Chapitre 51
Ecrit par Jennie390
⚜️Chapitre 51⚜️
Hortense Ratanga
—Écoute, bébé, je vais...
—Hortense, ton histoire de bébé là, tu me déposes ça à côté. Et explique-moi tout ce que ceci signifie. Je t'écoute !
Je soupire en me passant une main dans les cheveux. Moi aussi, c'est dans le tiroir que je suis venue déposer ça ! Tchuip! Je n'ai pas l'habitude de mentir à mon mari, donc là, je suis obligée de tout dire. Ça passe ou ça casse !
—Tu peux au moins t'asseoir, non ? je demande en m'asseyant sur le lit. Je vais tout t'expliquer, mais je peux déjà t'assurer que ce n'est pas ce que tu penses. Mais vraiment pas !
Il ne me répond pas. Il reste debout, s'adosse au mur en croisant les bras et les jambes. Le regard qu'il me coule est bien sec.
—Bon, pour commencer depuis le début, sache que je n'ai jamais apprécié Émile. Depuis la toute première fois où on est allé chez lui pour dîner, quelque chose m'a dérangé dans sa façon d'être. Pareil pour son couple, je l'ai trouvé trop lisse. Et généralement, quand quelque chose est trop lisse et parfait, ça signifie qu'il y a anguille sous roche. Quand Landry est arrivé, lui aussi m'a fait savoir que quelque chose sur Émile et son couple ne lui plaisait pas, que le gars avait l'air trop fake.
Mon téléphone se met à sonner, c'est une collègue.
—Ce n'est même pas la peine de décrocher, continue ton récit.
C'est la froideur du Pôle Nord qui me foudroie seulement, mama! Je renvoie l'appel.
—Je t'ai raconté ce qu'il s'était passé lors du dîner chez Diane. Je t'avais raconté les évènements de manière survolée parce que je ne voulais pas que tu te rendes compte que j'avais un avis tranché sur la situation.
—Donc, selon toi, tout ce que Yolande a dit ce soir-là est vrai ?
—Totalement ! je réplique sans ciller. Je crois qu'elle a dit la vérité sur toute la ligne. Je t'assure qu'il fallait être présent pour se rendre compte du côté suspicieux de la situation.
Je lui raconte encore en détail cette soirée, du dîner jusqu'à l'hôpital. Je lui fais part de mes impressions et des sentiments que j'ai ressentis ce soir-là.
—Tu me connais bien, Richard. Tu sais que j'ai très souvent été une bonne lectrice de la nature humaine. Mon intuition aussi s'est à plusieurs reprises avérée vraie et tu le sais.
Dès que je prononce ma dernière phrase, je vois Richard qui se détend petit à petit. Il se passe une main sur le visage et tire une chaise sur laquelle il s'assoit.
—Mais pourquoi ne m'avoir jamais dit que tu ne l'appréciais pas ? Je n'allais jamais t'imposer sa présence.
—Je savais que toi tu l'appréciais, dis-je. Voilà pourquoi je n'ai rien dit. Tu as horreur des accusations gratuites et du kongossa. Je ne t'ai pas fait part de mes impressions parce que je n'avais aucune preuve tangible pour appuyer mes dires.
—Oui, mais tu aurais dû me parler parce que j'ai toujours fait confiance à ton jugement, Hortense. Mais maintenant, c'est quoi ce dossier ? Tu enquêtes sur Émile ?
—Oui, mais ce n'est pas aussi simple, je rétorque en me levant. Tu devrais écouter Landry aussi.
—Vous êtes vraiment une famille terrible.
Il bouscule la tête et nous sortons de la chambre. Nous trouvons Landry en train de manipuler son téléphone au salon. J'envoie rapidement un texto à la sœur de Richard pour qu'elle récupère les petites au cours de tennis pour les déposer ici. Nous prenons place sur les fauteuils.
—Euh... Il y a un souci ? Pourquoi vous me regardez comme ça ?
—Richard sait tout, je réponds calmement.
—Tout ? Tout sur quoi ?
—L'affaire Émile Biyoghe, tout quoi !
—Oh! fait-il surpris. Euh, d'accord. Je suppose que tu n'es pas très content.
—Je ne suis pas fâché, réplique Richard. Enfin, je ne le suis plus vraiment. Mais j'aimerais comprendre quel genre d'homme j'ai fréquenté pendant tout ce temps. C'est quelqu'un avec qui j'ai partagé des repas, j'ai pris des verres, j'ai joué au golf, au poker.
