Chapitre 6: Problème universel
Ecrit par Lalie308
— Donc si je comprends bien, tu veux les rejoindre ? demanda Cody.
Axa était assise en face de lui, dans la chambre de cette dernière et se tripotait les doigts. Elle leva la tête et pour la première fois depuis que Cody la connaissait, elle afficha un air confus.
— Oui. Je sais qu'eux ils m'accepteront. Les seuls que j'ai rencontrés me respectent et m'appellent même déesse tu t'en rends compte ?
Cody se leva brusquement pour faire les cent pas dans la pièce.
— Bon sang ! Axa tu ne sais pas ce qu'il y a derrière tout ça alors évite de te créer encore plus de problèmes.
— Je m'en câlice des problèmes, tu sais ? Je suis à moi toute seule un problème. Bref. Je vais sérieusement y penser.
Son interlocuteur se contenta de soupirer bruyamment.
— Parlons de choses plus relaxantes. Tu auras dix-huit ans dans deux jours. Tu veux qu'on fasse la fête, je veux dire rien que tous les deux ? lança Cody sur un ton plein de sous-entendus.
Axa le regarda d'un air dégoûté et lui donna un coup à l'épaule. Cody grimaça et afficha un sourire coquin.
— Mais qu'est-ce que tu racontes ? Et puis maintenant bouge c'est bon, bafouilla-t-elle.
Elle prononça ces paroles en se levant et poussant le brun hors de la pièce.
— Tu me chasses Axa ? feint-il de s'indigner.
— Et je m'en régale, rétorqua-t-elle en souriant.
Dès que Cody fut dehors, elle se laissa tomber sur son lit en poussant un profond soupir. L'image de la femme qu'elle a toujours vue s'imposa d'abord à sa pensée puis celle de l'homme qu'elle avait rencontré lors de l'expédition. Elle ne s'était jamais autant sentie en sécurité qu'avec ces deux-là. Quelque chose l'attirait vers eux, quelque chose la poussait à vouloir les rejoindre.
*
— Luz, Luz, glami.
Axa bougea légèrement en gémissant, trop emportée par son sommeil.
— Luz, glami.
Elle fut obligée d'ouvrir les yeux pour se retrouver dans un endroit autre que sa chambre. Elle se leva subitement et se frotta les yeux. Elle était dans une sorte de prairie.
— Où suis-je encore ? Vous ne pouvez même pas me foutre la paix le jour de mon anniversaire ? s'emporta-t-elle.
Une main se posa délicatement sur son épaule.
— Calme-toi. J'ai une surprise pour toi, lui intima la créature.
Elle se contenta de marcher dans la même direction que la créature. Elles s'arrêtèrent en face de ce qui semblait être une grotte. Axa totalement perdue ne dit mot en attendant la surprise que lui réservait cette femme dont la présence ne la perturbait plus autant qu'auparavant. La créature tourna sa tête dans une direction et Axa en fit de même.
— Julia, elle est là.
Une femme sortit de la grotte à cet instant, oui une femme, une humaine à la peau chocolatée voire, noir-clair. Axa semblait la connaître, mais elle ne savait guère où. La femme s'approcha doucement d'Axa. Elle était vêtue d'une longue robe en tissu fin blanc et ses cheveux avaient une couleur noire. Lorsqu'elle fut assez proche, elle plongea son regard bleu dans celui d'Axa qui pouvait y lire une sorte de nostalgie. Axa ne savait pas pourquoi, mais son cœur ne tenait plus en place, sa poitrine la brûlait et des larmes menaçaient de couler. Elle n'avait qu'une et une seule envie, prendre la femme dans ses bras, rester avec elle et oublier toutes ces personnes qui l'ont rejetée toute sa vie. Toutes ces personnes qui même quand elle était petite la laissaient jouer seule, loin des autres enfants, ces personnes qui l'ont toujours rabaissée et qui ne l'ont jamais acceptée comme elle était. Elle avait l'impression que la présence de cette femme effaçait toute la douleur qu'elle ressentait. Le mal que nous font les gens est souvent involontaire, les gens ont tendance à dire tout ce qui leur passe par la tête sans réellement avoir conscience du mal qu'ils font, du mal que ça peut faire d'être jugé sur sa différence. Axa elle le savait, chaque parcelle de son cœur saignait sous le poids de tout ce mal mais ses douleurs semblaient en cet instant disparaître.
