Chapitre 50

Ecrit par WumiRa

MAYA 50



- Tu vas faire quoi ? s'étonna Maya.


Voyant que sa cousine ne voulait pas lui en dire plus, elle la traita de menteuse dans leur langue maternelle.


- Ce n'est pas ce que tu crois, répondit celle ci.


- Ce que je crois c'est que tu allais te marier sans m'en avertir alors que je t'ai annoncé mon mariage avant de l'annoncer à ma propre mère !


- Tu n'as pas compris.


- J'ai des oreilles assez grandes pour t'écouter. Depuis quand Steve et toi complotiez vous dans mon dos ? Ce n'est pas toi qui ne tarissais presque plus d'injures et de malédictions à son égard ?


- L'amour a ses raisons que la raison ignore, dit-on. J'aime Steve et il m'aime toujours, lui aussi. D'ailleurs, juste après le mariage, il m'emmène avec lui à Paris. 


- Hein ?


- D'une part, dit Sonya, l'une des raisons pour lesquelles je ne t'ai rien dit est que je ne pouvais pas t'annoncer une nouvelle pareille alors que traverses une période difficile.


- Tu veux dire que...


- Oui, il me l'a demandé il y'a à peine quatre jours. Et le mariage aura lieu après demain.


- Quoi, pourquoi si vite ? Vous pensez pouvoir tout organiser en quarante-huit heures ?


- Je sais que ça a l'air dingue.


- Oh si ! Tu n'imagines pas... Mais bon, je ne peux que me réjouir d'avance pour toi, si tout ça te rend heureuse. Si vous vous aimez autant que tu le dis.


- Hummm.


Maya haussa les sourcils. 


- Tu te souviens qu'on a eu à peu près la même discussion il y'a des mois ? Avant que tu n'épouses Malik.


- Oui, mais ça n'a rien à voir, rassure toi.


Le bruit d'une voiture l'interrompit et elle redressa la tête.


- Il ne devait pas rentrer un peu plus tard ? demanda Sonya, visiblement mal à l'aise.


 - Je ne crois pas que ce soit lui. Il est au travail.


Puis elle lui adressa un regard réprobateur.


- Tu ne devrais pas prendre mes problèmes de foyer trop à cœur. Tu ne le connais pas vraiment, après tout.


- N'empêche que je me suis trompée sur lui. Et toi aussi.


Malgré elle, Maya fronça les sourcils.


- Quoiqu'il se passe en ce moment, c'est entre lui et moi. Quand tu seras liée à Steve pour le meilleur et pour le pire, tu comprendras mieux je l'espère.


Elle se leva pour aller ouvrir la porte d'entrée, juste à temps pour voir entrer sa mère.


- Maman ? Bonne arrivée, lui souhaita t-elle.


- Bonjour Maya, répondit cette dernière.


Elle darda sur sa fille un regard scrutateur, avant de remarquer Sonya, qui la salua à son tour. 


- Viens donc t'asseoir, maman, proposa Maya, sur le point de lui prendre son sac. 


- Non merci.


Les deux jeunes femmes se dévisagèrent.


- Où est Malik ?


- Il est sorti. Je peux l'appeler si...


- Tu lui diras de passer me voir. En attendant expliquez moi toutes les deux ce qui s'est passé pour que toi Maya tu te retrouves à l'hôpital et en sorte sans que je ne sois mise au courant. C'est quoi toute cette histoire ?


Si elle avait redouté ce moment, Maya n'en laissa rien paraître.


- J'ai eu un accident, dit-elle.


- Comment ça un accident ?


- Ma tante, asseyez-vous d'abord, s'il vous plaît, intervint Sonya, qui elle aussi s'était mise debout, à l'arrivée de Firda.


- Qu'est-ce qui ne va pas dans vos têtes ? Savez-vous toutes les deux ce qu'implique la perte du premier né d'une famille ? Maya je ne pensais pas t'avoir éduquée comme ça.


- Je suis désolée, maman. J'aurais dû faire appel à toi, mais j'allais le faire aujourd'hui même. Et j'étais certaine que papa le ferait avant moi, ne sois pas fâchée.


Au lieu de décolérer comme s'y attendait sa fille, Firda se contenta de dire :


- À son retour, parle à ton mari et passez à la maison, dès que possible. Aurevoir.


Sans rien ajouter, elle s'en fut.


- Je ne l'ai jamais vu réagir comme ça, commenta Sonya. Quoi, tu crois qu'il faut faire des cérémonies après...


- Plus superstitieuse que maman, tu meurs. Et s'il y'a quelqu'un qui m'a appris que les problèmes d'un foyer demeurent dans ce foyer et n'en sortent pas, c'est bien elle. Avec papa, je les trouve trop bizarres ces temps ci.


- Peut-être qu'ils traversent une mauvaise période, ça arrive à tout le monde. 


Elle prit son sac.


