Chapitre XXXII
Ecrit par Tiya_Mfoukama
Chapitre XXXII
Aie, ce n'est pas possible d'avoir aussi mal putain ! J'ai l'impression qu'un rouleau compresseur passe et repasse encore et encore sur mon corps.
Peu importe la position que je prends, sur le dos ou sur les côtés, la douleur ne fait que s'intensifier et rien ne semble la calmer. Même pas les tonne de cachetons que j'avale. Le médecin m'a dit que dans quelques jours ça irait mieux, mais j'ai un peu de mal à le croire.
Soupir.
Les yeux rivés au plafond, je me demande quand est-ce que tout cela va enfin s'arrêter. Parce qu’actuellement, j'en ai marre, je n'en peux plus, je suis épuisée. Je suis épuisée de souffrir aussi bien physiquement que mentalement. Je me demande bien ce que j'ai pu faire de mauvais pour me retrouver dans une situation pareille.
Je n'aurais jamais imaginé vivre autant de choses, ressentir autant d'émotions, de sentiments en si peu de temps. Et me retrouver aussi anéanti.
J'ai essayé de m'accrocher, vraiment j'ai essayé, mais je suis à bout. J'en ai marre, je veux que ça cesse. Si c'était une leçon de la vie, je pense en avoir compris l'essentiel, il serait peut-être temps que tout cela s'arrête, maintenant. Non?
Soupir.
Je tourne ma tête vers ma droite pour aviser l'heure sur mon horloge et constate qu'il est quinze heures. Il est quinze heures et je suis toujours dans mon lit, collante et odorante de sueur, à la recherche d’une position idéale pour ressentir le moins possible cette douleur lancinante et cette chaleur étouffante.
« —Pourquoi elle n’est pas encore là ? je me demande, légèrement irritée. »
Etant actuellement dans l’incapacité de faire quoi que ce soit par moi-même, je suis obligée de compter sur l’aide d’une personne, ici c'est ma mère ou ma Murielle, afin de pouvoir m’aider dans l’exécution des tâches et gestes les plus insignifiants. C’est une situation affreuse pour une personne aussi autonome et solitaire que moi, mais je n’ai pas vraiment le choix, je me dis en me penchant vers ma table de chevet avec difficulté, pour m'emparer de mon téléphone. Ce n’est bien évidemment pas moi qui l’ai posé aussi loin, ce devait être maman ou ma Murielle. Je ne l'utilise plus autant qu'avant, puisque je n’ai personne à appeler.
Je le déverrouille, puis accède en quelques touchés à ma liste de contacts. Je scrolle jusqu'à son nom, puis lance l'appel.
Sa ligne sonne dans le vide toutes les fois où je compose son numéro et au bout de la cinquième fois je balance mon téléphone sur le bas du lit avec rage.
grhhhh. Ça m'énerve !
S’il y a bien une chose que je ne supporte pas, c'est d'être dépendante d'un tiers. Avec le temps, je me suis rendu compte qu'on ne pouvait compter que sur soi-même. Parce que les gens ne s'investiront jamais autant que toi, ne seront jamais autant passionné que toi, ne seront jamais autant dévoué que toi. Pour la simple est unique raison qu’ils ne sont tout simplement pas toi. Ce constat se démontre tout au long d’une vie, dans presque tous les domaines, dans différents groupes sociaux, que ce soit amicale où familiale. C’est la raison pour laquelle je préfère faire les choses par moi-même, même si ça peut me prendre plus de temps, lorsque c’est possible. Je suis certaine de donner mon meilleur et d’obtenir le résultat que je veux.
«— Et tu vas donner ton meilleur. je me dis en soupirant bruyamment tout en prenant la résolution de prendre ma douche seule aujourd'hui. Et tant pis si je dois mettre une heure pour le faire. »
Déterminer à y arriver seule, je retire les draps qui me recouvrent le corps, puis entreprends de prendre une posture qui me permettra de me hisser sans trop de difficultés, en dehors du lit.
Sortir du lit, c’est un acte tellement anodin, que l’on effectue tous les jours de sa vie en une fraction de secondes lorsque l’on est en bonne santé que l’on oublie que cet acte peut-être un véritable moment de torture, qui nécessite énormément d’énergie pour toutes ses personnes qui n’ont pas la santé. Et je prends conscience de mon manque de reconnaissance envers ces grâces du Père, que j’estimais acquise et qui en réalité ne le sont pas.