—Bah, c'est un psy*chopathe et un assa*ssin, répond Landry de but en blanc. Il est bien loin de l'image toute crémeuse qu'il présente aux gens.
—Pour l'accusation de Yolande par rapport à sa tante, le soir du dîner, est-ce qu'il y a des preuves pour ça ? Je veux bien me fier à votre jugement, mais une accusation de meu*rtre doit se baser sur des faits palpables pour pouvoir aboutir.
Landry lui reparle des circonstances de la mo*rt de Bertille Makaya et des raisons de son premier licenciement. Il lui raconte en détail la tentative d'empoi*sonnement sur lui et plus récemment l'arrestation de Marleyne. Je remonte dans ma chambre et je reviens avec l'enregistrement du docteur que nous faisons écouter à Richard.
—C'est un truc de fou tout ça dit-il, visiblement effaré par toutes ces révélations. Et c'est surtout très dangereux. Vous avez mis vos vies en danger en flirtant avec le risque de cette façon.
—Bébé Landry, c'est mon seul frère et tu sais que je ferai tout pour le protéger. Ces gens ont essayé de le tu*er, je ne pouvais pas rester les bras croisés.
—Je sais, dit-il en se passant une main sur le visage. Maintenant, en ce qui concerne les enquêtes sur lui, c'est pour dénicher les squelettes de son passé ?
Je me lève et je me rends dans la cuisine. Je reviens avec des boissons fraîches. Je donne à chacun une cannette et je m'assois à nouveau.
—Pendant que tu as fait un tour à la cuisine, Landry m'a dit que vous enquêtez pour effectivement trouver des choses compromettantes sur Émile, mais aussi parce que vous avez un gros souci dans les bras. Qu'est-ce que c'est ?
Landry et moi, on se jette un regard rapide.
—En fait, c'est nous qui avons kidnappé Mélissa Otando.
Richard recrache son jus, choqué.
—Pardon ? Tu peux répéter ?
—J'ai dit que c'est nous qui avons la sœur de Yolande. Nous la gardons dans une maison hors de la ville.
On lui explique encore tout en détail. Les penchants sex*uels d'Émile, ce qu'il avait l'intention de faire à la petite. On lui dit tout en détail sans rien omettre. Désormais, il est debout, il fait les cent pas dans le salon.
—On est carrément dans un film hollywoodien, dit-il avec une grimace. Kid*napping, ass*assinat, psy*chopathe, détective privé, mise sur écoute... On est au cinéma ! Mais que tu veuilles protéger ton frère, d'accord à 2000%. Mais pourquoi ajouter plus de problèmes en enlevant cette petite ? Ça, ce n'est pas votre problème. Vous imaginez s'il découvre que vous l'avez ? Vous êtes tous les deux mo*rts, moi et nos enfants aussi, par ricochet.
—Je sais, mais...
—Tu es sûre que tu sais ? J'ai l'impression que tu es un peu inconsciente et que tu n'as pas le sens des réalités.
Je ne m'attendais pas à ce qu'il saute au plafond en apprenant ce qu'on a fait. Mais de là à nous traiter d'inconscients, je ne suis pas d'accord. Si j'ai pris une décision, cela signifie que je l'ai laissé mûrir dans ma tête avant d'agir. Je suis une femme sensée et il le sait.
—Je ne suis pas une inconsciente, Richard, répliqué- je, en haussant le ton. Je suis une sœur et une mère. Il faut que tu vois cette petite pour que tu comprennes de quoi je parle. J'ai des filles moi aussi. Je n'aurais pas aimé qu'elles se retrouvent dans la situation de Mélissa. Elle a de petits problèmes psychologiques, elle a donc besoin d'assistance et d'amour. Le seul parent qui lui reste est enfermé dans une maison et elle ne peut plus la voir. La pauvre ne cesse de pleurer, elle est désorientée. Toi qui es papa, tu imagines un instant tes filles entre les mains d'un psychopathe aux idées lubriques qui va vouloir leur faire un tas de choses dégueulasses ? Bah, moi non, ça ne s'assoit pas bien dans mon cerveau ! Je vais aller jusqu'au bout. Ce petit sorcier va avoir son compte! Et sache que...
Landry pose la main sur la mienne, je le regarde. C'est à ce moment que je me rends compte que je parlais très fort, je grondais même. Je reporte mon attention sur Richard qui m'observe simplement.
—Écoutez, on va se calmer, déclare Landry. Se disputer ne va mener nulle part. Chauffer ton sang ne va pas arranger les choses, Horty. Et Richard, Hortense, a dit quelque chose de très important : il faut que tu vois cette petite pour comprendre. On n'est pas fous ou inconscients.
