Dévoilé (e)

Ecrit par Farida IB



Emmanuel OSSENI…


« Je suis tranquillement assis sur le rivage d’un lac observant ses flots harmonieux. Au-dessus du lac, s’étendaient de vastes et hautes plaines couvertes de graminées. Le vent jetait l’écume sur mon visage, j’en profitais pour inspirer l’air frais qui m’offrait une grande sérénité. Ainsi, je voguais dans mes pensées, je ne sais pas ce que je fais là, mais je me sentais au bon endroit. Je me sentais libre, j’étais en paix. 


Je suis d’un coup attiré par une voile à l’horizon, des échos d’outre-tombe me parvinrent. Ils mugissaient sous les flots qui tantôt étaient si calme et si apaisant, bientôt le lac laissa place à un abysse. Instinctivement, je me lève et recule en grandes enjambées malgré qu’une force invisible essaie de me faire retrousser chemin. Soudain, une voix semblable à celle de mon défunt père m’exhorte à revenir sur mes pas. 


Papa (voix d’outre-ciel) : fiston, tu vas dans la mauvaise direction.


Moi : c'est faux !! Je ne veux pas risquer de tomber dans l'abysse.


Papa (voix d’outre-ciel) : écoute fiston, le danger est tout prêt. Il est encore temps pour toi de revenir sur le droit chemin.


Moi farouche : je pense que je suis déjà dans le droit chemin.


Je perds l’équilibre en trébuchant sur une grosse pierre qui me propulsa près d’un autre abîme. Alors que je me débats pour ne pas tomber dedans, je vois papa secoué la tête l’air dépité. Sa voix tantôt rassurante fut fugitivement remplacée par des échos de voix railleuses, elles étaient tellement envahissantes que je devais boucher mes oreilles. Je hurlais à perdre l’haleine, mais c’était sans compter sur la détermination des personnes derrière les échos qui se rapprochèrent encore plus. Je me mis à gesticuler dans tous les sens et en une fraction de seconde, je me retrouvai en chute libre au fond de l’abysse. »


Une sueur froide me parcourut le corps au réveil, je me retourne un quart de tour en regardant la pièce très paniqué, mais heureux que ce soit juste un cauchemar. Le bruit du jet d’eau dans la salle de bain me signale le retour d’Annick au bercail. Je me redresse une fois remis de ma torpeur pour m’adosser au montant du lit. 


Ping SMS


Je penche ma tête pour remarquer le téléphone d'Annick posé sur le montant, par réflexe, je tends la main et regarde l’écran en fronçant les sourcils. C’est un certain sénateur AGBAVI.


   « Ma belle… Destination Grand Popo (ville) » 


Poussé par la curiosité, je trace son schéma pour lire l’intégralité du message.


« Ma belle, j’ai besoin d’une escorte ce week-end pour Grand Popo. De préférence toi-même, mais si tu n’es pas dispo tu peux m’envoyer ta seconde. Pas la skinny inh asseaa (tu as compris ?), l’androïde fera très bien l’affaire. »


  « J’oubliais, votre prix sera le mien. »


Je finis de lire le message éberlué, je mis quelques secondes pour réunir les pièces du puzzle dans la tête. Ainsi, Annick et ses sœurs seraient des prostituées de luxe ? Non, c’est tout simplement impossible !!


Pourtant, c’est avec une grande amertume mêlée d’une colère sourde que la réalité transcende mon esprit au fur et à mesure que je parcoure sa messagerie. Elle sort de la salle de bain quelques minutes plus tard et reste statique devant la porte après avoir remarqué l'expression de mon visage.


Moi la voix tremblante : tu… Tu es une prostituée de luxe ?


Elle semble frileuse et médusée.


Annick : poussin.


Moi entre les dents : réponds à ma question !!


Annick : calme-toi s’il te plaît.


Moi rire nerveux : me calmer ? Tu me demandes de me calmer ? Voilà, je suis calme !


BAM !!


C’est le bruit du téléphone qui se brise contre le mur.


Annick hurlant : Manuuu !!!


Moi m’approchant dangereusement d’elle : tu vas me dire la vérité ? Qui es-tu réellement ?


