Chapitre 54

Ecrit par Jennie390

⚜️Chapitre 54⚜️


Émile Biyoghe


J'ai épousé Yolande dans un but bien précis, là elle commence à être un véritable boulet pour moi. Son cas devient de plus en plus complexe depuis bientôt un mois et demi. Je l'ai mise sous anxiolytiques et antidépresseurs. Mais son état n'a pas l'air de s'arranger, au contraire. Avant, je me limitais à lui donner un repas par jour pour la punir. Mais vu que le médecin insiste sur le fait qu'elle doit bien se nourrir à cause des médicaments très forts qu'elle prend, je lui apporte un petit déjeuner le matin avec ses comprimés. Le soir, en rentrant, je lui apporte le dîner avec ses médicaments. Elle ne termine pas ses repas. Je trouve toujours les assiettes à moitié pleines. Très tôt ce matin, en marchant dans les couloirs, j'ai cru l'entendre parler.


—Oui, je sais que je vais te manquer, mon bébé. Mais c'est pour ton bien. Ça s'appelle Oasis, c'est un endroit où ils vont bien s'occuper de toi, ma chérie.


...


—Non, ne dis pas ça, je ne vais pas t'abandonner là-bas. Je viendrai te voir tous les week-ends. Après, on ira sucer de grosses glaces.


Je rentre dans la chambre et je la trouve recroquevillée sur elle-même.


—Meli, ne pleure pas, s'il te plaît, dit-elle en reniflant. Tu ne seras pas seule. Si tu as peur de faire dodo la nuit, tata Odile va m'appeler d'accord ?


Elle me fait quoi celle-là ?


—Je peux savoir à qui tu parles, Yolande ?


Elle rit tout doucement.


—Non, ce n'est pas Odiii, mais O-di-le. Oui, elle est gentille.


—Yolande ?


—Si tu es sage, je vais t'apporter la robe de Cendrillon.


—Yolande ? Dis-je en haussant le ton. Tu parles à qui ?


—Oui et...


—YOLANDE!! JE TE PARLE, MERDE !


Elle s'assoit en sursautant et me regarde avec des yeux... vides et apeurés. Elle s'adosse contre la tête du lit, les jambes repliées vers sa poitrine. Elle se balance d'avant en arrière en chuchotant. Elle a l'air tellement pâle. Je l'observe un moment avant de ressortir et de fermer la porte à clé. Une heure plus tard, je m'apprête à sortir de la maison pour aller au boulot. Puis j'entends des chuchotements venant de l'étage. Je fais demi-tour et je monte doucement les marches. Je perçois encore la voix de Yolande. Voilà comment la folie va l'attraper comme ça sans prévenir. Tchuip!


Je termine à peine la réunion avec mon client. Ça fait plus de huit mois que je travaille sur la maquette de son immeuble style futuriste. Je me suis plongée à fond dessus pendant des mois. Le résultat est époustouflant. Le client a les yeux qui brillent comme des guirlandes de Noël. Il m'a signé un énorme chèque avec plusieurs zéros en y ajoutant un bonus extrêmement généreux.


Voici le genre de bonnes nouvelles qui me font du bien surtout avec les conneries de ces derniers temps. Mélissa qui n'est toujours pas retrouvée. Celle-ci, je ne sais pas si on va encore la retrouver un jour. Mais mon instinct me dit que je vais la revoir, je ne sais pas pourquoi. Je sors de la salle de réunion et en arrivant dans le hall, je vois madame Mebiame.

Elle me veut quoi ? Bon Dieu!


—Que fais-tu ici ?


—Bonjour ! C'est la leçon de base dans le manuel de bonnes manières.


Elang!


—Qu'est-ce que j'en ai à foutre ?


—Il fut un temps où tu te comportais en parfait gentleman, poli et...


—Diane, tu vois ce rectangle-là ? je replique en lui montrant la porte. C'est la sortie. Je veux que tu te lèves et que tu fiches le camp d'ici. Ne me cherche pas aujourd'hui.


—Je suis venue te parler d'une affaire de la plus haute importance. Tu ne vas pas regretter de m'écouter.


—Rien de ce que tu as à me dire, ne peut m'intéresser. Donc préserve ta salive et disparaît !


—Ça concerne Vincent.


—Raison de plus ! Vos histoires ne m'intéressent pas le moins du monde.


