Chapitre 6

Ecrit par Mady Remanda

MALIK

 

Aïssatou Niang.

J’aurais dû me méfier depuis le début, mais je m’étais laissé berner par sa fausse gentillesse et sa bonne réputation.

Aïssatou était appréciée de toute notre communauté estudiantine, on la disait généreuse et toujours prête à aider les autres.

Quand nous avions été présentés, elle m’avait paru douce, charmante et je m’étais laissé attendrir malgré mon absence de véritables sentiments amoureux pour elle.

Ce n’est que lorsqu’il m’était clairement apparut que j’étais amoureux de Liz, que j’avais décidé de clarifier les choses avec Aïssatou.

Celle-ci avait paru bien le prendre, elle avait estimé que c’était des choses qui arrivaient et m’avait souhaité beaucoup de bonheur.

J’avais d’ailleurs vraiment apprécié sa sagesse.

Quelques mois après notre rupture, Aïssatou était rentrée au Sénégal. Ce n’était qu’une fois rentré moi aussi que j’avais appris qu’elle avait assidument fréquenté ma famille, où elle venait aider lors des cérémonies, se présentant comme ma petite amie.

J’étais tombé des nues.

Aïssatou et moi avions gardé des rapports cordiaux, nous nous envoyons des messages sans ambiguïté de temps en temps mais rien de plus.

Le seul moment où j’avais été obligé de me tourner vers elle, c’était pour libérer mon appartement, mais visiblement elle avait manigancé un plan machiavélique, et j’étais tombé dans son piège les pieds joints.

Elle s’était confiée à la femme de mon père, qui m’aimait comme une mère, lui racontant comment je me faisais escroquer par une niak en France et que je ne comptais plus rentrer prendre la relève, elle avait sournoisement incité mes parents à m’obliger à rentrer. Je n’avais rien vu.

Quand elle était rentrée au Sénégal et m’avait apporté mes affaires, j’avais tenu à la remercier en l’invitant à dîner.

Nous nous étions don retrouvés un soir pour dîner au restaurant, et tout à mon chagrin de penser encore à Liz qui ne répondait plus à mes appels, je m’étais laissé séduire ce soir-là par Aïssatou, et nous avions fait l’amour.

Le lendemain, je m’étais excusé en lui expliquant que je n’avais pour elle qu’une grande amitié, et que je ne comptais pas renouveler l’expérience. Elle avait une fois de plus accepté ma position faisant mine de comprendre.

Mais deux mois plus tard, au mois de mars, sa famille avait débarqué pour annoncer qu’elle attendait un enfant de moi et qu’en l’occurrence je me devais de l’épouser.

Ma famille qu’elle avait amadouée s’en était réjouie, et mon père avait commencé à organiser le mariage.

Un mois plus tard, je l’épousais.

Nous étions restés mariés pendant presque sept ans avant que le drame ne survienne.

-      Voilà tu sais tout…aujourd’hui encore je me demande pourquoi tu m’as traitée ainsi Malik.

La voix de Liz, semblait lourde de larmes contenues, je la regardai de nouveau.

J’avais eu raison de suivre mon instinct cette fois ci.

Dommage que celui-ci ne me poussait que dix ans plus tard.

J’aurais dû aller retrouver Liz ce soir-là en sortant de chez Alioune, je savais aujourd’hui qu’Alioune et Salimata avaient inventé toutes ces choses sur Liz pour servir les intérêts d’Aïssatou.

J’aurais dû voir clair dans leur jeu.

Je m’étais laissé berner.

Moi qu’on surnommait « l’aigle » du fait de ma clairvoyance.

J’avais gâchée la plus belle histoire d’amour de ma vie par orgueil et du fait des préjugés.

Ce matin-là, alors que je racontais à Liz ma version des faits après avoir écouté la sienne, j’eus la certitude que nous ne nous étions pas retrouvés en vain.

Il était impossible que le destin nous réunisse elle et moi en des dates aussi symboliques que les fêtes de noël qui avaient vu naître et périr notre histoire.

C’était forcément une seconde chance que la vie nous offrait et je me devais de la saisir.

Il était temps pour moi de régler certaines choses de mon passé pour pouvoir saisir cette occasion unique que m’offrait la providence, de retrouver l’amour de la seule femme que j’aimais.

Une semaine après cette mise au point, j’attendais impatiemment que Liz me retrouve chez moi, comme elle le faisait tous les soirs désormais.

Nous n’avions pas voulu mettre un nom sur ce que nous partagions de nouveau, comme si le nommer en romprait le charme.

Nous nous laissions aller à la passion, laissant libre cours au désir irrépressible que nous ressentions l’un pour l’autre.

