Chapitre 8
Ecrit par EdnaYamba
Mireille KAKOU
Ça fait deux jours déjà que Sylvain s’est réveillé. Avec l’aide de l’équipe médicale son état s’améliore, nous n’avons pas encore eu le temps de discuter.
Je le regarde manger le potage que je lui ai fait.
- Chéri, as-tu la moindre idée de qui t’a fait ça ?
Il s’arrête de prendre la soupe un instant. Je m’attends à ce qu’il me donne une réponse mais il reprend le mouvement de sa cuillère, du bol à la bouche.
- Il va falloir que tu parles à la police parce que j’ai dénoncé ton agression, la police voudra certainement te poser quelques questions…
- Je n’ai rien à leur dire, je vais mieux on va s’en tenir là !
- Tu rigoles j’espère, lui dis-je, comment peut-on s’en tenir là ? tu as failli mourir, j’ai été victime d’une tentative d’expulsion, on a tout volé à la maiso…
- Quoi ? m’interrompt-il,
- Oui Sylvain, voici tout ce par quoi je suis passée quand tu étais inconscient, il est clair que quelqu’un nous en veut, j’ai même reçu des messages de menaces, lui dis-je, les larmes aux yeux, et tu dis qu’on va s’en tenir là ?
- C’est pour notre bien chérie, me dit-il la voix radoucie. Crois-moi !
Je veux réagir mais la porte s’ouvre sur nos amis qui viennent lui rendre visite. Nous reprendrons la discussion plus tard. Il est clair qu’il sait qui est derrière tout ça. Je veux savoir pourquoi on ne peut pas mêler la police à ça. Qu’est-ce qui nous garantit que désormais tout est rentré dans l’ordre ? je sais que lorsqu’il dit que c’est pour notre bien, il est sincère mais il ne peut pas me demander d’abandonner sans me donner d’explications. Il a quand failli mourir !
Peter SIMA
- Monsieur SIMA votre père sur la 1
- Ok je le prends tout de suite ! dis-je à Léonor mon assistante.
Aussitôt raccroché avec Léonor, je prends la communication avec mon père.
Depuis qu’il a fait son AVC il y a 2 ans à la suite du décès de mon frère, c’est moi qui gère l’entreprise familiale, il n’intervient que quand c’est nécessaire et ce depuis la maison. Cette mort a été un choc pour nous d’autant plus que le responsable court toujours les rues. C’est dur de perdre son enfant, c’est encore plus dur quand son crime reste impuni.
Mon père le rumine tous les jours.
Le travail c’est beaucoup trop de stress, surtout pour quelqu’un comme lui, qui aime donner de son meilleur.
- Papa ?
- Bonjour fils. Comment ça va ?
- Ça va. Toujours en négociations !
- Très bien. Tu t’en sors plutôt bien Peter !
- J’ai appris auprès d’un grand !
Il soupire. Quelque chose le tracasse. C’est certain.
- Qu’est-ce qu’il y a pa’ ?
- C’est Mathilde, elle refuse de nous laisser voir l’enfant ! j’ai appelé son mari qui m’a dit qu’ils étaient partis en France pour les vacances sans nous prévenir. Ce petit-fils est aussi le nôtre …c’est le seul souvenir que nous avons de ton frère …tu comprends ?
Bien sûr que je comprends. Quitter le pays avec l’enfant sans nous prévenir c’est le comble quand même ! Depuis la mort de Damien et d’Olivia, Mathilde la mère de cette dernière qui a eu la garde de Nicholas se comporte étrangement comme si elle nous tenait pour responsable de la mort de sa fille, parce que cette dernière se trouvait dans la voiture avec son mari. Elle oublie dans tout ça que nous aussi avons perdu quelqu’un à qui nous tenions énormément ce jour-là. Le jour où tout a basculé, je revis encore la scène quand il a fallu identifier les corps à la morgue. J’ai dû etre fort pour mon père. Et c’est ce jour-là qu’il a eu une attaque. Il n’a pas supporté. La police a parlé d’accident et supposé que Damien avait certainement roulé en état d’ivresse. Connaissant le sérieux de Damien, je sais une chose avec sa femme dans la voiture, il n’aurait jamais bu plus que de raison. Et sa voiture, Mitch avec son œil d’expert, a bien supposé un sabotage mais ça la police gabonaise n’a que faire de nos suppositions. Ces morts ne resteront pas impunies. La blessure est justement encore fraiche parce que ce n’est pas résolu et pour nous comme pour les ASSENGONE. Mais ça Malthide semble l’occulter, son objectif à elle, c’est nous faire porter la mort de sa fille.