Je ne lui laisse plus le temps d'ajouter quoi que ce soit, j'entre dans mon bureau en fermant la porte. Je prends place sur mon fauteuil et j'ouvre mon ordinateur lorsque la porte s'ouvre à la volée. Elle doit avoir un sérieux problème cette femme. Elle a quoi à me coller comme un chewing-gum de la sorte ?


—Tu écoutes ce que j'ai à dire. Si ça ne t'intéresse pas, tu pourras me chasser.


C'est à coup de pieds que je vais te foutre dehors !


—Monsieur, je suis désolée, déclare la secrétaire. Elle a forcé le passage.


Voici l'autre bras cassé qui ne me sert à rien ! Je suis vraiment entouré d'incapables. Bientôt, je vais engager un bodybuildeur comme secrétaire, il pourra garder les indésirables loin de mon cabinet.


—C'est bon, dis-je en fixant Diane. Tu peux nous laisser.


La secrétaire s'en va en refermant derrière elle. Je m'adosse contre le dossier de mon fauteuil, les yeux fixés sur ce pot de colle. Je pianote sur la table avec les doigts, très impatient.


—Tu as cinq minutes !!


—Tu ne m'invites pas à m'asseoir ? Pourquoi tu es aussi...


Tu te crois où ? Tu ne voudrais pas que je te serve aussi un café et des petits biscuits salés ? Tchuip!


—Quatre minutes...


Elle roule des yeux comme un margouillat du désert. Quelle vilaine !


—Je sais que tu t'en fous, mais sache que Vincent m'a chassé de la maison depuis le...


—Effectivement, je m'en bats les couilles. Trois minutes...


—J'étais à son bureau en début d'après-midi et je l'ai entendu parler de toi.


—Je m'en fiche qu'il parle de moi.


—Il était au téléphone. "Oui, je t'assure que je suis confiant, mon cher, sur ce coup. Émile va morfler". "Oui, je suis sûr qu'on peut en tirer quelque chose de concret. Biyoghe n'a aucune chance de nous échapper".


—Ce sont, mots pour mots, les phrases qu'il a dites. Je ne sais pas à qui il parlait, mais sache que Vincent prépare un complot contre toi.


Ai-je bien entendu ? Que Mebiame fait quoi ?


—Assieds-toi...


Elle s'assoit en croisant les jambes comme si c'était tout un évènement.


—J'espère que tu n'as pas inventé cette affaire de complot, uniquement dans le but d'attirer mon attention Diane. Si c'est le cas, retire ce que tu as dit et sors d'ici tranquillement sans faire d'histoires.


—Comment tu peux croire que je pourrai inventer une chose pareille ?


—C'est totalement le genre d'imb*écilités que tu serais capable de dire sans ciller. Je n'en doute pas une seconde.


—Bon, je reconnais que j'en serai capable, avoue-t-elle avec un petit sourire niais. Mais là, pour le coup, je peux te jurer sur la tête de mon fils que je dis la stricte vérité.


—Et comment se fait-il que Vincent ait eu une telle conversation en ta présence ? je demande, ou alors, il s'en fichait que tu lentendes?


—Non pas exactement...


Elle me raconte comment elle s'est retrouvée à écouter par hasard une conversation téléphonique de son mari, en étant sous le bureau. Elle en profite évidemment pour me dire que depuis deux mois que Vincent l'a mise à la porte, elle vit dans un hôtel. Que Vincent lui interdit d'avoir un quelconque contact avec son fils. Elle profite également du micro que je lui donne pour jouer son intéressante, en me disant combien elle est choquée du comportement de son mari. Qu'il a décidé de jeter plus de dix ans d'amitié à la poubelle pour une histoire de malentendus. Je la laisse dire tout ce qu'elle veut pendant ce temps, mon cerveau est en mode turbo.


—Et donc pourquoi Vincent complote-t-il contre moi?


—Ah mais c'est évident non? dit-elle en haussant les épaules. Il croit qu'il a été cocufié. Il veut donc se venger.


Ah ouais !? Rien que ça ? Vincent se lève un matin pour m'attaquer , moi Émile Biyoghe, parce qu'il pense que je me suis farci sa femme ? Je prends ça comme une grosse insu*lte premièrement parce qu'il a non seulement osé s'assoir pour penser à me faire tomber, moi! Mais aussi parce qu'il pense que je pouvais me rabaisser à coucher sa femme. Et on parle de quelle femme même ? La chose là... Il n'a même pas eu honte de laisser une telle idée germer dans son esprit ? Il n'a pas bien regardé celle qui lui sert d'épouse?