Un seul mot put sortir de sa bouche, mais parut plus comme une question.
— Maman ?
Des larmes inondaient le visage de la femme qui la prit directement dans ses bras et la serrait fortement, comme si c'était la dernière fois. La chaleur qu'elle dégageait, son parfum, sa tendresse faisaient du bien à Axa qui ne put retenir les larmes qui s'échappaient de ses yeux. Elle voulut figer cet instant, ne plus se réveiller si ce n'était qu'un rêve. Elles se détachaient ensuite l'une de l'autre et Axa recouvra un peu plus ses esprits. Elle voulait à présent y voir plus clair.
— Je sais que plusieurs questions te brûlent les lèvres, lui intima doucement la femme en face d'elle, sa mère.
Elle lui tendit la main et Axa la suivit. Elles s'installèrent sous un arbre. Les premiers instants furent silencieux, elles étaient juste là, à se contempler l'une et l'autre, sous le chant silencieux de la forêt.
— En réalité je ne suis plus.
Axa dévisagea sa mère, à la voix si tendre, si douce, si incroyable.
— C.... Comment ? bredouilla Axa.
— C'est une très longue histoire et nous n'avons pas assez de temps. Sache juste que je t'aime plus que tout. Je serai toujours avec toi ma puce. Toujours, déclara-t-elle la voix tremblante.
Axa ne savait plus quoi dire et son cerveau semblait se planter face à ce nouveau mystère qui se présentait à elle.
— Tu es... chuchota Axa en tendant sa main vers le visage de la femme près d'elle.
Le contact n'avait aucun rapport avec celui avec un fantôme se disait-elle, même si elle n'en avait jamais touché un. Sa mère dégageait la même chaleur que tout humain.
— Oui et non, mais surtout oui, bafouilla Julia.
Axa fronça les sourcils et soupira. Elle était fatiguée de tous ces mystères entourant sa vie, de toutes ces choses qu'elle n'arrivait pas à comprendre.
— Tu n'es pas réelle ?
— Je le suis chérie juste que je ne suis plus vraiment...vivante, répondit-elle.
— Il est temps de rentrer glami, annonça enfin la créature qui s'était jusque-là montrée invisible.
La mère d'Axa se contenta de caresser tendrement le visage d'Axa avec un sourire fier et plein d'amour.
— Peu importe ce que disent les gens, sache que ce que les gens disent que tu es n'est pas ce que tu es, tu es ce que tu décides d'être. Et moi je te le dis, tu es une princesse, une reine, un cadeau de l'univers et je veux que tu y croies. Je t'aime chérie et joyeux anniversaire.
Axa serra les dents pour ne pas éclater en sanglots.
— Merci, murmura-t-elle simplement.
Il lui suffit de cligner des yeux pour se retrouver dans cette pièce qu'elle trouvait sans vie et dans son lit. Elle se passa une main dans les cheveux, un petit sourire pendu sur le visage. Il faisait déjà jour et elle voulait pleinement profiter de son anniversaire. Elle se leva doucement de son lit, se rinça le visage et se dirigea vers la cuisine.
— Joyeux anniversaire miss Axa, faisaient les agents sur son chemin.
Elle se contentait de leur sourire ce qu'ils trouvaient étrange puisque c'était la première fois. Axa avait réellement le cœur plus léger, le souvenir de cette femme qui devait être la plus importante de sa vie la rendait vraiment heureuse. Dès qu'elle fut à quelques mètres de la porte, cette dernière s'ouvrit et elle s'introduisit dans la cuisine et se dirigea vers le plan de travail. Elle fit quelques manipulations sur la surface du plan de travail qui était aussi un écran virtuel et alla s'installer sur une chaise du comptoir. Quelques instants après, un petit déjeuner constitué de thé, toast, jus de fruits et fruits roula sur un plateau jusqu'à son niveau. Elle s'en saisit et commença à manger silencieusement complètement perdue dans ses pensées. À la fin, ce fut toujours par pur mécanisme qu'elle fit quelques manipulations et que le plateau se retira. Elle
se leva avec nonchalance. En l'espace d'une seconde, elle ne comprit pas ce qui se passa, elle était complètement trempée et Cody en face d'elle affichait un air satisfait, un bol en main.