Si nous avons respecté sa douleur jusque-là, je crois qu’il est temps de remettre les pendules à l’heure. Pour voir Nicholas, c’est tout le temps un combat.
- Ne t’inquiète pas papa on va régler ça !
- Oui mais avec tout ça, ta mère et moi n’avons plus la force de nous rendre à ce gala où on nous a invités. tu pourrais y aller à ma place ?
- Bien sûr papa ! tu n’as pas besoin de demander.
- Ce serait bien, si tu y allais accompagnée maintenant que tu as une fiancée, d’ailleurs quand aurons-nous le plaisir de la rencontrer officiellement ?
- Bientôt papa !
- Je l’ai vu sur Facebook ta mère m’a montrée. Elle a même acheté le magazine.
Il s’arrete marquant une pause, je l’imagine esquissant un sourire.
- Elle est plutôt mignonne. Tu as du goût.
- Merci papa, dis-je en souriant.
Je suis toujours au téléphone avec mon père quand Léonor vient me prévenir que ceux que j’attends pour conclure le contrat sont déjà là. Je prends congé de mon père espérant qu’aujourd’hui les discussions soient moins vives que la veille.
***
Il est midi quand on conclut enfin les négociations.
3 jours c’est ce qu’il nous a fallu pour arriver à un accord convenable avec les chinois. 3 jours c’est le temps qui m’a éloigné de Tia. Je ne pouvais pas imaginer que ne pas la voir tout ce temps me manquerait, l’écrire m’a paru insuffisant. Je me demande si le manque que j’ai ressenti n’est pas lié à la dernière image que j’aie d’elle, celles de nos bouches fusionnant dans un baiser.
Je souris en repensant au fait qu’elle soit un vrai moulin à paroles quand elle est stressée et combien il est agréable de la faire taire par un baiser. Ce n’est peut-être qu’une comédie tout ça, mais le fait est qu’elle me plait et qu’il est possible que je ne la laisse pas non plus indifférent.
En essayant d’échapper du mieux que je peux aux embouteillages, je file vers le cabinet Jackson avec un peu de chance, je pourrais emmener Tia dejeuner chez PAUL, à côté. Je suis sûr qu’elle ne dira pas non à son fiancé. Je l’imagine déjà contrariée à l’idée d’être prise par surprise, cette reine du contrôle.
- Bonjour ! dis-je à la secrétaire dont le visage s’épanouit avec un sourire aussitôt qu’elle me voit.
C’est la 2e fois que je viens ici et je suppose qu’elle doit comme la majorité des femmes avoir vu nos photos sur Facebook ou dans ce magazine. Les autres aussi, pensé-je, alors que je vois de jeunes curieuses guetter dans les couloirs.
- Bonjour Mr SIMA.
- Ma fiancée est là ?
- Oui. Je vous annonce Monsieur ?
Tia Jackson
- Mlle Jackson, Mr SIMA est là !
Peter ? Ça fait trois jours qu’on ne s’est pas vus. Je dois dire que si j’ai secrètement espéré qu’on se voie. Je me demande même pourquoi. Je n’espérais pas que ça soit maintenant. Je regarde Aaron en face de moi. Il y a moins d’une heure il a appelé pour confirmer le déjeuner que nous n’avions pas pu avoir et comme j’avais des dossiers à revoir avec Harry, je lui ai demandé si c’était possible qu’il vienne avec des plats directement à mon bureau et qu’on déjeune ici.
Que va penser Peter en nous voyant ?
- Mlle Jackson ? reprend Agathe
- Faites-le rentrer !
Je ne vais pas le faire attendre non plus, ni faire partir Aaron par la fenêtre comme si j’avais quelque chose à cacher.
La porte s’ouvre sur Peter.