Je me retiens, d’hurler lorsque je tente de poser une premier jambe au sol, tant la douleur est forte .
Je sers mon poing et l’enfonce dans ma bouche, pour éviter que Dylan ne m'entende hurler, mais, Dieu que ça fait mal. Ça fait tellement mal, que je peux sentir des larmes perler à mes paupières.
Je me mets à trembler de tout mon être, et décide de fermer les yeux afin de pouvoir me canaliser. J'inspire et expire à plusieurs reprises et essaye de visualiser un paysage relaxant. Il paraît que c'est une technique qui marche plutôt bien. Mais on dirait encore une fois, que cela ne marche que pour les autres puis que ça ne me fait absolument rien.
Je soupire encore une fois, las et épuisée de cette manœuvre, puis ouvre mes yeux avant de réitérer l'opération avec l'autre jambe. J'en ai presque le souffle coupé tant la douleur est intense mais je serre une fois de plus mes dents.
Parmi les différents souvenirs que j'ai de l'agression, je ne me souviens pas l'avoir vu avec une arme blanche comme un couteau par exemple ou quelque chose de semblable. Mais il faut croire qu'il en avait visiblement une puisque qu'il a réussi à m’entailler de plus de 10 cm au niveau de l'aine droite. Ça fait un mal de chien et si on ajoute à cela la douleur des différents coups qu'il m'a portés, le niveau de douleur et tout simplement insupportable. Mais je n'ai toujours pas d’autres choix que de me taire, serrer mes dents et souffrir en silence. Et c’est ce que je fais en fermant de nouveau mes yeux, avant de prendre appui sur mes mains et tenter de me hisser en dehors du lit.
« —Hummmmmmmm !
—Qu'est-ce qui se passe? Me demande dylan en entrant dans la chambre. »
Et moi qui pensais avoir gémi doucement…
« —Rien. je réponds les dents serrées, essayant de retenir avec beaucoup de peine un cri de douleur.
—Mais qu'est-ce que tu fais? Il insiste.
—Rien je réponds de nouveau. J'essaie simplement d'aller aux toilettes. »
Et ce n'est pas totalement faux. En plus de ne pas me sentir à l'aise, j'ai la vessie pleine et me retient d'aller aux toilettes depuis un petit moment maintenant. Et ma vessie appuyant sur mon aine, je me trouve dans une position délicate.
« —Pourquoi tu ne m'as pas demandé de l'aide ?
—Pour une raison très simple; je n'en ai pas besoin. Je lui réponds sur un ton sec. »
Je ne veux pas de son aide, je ne veux rien de lui, si ce n’est qu'il me fiche la paix.
Si ça ne tenait qu'à moi, je retournerai chez moi, seule et je me débrouillerai pour le reste.
Pour lui signifier que je n'ai plus envie de discuter avec lui, je me comporte comme s'il n'était plus dans la pièce même si intérieurement, je lutte avec moi-même et m'encourage avant de tenter une nouvelle fois de sortir du lit mais sauf qu’au moment où je pose mes mains de chaque côté de mon corps afin de pouvoir me donner l’impulsion nécessaire pour me lever, je sens un des bras puissants de Dylan m’enlacer par la taille alors que le second passer en dessous de mes genoux et me soulève.
« —Mais qu'est-ce que tu fais ? je lui demande surprise. »
Il me soulève comme si je ne pesais pas pu lourd qu'un sac de plumes et me demande de me cramponner à son cou.
« —Mais je n'ai pas besoin de ton aide. Je répète en grimaçant tout en essayant de redescendre.
—Ne fais pas l'enfant Tiya ! il me dit en me serrant un peu plus vers lui. »
J'ai encore une fois envie de protester mais ma vessie me rappelle à l'ordre et je finis par me taire.
Dans le silence, il me transporte jusque dans la salle de bains où il me dépose devant la cuvette.
« —Tu comptes rester là où... Je lui demande sur un ton sarcastique.
—Appelle-moi lorsque tu as fini. Il me répond simplement. »
Je détourne le regard, et attends qu'il sorte de la pièce pour faire glisser précautionneusement mon short, le long de mes cuisses. Après avoir pris une grande inspiration, je me mords la lèvre inférieure, pose une main contre le mur adjacent et fléchis les genoux pour tenter de m’asseoir sur le siège. Une douleur lancinante accompagne ma descente, me faisant mordre ma lèvre jusqu’au sang.