Toi, un des brillants avocats de ce pays, millionnaire, bel homme, la seule femme que tu as trouvée dans tout le Gabon là, c'est cette vilaine fille qui ressemble à un MOUKOUKWÈ? Tchuip! Même moi, l'homme aux goûts particuliers que je suis, quand j'ai décidé de choisir une épouse pour les apparences, je me suis assuré de prendre un joli petit bijou que je serai fier d'afficher à mon bras. Une qui n'allait pas faire baisser tout le charisme du grand architecte que je suis. Quand Vincent compare son truc là à Yolande, est-ce qu'il y a discussion ?


Toutefois, si c'est vrai que Vincent a décidé de jouer au con en voulant m'attaquer, je ne vais pas rester les bras croisés à attendre la foudre de sa vengeance s'abattre sur moi. Il me faut anticiper et très vite.


—Bon, Diane, quand tu es venue me dire tout ça, c'était dans quel but ? 


—Tu sais très bien pourquoi, dit-elle en me faisant les yeux doux. Tu sais que tu occupes une place particulière dans mon cœur. Je ne pouvais pas laisser une telle injustice se produire sans rien faire. Et puis, je veux aussi...


N'importe quoi !


— Ne me parle pas de se*xe, s'il te plaît. Demande-moi un vrai truc.


—Mais j'ai envie de...


—Tu as toi-même dit que tes finances s'amenuisent depuis que tu es logée dans un hôtel. Tu n'as pas besoin d'argent ? C'est un orgasme qui va entretenir le style de vie élevé auquel tu as toujours été habituée ? Pense un peu avec ton cerveau, s'il te plaît.


—Bon, tu as quand même raison, hein, dit-elle pensive. Là actuellement, il ne me reste plus grand-chose. À part de quoi payer une nuitée à l'hôtel.


 La galère te guette, mais ton clitoris a tout de même le temps de palpiter ? Franchement ! Je pianote sur mon téléphone et je fais un dépôt sur son compte Airtel money. La notification retentit et elle regarde son téléphone. 


— Un million ? dit-elle, surprise. Je ne m'attendais pas à autant. 


Je suis d'humeur assez généreuse, ma chère. Profites-en pendant que tu es encore en vie pour le faire. Elle se lève et contourne le bureau.


—Merci beaucoup. C'est vraiment très gentil. 


—Par contre, tu peux avoir bien plus, si tu fais quelque chose pour moi.


—Tout ce que tu veux, réplique-t-elle en s'asseyant sur moi. Je suis toute ouïe.


Elle n'en rate pas une seule, celle-là.


—J'ai bien compris que Vincent prépare quelque chose contre moi, mais j'ai besoin de plus d'informations. Plus de précisions. De quoi s'agit-il exactement ? Avec qui parlait-il ? Si tu me donnes des réponses concrètes, le million que tu as reçu n'est rien devant ce que je vais te donner.


—Qui n'aime pas l'argent ? rétorque-t-elle en caressant mon visage. Je veux beaucoup d'argent, Émile, mais je serai un peu plus motivée si j'avais plus...


Voilà quelqu'un qui est prête à trahir son mari, le père de son fils et tout ça, sans scrupules. Je vais bien me servir d'elle pour atteindre Vincent. Il pense qu'il est fou ? Je vais lui montrer que je suis plus dingue que lui. Si elle m'apporte les preuves de ce complot, Vincent va me sentir passer. 


Diane pose ses lèvres sur les miennes et vu que je ne la repousse pas, elle parsème ma bouche de plusieurs petits bisous. Quand elle est sur le point de sortir sa langue, je recule.


—Oh, pas si vite, dis-je calmement. On ne va pas aller trop vite en besogne. Si tu veux plus, moi aussi j'ai besoin de plus de précisions sur les intentions de Vincent.


—Tu les auras. Mais je ne peux plus retourner espionner au cabinet. 


—Sers-toi de ton fils pour accéder à la maison. C'est dessus que tu pourras faire mouche. Vincent adore ce petit, utilise cet amour pour l'atteindre. Surtout qu'il est a une santé parfois fragile.


—Euh, d'accord. Je vais voir, pendant les prochains jours, ce que...