- Je te laisse, je dois passer chez le tailleur, puis aller chez le bijoutier avec Steve.


- À t'entendre, les préparatifs ont commencé le jour même de la demande.


Sonya fit la grimace.


- C'est un peu ça. Il ne s'agit pas d'un mariage arrangé, donc tout s'est vite fait.


- Ok. Bien de choses à vous. Je passerai à la maison t'aider une fois Malik rentré.


- Non je t'interdis de te tracasser pour moi. Tu devrais être au lit en ce moment.


- Comment comptes-tu faire pour la nourriture et tout le reste ?


- Les tantes de Steve ont décidé de tout prendre en charge. Il n'y a aucun souci de ce côté. 


- Dis donc.


- Si tu te sens mieux demain tu pourrais venir à la maison m'aider avec le peu de cartes qu'il reste à partager et la robe.


- Et le maquillage, ajouta Maya d'un air solennel.


- Merci de me rappeler que je suis incapable de tracer le moindre sourcil. Bon ciao, passe une agréable journée.


- Toi aussi. Toutes mes félicitations au futur beau-frère.


***


- Monsieur Sylla ?


Une légère pression sur son épaule fit lever la tête à Malik. Il s'était assoupi sans le savoir, quelques minutes plus tôt.


- Monsieur Sylla, vous vous sentez bien ? demanda la voix de sa secrétaire, tandis qu'il se redressait. 


Il regarda autour de lui.


- Vous avez l'air fatigué. Vous avez eu une nuit agitée ?


Lorsque son regard croisa le sien, la jeune femme comprit l'indiscrétion dont elle faisait preuve et se ressaisit. 


- Non, ça va, merci, dit-il enfin. Veuillez refermer derrière vous.


Nullement rassurée par le ton de son employeur, elle demeura sur place.


- Dois-je annuler les rendez-vous de ce matin ?


- Avez-vous des problèmes d'ouïe ? 


Voyant qu'il avait retrouvé sa froideur habituelle, elle hocha la tête.


- Entendu, monsieur. Excusez moi.


- Faites venir le DRH.


- D'accord monsieur.


Une fois la porte refermée derrière elle, Malik se débarrassa de la veste qui commençait à lui donner chaud et alluma son ordinateur. 


Il entreprit de consulter ses mails et tandis que ceux ci chargeaient les uns après les autres, il s'empara de son téléphone et composa le numéro de sa femme. Elle ne mit pas beaucoup de temps à décrocher.


- Allô.


- Tu es libre pour déjeuner avec moi ce midi ?


Aucune réponse ne lui parvint dans l'immédiat et il sut qu'elle allait refuser. D'ailleurs il ne savait pas ce qui venait de le pousser à lui demander si elle avait envie de déjeuner avec lui ; elle avait pourtant été claire concernant le fait que plus rien n'était possible entre eux.



***


Le téléphone vissé à l'oreille, Maya se demandait si c'était ce à quoi allait dorénavant ressembler la relation qu'elle comptait entretenir avec son mari... jusqu'à ce qu'il daigne lui accorder le divorce. Allait-il continuer à faire comme si le problème était résolu ou qu'il ne s'était rien passé ? Pensait-il pouvoir racheter sa confiance en l'invitant dans divers restaurants ou en lui offrant des cadeaux coûteux ? Agacée, elle secoua la tête.


- Je ne peux pas.


- Pourquoi ça ? demanda t-il.


- Pourquoi vraiment ? Tu fais semblant ou quoi ?


- Tu as dit que tu continueras à faire la cuisine et je t'invite à déjeuner. Où est la différence ?


- La différence réside dans le fait que les choses sont censées avoir changé...


- Pas pour moi, s'impatienta t-il. Je t'aime et je sais que c'est réciproque. Le seul problème c'est ton père ; tout ça commence par me donner la migraine.


Un long silence s'en suivit, durant lequel aucun des deux n'eût l'air de vouloir raccrocher.


- Tu me fais me comporter tel un gamin, Maya, soupira t-il, au bout de deux minutes. Mais peut être que finalement être amoureux c'est cela.


- ...


- Je t'attendrai chez Mam Sey. À midi.


Il raccrocha avant qu'elle n'eût pu placer un mot. 


Mam Sey ? Dire qu'elle avait cru qu'il voulait l'impressioner en l'invitant dans un lieu chic. Elle le rappela, malgré elle.


- Pourquoi là bas ? demanda t-elle aussitôt.


- Peut-être parce que je ne veux pas que tu ailles penser que j'ai l'intention de sortir le grand jeu pour que tu me retombes dans les bras ?


- Ça n'arrivera pas.


- Hum.


- Je te remercie d'avoir voulu me faire plaisir, mais non.


- Bon... D'accord. J'espère que tu passes une agréable journée ?


- Oui. Merci.


- Ok.