— Joyeux anniversaire...dit-il en riant alors que le visage d'Axa vira complètement au rouge.
— Je vais te tuer, tempêta-t-elle alors que Cody s'élançait vers l'extérieur en courant et riant à gorge déployée.
Axa ne pouvait s'empêcher de rire comme un bossu et dans leur longue course, elle glissa et tomba. Cody se retourna et se tordit de rire pendant qu'Axa lui lançait des regards noirs en se levant.
— Espèce d'idiot, maugréa-t-elle en ayant perdu son fou rire.
— Bon va m'arranger tout ça. On sort, annonça-t-il finalement en l'indexant.
Axa se contenta de le regarder du coin de l'œil.
— Tant qu'on est dans la cité, je n'appelle pas ça sortir.
Cody se contenta de lever les yeux au ciel pendant que sa nouvelle amie se dirigeait vers sa chambre pour prendre une douche et s'apprêter.
*
— Aller Luz, dis-moi pourquoi tu es si contente aujourd'hui, l'implora-t-il.
Axa lança un regard bref à Cody alors qu'ils s'avançaient vers la sortie.
— Ne m'appelle plus Luz, geignit-elle.
— Moi j'aime bien ce prénom, lui confia-t-il.
— Prends-le donc. Ne m'appelle pas comme ça.
— Ne change pas de sujet. Réponds-moi.
— Okay... Je...
— Axa....
Elle se retourna machinalement. Recroiser le regard de son père lui donnait une drôle d'impression. En effet, depuis le jour de leur rentrée de l'extérieur, depuis le jour où il avait sauvagement levé la main sur elle en face de tous les soldats, depuis le jour où elle l'avait sauvé, ils ne s'étaient pas revus. Il était accompagné du père de Cody qui ne semblait pas très enchanté de voir son fils avec Axa. Axa et Cody les rejoignirent rapidement.
— Joyeux anniversaire, commença-t-il doucement, la culpabilité logée dans la voix.
— Merci, se contenta-t-elle de souffler alors qu'il la prenait dans ses bras.
— Joyeux anniversaire Axa.
Elle remercia aussi le père de Cody et ils allèrent tous s'installer dans le grand séjour sous invitation du lieutenant Hongust. Il fit quelques manœuvres sur un écran de la table basse et bientôt des boissons leur furent servies. Le silence était assez pesant et ils se contentaient juste de se regarder les uns les autres.
— Papa je pourrais te parler en privée ?
Hongust leva la tête vers elle et acquiesça. Ils se rendirent dans un coin du salon et s'installèrent. Axa baissa la tête et réfléchit à la meilleure manière d'annoncer ça. Elle se disait que peut-être si elle en parlait à son père, ce dernier serait plus apte à lui dire toute la vérité. Elle prit enfin son courage à deux mains et ouvrit la bouche ne sachant pas qu'elle allait regretter la suite des événements.
— J'ai vu maman.
Hongust leva un visage crispé vers sa fille et plongea son regard dans le sien. Elle ne comprit pas la subite colère qui voilait le visage de Hongust, mais fit tous les efforts possibles pour soutenir son regard.
— Ne me regarde pas comme ça, je te dis la vérité. Maintenant toi dis-moi la vérité, enchaîna-t-elle.
Hongust, le visage congestionné par la colère se leva d'un bon.
— Je n'ai rien à te dire.
Axa se leva à son tour et haussa involontairement la voix.
— Mais pourquoi ? hurla-t-elle. J'ai bien le droit d'en savoir plus sur elle. Pourquoi ne veux-tu pas me parler d'elle ?
— Parce que tu n'en as pas besoin, non pas du tout, s'emporta-t-il.
— Mais si. J'en ai besoin papa. S'il te plait ! Comment est-elle morte ? Lors de la guerre ?
— À cause de toi Axa, articula-t-il. A cause de toi.