Je me retrouve d’un bon à son niveau, deux gifles partirent toutes seules. Avant que je ne m’en rende compte, elle avait mes doigts collés sur sa joue droite. 


Annick sanglot dans la voix : ce n'est pas ce que tu penses, je vais tout expliquer.


Moi haussant le ton : je ne veux pas de tes explications, je veux que tu me dises si oui ou non, tu vends ton corps !?


Sanglot.


Moi tapant mon point contre le mur : réponds-moi SALE PUTE !!


Annick : oui 


Moi : oui quoi ?


 Annick :  je t’aime poussin, c'est ce qui est le plus important.


Moi sarcastique : looll elle m’aime !! La bonne nouvelle (ouvrant les bras) la bonne grande nouvelle !! Annick Anjo, la ″tchoin″ (prostituée), l’escorte VIP (la fixant dégoûté) c’est ton surnom n’est-ce pas ? La Call-girl m’aime!!! 


Annick : j’ai… J’ai arrêté…


Moi hurlant à la faire sursauter : mensonge !!!! J’ai tout lu Annick, j’aurai préféré ne jamais tomber sur ces messages. Mon Dieu, qu’est-ce que j’ai fait ?? Merde, Merde, Merde!!


Je me tiens la tête entre les mains.


Annick suppliant : je vais le faire, je le ferai pour toi. 


Moi : prends plutôt tes aises parce que je ne compte pas rester ici une seconde de plus. 


Elle s’agenouille à mes pieds en coulant des flots de larmes.


Annick : ne pars pas s’il te plaît, j’ai besoin de toi.


Je lui lance un regard méprisant avant de me diriger vers le dressing où je trie mes vêtements pour récupérer tous ceux que j’ai envoyéé de Lomé. Je préfère éloigner toute souillure de moi à commencer par elle-même. Je les enfouis dans le petit sac de voyage pendant que je rumine ma colère contre elle.


Moi : j’ai abandonné ma fiancée pour une pute !! Bravo Edem, bravo !! Quel con tu as été !! Et dire que je pensais trouver l’amour de ma vie, je te faisais confiance les yeux fermés. J’étais prêt à tout pour toi, tu aurais pu me dire la vérité. Tu pouvais par respect ou que sais-je, par compassion pour moi arrêter ce vil métier.


Annick : je te jure que j’ai essayé d’arrêter. J’ai dû reprendre parce qu'il fallait maintenir notre train de vie.


Moi avec de grands gestes de la main : ehh bien je travaille !! J’avais mes économies, je pouvais dignement subvenir à nos besoins.


Annick : mais ce n’était pas suffisant, mon niveau de vie dépasse largement ce que tu pouvais m’offrir.


Moi indigné : rien tu m'entends, rien ne m’offense plus que le fait de m’avoir pris pour un imbécile. Je m'inquiétais pour toi chaque fois que tu devais t'absenter pour la soi disante maladie de Cholah alors que toi, tu prenais du bon temps. Alors que je t’aimais sincèrement, toi, tu me prenais pour ton dessert. Tout ce que tu inventais, tous ces mensonges, tu m’as vraiment eu !!


BAM BOUM !!!


Je viens de faire valser tout ce qui était sur sa coiffeuse.


Puis, je la vois traîner vers moi. Elle essaie de m’attraper par les pieds alors que je me défile vers la commode pour prendre mes documents. Je me dirige ensuite vers la porte d’entrée sans risquer un regard vers elle, c’est lorsque j’ouvre la porte que je la sens m’attraper par le bras. 


Moi avec humeur : ne me touche pas, ne me touche plus jamais, tu as compris ? 


Elle enlève instinctivement sa main lorsqu’elle voit la mienne en l’air.


Annick redoublant les pleurs : ne t’en va pas chéri, je t’aime…


Moi (refermant la porte derrière moi) : espèce de pute !!


Je sors de l’immeuble complètement désemparé, Seigneur dans quoi me suis-je fourré ? J’espère qu’elle ne m’a refilé aucune sale maladie.


Seigneur !! Je suis bien au fond du gouffre !!