—Je suis désolée, bébé, dis-je calmement. Je ne voulais pas te crier dessus.
—Je te présente mes excuses également, rétorque-t-il. Maintenant que les choses sont faites. Aucun retour en arrière n'est possible. Il faut donc continuer et prier pour que tout ceci ne se termine pas dans un bain de sang.
—Tu as lu le dossier ?
—Non, je ne l'ai pas vraiment lu, répond Richard.
—Basiquement, le détective a retrouvé des histoires d'Emile avec des folles là-bas au Mexique. Plein d'histoires compromettantes, preuves à l'appui. Les cas ont été étouffés, des autorités soudoyées, mais le détective a pu tout trouver.
Quand j'ai lu le dossier, j'étais complètement sonnée. Émile Biyoghe se balade ici comme un gars au miel, pourtant, c'est vraiment un gros criminel en liberté. Il a commencé ses exactions au Mexique pendant qu'il était étudiant. Il y a même une histoire de meu*rtre sur un étudiant dans laquelle Émile serait impliqué. Le problème qui se pose, c'est que les autorités gabonaises ne pourront jamais poursuivre ce délinquant pour des cri*mes commis à l'étranger.
—Il faut vraiment trouver une solution rapide pour le mettre hors d'état de nuire, dit Landry. Le détective va maintenant revenir ici pour enquêter et trouver des trucs.
—Je pense que ce serait bien de passer par cette Marleyne Ovono dit Richard.
Landry et moi, on se regarde, confus.
—Passer par Marleyne pour quoi faire?
— Vu le personnage décrit ici. Il a l'habitude de tout faire pour que son nom ne soit pas associé aux histoires sordides. Donc, je l'imagine bien en train de vouloir renier ce médecin, faire comme s'il ne la connaissait pas. Il peut même chercher à se débarrasser d'elle. Vu que c'est lui le commanditaire de l'ass*assinat de la tante de Yolande.
— Eh donc, tu veux qu'on aide Marleyne? demande Landry avec une grimace. La mettre de notre côté ?
—Non pas vraiment de notre côté, réplique Richard. Mais plutôt l'utiliser pour atteindre Émile. Si on arrive à lui faire croire qu'on va l'aider et qu'Emile Biyoghe lui a clairement tourné le dos, elle pourra nous aider. Ne jamais négliger quelqu'un qui n'a plus rien à perdre.
—C'est vrai que ça peut être une bonne idée, dis-je. Mais que peut-on mettre dans la balance pour qu'elle accepte de trahir Émile ?
— Premièrement, il faut d'abord attendre un moment pour voir si Émile va réagir par rapport à sa situation, réplique Landry. S'il ne fait rien là, on pourra essayer de la pousser à le trahir.
—Deuxièmement, j'ai peut-être la personne parfaite pour nous aider avec ce docteur, dit Richard. Vincent Mebiame.
Landry et moi, on se regarde encore.
—Euh... tu parles de Landry Mebiame, le meilleur ami d'Émile depuis des années ? C'est une blague, j'espère !
—Bah non ! Figurez-vous que j'ai déjeuné avec lui aujourd'hui.
Il nous raconte donc tous les derniers événements entre Émile, Diane et Richard.
—Je vous assure que la haine que j'ai vue dans ses yeux ne ment pas. Il m'a même clairement fait comprendre qu'Émile va lui payer ça cher. Donc, il peut aider dans cette histoire, sachant qu'il est avocat.
—Lui, il peut être un parfait appât pour Marleyne Ovono, je rétorque pensive. On peut lui faire croire qu'il va la défendre si elle parle. Et vu que c'est un avocat, il ment très bien. Il saura comment prendre la tête de Marleyne.
—Je suis d'accord pour qu'on mette Vincent dans la confidence, mais seulement si on est sûr qu'il sera de notre côté, intervient Landry. Il le déteste maintenant, mais c'est quand même son ami depuis environ dix ans. Ça, c'est un gros risque. Est-ce qu'on est sûr à 100 % de prendre ce risque?
—C'est un homme blessé, déçu, dit Richard. Je l'ai écouté parler aujourd'hui et je sais qu'il n'y a plus aucun moyen que leur amitié s'arrange. Et sachez même que lui aussi a des doutes par rapport au couple des Biyoghe, basés sur les révélations du dîner.
Landry et moi, on se regarde.
—Bon, faisons-le ! fait Landry en haussant les épaules. Au point où on en est!
—Ok! On se lance ! ajouté-je. Invite le dîner ce soir. Il faut qu'on avance dans cette histoire.
