Cynthia(2)
Ecrit par Cynthia
<< Soupire ma belle! Soupire! Vas-y, lance-toi! >>
Je me répète cela tel un mantra, pour me donner du courage. Je le vois
loin dans ses pensées, il semble ailleurs et visage entrain de
contempler l'ensemble de toits bordeaux qui fait la singularité de cette
ville. J'aime l'odeur qu'elle dégage, un savant mélange de mélancolie,
d'angoisse et une forte dose d'espérance. L'on a l'impression que la vie
nous appartient, ici et maintenant.
Quand il faut y aller, il faut y aller!
_Hm hm, je sais que l'on ne se connaît pas, mais tu es jeune et tu as encore le monde à découvrir et si tu te suicides tu risques de gâcher le spectacle d'une si belle vue!
J'essaie tant bien que mal de déchiffrer les émotions qui lui passent sur le visage. J'y lis premièrement de la peur, ensuite de la stupeur, il s'en suit de la curiosité pour finir avec une harassante colère. << Eh man, je veux te sauver la peau! Remercie-moi au lieu de me lorgner avec ce regard dédaigneux!>>
_Quoi?
Il tonne tellement si fort que je sursaute telle un enfant pris en fragrant délit de vol de son dessert préféré. Je me tords instinctivement les orteils.
_Euh... je suis entrain de vous sauver la vie. Montrez-vous gentil!
_Pardon, me sauver la vie? Mais de quoi parlez-vous?
Oh! Ne voulait-il pas sauter?
_Ne vouliez-vous pas vous suicider?
Lui demande-je de but en blanc, sans transition, aussi froidement que cela.
<< Un peu de tenue>> Me juge foudroiement ma conscience.
Il me regarde en plissant ses yeux:
_Mais non, mais ou êtes-vous aller chercher cela? Et de plus que faites-vous ici?
Il me lance un regard goguenard.
_Non mais, je vous signale que c'est vous qui êtes sur MON toit! Je viens ici presque tous les jours et je n'ai jamais vu personne alors si vous n’êtes pas détective privé, laissez-moi travailler s'il vous plaît. Si vous ne voulez pas vous suicider, vous pouvez rester, je ne suis pas avare.
Il me regarde ébahie, veut dire quelque chose mais referme sa bouche. Il m'observe mais je n'ai que cure. Qu'est-ce que je m'en fous! Je prends mon cahier cure et mon crayon ainsi que ma gomme, je laisse vaguer mon imagination et dessine tout ce qui me passe par la tête, cela me détend, énormément.
Je sens une présence près de moi. N'a-t'il donc rien à faire dans sa vie? Je l'observe à la dérobée, tachant de ne pas me faire coincer. Je me ré-concentre sur mon dessin lorsqu'il brise le silence.
_Désolé pour tout à l'heure, je ne voulais pas être désagréable avec vous, je ne vous connais pas et vous ne me connaissez pas.
Ouais et puis quoi encore?...... Et puis zut, j'ai trop d'ennemis pour en rajouter.
_Ok! Excuses acceptées! Lui dis-je sans lui prêter attention.
_Euh je peux voir?
_Si vous promettez de dire ce que vous en pensez en toute honnêteté.
_D'accord.
Me dit-il. A peine je lui tends mon cahier cure, qu'il sort un :
_O mio Dio! (Oh mon Dieu!)
_Alors comment vous trouvez mon dessin?
_Euh...il est... euh
_Vous aviez promis de dire la vérité.
Il sort sur un ton libérateur:
_Il est nul à chier! Bon Sang où avez-vous appris à dessiner aussi mal? Je veux dire c'est pire que de la caricature!
L’expression de son visage me pousse dans une hilarité sans nom! Je ris à m'en décrocher la mâchoire, les larmes aux yeux j'essaye de me contenir mais je n'y arrive pas, je revois son visage comme un flash dans ma tête et je ris de plus belle!
Je m’essuie les larmes et lui répond:
_Mes dessins font cet effet là à tout le monde qui le voit! Vous n’êtes pas le seul rassurez-vous c'est juste votre embarras qui m'amuse.
_Je vous amuse?
Il me pose cette question comme s'il se posait à lui-même.
_Oui, beaucoup. Et merci, pour votre expression du visage.
Je repars dans un fou rire. Cela fait des années, je n'avais pas autant ris. je ressens une douleur aux côtes, j'ai trop forcé sur le rire. J'inspire et j'expire cherchant de reprendre ma respiration mais son expression ne m'aide pas donc je me détourne de lui.
Après avoir repris contenance, je me retourne vers lui. Avec un sourire de gratitude.
_Puis-je te tutoyer?
_Pour ton exploit d'aujourd'hui oui.
_Pardon? Me demande-t'il en fronçant les sourcils ne comprenant pas ce à quoi je fais allusion.
_Non rien, laisse-tomber!
_Ok, puis-je connaître ton prénom?
_Cynthia et toi?
_Antonio.
_Ok.
Un silence s’abat entre nous comme une chape de plomb. Gênée je décide de rentrer. Je récupère mon sac à dos et veux partir lorsqu'il me dit.
_Pourrais-je te revoir? J'aimerais encore t'entendre rire de moi.
Il me le dit avec un sourire qui se veut rassurant , je ne suis pas en mesure de lui refuser quoique ce soit. Je suis généreuse avec qui me fait du bien.
_Bien sûr Antonio.
_Tu me passes ton numéro?
_Bien sûr c'est le 38..... Bonne soirée!
_A toi autant.
Je cours, et manque de tomber des escaliers, je sens une montée d'adrénaline et je prend mon ipad et mets "Walking on sunshine" de Katrina and the waves. C'est la musique qui me va mieux. Je bouge ma tête au rythme de la mélodie et chante à tue tête tout le trajet qui me sépare de mon arrêt de bus.
Je ne sais pas qui est cet Antonio et je m'en fous. Mais je sais qu'il m'a fait du bien aujourd'hui. Je rentre ravie. Pas de rondeur_bonheur ce soir. Je suis déjà heureuse.