Désillusions

Ecrit par Dr Sool

S’IL SUFFISAIT D’AIMER


Chapitre 5 : Désillusions


Ca fait aujourd’hui plus de quinze ans que monsieur Belinga est Hypertendu connu et sous traitement. Il a toujours fait l’effort de prendre ses médicaments, mais en ce qui concerne l’hygiène de vie , c’est une toute autre histoire. Il est resté sédentaire depuis qu’il a pris sa retraite et malgré les efforts de sa femme, il refuse de respecter l’hygiène aliment qui lui a été recommandée, il mange tellement gras, salé et épicé que son estomac même en a marre. Une chance que ce malaise soit survenu en présence de mama Margerite, son épouse, le pire a pu être évité. Elle aurait sans doute reçu toutes les balles imaginables de sa belle-famille qui ne la portait déjà pas assez dans son cœur.


En Afrique l’on meurt rarement de mort naturelle ou de maladie, il doit toujours y avoir un coupable, et généralement la première personne indexée est l’épouse. Elle avait surement un amant qui lui tournait autour et elle a du se débarrasser de son mari pour rester profiter de ses biens avec son amant. Voilà le genre de choses auxquelles l’on pense en première intention devant une mort subite en Afrique. Les causes secondaires résident dans la sorcellerie du village, les personnes âgées sont pour la majorité des disciples de Salem, l’on attribue leur longévité à leur pouvoir sorcelerique…


Azaya arrive à l’hôpital toute affolée, elle se dirige vers les urgences ou elle aperçoit sa mère entrain de faire les cent pas :


-Comment il va ?


-Je ne sais pas, ils sont entrain de s’occuper de lui. Ils m’ont demandé d’attendre ici.


-Qu’es ce qu’il s’est passé ?


-(soupirant) Tout est allé tellement vite Azaya. J’étais à la cuisine et je ne sais vraiment pour quelle raison j’ai accouru dans la chambre, comme guidée par mon instinct. Il s’est levé du lit ou il dormait, je pense qu’il voulait aller aux toilettes. Il n’a fait que deux pas et il s’est écroulé.


-Mon Dieu !! Pourvu qu’il aille bien !


Pendant ce temps  dans le voisinage, un couple allongé dans le lit discute calmement après avoir bordé les enfants. Josepha raconte a son mari ce qu’il s’est passé à sa chorale dans l’après-midi,  mais il semble ne pas vraiment être entrain de l’écouter, son esprit est ailleurs, occupé à se remémorer ses galipettes de la journée. Bien qu’ils aient exploré de nouvelles choses, Lisa a refusé de lui offrir ce pourquoi il l’avait appelé, en arguant que ce n’était pas quelque chose à faire tout le temps, au risque de le rendre banal et d’en faire perdre tout le gout. Il a beau avoir passé une journée agréable, il ya comme un gout d’inachevé. Il commence à caresser sa femme pendant qu’elle parle, il ouvre sa braguette, découvrant la verge tendue qu’il ne veut que voir être engloutie par Josepha. Elle le regarde, stupéfaite, tandis qu’il lui chuchote :


-Tu ne veux pas essayer ?


-(choquée) Essayer quoi ?!!


-Me donner du plaisir avec ta bouche…


Elle se lève et claque dans les mains pour signifier son indignation. Il la supplie du regard, regrettant d’avoir pris son courage encore une fois pour demande l’objet de ses fantasmes.


-Tu es fou ?! Mais Joël c’est quoi encore cette histoire ? Tu es possédé par l’esprit de la chair ! Mon Dieu !


-Mais pourquoi tu cries ? Baisse d’un ton !


-Quoi tu as honte que les voisins entendent le genre de chose qui te fait envie ?


-Josepha j’en ai marre de cette vie sexuelle monotone. C’est la même position depuis des années avec toi ! Ce serait pas mal de changer un peu quand même !!


-Ah donc tu en as d’autres ! Fallait me dire ainsi j’allais comprendre !


-Chérie je veux juste que…


-(exaspérée) Joël !! Joël !! Dieu a institué le mariage pour permettre à ses nations de peupler la terre et non pour se dévergonder avec des pratiques sexuelles diaboliques ! Nous devons pratiquer la position sexuelle recommandée par les saintes écritures ! Si tu prenais la peine d’écouter le prophète pendant la prédication tu n’aurais pas ce genre de pensée qui mine ton esprit !! 


-(soupirant) Josepha laisse tomber.


-Quand je t’ai connu tu étais un fervent croyant et pratiquant, c’est d’ailleurs ce qui m’a fait tomber amoureuse de toi. Mais je me rends compte que de plus en plus tu te laisses emporter par les plaisirs de Belzebuth, le malin est entrain de prendre possession de ton âme et je n’ai pas l’intention de laisser cela se faire. 


-(véxé) Je t’ai demandé de laisser tomber. Fais comme si je ne t’avais rien demandé, je n’ai pas besoin que tu me juge, la foi est personnelle.


-Mais je suis ta femme et…


-(furieux) Ça suffit !!!