—Je n'ai pas autant de temps à donner. J'ai besoin de résultats rapides, donc il faut te surpasser. Tu veux ou tu ne veux pas ?


—Je veux Émile. 


Elle me dépose un autre bisou sur la bouche et elle contourne la table toute joyeuse. Elle récupère son sac à main.


—Je vais me mettre au boulot de suite.


—Je n'attends que ça.


Elle m'envoie un bisou à distance et sort du bureau. Je récupère un mouchoir sur la table et j'essuie ma bouche, la tête ailleurs. Je m'adosse contre mon fauteuil et je réfléchis. J'espère pour Vincent que Diane a inventé toute cette histoire juste pour se donner de l'importance et pour m'atteindre. Mais s'il est vraiment en train de vouloir se transformer en mon ennemi, ça va très mal se passer pour lui. Je suis quelqu'un d'extrêmement rancunier, je ne vais pas lui pardonner ça. J'attends de voir ce que Diane va ramener ici. Je serai sans pitié.


Diane Bibalou


Un homme intelligent a dit un jour : « La persévérance, c'est ce qui rend l'impossible possible, le possible probable et le probable réalisé. » Il m'a vraiment fallu de la persévérance pour atteindre ce que j'ai pu faire aujourd'hui. Après toutes mes tentatives de séduction, Émile a finalement cédé. Ce n'était que quelques petits bisous, mais au moins aujourd'hui, il ne m'a pas repoussé. Je ne suis pas dupe, je sais qu'il s'est laissé faire parce qu'il attend quelque chose de moi. Il a compris que s'il voulait m'avoir de son côté, il devrait faire ce que je veux. Il n'est pas attiré par moi, il le fait contrecœur.


Mais quand il va vraiment me goûter et quand j'aurai correctement tourné les reins sur sa que*ue, il va devenir fou. Il va littéralement me manger dans la main. J'en suis sûre et certaine parce que je sais parfaitement ce que je vais au lit. Quand il aura goûté, il regrettera toutes ces fois où il m'a repoussé. Au finish, j'aurais le beurre et l'argent du beurre. Vincent ne veut plus de moi et a l'intention de me laisser sans le sou, mais une autre porte est en train de s'ouvrir pour moi. Je vais donc m'atteler à tout faire pour que ça marche.


Je contacte une collègue à moi qui vend des caniches. J'en achète un qui est tout blanc et tout mignon. Je me souviens que mon fils voulait un chien pour son prochain anniversaire. Donc maman a décidé que ce sera l'anniversaire avant l'heure. Je file ensuite au dojo dans lequel il prend des cours de judo. Je l'aperçois en train de faire certaines prises, je dois avouer que ça me fait du bien de le voir. Il est tout mignon, mon fiston, le portrait craché de son père.


Ses yeux s'illuminent dès qu'il les pose sur moi. Un sourire radieux apparaît sur son visage. Il quitte le tatami et fonce sur moi en courant. Mais la nounou qui m'a également aperçue, l'intercepte avant qu'il ne m'atteigne.


Voilà une qui me cherche ! Elle m'a toujours tapé sur le système.


—Où est-ce que tu vas, Toby?, dit-elle en le retenant. Tu sais que ton papa a été clair sur le fait que tu ne dois pas t'approcher d'elle.


—Je veux maman !


—Non, tu ne peux pas !


Il se met très rapidement à pleurer. Ça fait deux mois qu'on ne s'est pas vu. Il veut forcément tomber dans mes bras.


—Maman !


Il se met à crier et il se débat avec la nounou.


—Je veux maman, crie-t-il en s'agitant dans tous les sens. Mylène laisse voir ma maman !


—Tu sais que ton papa a dit...


—Mais toi là, tu as quel problème ? intervient une maman indignée. Pourquoi tu refuses qu'il s'approche de sa mère ?


—Mais Madame son père a été catégorique, répond la nounou. Elle ne doit pas s'en approcher.


—Ah mouf! réplique la femme avec mépris. Son père connait la douleur de l'enfantement ? Est-ce qu'il sait ce qu'on ressent en poussant à la maternité ?


Merci là-bas , madame...


Je suis restée débout à distance à les observer sans rien dire. Mon fils est en larmes. La nounou finit par le lâcher à cause des regards venimeux des personnes présentes dans le dojo. Il court vers moi et je m'agenouille à sa hauteur pour le tenir dans mes bras. On se fait un énorme câlin, il pleure au creux de mon cou.