S'attendant à ce qu'il insiste encore, elle fut surprise de l'entendre raccrocher. Mais elle fut encore plus surprise que constater qu'elle était déçue du fait qu'il n'ait pas sorti son numéro de macho en lui faisant peut être du chantage affectif, comme avant. 


Avant ? Les sentiments qu'elle continuait malgré elle à éprouver pour cet homme avaient-ils complètement obscurci toute aptitude à réfléchir convenablement, chez elle ? Elle poussa un gros soupir et s'assit. 


Non seulement elle s'était leurrée en croyant pouvoir supporter cette situation, mais en plus la manière dont s'était comportée sa mère tout à l'heure, la laissait perplexe. Son père et elle traversaient-ils eux aussi une mauvaise passe comme l'avait présumé Sonya ?


En tout cas, il se passait quelque chose et cette impression avait commencé à grandir en elle depuis que sa mère avait déserté la maison familiale, pour une raison qu'elle ignorait toujours.


Son téléphone se mit à nouveau à sonner et elle faillit ne pas y répondre, avant de s'en emparer avec humeur. Qu'est-ce qu'il lui voulait encore cette fois ? Elle décrocha avant de s'apercevoir que le numéro lui était inconnu.


- Allô.


- Maya ? 


- Oui... Qui est-ce ? s'enquit-elle. 


- C'est Umar.


Umar ? Puis elle se souvint n'avoir jamais eu son numéro de téléphone. Mais pourquoi lui téléphonait-il ? Après qu'elle ait surpris une conversation entre Malik et lui, elle ne l'avait plus revu.


- Bonjour Umar, se contenta-t-elle de dire cependant.


- Tu vas mieux j'espère ? voulut-il savoir. Comment te sens-tu ?


- Ça peut aller, merci de t'en inquiéter.


- C'est la moindre des choses.


- Et toi comment vas-tu ?


- Je vais bien alhamdulilah.


- Bien. 


- Tu dois être surprise par mon appel.


- C'est le cas. Y a t-il un problème ?


Il marqua une pause avant de demander :


- Avec Malik, ça va ?


- C'est lui qui t'envoie ?


- Non. Il n'est pas aussi intelligent que ça. 


Cette petite remarque eut le don de faire momentanément sourire la jeune femme. Malgré elle.


- Je t'écoute.


- Tu sais Maya... Même s'il n'en laisse rien paraître, il est lui aussi très affecté par ce qui s'est passé.


- Donc c'est vraiment lui qui t'envoie.


- Personne ne m'envoie vers toi. Puis si ça peut te rassurer, la dernière fois que j'ai vu ton mari, nous ne nous sommes pas séparés en de bons termes.


Pourtant je vous ai entendu comploter contre mon père, faillit-elle répondre.


- Il est tellement borné et Dieu sait comment tu arrives à le supporter.


Elle ne dit rien.


- Écoute, tu es comme une sœur pour moi et ça m'embête beaucoup de devoir te le dire après tout ce que tu as entendu, mais c'est le moment ou jamais de sauvegarder ce qu'il y a entre vous. Je n'aurais certainement jamais cru dire une chose pareille, mais il est vraiment épris de toi. 


C'est ça oui, ironisa t-elle, intérieurement.


- Il tient tellement à toi qu'il n'a pas hésité à choisir entre ta vie et celle de sa fille.


Elle faillit s'étrangler de surprise.


- Que... Quoi ?


- Ça n'a pas dû être facile, à voir l'état dans lequel il se trouvait à ce moment. Et si j'ignore tous de vos projets, je sais par contre qu'il tenait énormément à la paternité ; il ne parlait que de ça et du fait qu'il voulait que tu saches la vérité au sujet de lui et de ton père, mais malheureusement les choses se sont mal passées après que tu aies surpris une partie de notre conversation.


Ignorant les battements de son cœur, Maya demanda :


- Pourquoi dis-tu qu'il a du choisir entre moi et...


- Il ne te l'a pas dit ?


- Non.


- Peut-être ne lui as-tu pas laissé l'opportunité d'en parler ?


Elle déglutit.


- Ce que j'ai entendu change tout, Umar. J'avais confiance en lui.


- Il a dû s'en rendre compte à un moment. C'est ce qui l'a fait réfléchir.


- Et... maintenant ?


- Je ne crois pas que vous devriez laisser le passé déterminer votre futur. Tout le monde a droit à une seconde chance.


- Je sais. Mais apparemment ce n'est pas le cas pour ton ami, puisqu'il est décidé à provoquer mon père.


- Et je l'ai souvent encouragé, comme quoi l'erreur est humaine. Écoute, si tu doutes pouvoir continuer à être heureuse auprès de lui, ce serait mesquin de te demander de rester. Je ne doute pas qu'il te fera énormément souffrir par moment, c'est loin d'être le prototype de la perfection, mais sois sûre qu'il ferait également n'importe quoi pour te rendre heureuse. Il t'aime pour de vrai, Maya. Pose toi et penses-y.

Sensuelle Ennemie