DU DECES DE DADDY
Ecrit par Marc Aurèle
CHAPITRE V : DU DECES DE DADDY
Au-delà des civilités, ce fut les seuls mots que nous avons échangé jusqu’au Centre Hospitalier Universitaire Hubert Maga. Nous fumes autorisés tous les quatre à entrer dans la salle des soins intensifs. Papa était dans une chambre à lit unique, avec plein de tubes. Il était sous assistance respiratoire et le voir ainsi, me fit avoir la plus pitoyable image de mon père.
Mon père, Sidoine ADJI, un homme qui a été toujours plein de vie, toujours à fond dans tout ce qu’il fait, très engagé et très déterminé. Un homme qui, en vingt-cinq années de vie, n’a jamais été souffrant. Il ne s’était jamais plain, même pas d’un mal de tête. Il était toujours là pour nous, même dans nos plus grosses ou petites folies. A soixante-quinze ans, daddy en faisait à peine cinquante. Son physique était encore celui d’un jeune fort et vif, il me déposait toujours à mes séances d’entrainement. Insistait encore pour nous faire le petit déjeuner à Justin et à moi, et rien ne pouvait présager de le retrouver là, couché dans ce lit.
Deux jours après mon voyage, Justin l’avait retrouvé évanoui dans son bureau. Et depuis, il ne s’en est pas encore remis, son état n’a fait que s’empirer chaque jour un peu plus. L’affection que lui avait décelée son docteur traitant était des plus graves en matière de cardiopathie, et il fallait qu’il subisse une intervention chirurgicale, mais père avait opposé un refus total. Le docteur Rufin, avait découvert cette pathologie à notre père quelques années plus tôt. Il était censé, suivre un traitement, réduire son rythme de travail et si nécessaire subir une intervention. Daddy, avait toujours dit non à tout ce qui était du ressort de la chirurgie depuis le jour où maman s’en est allé en m’accouchant. C’était par césarienne et elle ne revint jamais du bloc opératoire. Superstition selon bien de gens, mais père avait toujours pu donner les meilleures raisons, pour justifier son choix.
Nous nous tenions à son chevet. Il ouvrit les yeux une dernière fois, de son regard nous parcouru tour à tour. Il essaya de dire quelques mots, mais n’y parvint pas. Nos mains se posèrent sur les siennes et lentement, son souffle le quitta sous nos yeux. Papa tira sa révérence, avec tous ses enfants autour de lui. La chambre était devenue en quelques instants, beaucoup plus grande. Le ciel nous tombait sur la tête, mais beaucoup plus à moi qu’aux autres, papa était mon tout et j’avais toujours été le centre de son monde. Comme il le disait si bien : ‘’Sally, c’est ma reine, ma princesse et ma raison d’être. ‘’
De toute ma vie, je n’eus meilleures déclarations d’amour que les siennes. Il ne me refusait pas les relations avec les hommes, mais il me surprotégeait et ne permettait à aucun d’entre eux de me faire souffrir. A l’époque, je filais le parfait amour avec un des amis de Clark, mais ce dernier n’en avait que pour le sexe. Le conservatisme de ma famille, me faisant stricte et pieuse, je devais conserver ma virginité jusqu’au mariage, attendant vivement le merveilleux jour où tout de blanc vêtue, daddy m’accompagnerait devant l’autel. Hélas, désormais ce jour ne viendra jamais. Je revois les infirmiers enlever les tubes et débrancher mon père cette nuit-là. S’en était fini, hélas de tous mes rêves en une fois. J’en étais là dans ma rêverie lorsqu’une main tapa des coups sur le bureau.
Trois heures de temps s’était écoulées depuis le départ de Marcy et de l’infographiste. Je m’étais tourné vers la baie vitrée pour me délecter de la vue reposante qu’offrent nos bureaux.
- … entrez ! fit-je
Je vis mon frère Justin entrer. Sa silhouette longiligne se reflétait dans la baie. Il marcha vers le salon que j’avais fait installer quelques semaines plus tôt. Il s’affala sur le canapé, comme si l’on venait de jeter un sac de cinquante kilogrammes au sol. Cette attitude de lui en disait long sur son état d’âme, et même s’il n’affichait pas sa tête de mort du jour où papa s’en était allé, il devait être vraiment secoué pour avoir cette grise mine. Il posa ses deux pieds sur la table basse, croisa les bras et repoussa la tête à l’arrière. Je retournai le siège et me levai vers lui.
- Qu’est ce qui se passe fofo ? tu es dans un état !
- J’en sais rien moi, je dois m’être réveillé du mauvais pied…
- Lol tu m’étonnes. De quoi parles-tu ? tu étais parti d’ici hier en bonne compagnie à ce que je sache…
- Bah n’empêche que je n’ai pas eu le réveil souhaité…
- Tu veux qu’on en parle ? je ne supporte pas de te voir ainsi. Vas y raconte.