Josepha se tait. Puis quitte le lit et se dirige vers la cuisine ou elle garde son bidon d’eau bénite ainsi que son paquet de sel béni. Ce n’est pas le première fois que son mari lui fait ce genre de demande mais c’est bien la plus grave. Les autres rares fois, il essayait juste de changer de position pendant l’acte sexuel et elle se raidissait pour l’en empêcher. Elle ne peut rester ainsi les bras croisés quand le malin essaie de passer par son mari pour détruire sa famille. En attendant d’aller voir le prophète au temple le lendemain pour prendre conseil, il est important qu’elle asperge la maison d’eau et de sel béni. 


Joël regarde sa femme faire son manège et il n’arrive pas à comprendre. Ila beau être croyant et faire de son mieux pour respecter les préceptes Divin mais Josepha semble toujours dans les extrêmes. Elle ne marche que sur les paroles du prophète, ce sont les  principes et orientations de ce dernier qui régissent sa vie et celle de sa famille. Au départ il trouvait cela louable et très appréciable. Josepha était la femme soumise et pleine de vertus religieuses dont il avait toujours rêvé. Et puis petit à petit, ce qui semblait être une qualité s’est transformé en boulet. Il était tombé amoureux de cette fille décente et posée dans ses gestes. Cette jolie demoiselle qui ne fréquentait ni des endroits malfamés, ni des personnes marginales. Il se disait chanceux d’avoir une épouse dont lui seul connaitrait l’intimité, dont il serait le seul à admirer les formes féminines. Malheureusement, ce qu’il imaginait vivre dans son foyer est à des années-lumière de la réalité. Dans un premier temps il avait essayé de se convaincre que son amour pour elle comblerait tous ces manquements, mais quand il sortait avec ses collègues et que ceux-ci racontaient leurs aventures, il les enviait. Il avait beau essayer de s’inventer des histoires, elles n’étaient pas crédibles. Pour un homme qui n’a connu aucune autre que sa femme, que va-t-il bien pouvoir inventer si même avec cette dernière tout est plat ?


Il aimerait tellement voir sa femme dans des tenues osées comme ces jeunes étudiantes qui éveillent ses sens quand il passe devant le campus avec sa voiture, mais comment le lui faire comprendre sans se retrouver au milieu d’une séance d’exorcisme improvisée ?


Voilà comment Joël s’est retrouvé dans cette vie hypocrite. Prisonnier de ses propres principes et obligé de taire ses véritables pensées. Pour éviter les embrouilles et préserver la stabilité dans son foyer, il préfère dire à son épouse ce qu’elle veut entendre : qu’elle est belle dans ses longues robes sans fantaisie et ses foulards toujours noués au-dessus de sa tête. Elle est une femme vertueuse, pleine de sagesse et un cadeau  pour sa famille.


Si jusqu’ici la culpabilité le rongeait, il commence à se conforter dans cette idée : Josepha est sa femme vertueuse de la lumière et Lisa est la part d’ombre qui va l’aider à maintenir son équilibre.


Il est presque vingt-deux heures, le père d’Azaya plongé dans le coma, et pour le moment, l’équipe médicale se réserve d’émettre un pronostic. Elle est assise dans la salle d’attente complètement démoralisée, c’est dans ce genre de moment qu’elle a besoin que quelqu’un la serre dans ses bras, mais les seuls bras lesquels elle se sentirait rassurée sont ceux de Mehdi. 


Il est tard, il devrait déjà être venu à la maison et Lisa devrait déjà lui avoir expliqué ce qu’il se passe et donné son numéro. Pourquoi n’appelle-t-il donc pas ?! C’est pourtant suffisamment grave et important pour qu’il débarque même à l’hôpital pour la rassurer. Son téléphone sonne, mais il s’agit de Lisa :


-Alors…Comment il vas papa ?


-(inquiète) Il est dans le coma. J’ai tellement peur de le perdre Lisa !


-Ne t’inquiètes pas, tu ne vas pas le perdre.


-Et…Mehdi, es ce qu’il est venu ?


-Quoi il ne t’a pas appelé ?


-Non 


-C’est vraiment étrange. Il est venu, je lui ai tout expliqué et je lui ai donné ton numéro. Il a fait une mine bizarre et il est parti. Je pensais qu’il était bouleversé.


-(déçue) Une mine bizarre ? Bizarre comment ?


-Ce n’est pas le moment de réfléchir à ça Azaya, il va surement t’appeler, sois patiente.


-Il n’a pas laissé son numéro ?


-Non ? il est parti tout juste après, je n’ai même pas eu le temps de lui demander.


-(tandis qu’une larme s’échappe de ses yeux) J’ai tellement besoin qu’il soit ici avec moi…


-Mais tu le connais à peine Azaya ! Il ne peut pas être devenu si important pour toi en si peu de temps !

-Et pourtant c’est le cas. Je me sens en sécurité avec lui, et je…Lisa c’est difficile à expliquer.


-Dans tous les cas, le plus important pour le moment est que ton papa aille mieux. En ce qui concerne Mehdi, je pense que tout ira bien. Sois juste patiente.


