Chapitre 6 : Main tendue

Ecrit par Chrime Kouemo



Olivia regarda avec dépit la lettre qu’elle tenait dans la main. Le Crous de Lille informait les résidents des Estudiantines que leur bâtiment allait être entièrement rénové. Le budget ayant été approuvé par le Conseil Régional. Il lui restait à peine deux mois pour se trouver un autre logement. Ça ne pouvait pas tomber plus mal. Elle venait de sortir 500€ pour ses frais de scolarité et elle avait même dû demander une petite avance à sa sœur pour pouvoir payer la totalité de la somme. 

Comment se faisait il qu’elle n’en ait pas été informée avant? À peine la question lui avait elle traversé l’esprit qu’elle se rappela qu’il y'avait plusieurs courriers du Crous qu’elle n’avait pas ouvert car étant en impayé de loyer. Et comme elle évitait Marlène…


Découragée, elle balança son sac à main sans ménagement sur le lit. Comment allait elle faire à présent? Ses parents ne pouvaient pas l’aider. Son père avait dû dépenser une fortune récemment pour ses problèmes de santé. Julie avait d’ailleurs aussi mis la main dans la poche, raison pour laquelle elle ne se voyait plus entrain de lui demander une seconde aide. 

Ca allait être très compliqué de trouver un autre logement maintenant, d’autant plus qu’il lui faudrait avancer une caution et le premier mois de loyer, ce qui n’était pas envisageable au vu des ses revenus actuels. Avec les deux mois d'impayés de loyer qu’elle avait au Crous, elle ne pourrait jamais récupérer la caution qu’elle avait versée. 


Elle avait pourtant espéré se refaire une petite santé financière avec le job qu’elle aurait trouvé, mais seulement voilà, elle n'avait pu décrocher qu’un emploi de garde d’enfants à domicile. Avec ca, elle gagnait à peine de quoi payer un loyer pour une chambre d'étudiants. 

Elle avait bien sûr continué à postuler sur des offres d’emploi à temps partiel au KFC et Quick, mais n’avait aucun retour pour l’instant.  Si les choses ne bougeaient pas d’ici là, elle se retrouverait à la rue dans à peine quelques semaines.  

Elle pourrait bien accepter l’aide de Stella, mais elle n’était pas très à l’aise avec cela.

Elle n’avait plus personne vers qui se tourner puisqu’elle avait coupé les ponts avec presque tous ses amis. Même Elodie avait fini par jeter l’éponge après ses longs mois de mutisme. Il lui arrivait encore de lui envoyer un sms pour prendre de ses nouvelles, mais sans plus. Elle ne se voyait donc pas l’appeler pour lui faire part de ses problèmes.

Elle était coincée.


*** 

- Bonjour ma soeur la salua Pasteur Lokua quand elle rentra dans l’église déserte à cette heure de la journée.

- Bonjour Pasteur Lokua lui répondit-elle

Il lui fit signe de prendre place sur la chaise en face de la sienne.

- Alors, comment vas-tu? lui demanda t’il chaleureusement

- Bien, Pasteur. Merci beaucoup

- Je suis content que nous ayons cette rencontre aujourd’hui. C’est bien que tu te sois décidé à faire ta cure d’âme. Est-ce que Stella t’a dit en quoi cela consistait?

- Oui, un petit peu. Elle m’a dit qu’il s’agissait de faire une sorte de sur le plan spirituel

- C’est à peu près cela effectivement. Avant toute chose, je tiens à préciser que tout ce que tu me diras ici restera strictement privé, et aussi, que si tu ne te sens pas confortable pour me parler d’un sujet, il n’y a pas de souci. On fera selon ta convenance, et à ton rythme. Il faut cependant que tu saches que je ne pourrais mieux t’aider que si tu te livres en toute sincérité. OK? 

Olivia hocha la tête en signe d’assentiment.

- Allons-y alors!

Le visage empreint de solennité et le regard bienveillant de l’homme de Dieu l’encouragèrent à se lancer.

