Chapitre 8: Entre deux feux

Ecrit par Alexa KEAS

Armelle

Je cligne des yeux plusieurs fois, comme si le message que Cheick venait de m’envoyer aurait changé de nature, entre deux battements de cils. C’est bien la première fois qu’il me réclame ainsi, pendant que je suis en déplacement.

« J’ai envie de toi, ce soir. Je t’ai déjà pris le billet aller-retour. Demain tu pourras être aux chevets de ta mère. J’ai hâte de te baiser ».

J’entends les pas de Dieudonné depuis le couloir et me dépêche d’effacer le message de Cheick. Je me suis finalement pris un téléphone double Sim, dans lequel se trouve mes deux numéros, celui du Mali et celui d’ici. J’ai également fait installer deux whatsapp. C’est quoi ce caprice que Cheick me fait ? Il n’a même pas demandé mon avis qu’il a déjà pris le billet. Que vais-je bien pouvoir dire à Dieudonné avant de m’en aller ?

-Tu penses à quoi ?

Je sursaute au son de sa voix.

-A rien, chéri.

-Tu es sûre que ça va ? Tu sembles nerveuse !

-Tout va bien, je t’assure.

-Ok, bon je vais prendre ma douche.

-Ok, je vais te préparer le petit déjeuner.

-Merci chéri.

Je glisse le téléphone dans la poche de la petite culotte en Jean que je porte et sors de la chambre. Je traverse le couloir et le salon et atteins la cuisine, en rependant à tout ça. J’envoie un message à Cheick et lui dis que c’est bien trop précipité et qu’il fallait mieux qu’il reporte.

« Army, je t’attends ce soir. »

Je pousse un long soupir. Je suis rentrée, il y a une semaine à peine ! Ne peut-il pas se contenter d’une de ses nombreuses conquêtes, le temps que je rentre ? Bras croisés sur la poitrine, je tourne en rond, sans arrive à faire tourner mes méninges. Je ressors le téléphone et me connecte à mon mail. Le vol est pour treize heures, ma foi ! Il est huit heures et le temps que Dieudonné parte au boulot, il sonnera neuf-heures ou plus. Que vais-je bien pouvoir lui dire ?

Déjà, je commence la préparation de son petit-déjeuner. J’ai assez perdu de temps. Je sors de l’oignon, des tomates, du poivron, du persil, du piment vert, de l’ail et quatre œufs. Mon mari a une façon particulière de manger ses omelettes. Au début, quand il m’a montré comment les lui faire, j’avais pensé qu’il en faisait trop. J’ai fini par y prendre goût aussi. Je me mets à la tâche et commence le découpage des légumes. Je finis à peine que l’odeur de son parfum se répand dans la cuisine.

-A chaque fois que tu portes cette petite culotte et que je te vois debout, à la cuisine, j’ai juste envie de te plaquer contre la table de cuisine et…

Je me mets à rigoler très fort pour l’empêcher de finir. Je n’ai vraiment pas la tête à ça, mais apparemment Dieudonné ne l’entends pas de cette oreille. En trois grands pas, il réduit la distance entre nous et se colle à moi.

-Arrête chéri, je pus l’ail et l’oignon.

-Ça ne me dérange pas, dit-il, en me faisant des bisous dans le cou.

-Allons prendre le petit-déjeuner, j’ai faim.

-Et moi, j’ai faim de toi.

Sa main se faufile sous mon corsage et remonte à mon sein gauche. Il en saisit rapidement le téton et commence à le titiller.

-Arrête, chéri. Je n’en ai pas envie.

-T’inquiète pas, je vais bien m’occuper de faire naitre l’envie.

Aussitôt qu’il finit sa phrase, sa deuxième main se plonge dans ma culotte. Je ne porte pas de slip, ce qui lui facilite l’accès à mon intimité, qu’il se met à fouiller minutieusement, comme s’il y avait perdu quelque chose. En fin de compte, je me dis qu’il vaut certainement mieux que je me laisse faire, l’humeur de Dieudonné sera déterminant pour que je puisse aller rejoindre Cheick. Quelle vie de folie ! Je rejette la tête en arrière et capture les lèvres de mon homme. Je l’embrasse avec une telle passion qu’il s’en montre ravi.