Ce soir cependant, j’avais une autre révélation à lui faire. Je voulais lui ouvrir mon cœur et lui dévoiler tous les autres secrets qu’il renfermait, afin qu’elle décide en son âme et conscience et en pleine connaissance de cause, si elle voulait bien commencer avec moi, une nouvelle histoire.

Nous étions à cinq jours du mariage et Liz repartait au Gabon le lendemain de la cérémonie, pour être à temps à Libreville pour le réveillon.

Je devais agir vite.

Il ne me restait plus que six jours pour la convaincre que cette année, noël nous avait ramenés dans la vie l’un de l’autre pour  recommencer une nouvelle histoire.

J’étais allé rencontrer Aïssatou, car si je devais envisager les choses avec Liz, il me fallait à tout prix régler certains détails avec Aïssatou.

L’enveloppe en papier kraft posée sur la table basse devant moi contenait les engagements juridiques d’Aïssatou.

Je pouvais enfin parler librement à Liz.

Les heures défilèrent cependant Liz ne donna aucun signe.

Je tentai de l’appeler, mais elle ne décrocha pas.

Cela n’augurait rien de bon.

J’avais comme une impression d’avoir déjà vécu cela.

Le passé m’avait appris à ne jamais laisser pourrir une situation.

A 22 heures, je décidai de me rendre à son hôtel.

     

                                             LIZ

 

Non !

Pas encore !

Malik ne pouvait pas m’avoir à nouveau menti !

Secouant la tête, je l’enfouis de nouveau sous l’oreiller.

Cela faisait presque deux heures que j’étais rentrée à l’hôtel. Ce soir, je ne le rejoindrais pas.

Je n’en avais pas la force.

Comment avais-je pu de nouveau me laisser berner de la sorte ?

Cela ne changerait donc jamais mon Dieu !

 

Cet après-midi, après avoir longuement travaillé avec le traiteur, j’étais allée prendre un verre à La Terrasse au Terrou-Bi.

Je sirotais mon Cocktail gingembre-ananas- passion bien frappé.

Quand un parfum capiteux, beaucoup trop capiteux d’ailleurs avait agressé mon odorat.

La minute d’après, Aïssatou Niang, qui n’avait pas changé d’un pouce prenait place en face de moi.

-      Ma chère Liz, contente de te revoir. Comme ça tu nous rends visite pour noël ?

Je n’en revenais pas !

Cette femme avait le culot de s’asseoir en face de moi, après ce qu’elle nous avait fait à Malik et moi !

-      Je t’ai aperçu depuis le Bar, bah dis donc ma chère, tu as vachement changé…tu parais plus…sophistiquée ! Me dit-elle

Toujours à mon choc, je ne savais quoi lui dire. Volubile, elle continuait :

-      Je suis heureuse de te revoir. Malik m’a appris que vous allez vous remettre ensemble ? Je suis contente pour lui. Tu sais entre lui et moi ça n’a pas vraiment marché…malgré sept ans de mariage pratiquement, je n’ai pas pu supporter…enfin je suppose que tu dois le savoir…

Je décidai enfin de répondre :

-      Bonjour Aïssatou, je ne pensais pas te croiser…

-      Oh ! Dakar n’est pas si grand ma chère.

Je hochai la tête, elle reprit :

-      Tu as déjà des enfants je suppose ?

Sa question me surprit et je le lui dis :

-      Pourquoi me poser cette question ?

Elle fit mine de paraître gênée en ajoutant :

-      Oh j’ai supposé que oui, vois-tu vu la situation…

Je ne comprenais pas où elle voulait en venir alors je lui demandai :

-      Peux-tu être plus claire, je ne comprends pas de quoi tu parles !

-      Excuse-moi Liz, c’est que c’est un sujet un peu délicat, je faisais allusion au…handicap de Malik…

Je la regardai étonné.

-      Le handicap de Malik ? Mais de quoi tu parles ?

Elle écarquilla ses yeux globuleux et mit une main devant sa bouche :

-      Ne me dis pas que tu n’en sais rien ?

-      Il est évident que tu meures d’envie de m’apprendre ce que je ne sais pas ma chère alors va droit au but.

Elle poussa un soupir trop exagéré pour être sincère.

-      Je ne comprends pas pourquoi Malik te traite comme ça, d’abord il y a dix ans et aujourd’hui encore. Je sais qu’il a dû te raconter sa version des faits, mais je ne reviendrais pas dessus, car si j’ai quitté Malik, c’est que je ne pouvais plus le supporter. Je pensais quand même qu’il te dirait …

-      Me dire quoi ban sang ! Explosai-je hors de moi

Aïssatou arbora une mine satisfaite, je compris à ce moment que j’avais affaire à une femme un peu déséquilibrée.