Elle se stoppa net et se contenta de regarder dans le vide. À cause d'elle ? Mais pourquoi disait-il cela ? Pourquoi à cause d'elle ? Hongust n'attendit pas qu'elle réagisse et s'élança déjà vers la sortie.
— Axa ?
Quelques instants après, Cody se trouvait près d'elle, le regard désolé, car il avait entendu quasiment toute la conversation.
*
— Je lui ai dit que j'avais revu ma mère, souffla Axa qui n'avait pas dit un mot depuis sa dispute avec son paternel, sa voix était frêle et vide.
— Quand l'as-tu vue ?
Ils se trouvaient assis dans un café de la cité.
— Ce matin.
Elle lui raconta rapidement sa rencontre avec sa mère en essayant de retenir ses larmes.
— Il a dit que c'est de ma faute si elle est morte. Pourquoi ? De toute manière, ça ne me surprendrait pas. J'ai bien failli te tuer toi.
— Axa, commença calmement Cody, je pense que ton père a dit ça sous le coup de la colère. Attendons de voir. Je pense que tu auras rapidement des réponses.
Elle se contenta de soupirer, le cœur gros.
— Aller souris, c'est ton anniversaire, suggéra-t-il en posant un regard affectueux sur elle. Repense à ta mère, peut-être qu'avec ça, tu iras mieux.
*
Plusieurs habitants de la cité se trouvaient sur le lieu de la fête d'anniversaire d'Axa. Bien que ne la portant pas dans leurs cœurs, ils ne se gênaient pas pour fêter comme si c'était la dernière fois de leur vie. Ils buvaient, mangeaient, dansaient. Axa, elle tentait de s'amuser pour soutenir les efforts de Cody. La terre nelcalienne avait changé depuis les douze coups de minuit. Elle semblait plus verte, plus fleurie, plus belle. L'air était encore plus pur. Encore une magie d'Axa ? se demandaient certains.
— Hongust tu devrais plus te contrôler.
Axa leva la tête après avoir entendu la voix de Paul Jones. Elle fronça les sourcils.
— Je sais, mais je n'y arrive plus. Ça me dépasse, se défendit Hongust.
— Tu aurais peut-être dû la laisser périr.
Elle entendit un bruit sourd comme si quelque chose se brisait.
— Ne redis plus jamais ça. Je ne suis peut-être pas son père biologique, mais je l'aime tout comme.
Axa eut un vrai choc à l'entente de cette phrase. Tout au long de la discussion, elle se rapprochait du lieu et vit son père et M. Jones en pleine discussion. Elle n'avait pas mal, convaincue que c'était une illusion, une déviation due à tout ce qui lui arrivait.
— Axa, lança son père qui l'aperçut, l'air gêné.
— Dis-moi que c'est faux, dis-moi que tu es mon père.
Hongust lança un regard perdu à Jones et se retourna vers sa fille alors que la musique s'était stoppée et que tous les regards étaient braqués sur eux.
— Bien sûr que je suis ton père. Mais voyons, affirma-t-il.
Elle se dirigeait vers lui, le visage fermé, la même expression que lors de sa dispute avec Cody. La conversation se tourna en boucle dans sa tête et l'illusion que cela soit une illusion s'effondrait progressivement, le poids sur sa poitrine devenait insupportable.
— Dis-lui la vérité, cria Paul Jones.
Tous les objets s'envolaient et il soufflait un vent à faire déconner les bœufs. Hongust hésita un long moment avant de baisser la tête.
— Non. Désolé, je ne le suis pas, confessa-t-il en tombant à genoux face à Axa.
L'enfer sur terre s'abattit sur elle. Le cœur d'Axa brûla et devint cendre. Ses yeux prirent une couleur verte et ses cheveux, une couleur blanche. Elle coulait des larmes, mais son visage n'exprimait pourtant aucune émotion. C'était la goutte d'eau de trop. Monde hypocrite, gorgé d'hypocrites. En elle, des étoiles s'éteignaient alors que toute électricité fut rompue dans la cité à présent plongée dans le noir. Une explosion, deux explosions, trois explosions. Le bain de sang s'enclenchait-il ?
— Je ne suis pas ton père Axa.
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Lalie