« —Ahhhhhh ! »
La porte s’ouvre avec fracas sur un Dylan anxieux qui se précipite à ma rencontre, et je me tiens à lui pour m’aider à tenir sur mes deux pieds.
« —On va y aller doucement. il murmure en me prenant par la taille. »
Je laisse ma tête reposer sur son torse, tout en lui tenant fermement les avant bras.
Dans une position semi allonge et grâce à son aide, je parviens à m’asseoir sur le siège sans trop tirer sur la blessure et expulse un soupir de soulagement quand je peux enfin libérer ma vessie.
Bon sang, je ne pensais pas que ca relèverait d’une aussi grande bataille que te tenter d’aller seule aux toilettes. Jusqu’à ma sortie d’hôpital, je devais faire mes besoins dans une espèce de vasque, pour m’éviter de tirer sur mes points de sutures, et depuis ma sortie, il y a une semaine, j’utilisais le même procédé pour uriner, bien contente contrairement à mon médecin, d’être constipée.
Je baisse les yeux sur le pansement qui cache cette cicatrice et le contemple pendant un long moment en essayant de comprendre « pourquoi ». Je n’ai rien fait de mal, j’ai juste voulu me protéger. Est-ce que tout ce que j’entreprends toi forcément aboutir à un retour négatif ? Pourquoi rien ne va ? Qu’est-ce que je fais de si mal ?
Je me pose encore mille et unes questions en si peu de temps, et lasse de ne toujours pas avoir de réponses, je détourne mon regard vers la douche et m’imagine sous un jet froid revigorant, capable de retirer toute ma peine et toute ma douleur pour les remplacer par une plénitude, une sérénité, un quiétude.
« —Tu veux prendre une douche ? me demande Dylan que j’avais totalement oublié.
—Non. je réponds en cherchant des yeux le papier toilette.
—Tu en es certaine ? »
Bien sur que non, je voudrais pouvoir me doucher ! Je ne rêve que de ça en se moment, tant je suis couverte d’une épaisse couche de sueur et de crasse, mais je me sens assez diminuée comme ça. Me retrouver là, devant lui, à moitié nu m’embarrasse assez. Je n’ai pas besoin d’augmenter mon embarras, en me faisant doucher par lui. Vraiment pas.
« — ….. »
Je repose de nouveau ma main sur le mur, et avant que je n’effectue un semblant de mouvement je suis soulevée par ses bras puissant qui entourent ma taille. L’action est si rapide que je n’ai le temps de ressentir aucune douleur et je l’en remercie intérieurement.
« —Est-ce que tu peux lever tes bras ? il me demande le regard rivé dans le mien.
—Je vais y arriver toute seule. je m’entendant lui dire en baissant les yeux sur ma brassière. »
Ce n’est pas la réponse que je voulais lui donner. Je voulais lui rappeler que je n’avais pas besoin de son aide, que jusqu’à présent j’avais réussi à m’en sortir sans lui, mais pour une raison que j’ignore je n’ai pas pu lui dire tout cela. Je me concentre sur ma brassière et sur la meilleure façon de l’ôter.
Ses mains qui jusque là, étaient posées sur ma taille, se retrouve sur les bords de ma brassière, et je le laisse me la retirer en suivant docilement ses informations. A aucun moment je ne croise son regard, bien que je le sente posé sur moi. Je perçois tout mon être attirer vers lui à mon plus grand désarroi, et je me fustige intérieurement d’être toujours aussi réceptive en sa présence.
Je fais taire tout ses émotions en moi qui veulent s’exprimer, ignore les frissons qui parcours mon corps et mes tétons érigés, et le laisse me conduire dans le bac de douche.
« —Hummm… »
Je pousse un soupir de plénitude lorsque mon dos rencontre le carrelage froid du mur sur lequel je m’appuie et que mon visage profite des bienfaits du jet d’eau froid . Cela à sur moi l’effet que j’imaginais depuis presque un mois. Parce que oui, là encore, je n’étais pas en mesure de pouvoir me doucher.
Je ferme les yeux pour savourer la puissance du jet avant que Dylan ferme la valve et s’empare de mon frottoir et de mon gel de douche.