—Maman, tu m'as abandonné, gémit-il. Tu m'as laissé tout seul. Tu ne m'aimes plus ?


—Non, mon amour, dis-je en lui caressant la tête. Je suis partie parce que papa est fâché contre moi. Mais malgré la distance, je ne cesse de penser à toi.


—Maman , reviens à la maison.


—Oui, ça viendra.


On s'assoit sur un banc et on discute de tout et de rien. Je lui dis combien je l'aime et combien il me manque. Je le serre fort dans mes bras. Je sors avec lui pour récupérer le chien que j'ai acheté. Il est tout excité. Ses yeux brillent comme des feux d'artifice.

La nounou me fait savoir qu'elle doit rentrer avec le petit. Ce dernier se remet à pleurer de plus belle. Nous restons ainsi pendant près de deux heures jusqu'à la fermeture du dojo. Dès qu'on passe la porte de la sortie, Vincent gare son véhicule. Il descend et se dirige vers nous, visiblement pas content.


—Je pensais avoir été clair ! dit-il à l'endroit de la nounou qui tremble comme une feuille. Tu ne veux plus travailler, n'est-ce pas ?


—Monsieur, je suis vraiment désolée, se justifie-t-elle. Je n'ai rien pu faire. Le petit n'a pas voulu la lâcher.


—Vincent, tu peux être fâché autant que tu le souhaites, mais tu ne peux pas séparer un enfant de sa mère.


Il me fusille du regard. Il s'avance et tient la main du petit et veut l'entraîner vers la voiture. Toby se met à pleurer à plein poumon.


—Arrête de faire des caprices ! gronde-t-il. Maintenant, tu files dans la voiture. Je ne veux pas me répéter.


Il arrache le chien des bras du petit et le fourgue dans les miennes.


—Papa, je veux maman ! Je veux mon chien !


Toby crie désormais à s'en briser les cordes vocales. Il est très clair de peau, donc il devient aussi rouge qu'un piment. Ça me fait quand même mal de le voir pleurer de la sorte. Vu le scandale, tout le monde nous regarde. Les mamans sont très indignées.


—Monsieur Mebiame, comment vous pouvez avoir le cœur aussi dur devant la détresse d'un enfant ? demande une maman. Je ne sais pas quel est le souci qu'il y a entre vous, mais votre enfant n'a rien à y voir. Il ne devrait pas en souffrir.


—Merci de vous mêler de vos affaires.


Il soulève le petit qui se débat toujours. Il le fait monter à l'arrière et ferme la portière. Il revient vers nous.


—Va retrouver le petit, dit-il à la nounou.


—Oui monsieur ! glousse-t-elle en partant au pas de course.


Il se tourne vers moi.


—Je t'ai dit que je ne veux pas te voir près de mon fils.


—Le fils là, tu l'as fait seul ? je demande, agacée. Pourquoi tu mélanges les choses ? Tu as un problème avec moi, mais pas avec lui. Il n'a que six ans, tu veux l'élever comme un orphelin de mère vivante ?


—Pour l'instant, il va rester exclusivement avec moi. On aura la garde partagée quand le tribunal va la décréter après le divorce.


—Tu sais qu'il a une santé fragile, Vincent, il a besoin de moi !


Il me toise et s'engouffre dans son véhicule. Mon fils a le visage collé à la vitre, toujours en pleurs. Le véhicule s'éloigne sous mes yeux. C'est vrai que je suis venue dans un but précis, mais j'ai tout de même eu mal de voir mon garçon dans cet état. Je démarre ma voiture et je rentre à l'hôtel. Je verrai quoi faire plus tard.


         **

Aux alentours de 18h, je cligne des yeux à plusieurs reprises en voyant le nom de Vincent s'afficher sur l'écran de mon téléphone. Je décroche.


—Allo.


—Bonsoir Diane. Passe à la maison ce soir.


—Ah! Comment ça ?


—Le petit a fait une sévère crise d'asthme dès qu'on a quitté le dojo. Le médecin a dû passer à la maison pour le calmer. Il a suggéré qu'on ne mette pas sa santé à dure épreuve. Apporte quelques vêtements pour le weekend et rien d'autre.


—Tu n'as pas besoin de...


—Apporte aussi le clébard que tu lui as acheté.


—Mais pourquoi tu..


Clic!


Il m'a raccroché au nez ? Quel c*on !