- Bonjour ! dit-il en entrant
Je vois son regard se poser sur Aaron, moi et sur les couvercles posés au sol. Il me fixe à nouveau. Le retour du regard pénétrant qui n’a pas cessé de me troubler malgré le fait qu’on ne se soit pas vus. Est-ce parce qu’on ne s’est pas vu que je le trouve sexy et beau dans cet ensemble qui semble avoir été cousu sur mesures. Il avance vers moi. Diablement beau. Et, il effleure mes lèvres d’un léger baiser. Un frisson me parcourt.
- Je venais t’inviter déjeuner mais je vois que c’est déjà fait ! Bonjour je suis Peter SIMA le fiancé de Tia.
C’est au tour d’Aaron de me regarder plein d’interrogations avant de répondre.
- Aaron MEVIANE, un ami. Je ne te savais pas fiancée Tia ! Félicitations !
Sa voix est teintée de reproches, je le sens.
Et voilà ce que je voulais lui annoncer calmement tombe comme une bombe.
- Ça s’est fait ce weekend ! murmuré-je honteuse. C’est ce que je voulais te dire….
Il arque les sourcils qui semblent me dire :
Ah bon ?
- Vous devriez orner ce doigt d’une bague parce qu’on ne pourrait pas se douter qu’elle est engagée et quelqu’un pourrait vous la piquer ! ajoute Aaron en se levant et ramassant son blouson. Bien je vais y aller ! au revoir Tia, Mr SIMA !
Ils se saluent de la tête. Il m’accorde à peine un regard en partant.
Quand la porte se referme sur Aaron, je me sens mal. Je reste muette en fixant la porte.
- Tu ne m’avais pas dit que tu étais amoureuse de quelqu’un…
C’est la voix de Peter qui me sort de mes pensées.
- Amoureuse ? qu’est-ce que tu racontes ? répliqué-je, en sortant de mes pensées.
- Ça se voit ! me dit-il sèchement le regard rivé sur les couvercles. Juste une chose le temps que durera ce manège je préfèrerais que tu ne fréquentes personne, je ne tiens pas à passer pour un imbécile !
Il n’en faut pas plus pour me mettre en colère. Que je ne fréquente personne, mais qu’est-ce qu’il insinue et pour qui me prend-t-il enfin ? Ce n’est pas comme si j’avais demandé à me retrouver embarquée dans cette histoire, je n’ai rien demandé et encore moins qu’une peste se mêle de ma vie.
- Je n’ai pas d’ordres à recevoir de toi ! lui dis-je en m’éloignant de lui, pour aller ranger le bazar qu’il y avait au sol.
- Mlle Jackson, il faut que tu le saches, je suis un homme fang et je ne partage pas ce qui est à moi !
Je ricane. Il ne peut pas parler sérieusement. Cet homme si élégant, et intellectuel, ne peut pas parler comme un homme des temps de cavernes. Ce qui est à moi, on aurait dit que je suis un objet qu’il a payé et qu’en enfant capricieux et égoïste, il ne veut pas partager. Je ne suis pas un objet. Encore moins son objet.
- Je ne t’appartiens pas, je ne suis pas à toi, tout ceci n’est qu’un jeu au cas où tu l’oublierais ! répliqué-je, révoltée et reposant les couverts que j’avais déjà ramassés.
Je suis un homme fang et alors ? Comme si c’est censé m’influencer. Je marmonne de colère toujours accroupie, que je ne le vois pas avancer. Quand je me relève, nous sommes face à face. Nous nous jaugeons du regard.
- Je le répète, je ne partage pas ce qui est à moi ! me dit-il en me fixant.
La proximité est à son comble.
Son regard est déstabilisant mais il n’est pas question que je me laisse faire.
- Et moi je ne suis pas à toi ! on ne me contrôle pas Peter, répliqué-je , en soutenant son regard
- Et bien c’est ce qu’on verra !
Il a ce sourire magnétique qui m’attire inexorablement vers lui.
Il ne me laisse pas le temps de répliquer qu’il s’empare de mes lèvres. Ses traitresses s’ouvrent pour répondre au baiser et mes bras que je ne contrôle déjà plus, passent autour de son cou. C’est la 4e fois qu’il m’embrasse et ça n’a rien à avoir avec les premières fois. C’est fougueux, c’est électrique. Ses doigts glissent dans mon dos et mon corps se traite frissonne. Pourquoi me fait-il autant d’effet ? Et pourquoi je ne le repousse pas ? nous nous embrassons avec avidité.