« —Je vais le faire… je dis en tendant ma main vers mon frottoir. »
Mais il ignore la main que je tends et presse le gel de douche, avant de le reposer et se mettre à frotter mon cou. Ses gestes sont effectués dans un savant mélange de douceur et d’énergie, qui ont le mérite de me relaxer. Il poursuit sa tache en silence et je le regarde faire en étant tout aussi silencieuse que lui et cela même lorsqu’il me sort de la douche, m’essuie puis me ramène dans ma chambre pour me pommader et m’habiller.
*
* *
« —Je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée.
—Pourquoi ?
—Je ne sais pas trop… je trouve que c’est un peu trop tôt. On vient à peine de se remettre ensemble. Il faudrait attendre encore un peu non ? Qu’est-ce que tu en penses ? Enfin non ! Pas qu’est-ce que tu en penses…Je ne devrais pas t’ennuyer avec mes pseudos tracasseries. Tu n’as pas besoin de les entendre et tu dois te focaliser sur ta guérison totale. »
Je souris, les yeux au ciel tout en remuant ma tête.
« —D’accord mon cas est totalement désespéré mais ce n’est pas ça qui va m’empêcher d’être heureuse pour toi et te conseiller surtout quand tu veux faire une connerie. Vous vous aimez, il sait ce qu’il veut, ce qu’il attend de toi et vise versa, je vois pas pourquoi vous attendriez encore ! Jesse t’a demandé en mariage, dis oui !
—Tu penses ?
—Oui !
—….même si c’est le frère de... Dylan. Ça suppose que tu seras amenée à le voir… même quand…
—Quand nous serons divorcés, oui je l’entends bien. Et ça ne changera rien à mon aval. Si j’avais le plantain de Jesse et que je pouvais te rendre aussi heureuse qu’il y parvient, je t’aurais dit non, mais ce n’est pas le cas alors je lui laisse la place.
—J’ai donc ta bénédiction ?
—Totale. je réponds en mettant mes écouteurs. »
Et elle est sincère.
Je pourrais jamais lui dire ou même lui demander de renoncer à l’homme qu’elle aime sous prétexte que je peux être affectée par son choix et de façon collatérale qui plus est. Non. Je ne lui souhaite que le meilleur même si de mon côté, ce n’est pas la grande joie. Parce que c’est ma sœur, je ne peux que me réjouir pour son bonheur. Même s’il passe par un homme de la famille Buaka.
« —Je te remercie.. Tu sais, j’appréhender un peu… »
Je suis distraite par les vibrations de mon téléphone et la petite icône des messages qui stagnent en haut à droite de mon écran.
Je ferme le jeu sur lequel je venais à peine d’entamer une partie pour consulter mes messages et souris en voyant le nom de l’émetteur qui n’est autre que Omari. Ça fait un moment que je ne l’ai pas vu, mais nous discutons énormément via message. Tantôt c’est pour s’enquérir de mon état de santé, tantôt c’est pour me faire rire et me redonner le moral que je n’ai pas forcément. Depuis quelques jours, il s’est donné pour mission de me remettre au sport parce que selon lui, je me cache un peu trop derrière mon état de santé pour rester inactive. Il pense qu’en suivant la mini série d’exercices qu’il concocte spécialement pour moi, je me remettrai bien plus vite sur pieds.
« Omari : 13h 15 :
Madame, avez-vous fait vos exercices »
« Omari : 13h32 :
Je suppose que non puisque vous ne répondez ni à mes appels ni a mes messages »
« Omari : 13h58 :
Un jour, je finirai par passer pour vous les faire faire, et je ne rigole pas ! »
J’éclate de rire, avant de me reprendre sous les interrogations d’Emeraude. Sans vouloir lui dire de quoi il s’agit, de peur qu’elle ait une mauvaise interprétation, je lui explique simplement que je viens de voir un statut sur Facebook qui m’a fait rire puis détourne la conversation avant de répondre à Omari en lui expliquant que je suis au téléphone.
«Omari : 14h04 :
Mais ça ne répond pas à ma question. Tu n’as rien fait aujourd’hui n’est-ce pas ? »
Pour toute réponse, je lui envoie deux smiley, l’un faisant un clin d’œil et l’autre tirant la langue, puis sors de l’application et reporte mon attention sur Emeraude…Et le jeu que je venais d’entamer.
« —Donc un diner tous ensemble ne te dérangera pas ?