-      Qu’il est…stérile…

Je crus que le toit du restaurant m’était tombé sur la tête tant le choc fut d’une violence inouïe.

Malik ? Stérile ?

C’était impossible…

Non !

-      Oh, c’est un secret, Malik ne veut surtout pas que les gens l’apprennent. Officiellement, nous avons une fille, Amira. Mais quand j’ai voulu divorcer, je lui ai dit la vérité, Amira n’est pas sa fille. En sept ans, je n’ai jamais pu tomber enceinte de lui. Si je vends cette histoire à la presse à scandale, je me ferai beaucoup d’argent, Malik ici à Dakar est comme une star, et il est très convoité par la gent féminine, je suis sûre que beaucoup aimerait savoir s’il en a vraiment dans le pantalon, sais-tu qu’il y a deux ans, un magazine national féminin l’a élu « l’homme le plus charismatique du pays ».

Cette femme était folle, ou bien plus complètement détraquée !

Je ne pouvais plus dire un mot.

J’étais sonnée.

Je savais pourtant que c’était impossible, cette femme mentait encore j’avais toutes les raisons du monde de ne pas la croire, et une raison en particulier.

-      Il est venu me voir pour passer un accord, je le laisse tranquille, je garde le silence sur sa faiblesse et je lui laisse Amira, en échange de beaucoup d’argent.

En disant cela, elle glissa vers moi une enveloppe kraft.

Puis se leva aussi soudainement qu’elle était arrivée.

-      Je suis désolée Liz, je dois m’en aller, mon nouveau fiancé m’attend.

Aïssatou s’en alla dans le nuage agressif de son parfum.

Je fixai l’enveloppe comme s’il s’agissait d’un serpent.

Je me levai et prit l’enveloppe avec moi.

Je regagnai mon hôtel.

Une fois dans ma chambre, je pris connaissance du document.

Aïssatou acceptait de laisser Amira à Malik et de garder le silence sur le secret de sa naissance et la stérilité de Malik. En échange, Malik lui cédait une de ses villas située au quartier Liberté 6, il lui achetait le dernier Range Rover et lui donnait près de vingt millions de francs en espèces.

L’accord prendrait effet le 1er janvier.

Aïssatou abandonnait tous ses droits sur Amira.

Quelle vile femme que cette Aïssatou ! Abandonner son enfant pour…des choses aussi futiles ?

Pourquoi Malik ne m’avait-il pas parlé de cette partie de l’histoire ?

Jusqu’à quand comptait-il me cacher cela ?

Nous ne nous étions rien promis certes, mais j’avais mal de savoir qu’il ne m’avait pas tout dit quand nous nous étions ouvert nos cœurs.

Je ne savais plus quoi penser.

Je ne voulais plus souffrir comme j’avais souffert dix ans plus tôt, mais si je continuais ainsi, la même chose m’arriverait.

Le mieux était de laisser tomber, d’oublier Malik une bonne fois pour toutes et de rentrer au Gabon reprendre ma vie.

J’aurais au moins compris certaines choses du passé.

Mais il était évident que Malik et moi n’étions pas destinés à rester ensemble, sinon pourquoi m’aurait-il caché une telle chose ?

Certes nous faisions des étincelles au lit, mais notre histoire n’était pas faite pour s’écrire au futur.

Des coups répétés frappés à ma porte me parvinrent.

Je décidai de ne pas répondre.

Je savais que c’était Malik.

Mais je n’avais pas envie de le voir, ni de lui parler, j’avais peur de succomber et de ne pas pouvoir lui résister comme toujours.

Les messages et les coups de fil de Malik ne cessèrent pas pendant les jours qui suivirent.

Je n’y donnai aucune suite, me jetant à corps perdu dans l’organisation du mariage.

Je l’évitais soigneusement, et malgré les multiples occasions de se rencontrer, nous ne nous vîmes pas pendant la cérémonie.

Je l’apercevais de loin, mais j’étais toujours en coulisses surveillant et coordonnant les différentes étapes de la cérémonie.

En tant que témoin, Malik était auprès de Seck et n’avait pas la liberté de se mouvoir à sa guise durant la cérémonie.

A minuit, après m’être assurée que tout était Ok, que plus personne n’avait besoin de moi je m’éclipsai.

Le mariage avait été une franche réussite, je pouvais être fière de moi.

J’avais désormais hâte de rentrer au Gabon mettre mon cœur à l’abri de la souffrance.

Comment avais-je pu être aussi idiote pour refaire confiance à Malik ?

Une fois à l’hôtel, je rangeai ma valise.

Patou devait m’accompagner à l’aéroport  le lendemain à midi.

A 19 heures je serai  à Libreville, enfin !

 
UN NOEL A DAKAR