-Je vois que l’envie s’est réveillée !

-Tu n’as pas idée à quel point.

J’ôte mon haut et ma culotte pendant que Dieudonné déboutonne sa chemise. Je l’aide à finir de se déshabiller. Il prend place sur la chaise de la cuisine et m’invite à prendre place sur lui. Il veut prolonger les préliminaires mais je l’en empêche et me laisse glisser tout au long de son sexe raide. Je me mets à bouger lentement de l’avant à l’arrière, tournant en cercle par moment. Cette manège dure cinq minutes au moins, avant que je n’en change. Je m’accroche fermement à Dieudonné et m’applique à faire des montées et des descentes. D’abord tout doucement, puis j’accélère le rythme, soutenue par les mains fermes de mon mari sur mes hanches.

-Attends, chérie.

Dieudonné se lève de la chaise, avec moi empalée sur son sexe. Il contourne la table et me dépose à l’autre extrémité. Il me prend dans cette position avant de me faire me retourner. Le plaisir me submerge malgré tout. Vivant seuls, je me permets de gémir aussi fort que l’envie me prend, sous les encouragements de Dieudonné. Toute bonne chose ayant une fin, la jouissance finit par avoir raison de nous. Nous nous laissons tomber sur la table, les corps en sueurs et les cœurs battant la chamade.

-Je vais devoir reprendre une douche.

-Je sais.

-Allons la prendre ensemble.

-D’accord.

Dieudonné me porte jusqu’à la douche. Nous la prenons, en restant bien sages. A la fin, je me rends à la cuisine pour lui prendre ses vêtements. Je ramasse les miens à l’occasion et consulte mon téléphone. J’ai encore un autre message de Cheick. J’arrête d’avancer et l’ouvre. Il s’agit d’une photo de lingerie sexy, avec un message en légende.

« Tu les trouveras sur le lit, j’ai hâte de les voir sur toi ».
C'est un ensemble de soutien-gorge et string en dentelle avec des fantaisies dont le designer seul connait l'utilité. C'est quand même beau et si ça plait à Cheick, alors! Ses désirs sont des ordres. Je pose une main sur mon front et m’adosse au mur, en poussant un long soupir.

-Armelle, appelle Dieudonné.

-Oui chéri, j’arrive.

J’efface le message avant de le rejoindre dans la chambre. Je lui tends ses vêtements et vais ranger les miens dans la corbeille à linge sale. Je reviens dans la chambre me chercher une robe dans l’armoire.

-Tu sors aujourd’hui ? demande Dieudonné, en lissant les plis sur son pantalon.

-Euh non, je ne sais pas encore. Peut-être, irai-je au grand marché, à la boutique de Nadou.

-A propos, pourquoi ne pas prendre une boutique aussi ?

-Au grand marché ?

-Bien sûr !

-Ah non, ce n’est pas pour moi. Du moins, pas maintenant. Je préfère stocker mes marchandises à la maison. Avec les réseaux sociaux, je m’en sors plutôt bien. En une semaine, j’ai écoulé les trois quart du stock ramené.

-Ce qui suppose que ton prochain voyage ne tardera pas !

-Pourquoi tu deviens tout d’un coup sérieux ?

-Je veux que tu arrêtes ces voyages. Tu peux demander à ton amie de faire les achats pour toi et te les envoyer ici.

-Et comment je fais pour ce que moi j’achète d’ici pour la revente là-bas ?

-Elle peut bien s’en charger !

-En plus, tu le penses vraiment !

-Pourquoi tu t’énerves ?

-Parce que j’ai l’impression que tu veux faire de moi, une femme au foyer dépendant entièrement de son mari.

-Mais non, ça n’a rien à voir. C’est simplement que, c’est dur de passer trois semaines sans toi. Et l’idée que ça va se répéter souvent ne m’enchante pas. Je ne te l’ai jamais caché.

-C’est juste pour un temps.

-Ok.