*

*

Nadine GBEGNON épouse GBEVOU…


Il a fallu trois semaines après mon retour de la France pour apprendre que mon beau-père est gravement malade et qu’il est même hospitalisé en ce moment. Et comme toujours, je suis la dernière à être informée de ce qui se passe dans ma belle-famille. Le conflit entre ma belle-mère et moi a pris une si grande ampleur que Florent se retrouve obligé de me cacher la maladie de son père (soupir). Mais qu’ai-je fait pour mériter cette haine que ma belle-mère nourrit à mon égard ? Elle ne veut pas me voir au pied de son mari, je porte la poisse m’a t’elle dit hier au téléphone (soupir lasse).


 Cette fois, je dois faire bouger les choses, je compte me rendre là-bas quitte à ce qu’elle me chasse comme une malpropre. Au moins j’aurai tenté le coup !! J’en ai marre d’être marginalisée, je suis la seule qui n’a pas le droit de participer aux cérémonies de cette famille. Pourtant, j’en fais partie d’une manière ou d’une autre. J’ai sacrifié vingt années de ma vie pour leur fils, je lui ai cédé mon héritage pour qu’il puisse monter son affaire et aider sa famille en retour. Pendant ce temps, je me consacrais entièrement à ma vie de femme au foyer parce que ma belle-mère trouvait à redire encore et encore sur ma façon de régenter mon foyer. Peut-être devrais-je lui construire un château pour qu’elle daigne enfin m’accorder son estime.


Hervé (ouvrant la porte) : maman nous sommes prêts.


Moi : et ta sœur ? 


Hervé : au salon, c’est toi que nous attendons.


Moi : ok, je viens, il faut que j’appelle votre père pour savoir dans quel hôpital pépé a été admis.


Hervé : ok.


Sa sœur rentre au même moment et vient s’arrêter près du berceau de Louis.


Jennifer (se tournant vers moi) : maman, il a quoi pépé ?


Moi (lançant l’appel) : nous le saurons bientôt ma chérie.


Jennifer : mais papa disait à mémé d’acheter des casiers de bières, on prend la bière à l’hôpital ?


Moi étonnée : il a dit ça quand ? 


Hervé : ce matin, avant qu’il ne parte.


Moi me tournant vers Hervé : tu l’as aussi entendu le dire ?


Hervé : oui et je pense qu’ils préparent une fête.


Je passe un bref instant de sidération avant de ramener mon attention sur l’appel qui sonne dans le vide. La seule solution qui me viens à l'esprit, c’est de me rendre à leur domicile pour élucider cette affaire. J’espère seulement que mon beau-père n’a pas trépassé, cette affaire de bières m’inquiète beaucoup. 


On s’installe quelques minutes plus tard dans la voiture, pendant que je conduis, des questions sans réponses submergent mes pensées. J'ai l'impression qu'il se passe quelque chose de pas net. Florent dort à peine à la maison et quand il nous gratifie de sa présence, son esprit reste dehors.


 Lorsqu’on arrive devant l’habitacle, je gare sur les accotements avant de faire descendre les enfants. Je mets le bébé au dos puis nous avançons vers la maison qui semble avoir pris un coup de vieux. Il faut d’ailleurs que j’en touche deux mots à Florent. Il devrait penser à construire une nouvelle maison à ses parents, celle-ci chancèle déjà. Nous arrivons au portail et je sonne plusieurs fois sans voir quelqu’un pointer le bout de son nez. Après plusieurs tentatives, je me saisis d’un petit caillou par terre et le cogne contre l’acier pour  finir avec le même résultat. Je reprends le processus jusqu’au moment où un jeune homme sort de la maison avoisinante et s’adresse à moi.


Lui : bonjour Mme, il n’y a personne dans la maison. Ils ont déménagé il y a quelques mois. 


Moi surprise : ah bon ? Et ça fait de surcroît des mois ? 


Lui : oui, la maison est même mise en vente depuis peu.


Je le regarde complètement perdue avant que les enfants ne me tirent de mes pensées.


Eux : pépé et mémé ne vivent plus ici ?


Je hoche simplement la tête. 


Assise devant le volant, je retente le numéro de Florent qui répond maintenant aux abonnés absents. Je lance celui de ses frères et sœurs, personne ne décroche. À bout de forces, je prends le risque d’appeler ma belle-mère qui décroche après quatre appels.