—Pas le moindre du monde. je réponds en me levant de mon lit. Bon Emo, je vais aller voir ce qu’il y dans la cuisine, j’ai une faim de loup !
—Très bien, je t’appelle plus tard pour voir avec toi les détails.
—Ça marche. »
J’arrive dans la cuisine, une main sur mon ventre chantonnant bruyamment tandis que de l’autre j’ouvre tous les placards à la recherche d’un repas consistant à me mettre sous la dent… Sans rien trouver.
Va vraiment falloir que je pense à prendre des cours de cuisine parce que ça n’est plus possible. Il en va de ma survie, je me fais la remarque en allant m’asseoir sur la table de la cuisine, une main sur la joue, et l’autre essayant de masser mon ventre affamé.
Je vais beaucoup mieux aujourd’hui, je peux me déplacer avec plus de facilité, même si ma blessure à l’aine continue de me lancer et me tiraille à certains moments, mais on est bien loin de l’état dans lequel j’étais il y a encore trois semaines. Pourtant, je reste encore enfermer à la maison, et n’en sors que pour de courtes balades autour de la maison, histoire de faire les cent pas.
« —Tu as besoin de quelque chose ? me demande Dylan qui vient d’entrer dans la cuisine.
—D’une bonne grillade. je réponds spontanément avant de me ressaisir et lui demander d’oublier ce que je viens de dire. »
Je ne dois pas me reposer sur lui, je ne dois pas m’habituer à lui, je dois oublier tout ce qui a trait à lui et qui pourrait me faire retomber.
Comme si tu avais réussi à te détacher me dit une petite voix intérieure, que j’essaie de faire taire en levant les yeux au ciel.
« —Tu veux quoi exactement ?
—Rien, laisse-tomber. je dis en brassant l’air. Ça va. Je n’ai pas vraiment faim. »
Au même moment, mon estomac se sent obliger de se manifester à travers un bruyant et tonitruant gargouillis.
Quelle honte. Je n’ose même pas lever les yeux vers son regard que je devine moqueur.
« —Et donc tu disais que tu voulais ?
—…. Une grillade…
—Okay, je vais passer à Loutassi. il annonce.
—Non, non…. je préférerai celle du jeune près du rond point bifouiti, tu sais quand tu dépasses la boulangerie ? Enfin tu vois ? j’ajoute en baissant la tête
—…Pour une personne qui n’avait pas spécialement faim.
—C’est pas ce que j’ai voulu dire. je marmonne la mine boudeuse. »
Ce qui le fait éclater de rire….Et me serre le cœur.
Son rire. Il résonne d’une façon particulière à mon oreille, réchauffe mon cœur et le berce lorsqu’il se sent attristé. Il m’oblige à le regarder, lui et ses traits étirés, ses yeux plissés et la douceur que dégage son visage. Je déteste l’entendre rire, un peu plus chaque jour…Parce que je ne rêve que de le partager avec, lui, de le posséder, de le lui voler à travers un baiser. Rien qu’un baiser.
J’ai beau lui en vouloir pour tellement de choses, je suis toujours autant attirée par lui. Et toutes les précautions et attentions dont il use et fait preuve pour répondre à mes moindres demandes n’arrangent rien. Il me donne l’impression d’être une reine, de n’être qu’en attende de mes demandes, de m’être disponible, exclusivement disponible. Comme s’il n’y avait que moi et personne d’autre ne comptait…. Et j’aurai pu y croire si je ne savais pas ce qu’il ressentait réellement à mon égard.
« —J’essaie de faire au plus vite. il dit en sortant de la cuisine. »
J’hoche simplement la tête, avant de laisser mes pensées errées….
*
* *
« —Mais qu’est-ce que tu fais là ! je lui demande estomaquée.
—Je t’avais dit que je finirai par passer pour vérifier si tu faisais vraiment des exercices. Me voilà. »
Les yeux écarquillés, je me demande si je dois rire ou si je dois paniquer.
Le fait qu’il soit venu me fait énormément plaisir d’autant plus que ça faisait extrêmement longtemps que je ne l’avais pas vu, mais je panique également. Je sais que si Dylan venait à le voir ici, je me retrouverai dans une situation bien plus que compromettante. Alors que les choses se passent plutôt bien entre nous, que nous faisons notre maximum pour rester cordialement l’un envers l’autre, je ne veux pas qu’une quelconque tracasserie entre dans l’équation. Et Omari est assurément une tracasserie, du moins, du point de vue de Dylan.
