père est tout à fait normal. J'ai parlé avec lui cette journée afin qu'il n'agresse pas les enfants. Mais toi-même il faut voir que tes enfants ne se laissent pas non plus intimider par lui. De plus, il y a peu, j'ai emmené ton père à l'église.

Moi: (Choquée) Hein??

Maman : (Souriante)Oui.

Moi: (Les grands yeux) Papa a accepté de se rendre dans une église ?

Maman : (souriante) Oui.

Moi: On parle bien de Hens Maxime NDOMBI ? Le détracteur de la foi chrétienne ?

Maman : Lui-même.

Moi: Je ne te crois pas.

Maman : Pourtant c'est la vérité. Je l'ai invité il y a à peu près un mois maintenant et il y vient et est même très régulier.

Moi: (Les grands yeux) Incroyable. Et depuis quand toi-même tu es chrétienne d'abord ?

Maman : Bientôt un an maintenant. Tu devrais d'ailleurs venir à l'église aussi. Jésus fait de grands miracles.

Moi: Hum.

Je suis restée silencieuse. Mes parents qui fréquentent une église ? On aurait tout vu. Ma mère encore à la limite, je peux l'accepter, mais H? J'ai du mal à y croire. Mon père a toujours rejeté tout ce qui a trait à la religion. Il a coupé tous les liens avec les rites et pratiques ancestraux depuis l'incident avec mon frère et moi et a toujours déclaré que jamais il ne mettrait les pieds dans les histoires qui ont favorisé la colonisation des noirs par les blancs, c'est ainsi qu'il qualifiait les religions dîtes importées "l'islam et le christianisme". Il a d'ailleurs longtemps défendu à ma mère de se rendre dans des lieux de culte quels qu'ils soient , car c'était selon lui, "des charlatans".  Comprenez donc mon étonnement et mon refus d'acceptation d'une telle chose. Dans tous les cas, je l'ai aidée avec la cuisine et nous avons fait la table, il était près de 20h. Maman est allée les appeler dans son bureau et ils sont revenus avec de grands sourires sur les visages.

Daphnée : Maman papi m'a montré comment faire de belles images. Je vais te montrer tu vas voir. 

Moi: (Regardant mon père qui ne déridait pas son visage) D'accord. On va d'abord manger.

Daphnée : D'accord.

Raphaël : Maman, je m'asseois à côté de papi, il a dit qu'il va m'aider à manger comme un grand.

Moi: (Regardant toujours mon père) Ok.

Nous sommes passés à table et grande fût ma surprise de constater qu'il le nourrissait vraiment en lui demandant de s'asseoir correctement et de disposer ses mains d'une certaine façon, les deux autres copiaient ses faits et gestes. Aucune émotion ne transparaissait sur son visage pourtant les enfants n'avaient pas l'air impressionné du tout et avaient même l'air de bien s'amuser avec lui. Nous avons mangé dans une ambiance gouvernée par les enfants et maman, papa intervenait de temps en temps. Benjamin et moi ne pipions pas mots et étions dépassés par les évènements. Nous les regardions stupéfaits. À un moment, papa m'a regardé et m'a demandé.

Papa: Que s'est t-il passé avec les chinois ? 

Mon cœur a raté un battement.

Papa: J'attends toujours le compte rendu.

Moi: (Gorge sèche) Eh bien.

Maman : H, on a dit qu'on ne parlait pas du boulot aujourd'hui stp. Vous aurez le temps de parler des contrats et de la société plus tard.

Papa: Hum.

Il a détourné ses yeux de moi pour les poser sur Raphaël qui attirait son attention. Le repas s'est poursuivi sans encombre. Nous avons débarrassé maman et moi avant de revenir au salon. 

Daphnée : Venez on va faire la photo de famille et une petite vidéo. 

Maman : Benjamin, venez par ici et mettez vous près de moi. 

Il s'est approché de maman.

Maman : Lili va t'asseoir à côté des enfants et ton père

Je me suis exécutée et Daphnée nous a filmé. Papa a ensuite activé le retardateur pour qu'elle puisse également être dans les photos. Nous avons ensuite fait seulement papa et moi, et enfin les NGUEMA et moi. Daphnée a apporté l'appareil pour que nous puissions regarder les prises.

Raphaël : Papi H, tu as les dents cassées ?

Benjamin : Pourquoi tu demandes ça ? Et on ne pose pas ce genre de question aux gens.

Raphaël : Je suis désolé.

Papa: J'ai toutes mes dents.

Raphaël : Mais pourquoi tu ne souris pas dans les photos ?

Daphnée : (Regardant les photos) C'est vrai papi, pourquoi tu ne souris pas. Pourtant tu as un beau sourire.

Darnell : Tu as déjà vu son sourire ?

Daphnée : Non, mais il ressemble beaucoup à maman et maman est très belle quand elle sourit donc pour lui aussi est forcément beau.

Maman : (Souriante) Tu as raison , ils ont le même sourire. 

Les enfants : (Nous regardant papa et moi) Souriez on va voir. Maman va t'asseoir à côté de papi. 

Nous nous sommes regardés papa et moi avant que je ne m'exécute. 

Daphnée : (Braquant l'appareil sur nous) Souriez.

Raphaël : Papi fait "i" (mimant un sourire).

Maman : (Le regardant) Hens sourit stp.

J'étais en train de regarder Daphnée donc je ne savais pas s'il souriait ou non. C'est lorsque j'ai vu le regard stupéfait de Benjamin et les larges sourires des autres que j'ai su qu'il était en train de le faire. Curieuse, j'ai fini par tourner ma tête pour voir ça de mes propres yeux et je n'en revenais pas. Hens Maxime NDOMBI sourit?? La fin du monde est proche….