Au début, elle ne savait par où commencer? devait-elle parler de son baptême et de sa première communion à l’Eglise St Marc de Biyem Aussi? Du fait qu’elle n’avait jamais fréquenté assidument une assemblée chrétienne? Et encore moins depuis son arrivée en France? Devait-elle quand même raconter son viol?


C’était sur les conseils de Stella qu’elle avait pris rendez-vous avec le pasteur pour se prêter à cet exercice. Dans un premier temps, elle ne voulait pas en entendre parler, arguant du fait que son amie était la dernière personne à qui elle s’était promis de le raconter. Mais Stella avait réussi à la convaincre en lui racontant tout le bien qu’elle en avait tiré quand elle avait eu à le faire. Elle l’avait aussi rassurée  en lui disant que cela ne l’obligeait en rien de raconter l’épisode Jérémie. C’était ce qui l’avait décidée.

Depuis quelques semaines qu’elle priait quotidiennement, elle se sentait envahie d’une paix intérieure jamais expérimentée. Ses cauchemars avaient cessé après six mois. Elle retrouvait petit à petit un sens. sa vie. C’était à cause de tout cela qu’elle avait eu envie d’approfondir sa relation avec Dieu.

D’après Stella, l’étape de la cure d’âme lui permettrait de mettre en exergue les blocages ou faiblesses qui pourraient être des obstacles à la révélation de l’Esprit Saint dans sa vie.


Près d’une demie heure plus tard, elle se retrouvait entrain de raconter son agression. Comment le pasteur l’avait-il amenée à se livrer ainsi ?

- Olivia, tu as vécu quelque chose de traumatisant, et je bénis le Seigneur qui a permis que tu tu puisses surmonter cette épreuve. Sache  que le Seigneur Tout Puissant est le Dieu des opprimés et qu’il saura guérir complètement ton coeur blessé. Ce que je vais te demander à présent va te sembler très difficile, mais avec l’aide de l’esprit saint, tu vas y arriver.

Olivia redressa les épaules,  suspendue aux recommandations du pasteur.

- Je vais te demander de te pardonner premièrement. je t’ai écouté attentivement. Il ressort clairement de ton discours que tu continues à te blâmer pour ta naïveté et la confiance que tu as accordée cet homme.

Elle aqiuesca.

- Tu n’accepteras pas aussi facilement à la deuxième chose que je vais te demander la prévint-il

Il poursuivit :

- Dans un deuxième temps, il faudrait que tu pardonnes à cet homme qui t’a violée

Olivia se pétrifia sur place. Comment pouvait-il lui demander une chose pareille? après ce qu’elle avait enduré à cause de ce salaud qui lui avait volé sa virginité détruisant à jamais les futures relations qu’elle aurait avec les membres de la gent masculine? C’était hors de question!

Elle se leva brusquement, manquant de faire tomber sa chaise à la renverse.

- Je suis désolée pasteur Lokua, mais ce que tu me demandes est impossible. Je ne pourrai jamais lui pardonner s’enquit-elle d’un ton catégorique.

- C’est pourtant  ce que Dieu voudrait que tu fasses, ma soeur Insista t’-il d’une voix posée en levant la tête pour la regarder droit dans les yeux.

Elle secoua la tête et détourna son regard vers la baie vitrée.

Il ne s’en rendait pas compte! En vertu de quoi devait-elle lui pardonner? Et qu’est ce que cela allait changer dans la vie de Jérémie ? Elle ne pouvait même plus porter plainte. Toutes les preuves avaient été effacées. Il ne paierait jamais pour ce qu’il lui avait fait!

- Assieds toi s’il te plait, lui demanda le pasteur. Je sais qu’en toi grognent le ressentiment et l’envie de te venger, mais tu dois prendre le dessus sur ça. Quand on veut être véritablement un enfant de Dieu, on délaisse notre rancoeur car Dieu dit dans sa parole : «  A moi la vengeance et la rétribution ». Il te fera justice le moment venu, mais pour l’instant, pour connaître la puissance de son esprit, il faut que tu lui pardonnes.