« —T’aurais jamais du venir ! je lui dis en secouant ma tête.
—Je t’ai demandé si ton mari était là et tu m’as dit que non.
—Oui mais….pfff tu es complètement fou. je lance en éclatant de rire.
—Tu me laisses entrer ? »
Je m’efface de la porte, pour le laisser passer puis l’invite à me suivre dans le salon où nous partageons un canapé, après que je lui ai proposé un rafraichissement.
« —Alors, quoi de neuf ? Ça va ? il me demande en se tournant vers moi.
—Ouais, ça va. Comme tu peux le voir, je tiens sur mes deux jambes !
—Ouais, c’est une bonne nouvelle. Mais j’arrive aussi à voir que tu n’as absolument rien foutu ! »
J’éclate encore une fois de rire, face à son constat.
Je n’ai effectivement rien fait des exercices qu’il me demandait de faire. Principalement parce que je n’avais pas la possibilité de le faire. Dylan est resté tout le temps de ma convalescence à la maison, avec moi et ne m’aurais pas permis de fairedu sport, fut-il sous forme d’exercices anodins. Je n’avais même pas le droit de toucher le balai, c’est pour dire.
« —Je pouvais pas ! je tente de me défendre. Ici, je suis fliquée.
—oui, c’est ça !
—Non mais je t’assure ! J’ai…. Merde »
Le vrombissement propre à un moteur de voiture me parvient, et je devine qu’il s’agit de celui de Dylan et je me mets à paniquer. Selon mes calculs, il ne devait pas revenir avant une bonne heure ! C’est même d’après ce rapide calcul fait devant la porte d’entrée que j’ai pris sur moi de laisser Omari entrer. Ohh c’est pas possible ! Le connaissant, il va s’imaginer mille et uns scenarii, sur lequel il se basera pour tirer des conclusions bien trop hâtives.
« —Qu’est-ce qu’il y a ? »
Je n’ai pas le temps de répondre à sa question que Dylan fait son entrée dans le salon.
« —J’ai oublié mon portefeuille et je m’en suis rendu…. Compte sur la route. il termine en regardant Omari.
—Bonjour.
—Bonjour. Faites comme si je n’étais pas là. il lance un sourire aux lèvres avant de se diriger vers son bureau. »
Ce n’est pas bon signe, ce n’est vraiment pas bon signe.
« —Omari, je suis sincèrement désolée, mais je pense que… que tu devrais t’en aller maintenant. S’il te plait. j’ajoute comme une supplication qu’il a l’air de comprendre.
—Okay. »
Je le raccompagne à l’entrée, puis le salue brièvement avant de rejoindre Dylan qui se tient debout derrière son bureau l’air de visiblement chercher quelque chose.
« —Il est simplement venu s’enquérir de mon état de santé, rien de plus.
—Pardon ? il fait en relevant la tête. De quoi tu parles ?
—Omari, il est venu pour prendre de mes nouvelles. Rien d’autres.
—Ah ça. Oui…Okay. il répond en souriant avant de reprendre sa recherche.
—Dylan… il n’y avait vraiment rien d’autre. je me sens obligée de rajouter.
—Humm-hummm…. Prenez-moi pour un con. C’est un casque qui me va bien semble t-il. »
Et voilà ce que je redoutais.
« —Dylan, je n’ai rien fait de mal. je me sens obligée de rajouter en le suivant alors qu’il passe devant moi pour sortir de son bureau.
—Et je n’ai pas dit le contraire. Tu fais ce que tu veux Tiya, t’as le droit de le fréquenter. il dit en se tournant vers moi, le sourire toujours suspendu à ses lèvres. Je n’ai rien à dire. Je n’ai rien à te dire. »
Il ne me dit peut-être rien, mais chaque expression qui traversent son visage et le déforme, me disent le contraire. Ce que je ne supporte pas. Je veux bien endosser les responsabilités des actes que j’ai posés, mais je ne veux pas adosser les conséquences d’un acte que je n’ai pas posé. Je ne veux pas ! J’ai été loyale, j’ai été sincère, même si j’ai commis des erreurs, mais je ne veux pas qu’il m’impute un tort que je n’ai pas commis.
« —J’ai rien fait Dylan, alors ta pas le droit de me regarder comme si j’étais coupable, comme si tu avais la confirmation de tout ce que tu soupçonnais. je dis en larmes. J‘ai rien fait.
