Désolé
Ecrit par Fortunia
Le silence rend n’importe quel bruit plus intense. Une goutte d’eau dans un évier. Le moteur d’une voiture qui vrombit à l’extérieur. Les pas d’une souris en quête de nourriture. En cet instant, c’est le son des aiguilles de mon horloge de chevet.
Je n’arrive pas à dormir alors que la nuit est tombée depuis un moment déjà. Allongée sur mon lit, j’écoute les tintements réguliers de cette foutue horloge. C’est ça son boulot, me rappeler qu’avec ou sans lui, le temps continue de s’écouler. La seule différence, c’est qu’il s’écoule plus lentement. Trop lentement.
Je n’arrive pas à dormir sans lui. Plus maintenant.
Nous nous sommes disputés ce matin. Sur un sujet complètement stupide d’ailleurs mais pour lequel j’ai démarré au quart de tour. Moi-même je n’ai pas compris. Ça ne me ressemble tellement pas. Peut-être que mes règles allaient arriver en avance ce mois-ci.
En fait, je sais ce qu’il s’est passé. La routine. J’ai fait une remarque qu’il n’a pas prise en considération, ça m’a vexée et c’est parti en sucette. Il n’a pas compris. Au final, je ne me rappelle même plus de ce qui a été dit. Mais une chose est sûre, plus on parlait, plus le ton montait et de plus en plus de choses déplaisantes étaient déversées.
Au final, il est sorti, et je me suis dit : « bon débarras, un peu de tranquillité ».
Au début, la solitude m’a fait du bien. J’ai eu l’impression que ça faisait des mois que je n’étais pas restée seule avec moi-même. Surtout durant des journées comme celles-ci où je n’avais exceptionnellement rien à faire. J’ai lu un bouquin, ai essayé des vêtements qui dormaient dans mon placard depuis des lustres, me suis fait les ongles. Je me suis occupée de moi, tout simplement.
Vers dix-huit heures, je me suis fait à manger. Des pâtes et des œufs. Le genre de bouffe qui me rappelle ma vie estudiantine. Parfois, cette époque me manque. C’est celle où on se contente de peu et où on a pourtant l’impression que la vie nous tend les bras. L’époque intermédiaire entre l’adolescence et l’âge adulte. Trop vite passée à mon goût.
Je mange devant une série, sur mon lit. Oui, mon lit. Même si l’on passe presque toutes nos nuits dessus et que mon oreiller porte nos odeurs entremêlées, ça reste mon lit. Mes nerfs tendus se relâchent une fois que j’ai le ventre plein. Je pose mon assiette à même le sol et m’allonge complètement pour digérer. Sans vraiment le réaliser, je m’endors. Je ne sais pas combien de temps, mais je m’éveille dans l’obscurité la plus totale. Un petit mouvement du pied me rassure : l’ampoule de ma chambre s’allume et je jette un regard autour de moi sans vraiment savoir ce que je cherche. Le silence est mon seule compagnon.
Je suis seule.
Je retombe sur mon lit et essaye de profiter de cette occasion de rattraper un sommeil qui me manque depuis un moment déjà à cause du boulot. Je me tourne et me retourne. Ce silence est si agaçant. Je me recroqueville sur mon lit, l’oreiller sur ma tête, et serre ma couverture dans mes bras. Je sens son odeur. Je ne devrais pas, je sais ce que ça me fera, mais j’inspire profondément. Ça y est, je le ressens, ce vide qui encombre mon corps et mon cœur.
Je prends mon portable et regarde ma messagerie. Rien. Mon téléphone en main, j’hésite, je tape un texte que j’efface aussitôt. Non, je ne craquerai pas. Je ne suis pas en tort, et c’est lui qui est partie. Tout ce que je voulais, c’est qu’il comprenne et ce quelque chose qui serait normalement passée comme une lettre à la poste n’aurait pas pris ces proportions. Oui, tout est de sa faute.
Je boude toute seule, effaçant ainsi ces heures que j’avais passé à me détendre. Je me tourne me retourne à nouveau dans l’obscurité. Je n’arrive pas à dormir. Je me lève et range mon assiette sale. Il est presque vingt-deux heures, mais je nettoie la cuisine, la lave, l’astique pour me changer les idées. Je termine mon travail sans l’ombre d’un signe de sa part. J’avais pourtant prévu que ce dimanche serait un jour sans souci qu’on passerait à se câliner devant une série. Comme quoi, rien ne se passe jamais comme on le pense.
Je reprends mon téléphone et fais les cent pas dans mon salon. Cette fois, je craque, je n’envoie pas de message, j’appelle. Je préfère discuter de vive voix. Une voix monocorde me fait savoir que mon correspondant à un appel en cours. Je grogne. Comme ça, il a le temps d’appeler les autres mais pas moi. S’il pense que je vais le laisser tranquille. Je continue de l’appeler. Une fois encore, cette voix que je vais finir par détester. Je suis triste et en colère.
J’essaye à nouveau. Cette fois, ça sonne. Je suis soulagée, et inquiète aussi. Au moins, j’ai l’impression qu’il est déjà plus proche, mais pas que... Il me semble vraiment proche, parce que je l’entends. J’entends la sonnerie de son portable, là, derrière ma porte.
J’ai peur de regarder, surtout parce que j’a peur de me tromper. J’y vais quand même. La porte s’ouvre, et je le vois. Il est là, devant moi. Je ne sais pas si c’est lui qui m’attire à lui ou si c’est moi qui tombe dans ses bras. J’entends juste un « désolé », prononcé dans un murmure, et je me demande pourquoi j’étais fâchée.
Ce petit mot contient une magie que je ne connais pas. Il ne guérit pas tout mais apaise les cœurs. Je ne suis pas naïve, non. Ce n’est qu’une dispute parmi des milliers d’autres. Parfois, ce simple mot suffira, parfois non. Mais pour le moment, c’était amplement suffisant.
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Des situations comme on en voit partout. C'est moi, c'est vous, c'est tout le monde.