Elle n’était pas prête pour ça. C’était à Jérémie de lui demander pardon, et pas l’inverse. 

Elle resta silencieuse, laissant son regard se perdre vers l’extérieur.

- Bon… Je vois que tu es assez secouée par ce que je viens de te dire. Nous allons nous arrêter là et reprendrons la semaine prochaine à la même heure si ça te convient.

- Ok, soupira t’elle

Pasteur Lokua entonna un chant suivi d’une prière pour clôturer l’entrevue.


***

- Tu le savais qu’il allait me demander de pardonner ? demanda Olivia  Stella,  peine cette dernière fut-elle entrée chez elle

- Oui, c’est l’un des principaux enseignements de la Bible confirma son amie

- Oui, je sais la coupa t’elle. Pardonner quand la personne te le demande et peut-être pas pour des faits aussi graves?

- Il n’y a justement pas de mesure dans le pardon. Dieu nous pardonne  tous nos péchés, et il nous recommande d’en faire de même avec ceux qui nous ont offensés, et ce, sans condition. Ça te semble inimaginable pour l’instant, mais si tu demandes à Dieu de te fortifier, il te permettra de trouver la ressource pour y parvenir. En tout cas, c’est déjà très bien que tu aies réussi à lui en parler.

- Je n’en avais pourtant pas l’intention comme tu le sais, mais c’est venu tellement naturellement.

- Au fait, je quitte du coq à l’âne, mais je viens de lire sur le panneau d’affichage du hall d’entrée que tous les résidents devaient libérer leurs studios à la fin du mois de novembre en vue des travaux de réhabilitation? 

Olivia grinça des dents. Elle avait espéré que son amie ne prête pas attention aux informations affichées.

- Oui, confirma telle

- Et tu as trouvé quelque chose

- Non, pas encore. Je sui toujours entrain de chercher 

- Tu sais que je peux t'aider, non? Je sais que tu es une battante et que tu chéris ton indépendance, mais il faut aussi savoir accepter l'aide des autres. 

Elle ne répondit rien.

Stella poursuivit :

- Voilà ce que je te propose : nous avons une chambre de libre dans la maison. Tu viens t'y installer le temps pour toi de chercher sereinement un logement qui te convienne

- Non… C'est vraiment très généreux de ta part, mais je ne peux accepter une offre pareille refusa t'elle. En plus, je ne suis pas sûre que tes parents seraient d'accord qu'une étrangère vive sous leur toit

- Eh bien,  figure toi que je leur en ai parlé et qu'ils n'ont absolument rien contre. Cette chambre sert de débarras depuis que mon grand frère s'est retourné vivre au Cameroun 

- Merci beaucoup Stella, mais… c'est non

- Tu peux être une tête de mule quand tu veux hein? S'agaça Stella. À quoi cela sert-il de se dire que nous sommes amies si tu n'es même pas capable d'accepter que je te vienne en aide?

Olivia était en plein dilemme. D'une part, elle tenait fermement à son indépendance, mais d'autre part, elle craignait que son entêtement ne la conduise vers une situation plus délicate. Il lui restait à peine six semaines pour trouver un logement, et elle n'avait même pas assez d'argent pour verser une caution.

Elle prit sa décision.

- Ok, j'accepte ta proposition et je te remercie du fond du cœur pour ta générosité. Je souhaite cependant te verser une contribution pour le loyer, je serais trop gênée dans le cas contraire. 

- C'est toi qui vois, fit Stella en haussant les épaules. 

Puis, un sourire fleurit sur ses lèvres pleines.

- Nous sommes donc des futures colocataires se réjouit-elle. Quand est ce que tu panses pouvoir aménager afin que je m'organise pour vider la chambre? 

- D'ici la semaine prochaine ca irait? 

- Ca marche! 

Merci encore pour tout. 


***




 
 

 





LES PROMESSES DU DES...