En rade
Ecrit par Farida IB
Eddie….
Moi à moi-même : mais c’est qui lui ? Il sort d’où ?
J’arrête mes mouvements et me tourne vers eux les yeux plissés. Elle court se jeter dans ses bras avant de lui faire la bise. Je les regarde avec des envies de tirer la savate, mais je prends sur moi pour ne pas compromettre cette soirée. Après un brin de causerie, elle l’amène vers moi en souriant de toute sa dentition.
Yumna nous présentant : Eddie, je te présente Elias, le mec qui m’a sauvé des griffes de l’autre détraqué. Elias, je te présente Eddie. Mon frère de cœur.
C’est donc lui ? Mais depuis quand ils sont si proche ?
Le dénommé Elias : bonsoir,
Moi (du bout des lèvres) : bonsoir !
Le dénommé Elias (me tendant la main) : content de mettre enfin un visage sur ce prénom.
Et moi, je ne savais pas que tu existais, enfin bref.
Moi (lui donnant une brève poignée) : weh ravi de faire ta connaissance (à Yumna) je vais faire rentrer les bagages.
Le dénommé Elias : laisse-moi t’aider.
Tu parles, il a pris à lui seul trois valises. On fait deux tours pour tout convoyer dans l’appartement de Yumna qui a foncé sous la douche la première fois que nous sommes montés. Je désigne d'un geste bref l’un des fauteuils à l’Elias pendant que je prends place sur le divan. On reste une dizaine de minutes sans parler, en même temps, je ne vois pas de quoi nous pouvons parler. Ce que je veux moi, c’est qu’il dégage pour que je puisse mettre mes plans en exécution.
Elias brisant le silence : alors tu habites l’appartement au fond, c’est ça ?
Moi : oui
Elias : moi, je suis dans la rue juste après votre école.
Moi simplement : ok.
Il ne dit plus rien et moi aussi, on attend une quinzaine minutes de plus avant que Yumna ne déboule moulée dans une sublime robe.
Je me lève en même temps que l’Elias qui se racle la gorge.
Elias : euh, tu sors ? (me détaillant) Vous sortez ?
Moi parlant vite : oui et nous sommes déjà à la bourre.
Elias : ah ok, Yumna, je tenais juste à te souhaiter la bienvenue. C’est fait donc je ne vais pas vous déranger plus longtemps.
Il se lève.
Yumna : euh attend (à moi) tu peux m’accorder quelques minutes s’il te plaît ?
Moi hochant la tête : je suis chez moi, fais moi signe quand tu seras prête.
Yumna : d’accord
Elle se tourne vers lui et lui sourit, sourire auquel il répond. Je sors de son appart avec un goût amer dans la bouche, je n'aime pas la façon dont ils se regardent et la complicité que j'ai lu dans leur yeux ne me dit rien qui vaille. J'arrive au seuil de la porte de chez moi dévasté, je n’attends pas de refermer la porte avant d’enlever le nœud papillon. Je vais me servir un verre d’eau que je vide d’un trait, je tourne en rond un moment dans la pièce en trépignant de colère et d’impatience. Les quelques minutes virent en une heure, lorsqu’elle arrive finalement, je n’étais plus qu’à moitié habillé.
Yumna (dès que j’ouvre la porte) : je suis désolée, je n’ai pas vu le temps passer.
Moi (prenant sur moi) : t’inquiètes (avisant ses yeux rougis par le sommeil) je suppose que ça ne peut plus tenir.
Elle me lance un regard désolé.
Yumna : je suis crevée comme pas possible, demain promis et c'est moi qui invite.
Moi forçant le sourire : ok
Yumna baillant : là, je vois double.
Moi : ok bonne nuit.
Yumna grimaçant un sourire : d’accord bonne nuit à toi aussi, merci encore pour l’accueil.
Je hoche simplement la tête et attends qu’elle tourne les talons pour refermer la porte. Je vais me coucher dégoûté.
