Chapitre 5

Ecrit par Annabelle Sara


 

Véronique

 

Je marchais sur une route déserte, une route perdue dans une forêt. Seule, j’entendais les oiseaux sauvages qui chantaient, mais ce n’était pas une musique entrainante, je dirais plutôt lugubre. J’entendais ces oiseaux de mauvais augures autour de moi. Je n’avais pas peur, je me sentais juste seule. Je n’entendais pas le rire communicatif de ma fille, les blagues sans tête ni queue de mon fils.

 Je ne sentais pas non plus la présence douillette de mon mari. Je marchais sur cette route boueuse, les pieds nus, ce qui freinait considérablement mon avancée dans cet environnement hostile et effrayant.

En regardant autour de moi, j‘ai remarqué que la nuit ne tombait pas mais le soleil s’était déjà couché, cette entre-deux donnait un décor presqu’apocalyptique à la forêt. Pas de vent, pas de mouvement. J’avais envie d’appeler à l’aide mais je ne savais pas si on pourrait m’entendre.

Subitement j’ai sentiment mes pieds s’enfoncer dans ce qui semblait être un trou plein de boue, qui m’attirait toute entière dans le fond de la vase. A chaque fois que j’essayais de bouger je m’enfonçais encore un peu plus. Mon corps ne répondait plus à mon cerveau qui lui ordonnait de bouger mais qui ne réussissait pas à faire le moindre mouvement sans provoquer le mouvement vertical dans le sol.

Le sol m’avalait, quand on dit que la terre vous avale, c’est exactement ce que je ressentais en ce moment précis. Je ne voulais pas paniquer mais là la situation commençait à m’échapper alors je me suis mise à hurler en appelant à l’aide. J’avais pour réponse l’écho de ma propre voix.

Je n’arrivais pas à croire que j’allais finir ici seule sans aide sans une main pour me secourir, pour la première fois depuis des années, je me suis mise à pleurer, les larmes envahir mon visage tandis que j’essayais de m’accrocher à la surface du sol pour ne pas m’enfoncer encore plus, mais la terre me tenait fermement et m’attirait. Elle me tenait elle ne me lâcherait pas, pas avant de m’avoir complètement happée.

Je poussais un dernier cri de détresse, lorsque je sentis une main me secouer.

- Véro ?

J’ai ouvert les yeux ! Je rêvais, c’était un vilain cauchemar. Paul me regardait, il avait l’air inquiet.

- Tu vas bien ? Véro ?, insista-t-il comme je ne répondais pas à sa question.

- Je… j’ai fait un cauchemar…

- Un cauchemar ? Tu ne rêve jamais d’habitude… Et tu pleurais?

J’ai posé la main sur mes yeux. J’ai pleuré dans mon sommeille, c’est quoi cette histoire ? Je n’ai jamais eu ce genre de rêve. Il paraissait réel au point où j’ai pleuré dans mon sommeille.

- Je ne comprends pas… Je suis juste un peu tendue c’est pour cela… Il est quelle heure ?

- 6 heures moins le quart !, répondit-il.

- Mince… Pourquoi tu ne m’as pas réveillé ? Je suis en retard…

- Je me suis dit qu’avec la nuit d’hier tu avais besoin de repos, alors je t’ai laissé dormir !, dit-il avec un regard doux pour moi.

Je lui ai souri. Je dois avouer que Paul et moi nous nous sommes retrouvés hier nuit. Je n’avais pas vraiment connu mon mari autant fougueux et plein de créativité au final.

- Tu étais en forme, lui ai-je dit.

- Disons que c’est toi qui m’as donné cette énergie. J’aimerais te voir ainsi un peu plus souvent…

- Tu vois qu’une bonne dispute peut aussi nous donner des idées plaisantes une fois le moment de la réconciliation arrivé ?, ai-je demandé.

Il éclata de rire et se baissa pour me faire un bisou sur la bouche.

- Je t’aime mon cœur, murmura-t-il.

- Moi aussi !

