Chapitre 8 : Bintou la vendeuse d’essence

Ecrit par Liseur

Chapitre : Bintou la vendeuse d’essence

La scène s’est déroulée un soleil couchant. A moment où le soir séduit le jour pour donner naissance au crépuscule. Qu’il est redoutable le crépuscule des incertitudes, des clairs-sombres ! Le crépuscule des drames.

Bintou ne le sait que bien. Pour gagner sa vie, il faut dorénavant prendre le risque d’affronter le trafic urbain. Elle fait partie d’un monde. Le vingtième monde de ceux qui s’échinent sous le soleil chaud pour fournir des services aux citadins. Ils pullulent sur les trottoirs. Ils encombrent les passages cloutés. Ils s’agrippent aux vitres baissées des voitures en proposant des articles de tout genre.

Bintou, elle, après avoir essayé plusieurs activités, s’est stabilisée dans la vente de l’essence de contrebande. Chaque jour, l’expose au risque d’un incendie et à celui de se faire renverser par les voitures. Elle a bien conscience des dangers puisque plusieurs trafiquants de carburant sont morts brulés par le feu. Pourtant, il n’avait pas de quoi la décourager. Chaque activité comporte son risque inhérent, se répète-elle pour exorciser sa peur.

Le commerce ne nécessite qu’un tabouret et quelques bouteilles en verre ou en plastique, un tank de stockage de carburant et un entonnoir. Le gain, lui, est substantiel et sûr. Le marché étant fourni et se renouvelant au fil du trafic. Toutes les conditions d’une activité grassement lucrative y sont réunies. Aussi, est-elle présente à un coin de rue, le jour drame.

Ce jour-là, Bintou avait au dos son dernier né. Il commençait à peine à faire ses premiers pas. Le jour d’avant il avait prononcé son premier «maman» à l’émerveillement sa mère. Elle l’avait couvert de baisé pour l’encourager. Certaine fois, lorsqu’un client station dans le contre sens, Bintou traverse la route pour aller servir le servir. Elle l’a souvent fait qu’elle en oublie le risque d’une collision mortelle. Un chauffeur au volant d’une grosse berline vient de garer jute devant sa "station". Elle  flaire la bonne affaire. Ce genre de client achète plusieurs litres. Elle n’a même pas besoin de traverser la route. C’est donc toute à sa joie que Bintou s’est mise à remplir le réservoir de la voiture. La disposition du bouchon d’accès, l’oblige à empiéter sur l’asphalte en bordure du trottoir. Cela a toujours été ainsi. Les autres chauffeurs, s’écartent de la voiture en stationnement même si ce dernier déborde du couloir de dégagement. Une règle non écrite.

Or, cette fois-là, l’ange gardien de Bintou devait être distrait. Bintou n’a pas vu venir le bolide qui déboulait à toute vitesse. On ne sait pour quelle raison, son conducteur a enfreint la sacrosainte règle. Avant la tragique collision, mue par, certainement, son sixième sens, Bintou esquisse un léger recul pour éviter le choc. Mais elle n’eut pas suffisamment d’espace pour empêcher le bolide de décrocher son bébé de son dos et de l’étaler sur l’asphalte.

Le chauffard ne s’arrêta pas une seule seconde. Bintou chancelante s’évanouit à son tour. La prise en charge fut l’œuvre de bons samaritains.

Dieu a un frère, le...