Belle-mère brute : c’est qui ?


Moi : maman, c’est Nadine, nous sommes actuellement…


Belle-mère : mttcchhrrrrr…


Click !


La bonne-dame vient de me raccrocher au nez, là, je me résigne à rentrer chez moi. Pendant tout le trajet, j’évite du mieux que je peux les innombrables questions des enfants et surtout les larmes qui menaçaient de couler. C’est une fois à la maison, enfermée dans ma douche que je me laisse aller dans la tristesse et l’amertume. Je pleure un bon moment avant de me doucher pour me rendre ensuite à la cuisine. Je prépare le dîner pendant que les enfants surveillent le bébé tout en suivant leur émission télé. 


Après le dîner, ils m’aident à faire la vaisselle. J’en profite pour donner son bain à Louis. Il dort aussitôt après avoir pris le biberon qui le met K.O. Une fois seule devant la télévision, alors que les enfants dorment tous déjà, j’appelle Florent qui décroche finalement au bout de la troisième sonnerie.


Florent (drôle de voix) : toutes mes excuses la journée a été chargée à l’hôpital.


Moi sans transition : Florent, que se passe-t-il exactement ?


Florent grinçant : tu parles de quoi ?


Moi : j’ai un mauvais pressentiment, j’ai l’impression que ta famille et toi tramez quelque chose. Et ton attitude depuis notre retour ne fait que décupler mon angoisse, d’abord, tu m’as caché que tes parents ont déménagé. Ensuite, il a fallu que je te tire les verres du nez pour que tu m’informes que c’est en fait au chevet de ton père que tu passes toutes tes journées et la plupart de tes nuits depuis trois semaines !! 


Florent dans un souffle : ils ont dû déménagé pendant notre absence, j’ai cru t’avoir parlé de ça.


Moi : non et ça fait parti des nombreux détails que tu omets de me donner dernièrement.


Florent : excuses-moi la maladie de mon père m’embrouille le cerveau.


Moi soupirant : je comprends, je voulais voir ton père cet après midi mais tu étais injoignable. Il me fallait le nom de la clinique dans laquelle vous l'avez envoyé.


Florent : ne te dérange pas. Il va mieux, actuellement nous préparons sa sortie.


Moi : c’est prévu pour quand ?


Florent : demain


Moi : tu m’envoies donc les indications de la maison.


Florent hésitant : euh… En fait, tu sais…


Moi le coupant net : chéri, j'irai voir ton père, n’en déplaise à ta mère. 


Florent : ne t’emporte pas s’il te plaît, c’est juste pour éviter les conflits entre maman et toi que j’ai gardé sa maladie pour moi. J’essaie juste d’éviter les tirades entre vous, mon père n’a pas besoin ça de en ce moment. 


Moi soupire lasse : j’en ai vraiment marre d’être tout le temps pestiférer, tu te rends compte qu’elle va jusqu’à me raccrocher au nez ? 


Florent : je lui parlerai t’inquiète (changeant de sujet) où sont les enfants ?


Moi : couchés, tu rentres ce soir ? 


Florent : pas sûr, il faut que je m’occupe des formalités de sortie de papa.


Moi soupirant : comment va-t-il ?


Florent : mieux, le docteur dit qu’il peut continuer le traitement à la maison.


Moi : d’accord, tu le salueras de ma part.


Florent : je n’y manquerai pas, prends soin de vous.


Moi : ok bonne nuit. 


Florent : bonne nuit à toi aussi, embrasse les enfants pour moi.


Click !


Je pose le téléphone sur la table basse et reporte mon attention sur Canal 3 (chaîne télé.) qui diffuse le journal de la nuit. 


Journaliste « et on termine avec les noces (relevant la tête) de l’une des petites filles du roi Glèlè, également Directrice Générale de la CNCB, je cite Marie-Louise Fifamè LOCKO Elle a finalement dit oui au dénommé Florent K. GBEVOU… »


Ma bouche s’ouvrit légèrement et je clignai plusieurs fois des yeux presque pour être sure d’avoir bien entendu.


Journaliste continuant : « La cérémonie civile a eu lieu ce matin à la mairie de Cotonou… »


Non mais je rêve !!!


Amour & Raison