Khalil…
Je me tiens debout les mains dans les poches regardant par-dessus la rambarde du balcon depuis l’étage qui abrite l’agence de Nahia. Elle est en bas avec « son ex chéri » et ça fait des minutes qu’ils discutent dont on ne sait quoi. Depuis qu’il a débarqué dans nos vies, ils traînent tout le temps ensemble qu’ils font des courses pour sa femme et lui. Il faut le dire, j’ai été un peu soulagé d’apprendre qu’il en a une, mais il demeure une tache dans mes plans. Nahia en a juste profité pour encore plus s’éloigner de moi, là, je l’attends pour mettre les choses à plat. Cette situation n’a que trop perduré.
Je quitte le balcon pour le bureau qu’on partage et m’assois à ma place pensif. Cette histoire me met vraiment en boule, ça m’énerve de ne pas savoir de quoi il en retourne. En même temps, elle ne me doit aucune explication et si je pousse le bouchon loin elle est susceptible de m’envoyer paître. C’est pour ça que je réfléchis à la meilleure manière d'aborder le sujet pour obtenir satisfaction.
Elle arrive au bout d'un moment la bouille amarrée, c'est sa botte en ce moment pour éviter toute discussion.
Moi sans transition : tu souriais bien plus toute à l’heure.
Elle lève le regard sur moi, ne dis rien avant de l’abaisser à nouveau sur les documents épars devant elle.
Moi (pas découragé pour autant) : je t’ai observé causé avec (articulant) ton ex chéri, tu riais à tout va.
Nahia me regardant : et ?
Moi : il n’a plus d’heures de visite lui ? Ici, c’est un lieu de travail pas un site de rencontre.
Elle prend le temps de poser le papier qu’elle a dans sa main avant de parler.
Nahia (joignant les mains croisées sous son menton) : Ben Zayid tu as un souci particulier avec Harold ?
Moi : lui non. Mon problème, c’est toi !
C’est lorsque j’intercepte son regard ahuri que je me rends compte du ton avec lequel j’ai parlé.
Nahia calmement : et je peux savoir ce que je t’ai fait ?
Moi : tu me fuis.
Nahia toujours posément : je ne te fuis pas.
Moi : si, depuis dimanche, tu t’arranges pour ne pas être dans le même périmètre que moi. Encore qu’avec la présence de ton ex chéri, c’est tout comme si je n’existais plus.
Elle me fixe d’un regard goguenard avant de reporter son attention sur le document dans sa main.
Nahia : je ne vois même pas de quoi tu te plains, je m’arrange pour trouver du temps pour tout le monde.
Moi faisant la moue : mais lui, il t’accapare.
Nahia : c’est normal parce qu’il est de passage et qu’il a besoin de moi pour certaines courses.
Moi : et sa femme ? Elle est où dans tout ça ?
Nahia : à Sao tomé, tout comme lui. Et puis en quoi cela te dérange que je passe du temps avec lui ?
Moi la déroutant : personnellement ça ne me dérange en rien (tu parles !) juste que tu n’as pas besoin de tout ce raffut en ce moment.
Nahia (me jetant un coup d’œil) : ah ouais ?
Moi : weh, je te rappelle que tu es censée être en méditation. Des ex sortis de nulle part peuvent t’embrouiller le cerveau et t’amener à prendre des décisions que tu pourrais regretter plus tard. Et vu comment il te regarde, je ne pense pas qu’il soit si indifférent que ça.
Nahia me fixant : lol ma relation avec Harold n’est pas allé plus loin que (pointant la porte d’entrée) cette porte quand il était célibataire, ce n’est pas maintenant qu’il est marié que je vais courir me jeter dans ses bras. Nous sommes restés de bons amis, c’est tout. Au risque de me répéter, je n’envisage rien avec personne en ce moment. Je préfères évoluer en électron libre.
Je souris direct.
Moi faisant genre : si tu le dis. (du coq à l’âne) On se fait un restaurant ce soir ?
Nahia : j’ai déjà un programme de prévu avec Harold.
Moi soupire agacé : quand est-ce qu’il part ?
Nahia : bientôt.
Moi : Aynia bientôt ça ne répond pas à ma question.
Nahia roulant des yeux : demain.
Moi : donc demain, on va restaurant.
Nahia : c’est demain le dîner en famille.
Moi : ah oui, ça m’est complètement sorti de la tête. Dimanche alors.