—Tu n’as rien fait, okay. Pourquoi tu pleures ?
—Parce que j’en ai marre ! je balance tout de go. J’en ai marre de me heurter constamment à un mur ! J’en ai marre d’avoir constamment l’impression de marcher sur des œufs avec toi !
—Ah je vois. il dit une voix emplit de sarcasme. Et…Et dis-moi t’en as pas marre de constamment jouer à ça ? De constamment endosser le rôle de la victime ? Je veux dire à un moment ça doit être épuisant non ? De prendre le gens pour des cons ? Je commence à être habitué à être pris pour un con. Je comprends même le pourquoi dans certains cas, mais avec toi, je sais pas, je n’arrive pas à comprendre. Avec mon père, je comprends. Il avait envie de plus d’argent comme à son habitude et devait passer par moi, mais toi ? Tu gagnes quoi sachant que tu as le droit d’aller voir ailleurs ? L’assurance que je sois toujours là, à agir comme un toutou ? Si c’est ça, tu n’as pas à t’inquiéter, je suis assez con et stupide pour t’aimer et me sentir concerner par ta sécurité et ton bien être ! »
Je ne sais pas ce qui me tue le plus, de savoir qu’il n’a aucune confiance en moi, en ce que je lui ai montré de moi, ou l’entendre rendre amer les seuls mots que je n’espérais jamais entendre de sa bouche. L’entendre dire qu’il m’aime, comme s'il porte un fardeau, l’entendre dire qu’il même comme s’il s’agissait d’une condamnation, d’une peine à tirer, brise mon cœur déjà meurtri.
Pourtant je savais que je n’aurais pas du m’attacher, j’aurais du tout faire pour ne pas le laisser s’immiscer dans mes pensées. Mais quand aurais-je pu ? lorsqu’il était constamment présent ? Lorsqu’il prenait soin de moi sans que je ne lui demande ? Comment aurais-je pu ?
Putain mais pourquoi est-ce qu’on ne dit pas que ça fait aussi mal d’aimer une personne ? Pourquoi on ne dit pas que ça consume de l’intérieur comme de l’extérieur d’aimer quelqu’un ?
« —Tu peux donc arrêter ta mascarade, parce que maintenant tu le sais ; en dépit de tout ce que tu as fait, tout ce que tu fais et probablement tout ce que tu feras, je t’aimerai. »
Face à sa déclaration et malgré mes larmes, je me mets à rire. Un rire sonore, peut-être un peu forcé mais un rire quand même. J’y peux rien, c’est plus fort que moi.
« —Je te remercie. je dis en essuyant mes larmes. Tu me facilites.
—Je t’en prie. il me répond froidement les mains dans les poches.
—Tu sais pourquoi je te remercie ? Parce que j’ai connu plusieurs hommes avant toi, mais que je n’ai jamais, ja-mais fait à l’un d’entre eux une fellation, tout comme je n’ai jamais couché avec l’un d’entre eux sans protection. Tu as eu la primeur. Tout comme tu as eu la primeur d’être le premier à rentrer dans mon cœur, à créer en moi des sentiments que je ne pensais pas un jour ressentir. Et encore aujourd’hui tu restes le premier, le premier à me briser le cœur, en millier de morceaux. Et pour ça, je te remercie, je te remercie pour les mots que tu as employés aujourd’hui, pour le sens que tu leur as donné parce qu’ils me permettront incontestablement de t’oublier beaucoup plus vite. Du moins c’est tout ce que j’espère.
—Ça a presque failli marcher, j’ai presque failli y croire, mais je t’encore encore dire à Emeraude le lendemain de ton anniversaire que tu te montres simplement coopérative en attendant le jour du divorce, afin de pouvoir coucher avec Omari comme bon te semblera. »
Je me revoie dans la cuisine avec Emeraude, tenir ses propos comme si la scène s’était déroulée quelques minutes plus tôt, mais je me souviens encore de la même façon des sentiments qui m’animaient et que je n’osais pas révéler à haute voix. Et c’est consciente de tout cela que je vais me placer devant lui, les yeux rivés dans les siens que je lui confirme mes propos :
« —J’ai bel et bien tenu ces propos, mais contrairement au nom que j’ai donné tout haut, Dylan, c’était à toi que je voulais. Rien que toi. »