Je me suis levée pour vaquer rapidement à ma routine matinale. Une heure plus tard j’étais avec mes enfants dans la voiture pour les déposer à l’école en même temps j’écoutais les nouvelles sur la radio.

- Maman… tu vas embaucher le chauffeur quand ?, me demanda Elodie se rappelant notre discussion de la veille.

- Dès que possible ! Mais aujourd’hui c’est moi qui viens vous chercher à l’école !

- Nous sortons à 14 H 30…

- Merci de me rappeler ma chérie, je serais là !, l’ai-je rassurée.

On s’est fait des bisous pendant qu’ils sortaient de la voiture. Je devais arriver au restaurant pour les commandes du Lundi, m’assurer que notre semaine commençait tranquillement.

En arrivant j’ai trouvé Ernestine, elle supervisait les livraisons et en vérifiant elle se débrouillait plutôt bien, respectant à la lettre ce que nous avions décidé le samedi soir et en marchandant même avec les différents fournisseurs pour avoir des remises sur les produits.

Je suis allée dans mon bureau pour me poser une minute et repenser à ce que j’avais vécu ce matin en rêve.

- Madame je peux ?, me demanda Ernestine.

- Oui … Il y a un problème ?

Elle entra, elle avait une mine qui répondait à ma question.

- Il y a un problème avec la carte, le chef dit que ce n’est pas le programme qu’il avait prévu pour aujourd’hui…

- Comment ça ? Montre !

Elle me tendit la carte qui avait été imprimé le samedi soir après approbation du chef Obam.

- Mais c’est exactement ce que nous avions approuvé samedi, non ?

- Il dit qu’il n’a jamais approuvé cette carte !, déclara-t-elle avec une petite voix.

- Il refuse de travailler cette carte ?

- Oui madame !

Je me suis levée ! Il y a une différence entre jouer les intéressants avec ses marmitons en donnant des ordres à tout va et hurlant comme une pie et se mettre à dos le proprio de la cuisine dans laquelle on  joue le chef étoilé.

Je suis sortie de mon bureau pour la cuisine. Il était assis sur une chaise la tête dans les mains.

- Bonjour Chef ! Ernestine vient de m’expliquer qu’il y’aurait un problème  avec la carte ?

- Véronique… je n’ai jamais approuvée cette carte… Je ne sais pas d’où cette fille a pêchée ce torchon de bourratif ! S’exclama-t-il

- Vous êtes sérieux ? C’est exactement cette carte que j’ai moi même enregistrée après que vous l’ayez approuvé… et sur la base de laquelle nous avons passé les commandes…

- Je ne peux pas approuver une pareille carte ! Pas si je suis lucide !

Il m’énervait toujours avec sa manie de se prendre pour plus que ce qu’il est.

- Bon alors, je veux comprendre… vous n’avez pas l’intention de cuisiner ce qui est sur cette carte ?

- Non, il faut modifier la carte, dit-il avec sa voix criarde ennuyeuse.

- Ok !

Je me suis tournée vers un des cuisiniers qui travaillait avec le chef Obam depuis des années dans mon restaurant.

- Sylvain c’est ça ?, lui ai-je demandé.

- Moi ? Oui Madame…

- Vous êtes ici depuis combien de temps ?

- 3 ans Madame…, murmura-t-il

- Pouvez-vous cuisiner ce qu’il y a sur cette carte ?

Il observa le papier que je venais de placer sous son nez, puis hocha la tête le regard perplexe.

- Oui madame !

- Très bien ! Chef Obam vous êtes viré ! Chef Sylvain à vous les rennes ! C’est vous le nouveau chef de « L’Issouck »…

- Véronique…, commença Obam.

- Je ne veux rien savoir Hilaire Obam, je t’ai supporté durant des années avec ton comportement de cochon mais je ne vais jamais je dis jamais laisser quelqu’un me prendre pour une imbécile dans mon restaurant… tu connais la sortie !

J’en avais marre de ce prétentieux qui s’imaginait qu’il pouvait m’imposer ses 4 volontés. Bye-bye Chef Obam !