J'arrive à la maison et la nounou me fait savoir que le petit refuse catégoriquement de se laver tant que je ne suis pas là. Je dépose le sac de mes affaires et je monte dans la chambre de Toby. Dès qu'il me voit son visage s'illumine à nouveau.


—Maman!


—Mon bébé ! 


Il saute sur moi et je le réceptionne.


—Tu es venue..


—Oui mon bébé, je n'arrivais pas à rester loin de toi.


—Je t'aime, maman, dit-il en me faisant un bisou sur la joue.


—Moi aussi, je t'aime, mon cœur.


—Tu m'aides à prendre mon bain ? Je t'attendais.


—Oui, on y va !


Je l'accompagne se doucher. Il est tout joyeux. Je l'aide ensuite à s'habiller. 


—Alors que veux-tu pour le dîner ?


—Des nuggets, des frites et de la glace.


—Vendu !


—Super ! dit-il en sautillant dans tous les sens. 


Je passe rapidement en ligne une commande dans un fast-food du coin. Nous restons devant les dessins animés pendant près d'une heure, puis nous descendons au salon. Le gardien dépose la bouffe du petit à la cuisine. Dès que nous y entrons, le petit s'installe au comptoir. 


—Je vais me régaler, merci maman !


—De rien, mon chaton.


—Euh... Toby est censé manger ce qui a été prévu pour le dîner, dit la nounou en me coulant un regard dédaigneux. Il a besoin d'un repas sain.


Celle-ci, hein...

—Et c'est quoi le repas sain de ce soir ?


—Il y a du filet d'agneau, des pommes de terre sautées, des haricots verts et une sauce blanche.


—Je n'en veux pas, maman!


—Ne t'inquiète pas, mon chéri, répliqué-je en toisant la nounou. Tu ne vas pas manger ça. 


—Mais c'est monsieur lui-même qui a demandé à la ménagère de préparer ça pour le dîner.


—Oui, mais Toby va prendre ce que je lui ai acheté.


—Vous ne devriez pas le laisser prendre autant de mal bouffe, fait-elle, condescendante. À son âge, il a besoin de...


—Euh... S'il te plaît, rappelle-moi ton prénom déjà..

—Mylène..


—Oui, Mylène, as-tu des enfants ?


—Non, je n'en ai pas.


—Ah ok! Quand moi qui ai poussé, je dis ce que mon fils va manger. Tu devrais te taire. Je pense que ton travail est terminé pour la journée, t'y devrais rentrer chez toi.


—Je vis désormais ici.


—Pour quelle raison, tu t'es installée ici?


—Parce que je l'ai décidé, dit Vincent en entrant dans la cuisine.


Eh bah, dis donc, même pas six mois depuis mon départ et la nounou s'est déjà installée à la maison. Pas étonnant qu'elle se prenne pour sa mère. Vincent me lance un regard mauvais avant de poser ses yeux sur la bouffe que j'ai achetée au petit.


—Et d'où ça sort?

—C'est maman qui m'a acheté ça, répond Toby, heureux.


Vincent jette un coup d'œil à la nounou.


—J'ai voulu qu'il prenne le repas que vous avez choisi pour ce soir, mais il n'a pas voulu.


—Papa, je ne veux pas manger des haricots...


—C'est bon, Mylène, tu peux disposer pour ce soir.


—D'accord, monsieur.


Elle hoche la tête, me lance un regard en biais et quitte la cuisine. Celle-ci veut déjà me remplacer dans ce foyer, ça se voit à sa gestuelle, au regard qu'elle pose sur Vincent. Idiote!


—Papa, le chien que maman m'a apporté est tout mignon.


—Oui, j'ai vu. Allez, mange tes nuggets, il faut que je parle un peu avec maman..


—Tu es toujours fâché avec elle ?


—Non, Toby, je ne suis pas fâché. Allez, bon appétit.


—Merci!


Toby mange au comptoir de la cuisine. Je suis Vincent jusque dans la cour.

—Merci d'avoir accepté que...


—Diane, ne pense pas que je vais te reprendre dans cette maison. Tu es ici uniquement parce que Toby a eu une crise d'asthme assez sévère. Le médecin a demandé à ce qu'on le ménage. Donc, tu es ici seulement pour quelques jours.


—Et après les quelques jours, comment tu vas justifier mon absence ?


—La semaine prochaine, il sera en vacances, il ira passer deux mois chez mon frère comme chaque année.