Azaya dépose son téléphone et se recroqueville sur le banc pour essayer de s’assoupir. Le sommeil tarde à venir, les questions fusent dans sa tête : pourquoi Mehdi n’appelle-t-il pas ? Est-il possible qu’il trouve en cela une perte de temps que de la soutenir dans ces moments ? C’est avec cette question au bout des lèvres qu’elle finit par s’endormir.


Il est six heures du matin lorsque Mama marguerite réveille sa fille :


-Azaya !! Azaya ! Il faut que tu rentres faire à manger à tes petits frères et te reposer un peu, le soir tu pourras me relayer. Ton grand frère  prendra la route demain si ton père ne se réveille pas.


-(s’étirant) D’accord maman.


Azaya prend la direction de la maison pour exécuter les instructions de sa mère, même si au fond elle a aussi envie de se rendre chez Lisa pour guetter la visite éventuelle de Mehdi qui n’a toujours pas appelé. Si ça se trouve, il préfère attendre qu’elle rentre pour la voir en personne. Elle pousse un soupir, il va surement l’appeler, il ne pourrait pas en être autrement, pas après la journée et la nuit qu’ils ont passé.


Mais les jours passent et Azaya n’a toujours pas de nouvelles de Mehdi. Ils sont en plein inter-semestre, donc il n’y a pas de cours programmés, Azaya n’a donc aucune raison de rester chez Lisa alors même que son père est malade. Malgré tout, elle trouve le temps de faire quelques navettes dans l’espoir de le croiser même par hasard :


-Azaya tu devrais arrêter de te faire du mal avec cette histoire !


-(triste) Pourquoi il n’appelle pas Lisa, ça fait une semaine ! Pourquoi il me fait ça ?


- Calme-toi, s’il ne t’appelle pas c’est qu’il ne mérite pas que tu sois aussi triste.


-(soupirant) Je n’ai pas envie de croire qu’il voulait juste…Ah Lisa je ne peux pas y penser, ça me rends malade.


-Papa va mieux ?


-Oui, il est sorti du coma grâce à Dieu. Ils ont juste décidé de le garder encore quelques jours question de se rassurer que tout va pour le mieux.


-(prenant ses mains) C’est ça le plus important Lisa. Si ce mec n’est pas foutu de t’appeler alors tu ferais mieux de tourner la page.


-(triste) Ca ne devait pas se passer ainsi. Il ne peut pas me faire ça alors que je suis tombée amoureuse de lui Lisa.


-Tu ne peux pas être amoureuse en si peu de temps c’est impossible. Ce n’est qu’un caprice, crois-moi ça va te passer très vite et ça deviendra un souvenir dont tu riras.


Azaya se laisse étaler sur le lit et une larme roule le long de sa tempe pour mouiller le drap blanc couvrant le lit. Cette semaine a été si éprouvante, aussi bien moralement que physiquement. Les cours vont reprendre dans quelques jours et pourtant elle n’a qu’une seule envie c’est s’enfermer dans cette chambre et ne plus en ressortir. Elle passe les jours qui lui restent dans la maison familiale, à veiller sur ses petits frères. Son père rentre de l’hôpital quelques jours plus tard. Par chance son AVC ne lui pas laissé de véritables séquelles. Par contre, un régime alimentaire très strict lui a été imposé : des légumes et des fruits à chaque repas, moins de gras et de salé. De plus chaque matin, son épouse l’accompagne faire une trentaine de minutes de marche sportive dans le quartier. Petit à petit, tout rentre dans l’ordre, tout, sauf les sentiments d’Azaya.


Les résultats des examens ont été publiés et les cours ont repris pour le compte du second semestre. Chaque jour Azaya se traine jusqu’au Campus. Ou tout lui rappelle d’une certaine façon Mehdi, elle commence à nourrir en elle une rage et une haine vis-à-vis de lui. Lisa avait donc raison de la mettre en garde, au final il est juste pareil que les autres. De la même espèce qu’Allan :


- Tu dois te faire une raison Azaya, il a eu ce qu’il voulait et il s’est barré. Qu’es ce que tu imaginais ? Qu’il t’a emmené à Limbé juste pour te faire découvrir la ville ? Rien n’était fait au hasard !


-(dépassée) Comment peut-on faire semblant aussi bien Lisa !! C’est hallucinant ! 


-Tu apprendras très vite que les hommes sont ainsi ma chérie. C’est pour cette raison que je n’en veux plus dans ma vie ! Si tu m’avais écouté tu n’en serais pas là !


-(soupirant) Il ne me reste plus qu’à essayer de l’oublier !


-Je pensais que c’est ce que tu faisais depuis tout ce temps ! Dans tous les cas, je te rejoins à la maison, je vais faire les courses.


-D’accord !


Les deux jeunes amies se séparent sur la route. Tandis que Lisa emprunte une moto taxi pour la superette, Azaya traverse la route pour se diriger vers la cité. Elle est tellement absorbée par ses pensées qu’elle n’entend pas les klaxons d’un véhicule qui la suit de très près. Soudain elle entend crier son nom, surprise elle se retourne et qui voit-elle ?


-Mehdi ?!!!


A suivre…


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