—D'accord.
—Bon, j'ai un appel téléphonique avec le comptable qui travaille sur le lancement de ma clinique, dit Landry. On se voit plus tard au dîner.
Nous hochons la tête et Landry va s'enfermer dans sa chambre.
—Bon, les enfants ne devraient plus tarder, je vais préparer le dîner.
—Tu veux que je t'aide ?
—Non merci, va te reposer, je vais me débrouiller.
—Tu es fâchée ?
—Non du tout ! Je me demande juste comment tu as pu penser que je te suis infidèle. Tu me prends pour qui même ?
—En fait, tout s'est mélangé dans ma tête. Je sortais de ce déjeuner avec Vincent où il me parlait de sa femme qui l'a trompé avec Émile. Et quand je reviens à la maison, je trouve tout un dossier avec des photos de cet homme. J'ai vu rouge. Je te demande pardon.
—Et d'ailleurs, pourquoi tu fouilles dans mes affaires ? Tu n'aimes pas qu'on fouille les tiennes ? Ou alors tu es rentrée pour vérifier si je n'avais rien à cacher ? Vu que tu as écouté l'histoire d'une femme infidèle avant de rentrer à la maison.
—Non je cherchais les actes de naissance des filles pour renouveler leurs passeports. C'est toi qui les garde, donc je suis rentré plus tôt pour les récupérer et les déposer au bureau de mon contact qui va renouveler les dossiers. Je suis désolé.
—Hmmm! Bon, ça va! Mais pardon, ne me compare plus jamais à Diane. J'ai plus de classe que ça.
—Ca n'arrivera plus. Promis !
—Tres bien ! Je vais cuisiner. Appelle Vincent et après ça, va chercher du vin, s'il te plaît.
On s'embrasse dans le salon avant que chacun ne vaque à ses occupations.
⚜️ Vincent Mebiame ⚜️
Quatre jours plus tard
"Les apparences sont trompeuses" , le gars qui a dit ça, est un génie né. Cette phrase ne peut pas être plus vraie. Quatre jours plus tôt, Richard m'a invité à dîner chez lui. Il disait vouloir me parler d'une affaire d'une haute importance. Je n'étais pas très motivé, mais dès qu'il m'a dit que ça concernait Émile, il a piqué mon intérêt.
Sur place, je me suis retrouvé autour du dîner avec mon hôte, sa femme et son beau-frère. Je n'ai même pas pu manger correctement. Après deux bouchées de salade, j'ai perdu l'appétit. Quand ils ont ouvert la conversation sur Émile Biyoghe, la nourriture avait désormais un goût de cendre dans ma bouche. Je ne faisais que boire du vin tellement j'étais dépassé. J'ai vidé à moi tout seul, trois bouteilles de vin rouge.
Je n'ai même pas un peu saoulé. Comment l'alcool allait m'attraper quand on m'informait que la personne que j'ai fréquentée depuis dix ans n'est rien d'autre qu'un psychopathe de la pire espèce, un bandit de grand chemin ?Quelqu'un avec qui j'ai partagé tellement de choses, il était témoin de mon mariage, j'étais témoin au sien. On est allé en vacances ensemble. C'est le parrain de mon fils, etc.
Je me suis senti comme dernier idiot de la planète et c'est toujours le cas. Comment je n'ai pas pu me rendre compte du genre de personne que je fréquentais ? Suis-je donc une si petite nature au point d'avoir été berné pendant autant de temps ?
Ils m'ont demandé de les aider dans cette histoire. J'ai accepté sans hésiter. Ce dimanche, nous sommes en route pour cette maison dans laquelle est gardée la petite Otando. Hortense et son frère ont tenu à ce que Richard et moi la voyions pour qu'on comprenne bien la lourdeur de la situation et pour qu'on prenne cette histoire au sérieux.
On a garé dans la cour. La petite était assise aux escaliers avec une poupée. Dès qu'elle nous a aperçus, elle s'est approchée de nous pour faire un câlin à Hortense et Landry. Elle nous a ensuite salués timidement.
—Yoyo n'est pas venue ?
Elle a demandé ça avec des yeux pleins de tristesse qui m'ont rappelé, sur le champ, les yeux de sa sœur. Cette sœur que j'ai plusieurs fois vue et j'ai toujours pensé que ce que je voyais, c'était l'attitude d'une femme timide et réservée. Pourtant, je réalise aujourd'hui que c'était la peur, l'incertitude, la tristesse que je lisais dans les yeux de Yolande. Je me sens tellement coupable de ne pas avoir compris ça plus tôt...