J'avais déjà oublié le fait que Toby partait en vacances tous les ans à Bruxelles chez le petit frère de Vincent. Je déteste ce gars parce que je sais qu'il ne m'a jamais apprécié, d'ailleurs toute sa famille ne m'aime pas. Je suis sûre que quand ils vont apprendre notre séparation, ils vont péter le champagne. Tchuip!

—Ah d'accord, j'avais oublié. Mais au fait, pourquoi tu as demandé à ce que mon sac soit rangé dans l'un des studios qui est dans le jardin ? Je sais que tu ne vas pas vouloir que je dorme dans la même chambre que toi, mais j'aurais pu prendre une chambre d'amis. C'est la moindre des choses, vu que la nounou a une chambre à elle toute seule dans la maison principale. Pourquoi moi, je vais dormir hors d'ici ?


—Diane, je suis chez moi et je décide de qui dort où ? J'ai décidé que tu dormiras dans le studio d'à côté, pas dans la maison principale. Donc, dès que Toby se sera endormi, tu vas rejoindre ta chambre. Je ne veux pas de toi dans ma maison. Tu n'es plus la maîtresse ici.


—La maîtresse, c'est qui, Mylène ? Tu dois coucher avec elle, sinon autrement elle ne se donnerait pas de grands airs.


—Tchuip!

Il me toise et entre dans la maison. Je suis retournée à la cuisine avec Toby. Émile m'a envoyé un texto pour savoir si les investigations avancent. Je lui ai dit que ce serait évidemment trop tôt pour le dire. Mais au moins, j'ai déjà fait un grand pas aujourd'hui. Il me met beaucoup de pression, il ne cesse de me dire d'user de tous les stratagèmes pour avoir de bons résultats.


***


Après le repas, je suis restée dans la chambre de Toby qui a eu du mal à s'endormir. Il voulait qu'on regarde les dessins animés. Après cinq épisodes, il s'est finalement endormi. Il est minuit lorsque je sors de sa chambre. Moi-même, je suis claquée, j'ai besoin d'une bonne douche et d'une excellente nuit de sommeil. Puis, en marchant dans les couloirs, je décide d'aller jouer les intéressantes chez Vincent. La chambre principale est au deuxième étage. Je m'y rends et je referme derrière moi. J'entends le bruit de l'eau qui coule dans la salle de bain et de la musique. Vincent met toujours de la musique lorsqu'il est dans la salle de bain. Je souris.


Voilà une occasion de poser mes cartes. Pourquoi pas reconquérir mon mari tout en ayant Émile comme amant. De cette façon j'aurais les deux et leur argent. Le beurre, l'argent du beurre et le fabricant ! Je me déshabille et j'entre dans la salle de bain. Je trouve Vincent en train de se raser la barbe. Quand nos regards se croisent dans le miroir, il fronce les sourcils.


—Diane, je vais te casser la gueule si tu ne déguerpis pas d'ici dans les minutes qui suivent.


—Bébé je peux te...


—FICHE LE CAMP !


Il a parlé tellement fort que j'ai sursauté. Si je ne dégage pas, il va me plier en quatre. Je sors de la douche en refermant la porte. Je me rhabille rapidement, je n'ai pas envie de me prendre des coups. En voulant sortir, mes yeux tombent sur le tiroir de Vincent, près du lit. Je l'ouvre et je trouve des liasses de billets, comme toujours !


 J'en prends une et au moment de refermer, je vois de la lumière qui sort de sous l'oreiller. Par curiosité, je regarde et vois le téléphone de Vincent. C'est verrouillé mais il y a un message qui vient d'arriver d'un numéro non enregistré et qui est partiellement affiché sur l'écran. 


" Finalement comment ça s'est passé avec Marleyne Ovo...


J'entends la musique qui s'arrête. Merde il va sortir. Je rend le téléphone et je sors de la chambre sur la pointe des pieds. Une fois dans mon studio, je m'assois sur le lit. Marleyne Ovo? Ça ne me dit rien. C'est dommage que je n'avais pas le code de Vincent, j'aurais pu déverrouiller le téléphone et lire me message intégralement.

Puis je décide d'envoyer un texto à Émile vu qu'il m'a dit que je dois l'informer de tous ce que j'observe ou entend même si ça m'a l'air sans importance.


"Tu connais une certaine Marleyne Ovo" ?


Dans le secret