Chapitre 8 - Retrouvailles

Ecrit par NafissaVonTeese


-- PRÉCÉDEMMENT --

Amina avait enfin réussi à convaincre le Professeur Malick DIOP de sortir son père de prison dans les délais imposés. En attendant que cela soit fait, elle allait exploiter la piste de la lettre glissée sous sa porte par un inconnu, lui affirmant que sa mère avait été victime d’un assassinat.

L’auteur connaissait certainement l’assassin et son ami Maurice allait pouvoir l’aider à le retrouver.

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« La vie c’est des étapes… La plus douce c’est l’amour… La plus dure c’est la séparation… La plus pénible c’est les adieux… La plus belle c’est les retrouvailles. »

Roland GUEYE

 

***

 

Nous nous étions rencontrés presque trois années plus tôt quand je venais tout juste d’aménager chez mon oncle après l’arrestation de mon père. Il était venu passer les vacances à Dakar, dans la maison de sa tante qui était juste en face de la notre.

 

« Je ne suis pas venu au Sénégal pour jouer au gardien de maison mais pour profiter de mes vacances. », avait-il craché, grincheux, quand mon oncle avait fait les présentations.

 

- Ta tante m’a conseillée de te présenter ma petite nièce. Vous avez presque le même âge alors vous ne deviez pas avoir de difficulté pour vous entendre, avait dit mon oncle avant de s’éclipser.

 

Maurice étudiait la biotechnologie à l’université de Metz en France et c’était la première fois qu’il revenait au pays après son départ, trois années plus tôt. Sa tante, qui l’avait éduquée après la mort de ses parents dans un accident de voiture quand il n’avait que cinq ans, lui avait proposée de lui payer le voyage et en retour, il allait veiller sur sa maison pendant qu’elle allait, avec ses deux enfants, découvrir les pays du Maghreb.

 

Pour fuir la maison de mon oncle et ses habitants qui ne cessaient de me regarder avec pitié, je lui avais proposée de lui  tenir compagnie durant son séjour. Il avait accepté avec une totale indifférence.

Maurice ne parlait pas beaucoup les premiers jours et passait le plus clair de son temps accroché à son smartphone, les écouteurs aux oreilles.

 

-         Qu’est-ce que t’écoutes ? lui avais-je demandée, devant la porte de sa chambre, pour établir un premier contact.

Il n’avait pas entendu, ou peut-être il avait fait semblant.

Je m’étais avancée jusqu’à son lit et avait arraché ses écouteurs de ses oreilles avant de les enfiler. Il avait aussitôt augmenté le volume à fond.

 

-         Mais t’es con ou quoi ? lui avais-je criée dessus avant qu’il ne se mette à rigoler jusqu’à en pleurer.

  

Quand je l’ai retrouvée ce soir là au jardin public, j’ai eu l’étrange impression que le temps n’était pas passé. Il avait comme toujours, sa belle barde de trois jours, et était habillé de son vieux tee-shirt gris avec une photo de Maryline Monroe et d’un jean. Je le regardais de loin en m’avançant vers lui à pas précipités. Quand il m’aperçut, il me sauta littéralement dessus pour me serrer dans ses bras. Je l’avais alors serrée contre moi comme s’il allait s’échapper si jamais je le lâchais.

 

-         Tu m’as quand-même un peu manqué…

J’avais prononcé ces mots sans m’en rendre vraiment compte ; certainement un mauvais coup de mon subconscient.

 

En quelques secondes, j’avais retrouvé un sentiment de sécurité que j’avais presque oublié. J’aurais pu rester ainsi des heures durant, abandonnée dans les bras de la seule personne en qui j’avais une totale confiance, comme s’il était là pour me protéger de tout et de tout le monde, mais il me fit revenir à la réalité en se mettant à chantonner avec sa voix rocailleuse.

 

-         Quand elle me prend dans ses bras, et me parle tout bas je vois la vie en rose…

 

J’avais brusquement reculé et ça lui avait fait rire. Maurice m’avait pris par la main avant de m’attirer vers un des bancs en fer forgé du jardin. Pendant quelques secondes, il m’avait laissé le regarder sans retenu et dans un silence solennel, comme pour rattraper les années qu’on était resté sans se voir. Il n’avait pas changé d’un seul poil.

 

-         La vie en rose ! Tu écoutes toujours ces vieilleries ? lui avais-je demandée, même si je connaissais déjà la réponse.

 

-         Toujours et pour toujours ! Comme on dit, la mauvaise herbe ne meurt jamais.

 

-         Et tu as toujours ce tee-shirt pour fille ? Tu m’avais promis de t’en débarrasser.

 

-         Jamais ! Et tu sais très bien pourquoi.

 

-         Pour l’avoir près de toi en attendant de la rejoindre dans l’au-delà pour l’épouser… Oui je sais.

 

-         Et pas seulement parce-que c’est la femme de ma vie et de ma mort ! La première fois qu’on s’en vu, c’est ce même tee-shirt que je portais. IIl me rappelle nos moments passés ensemble. Tu sais que je suis un grand sentimental alors je n’arrive pas à m’en défaire.