Nahia : Khalil…
Moi l’interrompant : tu me devais une sortie.
Nahia soupire lasse : ookk comme tu veux.
Elle se concentre sur son travail et moi, je vais à la cliente. Je reviens la trouver sur le départ. Elle se rassoit le temps que je lui fasse un bref compte rendu puis, on quitte le bureau ensemble. Au rez, elle se dirige vers la RR devant laquelle l’attendait le métis et moi, je fonce vers la Mercedes. J’ai arrêté de les suivre surtout que c’est elle qui lui sert de chauffeur. À la maison, je vais directement me débarbouiller. Plus tard, je réchauffe l’un des plats qu’elle conserve dans nos congélateurs. Je mange assis devant les informations sur la chaîne arabe d'où j'apprends que mon père est au Qatar en ce moment. Lorsque je finis, je vais déposer le plat à la cuisine et reviens m’allonger sur le divan. J'amorce un chat avec Jemal et salim au moment où un appel vidéo d’Ussama s'affiche sur l'écran. Je décroche aussitôt, pour une fois qu’il m’appelle.
Ussama : salam bro.
Moi : masalam petit, que me vaut l’honneur ?
Ussama : ma vie Khalil, on sent le fils à son père !
Moi riant : lol tu doutais ? Bah, c’est vrai, tu m’appelles à peine depuis mon rapatriement.
Ussama rire dérisoire : c’est vrai que ça fait un moment qu’on ne s'est pas parler, je suis très occupé en ce moment.
Moi : avec les petites ? Les nouvelles vont vite, tu sais ?
Ussama : ça, c’est Jemal.
Moi : ça peut aussi être Yumna.
Ussama : en tout cas, si ce n’est pas l’une, c’est l’autre. Une bande de colporteurs.
Moi : krkrkr, en parlant de Yumna as-tu eu de ses nouvelles ? Tu sais si elle bien arrivée à New-York ?
Ussama : probablement, elle ne m’a pas encore fait signe. Elle n’est pas non plus joignable.
Moi : ok, je l’appellerai plus tard. Toi ça va ? Comment tu gères les petites ?
Ussama : je ne gère pas encore les petites, enfin il y a une que je veux bien gérer. (se grattant la tête) J’ai son contact, mais je ne sais pas comment m’y prendre avec elle.
Moi : et tu as besoin des conseils de l’expert.
Ussama : lol oui.
Moi : bon ne te complique pas la vie. Envoie lui juste un SMS pour susciter son intérêt. Les appels sont souvent relous, tu as une forte chance qu’elle te rejette si tu tombes sur un mauvais moment.
Ussama : ah ok, j’écris quoi ?
Moi : ça dépend de comment vous vous êtes rencontrés, tu la complimentes sur quelque chose qui t’a marqué sur elle.
Ussama : hmmm, c'est tout ? Tu vas m'aider à le rédiger n'est-ce pas ?
Moi : volontiers, mais je ne serai pas là lorsque tu devras la rencontrer donc apprend en même temps à tenir une conversation avec elle.
Ussama fronçant les sourcils : je suis obligé de la rencontrer ?
Moi : bien sûr, c'est là que tu gagnes des points. Le but de l'Sms, c’est d’arriver à caler un rendez-vous pour faire plus d’amples connaissance avec elle.
Ussama : je comprends, mais qu'est ce que je vais pouvoir bien lui dire durant ce rendez-vous ?
Moi : tu chilles souvent avec Cartia n’est-ce pas ?
Ussama : oui
Moi : et qu’est-ce que vous vous racontez de beaux ?
Ussama : elle me raconte sa vie, je n’interviens que lorsque mon avis compte.
Moi : c’est l'idéal, mais pour un début ce sera à toi de poser les questions. Les filles aiment les mecs qui s’intéressent réellement à elles, à leur vie quotidienne et à leurs émotions. Tu peux lui poser par exemple des questions sur famille, sa vie professionnelle, sa qualité, ses défauts, ses préférences (il arque le sourcil.) weh petit, c’est à dessein tout ça. Ensuite, tu prends patiente à l’écouter, si c’est une fille coopérante elle va te faciliter la tâche. Bof de toute façon, une femme normale a toujours quelque chose à raconter.