Personne ne parle jusqu’à ce que nous finissions de nous habiller. C’est en silence que nous regagnons le salon. Dieudonné s’installe, pendant que je vais préparer le plateau du petit déjeuner à la cuisine. Nous mangeons, toujours en silence. Il n’y a qu’au moment de partir qu’il ouvre encore la bouche.

-Tu viens fermer le garage, s’il te plait ?

-Oui, chéri.

Il me devance et avance à pas rapides. Je sais qu’il est fâché. Une fois dans le garage, je me dépêche de le rattraper avant qu’il ne s’installe dans la voiture. Je me colle à lui et réajuste le col de sa chemise.

-C’est pour un temps, dis-je, d’une petite voix.

-Je le sais bien mais comprend-moi aussi.

-Je ne veux pas que tu partes en étant fâché.

-Je ne suis pas fâché.

-Ah oui ? Embrasse-moi donc.

Il me donne un baiser aussi court qu’une seconde et essaie de se dégager.

-Je ne te laisserai pas partir, tant que tu ne m’auras pas donné un vrai baiser.

-Armelle !

Je prends les devants et colle mes lèvres aux siennes. J’introduis ma langue dans sa bouche à la recherche de la sienne. Il m’enlace et m’embrasse goulûment. Cette fois, c’est moi qui me dégage de lui. Il sourit en secouant la tête. Je sais, je vais finir par te rendre fou. Je me dépêche d’ouvrir le garage et lui fais signe d’au revoir de la main, quand il fait sortir la voiture. Je referme le portail et cours presque à l’intérieur. Je prends mon téléphone et réponds au message de Cheick, en premier.

« C’est très beau, chéri ».

Je prends une profonde inspiration et appelle maman. Non, ma mère n’est pas le genre de femme à couvrir les bêtises de ses enfants. Ne pouvant plus raccrocher, j’attends qu’elle raccroche et discute un peu avec, avant de raccrocher. Je ne veux et ne peux pas mêler un membre de ma famille à cette histoire. Je ne vois vraiment pas qui peut me couvrir. Réaliser que le temps passe et que je n’ai toujours pas un bon plan me rend nerveuse. Le vol est pour treize heures est il est dix heures à présent, merde !

Je tourne encore un peu en rond quand me vient une idée. J’appelle Dieudonné illico.

-Allô mon cœur.

-Chérie s’il te plait, est-ce que je peux te rappeler ? Je suis au port là, il y a du bruit ici.

-Ne peux-tu pas t’éloigner un peu ? C’est urgent !
-Ok, raccroche. Je te rappelle dans deux minutes.

Il le fait cinq minutes plus tard.

-Que se passe-t-il ?

-Te rappelles-tu de Kadira, l’une de mes meilleures amies du Sénégal ?

-Non, je ne vois pas.

-Enfin, Dieudonné ! m’exclamé-je, faussement outrée.

-Bon ok, que se passe-t-il ?

-En fait, je ne sais pas si je t’avais aussi dit que sa mère est togolaise. Cette dernière est décédée depuis que Kadira avait dix-ans.

-Ok, et ?

-Il y a la tante de Kadira, la grande sœur de sa mère, qui vit à Atakpamé. Elle vient d’avoir un accident. Kadira m’a appelé en larmes. Sa tante n’a pas d’enfant et vit seule là-bas. Elle veut que j’aille la voir et que je lui remette également de l’argent, qu’elle va envoyer toute à l’heure par western union.

-Ok Armelle, j’ai compris mais nous en reparlerons le soir, tu veux bien ? Il faut que j’aille surveiller l’ouverture du container.

-Je dois y aller maintenant, Dieudonné, c’est vraiment urgent.

-Quoi ?

-Atakpamé, c’est quand même deux heures d’ici !

-Hum…

-Ecoute chéri, Kadira m’a vraiment beaucoup aidé quand j’étais au Sénégal. Il faut bien que je lui rende la pareille, maintenant qu’elle a besoin de moi.

-Je te comprends mais c’est quand même brusque.

-Les évènements malheureux ne préviennent pas, justement.

-Ok. Tu feras donc un aller-retour.

-Oui, j’espère bien que je ne devrai pas rester.

-Tiens-moi au courant.

-D’accord mon amour, je t’aime.