 

Il s’était tu quelques secondes avant d’effacer son sourire de son visage. Je le regardais dans les yeux, m’attendant à des propos sarcastiques, comme il avait l’habitude d’en sortir à chaque fois qu’il prenait son air sérieux.

 

-         Tu vas finir un jour par me dire pourquoi tu as refusé de me voir depuis que je suis rentré ? Si tu me dis : pour me cacher ta coupe de cheveux ridicule, je comprendrai. T’es affreuse ! On dirait un mec.

 

Je n’avais pas ri. Je savais que ce n’était pas le but recherché alors je m’étais limitée à baisser la tête en espérant qu’il change de sujet en voyant ma réaction.

 

-         Tu es sûre que tout va bien ?

 

-         Oui très bien !

 

-         Tu crois pouvoir me faire avaler ça ? J’ai lu chacun de tes mails au moins une bonne dizaine de fois. Comme tu me l’avais demandée, je n’en ai répondu à aucun. Je peux comprendre que cela ait pu te soulager de confier tes doutes, tes questions et tes tonnes de bêtises à quelqu’un qui ne te juge pas mais je n’ai jamais voulu de ce statut de journal intime que tu m’as collée.

 

-         Maurice…

 

-         Non s’il te plait, laisse moi parler. J’ai toujours été là pour toi. J’ai toujours fait tout ce que tu m’as demandée de faire et cela sans hésitation ni poser de question. Et tu sais pourquoi ? Parce-que quand j’ai voulu foutre en l’air mes études, ma vie, pour partir à l’aventure, faire le tour du monde, sur un coup de tête, tu as été la seule qui a réussi à me faire revenir à la raison. C’est en grande partie grâce à toi si j’ai obtenu mon diplôme et que j’ai eu le courage de rentrer. J’ai un boulot que j’adore, dans mon pays que j’adore et c’est seulement parce-que tu as su, au moment opportun, me remettre sur les rails. Je t’en serai toujours reconnaissant. Le meilleur moyen que j’ai de te rendre l’appareil est d’être là pour toi, autant que tu l’as été pour moi. Alors…

 

-         Maurice écoute…

 

-         Je m’en fous de tout ce que t’ais pu faire jusqu’ici. Jamais je ne te jugerai même si je connais toutes ces choses atroces que tu m’as dite avoir fait dans tes mails. Je comprends ta douleur et je serai toujours là pour te soutenir mais il va bien falloir que tu te décides un jour à toujours la page et reprendre ta vie en main.

 

Jamais Maurice ne m’avait parlé ainsi. Je ne reconnaissais plus l’homme drôle, jamais réellement sérieux, qu’il avait toujours été. Je ne savais pas quoi lui dire, par peur de le  blesser ou d’empirer la situation. Pour éviter que nos regards se croisent, je m’étais levée pour marcher vers le banc d’en face qui se trouvait à moins de dix mètre, cherchant désespérément les meilleurs mots à lui servir, quand je tombai nez-à-nez sur un homme qui s’écria aussitôt : « Hey c’est vous ! ».

 

Encore l’homme à la cicatrice sur la joue.

 

Il s’était aussitôt lancé dans un speech sur le livre qu’il m’avait donné et ses personnages. « Pot de colle » j’avais pensé avant de me décider à l’ignorer. Quand j’ai commencé à marcher vers Maurice, il me suivait. Je m’étais alors arrêtée, ce qui poussa Maurice à venir nous rejoindre.

 

-         Tu commences à me manquer chérie ; avait-il dit juste après être passé derrière moi pour m’enlacer dans ses bras.

 

J’étais aussi surprise que l’homme à la cicatrice qui resta silencieux, à nous observer deux ou trois secondes avant de lancer un timide « Bonsoir », puis il lui avait tendu la main, que serra aussitôt Maurice.

 

-         Moi c’est Ali. Ali comme Mohamed Ali mais je ne suis pas… Enfin, je suis Ali tout court…

 

-         Maurice ! Enchanté.

 

Pendant un instant, nous étions là debout, tous les trois, dans le jardin à nous regarder, attendant que quelqu’un brise le silence ; et c’était moi qui m’étais jetée à l’eau.

 

-         On doit y aller là. N’est-ce pas Maurice ?

 

J’étais entrain de m’éloigner de lui quand il m’attrapa par la taille. On aurait dit de parfaits amoureux. Il avait alors souri au Monsieur qui avait l’air complètement déconcerté, avant de lui dire gentiment au-revoir.

Je marchais devant Maurice quand l’homme à la cicatrice cria :

 

-         Comment est-ce que vous vous appelez ?

 

-         Maurice. Je viens de vous le dire.

 

-         Non pas vous. Elle !

 

-         Amina ; lui avais-je dit avec un sourire, comme pour rattraper le comportement enfantin de Maurice.

 

-         Amina ! Joli prénom…

 

Je n’avais pas répondu. Je m’étais mise à marcher aussi vite que je pouvais, laissant Maurice derrière moi. Il m’avait suivi en rigolant comme un enfant.

 

-         Hey attends !

Je faisais mine de ne l’avoir entendu.

 

-         Tu es fâchée ?

 

-         Non !

 

-         Ce n’est pas vrai ! Et puis dis-moi chérie, on va où comme ça ?

 

-         Tais-toi et suis-moi !


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