Ussama : comme ta sœur ?
Moi : elle c'est le high level.
On éclate de rire ensemble, c’est moi qui me calme en premier.
Moi : petit (il répond) ça me fait plaisir que tu aies pensé à moi pour ça.
Ussama me narguant : tu deviens sentimental ? Attention, je vais finir par croire qu’on a échangé mon frère là-bas au Togo.
Moi : lol.
Ussama : à part ça quoi de neuf ?
On se raconte un peu nos vies, enfin, je m’enquiers de son boulot et il en fait de même. Il me donne des nouvelles des parents, on se raccroche plus tard après qu’il m’ait arraché la promesse d’appeler papa parce qu’à ce qu’il paraît, il râle à mon sujet en ce moment. Je ne vois pas vraiment de quoi il se plaint, il m’a lui-même envoyé en camp de redressement et c’est encore lui qui passe son temps à râler. Celui pour qui on travaille lui-même ne dit rien. Bon, il est encore en plein aménagements donc il nous a clairement dit de prendre notre temps.
C’est lorsque j’entends Nahia refermer sa porte une demie heure plus tard que je vais me coucher. J’essaie de dormir quand j’entends l’eau coulé sous sa douche, je devine qu’elle prend son bain et mon imagination commence à divaguer. Tout ce dont j’ai envie, c’est de la rejoindre et la coller contre la cabine de douche et… Enfin bref, je ne veux pas lui forcer la main pour le moment. Vu comment elle m’a snobé pour un simple contact, il serait mieux de m'en tenir à mon plan initial tout en éloignant les vautours qui se mettront entre elle et moi. En revanche j'ai la conviction que nous ne sommes plus loin d'être au diapason.
C’est sur cette pensée que je me laisse aller dans les bras de Morphée.
Nahia….
Moi (serrant mamie dans ses bras) : reste s’il te plaît.
Mamie : jeune fille, on en a déjà parlé. Cette fois, c’est toi qui viens me voir à Louvain.
Moi (entre deux sanglots) : c’est promis mamie, dès que j’ai le temps libre.
Amou : rhoo Nahia arrête tu vas me faire pleurer.
Moi : elle va me manquer.
Amou (allongeant la bouche) : elle va tous nous manquer.
Mamie : ce n’est pas comme si je partais mourir non plus hein.
J’éclate de rire à travers mes larmes avant de les essuyer d'un revers de main.
Moi : tu n’en as même pas le droit.
Elle rit.
Liam (dans le vestibule de la porte) : on y va si vous êtes prêtes.
Nous : ok.
Je prends le sac à main de mamie et sa doudoune puis nous bougeons toutes les trois en même temps de sa chambre. C’est ce matin qu’elle s’envole pour Belgique et vous pouvez imaginer à quel point ça m’ébranle. Bon, je dois dire que l’ambiance était déjà morose depuis le dîner hier pour son départ. Elle a attendu la fin pour nous annoncer qu’elle ne reviendra plus en Afrique, c’est vrai qu’elle n’est plus toute jeune et sa santé n’en est pas du reste donc c’est tout à fait normal qu’elle ne veuille plus prendre l’avion. Cependant, j’ai du mal à me faire à l’idée. Mais bon, on y peut rien et comme elle-même le dit il y a toujours les avions si on veut la voir.
Pa’a et ma’a se lèvent à notre arrivée au salon, il est à peine trois heures du matin, mais tout le monde a tenue à l’accompagner à l’aéroport. Sauf bien sûr les enfants qui dorment encore, Amou a sollicité l’aide d’une baby-sitter à temps partiel pour les garder. Quand on arrive à la devanture, les parents montent avec Amou et Liam qui va mieux soit dit en passant. C’est Khalil et moi qui embarquons mamie. On arrive comme une fusée à l’aéroport et on se retrouve devant le hall des départs internationaux. Les parents sont assis avec Amou et Khalil, je me tiens debout près d’eux pendant que mamie se fait enregistrer. Amou a envoyé Liam à l’aventure, madame a une fringale et elle ne veut que de l’attieke. À trois heures du matin !! À un moment donné, Khalil se lève et vient se placer à côté de moi.