C’est le bruit de la porte qui s’ouvre sur nous, qui fait nos lèvres se séparer. Et nous sursautons comme deux enfants pris en faute.
C’est papa.
- Désolé, je croyais que tu étais seule… Agathe n’est pas là… Bonjour Peter ! dit papa rouge de gêne.
Normal c’est la première fois qu’il voit sa fille dans cette position.
- Euh je vais repasser….
- Mais non Monsieur Jackson, je m’en allais ! dit Peter, j’étais venu dire à Tia que nous sommes invités à un gala ce soir. Elle me disait justement que je pouvais passer la chercher à…
Un gala ? A quel moment de la discussion, m’a-t-il demandé de l’accompagner à un gala.
- 19h, complété-je alors que sur son visage s’affiche un sourire vainqueur.
- C’est ça ! à ce soir chérie.
Il pose délicatement un baiser sur ma joue, salue une fois de plus mon père avant de prendre congé. Si papa n’était pas là, j’aurais déjà crié ma frustration de n’avoir pas pu résister mais j’affiche au contraire un sourire radieux pas trop forcé au final.
- Eh bien Tia. Qu’est-ce qu’on peut faire dans des bureaux !
J’éclate de rire. Sacré papa.
Je suis sure que ce soir même, maman m’appellera pour avoir les détails.
***
- Tu me conseilles quoi alors ? demandé-je à ma mère au téléphone ne sachant pas quoi mettre pour ce gala où on m’a presque forcée d’y aller.
- Je savais que tu aurais eu du mal, je suis à un cours sur la cuisine antillaise, je ne peux donc pas t’aider mais ta sœur arrive, je crois dans 10 minutes elle sera devant ton portail. je l’ai appelé.
Il fallait s’en douter que maman aurait prevenu Linda. Je remercie le ciel parce que sans elles que serais-je mais ça, il ne faut pas qu’elle le sache.
Quand Linda arrive c’est avec 4 robes toutes aussi belles les unes que les autres. Après beaucoup d’essayages, Linda et moi statuons sur la robe a porté. C’est encore elle qui se chargera de ma coiffure et de mon maquillage.
- Donc papa vous a surpris ? rit- elle alors qu’elle essaye de coiffer mes cheveux
- Oui, dis-je en la suivant dans son rire.
- Pauvre papa ! donc tu me disais que tu n’avais pas encore dit à Aaron que tu étais fiancée, j’imagine le choc que ça été pour lui surtout qu’il avait véritablement flashé sur toi !
Je soupire.
- J’ai eu honte Linda. Tellement. le pire c’est que Peter aussi n’a pas apprécié le voir et on s’est un peu chamaillé, lui dis-je sans entrer dans les détails, et tu sais ce qu’il m’a dit ?
- Quoi ? me demande Linda en marquant une pause
- Qu’il est fang et qu’il ne partage pas ce qui est à lui
Linda éclate de rire.
- Ça ne m’amuse pas Linda, c’est censé vouloir dire quoi je suis fang ?
- Que c’est un homme jaloux peut-être, que sais-je !? je ne connais pas les différentes qualités des hommes fang petite sœur. De toutes les façons tu auras le temps de faire un travail de recherches sur la civilisation fang vu que tu vas en épouser un !
Linda est d’humeur moqueuse. Je ne lui en tiens pas rigueur. Ça m’aide plutôt à chasser mon stress. Parce qu’après la discussion et le baiser de ce matin, je ne sais pas sur quel pied on va danser Peter SIMA et moi durant ce gala.
Quand Linda finit son tour de magie, même moi je ne me reconnais pas devant la glace. Je me trouve belle et séduisante et on peut dire qu’elles sont rares les fois où je suis restée estomaquée devant le miroir.
Ma sœur visiblement satisfaite de son chef d’œuvre sort son téléphone et me prend en photo.
- C’est pour maman ! me sourit-elle. Ton fiancé aura des raisons d’être jaloux ce soir, mais bon je ne m’inquiète pas vu la façon que vous avez de vous réconcilier. Electrique.
Electrique. C’est vraiment le mot, pensé-je alors qu’affluaient les souvenirs de ce baiser fougueux dans le bureau le matin. Des légers spammes me saisissent alors que mon corps entier me réclame cette expérience. Et ce soir si je faisais perdre la tête à Peter SIMA ?