CHAPITRE II : L'éclosion d'une chrysalide
Ecrit par dotou
Après l’obtention de son diplôme en gestion
des entreprises et un Master en communication, le jeune homme reprit peu à peu
les rênes de la société paternelle. Cora préparait cette année-là son examen
d’entrée au collège. Elle sollicitait constamment l’aide de son frère dans la
résolution de certaines difficultés qu’elle rencontrait. Absorbé par cette
tâche, il lui arrivait parfois d’annuler certains de ses rendez-vous avec
Ester. Un samedi soir, alors qu’il venait de se décommander une fois encore, la
jeune fille apparut, folle de rage.
- Dean, j’en ai plus qu’assez !
Cette petite te mène par le bout du nez. Tu te plies à tous ses caprices. Il
faut que cela cesse.
- Tu sais bien qu’elle prépare son
premier examen. Je ne peux quand même pas refuser mon aide à ma propre sœur.
- Mais je ne peux plus accepter
qu’elle soit toujours entre nous. Je ne te partagerai plus avec elle, Dean.
Enervé, il répliqua :
- Ne me pousse pas à bout avec tes
caprices d’enfant gâtée. On a déjà discuté de ce sujet à plusieurs reprises.
- Entre Cora et moi, c’est elle qui
fait l’enfant gâtée. Tu dois faire un choix, c’est elle ou moi.
Excédé, il lui saisit le bras en
s’écriant :
- Ne me demande plus jamais de choisir
entre vous deux, Ester. Ce ne sera jamais à ton avantage.
La jeune fille fut un instant,
estomaquée. Mais soudain, sa main s’éleva et elle gifla violemment le jeune
homme avant de se retourner. Indifférent, Dean la regarda s’éloigner avec
soulagement. Ester désirait en effet donner depuis quelques temps, un ton plus
officiel à leur relation, chose pour laquelle il ne se sentait pas encore prêt.
Quelques semaines plus tard, leurs rapports déjà houleux cessèrent.
A Ester, succédèrent d’autres jeunes
filles. Plus diplomates, elles se rendirent tout de suite compte que dans la
vie de Dean, il ne fallait pas compter sans Cora. La fillette aussi de son côté
les acceptait, car elles avaient toujours un gentil mot à son égard.
Le temps passa et Cora commença à
ressentir des transformations au niveau de son corps. Elle grandit
considérablement tandis que ses hanches et sa poitrine s’arrondissaient. Dean
remarqua ses changements mais aussi que l’adolescente devenait de moins en
moins expansive.
Un soir, à son retour de la société,
il trouva Cora enfermée dans sa chambre, ce qui était contraire à ses
habitudes.
- Qu’est-ce qui te tracasse depuis un
certain temps, Trésor ?
- Rien, fit-elle avec une moue
boudeuse.
- Je te connais très bien sœurette, et
tu ne me convaincs pas.
- Je t’assure que tout va bien, sauf
que je m’ennuie.
- Dans ce cas, chérie, si on allait
dîner en ville tous les deux ? Ça te plairait ?
- Chouette, Dean, s’écria Cora son
enthousiasme instantanément retrouvé.
- Mets alors une jolie robe, en
attendant, j’irai avertir les parents de ne pas compter sur nous pour le dîner.
En la voyant, Dean ne put retenir un sursaut
de surprise. Elle était habillée d’une robe moulante qui faisait ressortir ses
formes encore juvéniles, mais pleines de charme. Le visage délicatement
maquillé, Cora lui apparut dans toute la splendeur d’une adolescente précoce de
quatorze ans.
La gorge serrée, Dean prit pleinement
conscience du fait que le papillon sortait de sa chrysalide. Un instinct de
protection reflua en lui. Il se jura alors de la protéger de toute attention
malintentionnée.
Ils allèrent dîner à
« Acropole » l’un des restaurants les plus cotés de Cotonou. Dean lui
permit de prendre deux verres de vin, ce qui la mit dans un état euphorique.
Dans la voiture, alors qu’ils étaient sur le chemin du retour, l’adolescente
suggéra :
- Dean, si on allait dans une
discothèque ?
- Mais tu es trop jeune,
s’écria ce dernier horrifié.
- Mais non, mes camarades de classe
vont danser. Pourquoi pas moi ?
- La discothèque n’est pas de ton
âge ; de plus on n'a pas averti maman. Elle ne sera pas contente si tu vas
en boîte sans son accord.
- C’est vrai, mais du moment que je
suis avec toi, elle n’y trouvera pas d’inconvénient, conclut Cora dans un
langoureux battement de cils.
Son compagnon qui lui jetait un regard
juste à cet instant fut désarçonné.
- Mais, où as-tu appris à faire
cela ?
- Quoi donc Dean ? Susurra
l’adolescente le regard plein d’innocence.
- A battre ainsi les cils.
- Je bâts les cils moi ? Alors,
on va danser ? Minauda Cora, certaine de l’avoir fait fléchir.
Désarçonné devant tout cet arsenal
typiquement féminin, il s’écria :
- J’ai dit non Cora. N’insiste pas
s’il te plaît.
Sur ces paroles, il appuya
nerveusement sur l’accélérateur et la voiture fit une embardée tandis que sa sœur
se tassait sur son siège.