Une fois dans mon bureau, je suis retournée à mon travail m’assurant que le planning de la semaine était complet, j’ai aussi contacté un ami pour lui demander de m’envoyer un chauffeur expérimenté pour mes enfants. Il m’a expliqué qu’il ferait tout pour m’en trouver un dès demain.

J’étais concentrée dans mon travail lorsqu’un message whatsapp arriva dans mon téléphone.

Oluwa : « Bonjour Miss Véronique ! »

Moi : « Bonjour Mister Oluwa ! »

Oluwa : « Vous semblez de meilleure humeur ce matin !

Avez-vous passez une bonne nuit ? »

Moi : « Oui ma nuit a été paisible !

Oluwa : « Vous avez donc pu transformer votre stress en plaisir

                   Content de l’apprendre ! »

Comment ?

Moi : « Comment savez vous que j’ai déstressé ? »

Oluwa : « Vous m’avez dit être une personne visuelle

                   Alors vous envoyer une vidéo vous aurait donné des idées »

 Ce qui a été le cas !

Moi : « Vous vouliez que je fasse l’amour avec mon mari ? »

Oluwa : « Connaissez vous une meilleure façon de déstresser ? »

Moi : « Vous m’étonnez ! »

Oluwa : « Puisque vous n’êtes plus stressée, vous serez donc disposé à me recevoir ?

                   Ce soir… 19 heures

                   Je vous enverrais l’adresse une fois sur place ! »

Moi : « Vous êtes à Yaoundé ? »

Oluwa : « Je suis dans l’avion qui me conduit à Yaoundé

                   Dans 4 heures max je serais dans votre ville ! »

Une sensation de moiteur m’envahi instantanément. Je ne sais pas pourquoi mais je sentais que cette homme allait me faire vivre une expérience hors du commun.

Moi : « A tout à l’heure ! »

Oluwa : «A très vite Miss Véronique »

J’avais la chair de poule. Mais j’avais à faire, il fallait que je vérifie ce que mon nouveau chef faisait. Je suis allée en cuisine et tout se passait bien, la cuisine tournait sans les cris et les hurlements qu’il y a ici d’habitude.

- Vous voulez goûter ?, me demanda-t-il en me tendant une assiette super bien présentée.

- C’est très beau à regarder…

J’ai pris une bouchée et ce fut le déclic !

- Sylvain c’est super bon ! Pourquoi vous n’avez jamais fait la cuisine pour moi ?

- Je viens de le faire !, répondit-il.

- Merci d’avoir accepter de remplacer votre supérieur…

- Il ne nous traitait pas comme des êtres humains… Et c’est vous qui me payez pas lui !

J’ai souri avant de me tourner vers Ernestine.

- Je dois aller chercher mes enfants ils sortent à 14h30 le temps que j’y sois… Donc aujourd’hui sera une première pour beaucoup d’entre nous ! Une première pour le Chef Sylvain, une première pour toi…

- Oui madame !

- Ne fais pas couler le navire ma petite je compte sur toi, lui ai-je rappelé avant de partir.

Une heure plus tard mes enfants étaient dans ma voiture et je les raccompagnais à la maison. En même temps je restais accrochée à mon téléphone à l’affut de tout message de détresse venant d’Ernestine qui viendrait se plaindre d’un quelconque problème.

Mes enfants ne se sont pas juste contentés de me voir les déposer à la maison ils ont aussi exigé que je mange avec eux avant de m’en aller, après m’avoir raconté leur journée. J’étais de retour au restaurant à l’heure du deuxième service. Celui de 17 heures.

Ernestine dirigeait la salle tranquillement pendant que mon nouveau chef faisait de l’art culinaire. Il suffisait d’entendre les clients se réjouir et demander si on avait changé quelque chose.

Je profitais de ce moment de plaisir lorsqu’elles arrivèrent. Ma sœur, accompagné d’une jeune femme, surement la vingtaine, une belle fille noire grande, et séduisante elle attirait les regards des hommes en traversant mon restaurant.