-Je t’aime aussi.

Je raccroche et pousse un gros ouf de soulagement. Je me dépêche de me préparer un petit sac. Le temps de me changer, sortir de la maison et trouver un taxi, je file à l’aéroport. J’arrive à onze heures trente cinq minutes, exactement. Je n’ai pas de bagage donc, je ne me fais pas trop chier, avant d’embarquer. J’ai le cœur qui bat à un rythme accéléré. Il ne se calme un peu, qu’une fois l’avion dans les airs.
Trois heures plus tard, le taxi me dépose devant l’immeuble qui abrite mon appartement à « Badalabougou ». J’ai largement le temps de me faire des bains de sièges et autres soins, avant l’arrivée de Cheick ce soir. Je me connecte au wifi et envoie un message vocal à Dieudonné, via whatsapp.

« Ah chéri, c’est si grave, si tu voyais l’était de la tante de Kadira, c’est tellement triste ! Elle a les jambes et le bras fracturés. Bon, je file à la pharmacie, on vient de me remettre une ordonnance. Au fait, j’ai constaté que le réseau déconne vraiment ici donc, ne sois pas surpris si jamais tu as du mal à me joindre. A plus, mon amour ».

*
*
Sabine

Un de perdu, dix de retrouvés, dit-on. Des queues à baiser, il y en aura toujours sur ma route, même si maintenant, je cherche plus à me caser qu’à baiser. Encore que, c’est moi qui me fais baiser depuis un certains temps. Assise depuis une demi-heure dans le hall de l’aéroport, j’attends qu’atterrisse le vol d’Air France. Généralement, les gens rentrent entre dix-neuf et vingt-heures, pourquoi Armand lui a choisi de rentrer à midi ? Je m’occupe avec un jeu tordu sur mon téléphone quand, en levant la tête, j’aperçois une silhouette qui me semble familière. On dirait Armelle, ma belle-sœur. Je me lève, dans le but de mieux la scruter mais elle disparait de mon champ de vision. Armelle qui va prendre l’avion ? Mon cousin Dieudonné aurait gagné au loto, sans que je ne sois mise au courant ? Bof, c’est peut-être une ressemblance mais j’appelle quand même Dieudonné. Il s’est éloigné de moi depuis l’autre fois. Je lui en veux d’avoir refusé de m’aider mais bon, il est l’unique famille que j’ai à Lomé.

-Allô, dit-il si froidement que je me sens en hiver.

-Allô couz, alors, ça va ?

-Oui, ça va, et toi ?

-Très bien. Je suis même à l’aéroport pour accueillir mon nouveau chéri.

-Oui, c’est ça. Il est marié lui aussi ?

-Je ne t’ai pas appelé pour que tu me sermonnes.

-Pourquoi appelles-tu alors ?

-Je viens de voir ta femme, enfin, une femme qui lui ressemble fortement à l’aéroport. Le temps que je m’en convaincs, elle avait disparu derrière la porte d’embarquement. Je crois qu’elle va prendre un vol.
Dieudonné se met à rigoler.

-Euh, j’ai dit quoi de drôle ?

-A moins qu’il y ait un aéroport à Atakpamé, je suis sûr à deux cent pourcent, que la personne que tu as vu ou as cru voir n’est pas Armelle.

-Ok, je voulais m’en assurer. Au cas où tu aurais gagné à la loterie ou que les affaires prospéreraient assez bien pour que tu puisses faire voyager ta femme en avion, j’espère que j’aurai ma part.

-T’inquiète pas, cousine. Ça ne saura plus tarder.

-Ok, bon je te laisse. La voix de l’hôtesse vient d’annoncer l’arrivée du vol que j’attends. Je me suis dégotée un super mec sur Facebook…

-Ok ok, bon vent à toi. J’espère que cette fois, ça ne va pas tourner au drame.

-Prie pour moi.

-Je préfère encore prier pour le Togo.

C’est en rigolant que Dieudonné raccroche. Moi, il ne m’amuse pas du tout. Je file aux toilettes me refaire une petite beauté avant d’aller me pointer dans le hall, attendant la sortie d’Armand.

Rédemption