Quelques minutes plus tard, il
l’entendit renifler et se rendit compte que c’était sans doute la première fois
qu’il la rabrouait de la sorte. Envahi de remords, il lui effleura la
joue :
- Pourquoi ne pas remettre cela à plus
tard ? Disons dans deux semaines, lorsque je serai un peu plus libre. Ainsi tu
demanderas la permission à maman.
- Oh Dean, tu es génial, le meilleur
des frères !
Peu de temps après, Cadia et Ali
entreprirent un voyage prévu de longs mois à l’avance mais qui était sans cesse
reporté. Une nouvelle transaction était en cours de négociation par Millenium@
et Dean, acculé, se faisait de plus en plus rare.
Un soir, éreinté, alors qu’il s’était
couché sans avoir pris la peine de dîner, il eut la surprise de voir Cora
pénétrer dans sa chambre. Celle-ci paraissait désorientée. Le jeune homme se
redressa aussitôt et voulu savoir ce qui n’allait pas. A son grand étonnement,
Cora éclata en sanglots. Franchement inquiet, il la fit asseoir.
- Trésor, qu’est-ce qui t’inquiète
tant ?
- Dean, ce sont mes dessous, lâcha
Cora d’une voix torturée.
- Eh bien ! Qu’est-ce qu’ils ont
tes dessous ? Fit-il de plus en plus intrigué.
- Ils sont tâchés de sang… Oh Dean,
j’ai peur ! Jeta l’adolescente dans un sanglot.
Paniqué dans un premier temps, il
poussa un long soupir, cherchant comment aborder calmement la question. Cora,
le visage anxieux, attendait une réponse qui la soulagerait de ses angoisses.
- Eh bien Cora, commença Dean, tu
grandis ! Est-ce que maman t’a déjà parlé des menstrues ?
- Non, mais une camarade m’en a
sommairement parlé.
Acculé, Dean maudit intérieurement cet
oubli maternel.
- Dean, est-ce que je vais
mourir ?
- Mais non mon cœur ! Quel âge
as-tu ?
- Quatorze ans.
- Tu grandis Trésor. Retourne dans ta
chambre te changer. Prends un peu de coton pour en faire une garniture et
reviens.
A son retour, Dean se lança alors dans
une longue explication et trois quarts d’heure après, un sourire de fierté
éclaira, le visage quoiqu’un peu inquiet, de la jeune fille.
Ils se rendirent ensuite dans un
supermarché qui restait ouvert à toute heure et revinrent à la maison, les bras
chargés de serviettes jetables. Il peaufina l’éducation de la jeune fille en la
matière en lui indiquant comment les utiliser. Lorsque Cora rejoignit enfin sa
chambre, leur complicité était plus forte que jamais.
Epuisée par ces événements tout à fait
nouveaux pour elle, Cora ne tarda pas à s’endormir. Dean, quant à lui, ne
trouva pas le sommeil. Il s’avoua qu’il n’a pas vu les années passer, mais
force lui était de reconnaître que Cora avait grandi.
Au fil du temps, Cora ramenait de plus
en plus ses amis à la maison. Il y résonnait à toute heure de la journée des
rires juvéniles. Impuissant, Dean constata que la jeune fille se passait de
plus en plus de sa présence.
Un samedi après-midi, Cora installée à
quelques mètres de Dean allongé sur une chaise longue, monopolisait depuis un
quart d’heure le téléphone. Malgré lui, il se rendit compte qu’il tendait
l’oreille.
- Je n’ai pas trop envie de sortir ce
soir. On peut remettre cela au week-end prochain.
- …
- Mais bien sûr que j’ai envie de te
voir. Mais pas ce soir.
- …
- Comment veux-tu que je sache si je
t’aime ou pas ! Il y à peine une semaine qu’on se connaît.
A ces mots, Dean eut l’impression de
manquer d’air et se retourna nerveusement dans son siège.
Enfin, cinq longues minutes plus tard,
Cora reposa le combiné et se retourna vers Dean, un sourire béat aux lèvres.
Sourire qui disparut aussitôt devant la mine réprobatrice de celui-ci.
- Alors, qui est cet énergumène et que
te veut-il ?
- Eh ! Une question à la
fois ! C’est juste un ami qui me drague.
- Où vas-tu donc dénicher de tels mots
? Fais attention à toi. Avant de sortir avec un garçon, tu dois m'avertir et me
dire où vous allez.
- Mais Dean, je ne suis plus une
gamine !
- Bien sûr que tu es une gamine. Ce
n’est pas à ton âge qu’on flirte avec les garçons.
Ulcérée, Cora s’écria :
- Je ne suis plus une enfant. Et avec
le nombre incalculable de filles qui défilent ici, tu es bien mal placé pour me
moraliser.
- Cora, arrête tout de suite tes
âneries, tonna Dean. Tu arrêtes ou je me fâche. Je te répète encore que tu es
trop jeune pour sortir avec un garçon. Tu n’as que seize ans.
Soudain, Cora d’un calme olympien le
toisa d’un air rebelle :
- Dix-sept, s’il te plaît. Et
qu’est-ce qui te dit que je ne suis pas amoureuse de ce garçon ? lançât la
jeune fille avant de s’éloigner dans un déhanchement langoureux.