Ma sœur m’a vu et m’a fait signe de la main avant de se diriger vers moi.

- Véro ! Comment tu vas ma chérie ?, fit-elle en m’embrassant.

- Je vais bien !

- Il y a affluence aujourd’hui hein… Et les assiettes sont…

- Colorées ! Tu veux…

- Bien sûr !, me coupa-t-elle profitant de la proposition. Je te présente Michelle mon amie dont je t’ai parlé hier…

Nous nous sommes fait la bise pendant que je leur montrais une table en retrait pour que nous soyons à l’abri des oreilles indiscrètes.

En m’asseyant face à la jeune femme je voulais l’observer pour comprendre qui elle est et ce qu’elle veut vraiment.

- Vous buvez quelque chose en particulier ?, ai-je demandé aux deux femmes.

- Moi de l’eau minéral ce serait bien !, répondit Michelle d’une petite voix flutée.

- Pourquoi ?  Tu es déjà enceinte ?, demanda grossièrement ma sœur. Nous allons prendre  tes meilleurs cocktails ma belle !

Je souris en secouant la tête, ma sœur n’allait vraiment pas changer, elle profitait de toutes les occasions qui se présentait à elle.

- Tu ne peux pas venir à « L’Issouck » pour boire de l’eau, murmura-t-elle à la jeune femme.

Michelle murmura quelque chose que je n’ai pas saisit, je l’observais et rien ne me venait en tête pour le moment.

Une fois nos cocktails servis je me suis tournée vivement vers les deux femmes.

         - Alors ? Que me vaut l’honneur de  votre visite mesdames ?

Droit au but, je n’ai mas pas tournée autour du pot ! Ma sœur expliqua une fois de plus l’histoire qu’elle m’avait racontée la veille. Et son amie se contentait d’acquiescer en hochant la tête. Quelque chose me dérangeait vraiment avec son histoire.

- Je ne comprends pas… Michelle tu es une belle jeune femme, qui a tout pour plaire… Pourquoi entrer dans une relation avec quelqu’un qui pose de telles conditions ?

- J’ai juste… Je sais qu’il m’épouserait  même si je lui avouais qu’il est stérile, commença la jeune femme. Mais ce qui me dérange c’est qu’il ne sera pas vraiment heureux et surtout sa famille en profiterait ! Ces parents sont un peu trop possessifs surtout avec ce qui concerne ses finances !

- C’est sa famille !, ai-je déclaré.

- Véro ?...

J’ai fusillé ma sœur du regard. Je ne voulais plus qu’elle intervienne.

- Il y a un centre d’insémination à Yaoundé, votre mec peut chercher un donneur et faire une FIV ou même faire un nombre de test pour voir comment régler son problème… On peut lui faire toute sorte de tests et de traitement pour que vous ayez des enfants…

- Je sais mais je me dis que… S’il sait que l’enfant n’est pas vraiment son sang… Il vaut mieux qu’il ne sache pas ! J’ai juste envie de lui donner un fils ! Et comme je disais, si sa famille apprend que son enfant n’est pas vraiment son enfant le résultat est simple ils feront tout pour me mettre les bâtons dans les roues !

Ce que cette jeune femme m’expliquait trouvait une sorte d’écho en moi, mais subitement je me suis rappelé de mon rêve du matin. Je n’avais aucune idée de ce que cela voulait dire mais, une part de moi me dit de ne pas faire n’importe quoi.

- Je ne sais pas ce que ma sœur vous a dit, mais je ne peux vous proposer que ces deux options ! Si votre homme vous aime comme vous le dites et que c’est lui le problème, il suffit de le lui dire et ensemble vous trouverez une solution adéquate. Une fois que vous en aurez discuté vous pouvez me chercher, je vous mettrais en contact avec quelqu’un qui pourra vous aider votre homme et vous !

Je savais que ma sœur ne s’attendait pas à ça, mais dès que j’ai vu cette jeune fille, quelque chose m’a rappelé les oiseaux de mon rêve de cette matinée !

    
Et si demain mourrai...