Khalil : ça va ?
Moi : pas vraiment, je suis trop dégoûtée qu’elle parte.
Khalil : j’imagine combien ça doit être dur pour toi.
Moi soupire triste : c’est trop déprimant.
Khalil : je peux te prendre dans mes bras si tu veux, ça va te faire du bien.
Moi scandalisée : non Khalil mes parents sont juste à côté.
Khalil : donc sans leur présence tu t'aurais laissé faire ?
Moi dans un soupir : ne commence pas s'il te plaît.
Khalil : je veux simplement rendre service, je n'aime pas te voir si triste.
Moi : c'est gentil mais ça ne sera pas nécessaire.
Il m’entoure tout de même les épaules et se met à cajoler doucement la peau de mon bras tout en exerçant une pression sur ma main libre. Ça a l'effet de me calmer mais je me sens très mal aise, surtout que je sens des regards sur nous.
Khalil : là ça va mieux.
Moi la petite voix : oui.
Une semaine est passée depuis qu’on a failli s’embrasser et dès lors il est devenu plus que tactile avec moi. Le truc, c’est qu’à parti de ce jour, j’ai vraiiiiiimmmmment chaud dès qu’il me frôle et je n’aime pas l’effet qu’il me fait. Le genre, tu tombes amoureuse et tu perds ton cerveau. Non merci, je n’en veux plus. Même si j’ai conscience que c’est ce qui va finir par arriver si nous continuons sur cette lancée. Khalil je m’en suis attachée plus que j’en avais conscience et il fallu qu’Harold m’ouvre les yeux là-dessus. Autant dire que j’ai profité de sa présence pour fuir la tension naissante entre Khalil et moi, mais là, il est parti et je vais devoir affronter la réalité. Le type ne cache plus ses intentions et je dois avouer que ses sous-entendus et son petit jeu de séduction ne me laissent pas si indifférente que ça. Toutefois, j’ai vraiment envie de garder la tête sur les épaules. J’apprécie tout ce qu’on partage, on s’entend bien, il est super protecteur envers moi. C’est en même temps un pote et le grand frère que je n’ai jamais eu et je ne veux pas perdre tout ça pour peut être une simple attirance.
C’est dans cette position que mamie vient nous trouver, dès qu’elle arrive elle le prend à l’écart pour discuter des choses du mari qui va manquer à sa femme lol. Je retourne m’asseoir à côté d’Amou dont le cou finira par s’allonger à force de guetter la route (rire). Quand Liam arrive une vingtaine de minutes plus tard, Dieu merci avec son plat, ils vont se chercher un coin pour qu’elle puisse manger. Du coup, je me retrouve seule avec les darons.
Pa’a (au bout d'un moment) : Nahia ça va ?
Moi : oui pa’a je vais bien.
Pa’a en patois : dis-moi, il se passe quoi entre ton collègue et toi ?
Moi : rien, pourquoi ?
Ma’a (d'un ton condescendant) : tu es sûre ?
Moi plissant les yeux : pourquoi j’ai l’impression que vous me reprochez quelque chose ?
Pa’a : on se doute qu’il se passe quelque chose entre vous deux. Enfin, on a remarqué votre soudaine proximité.
Moi : c’est vrai qu’on s’entend bien, par contre, je ne vois pas où se pose le problème.
Ma’a (du tic au tac) : vous sortez ensemble ?
Moi : mais non ! Et puis même si c’était le cas ? C’est vous qui passez votre temps à me dire de trouver un homme.
Pa’a : certainement, mais pas celui-ci.
Moi arquant le sourcil : et pourquoi donc ?
Ma’a : c’est un Arabe et avec tout ce qu’on attend sur eux…
Moi lui coupant la parole : aka, c’est quoi ce soudain repli identitaire ? Ma’a, je peux comprendre, mais pa’a toi tu les fréquentes tout le temps.
Pa’a : rectification, j’ai des partenariats avec eux. C’est tout à fait différent du fait qu’ils convoitent ma fille.
Je les regarde tour à tour complètement dépassée.
Moi : qui a dit qu’il me convoitait ?
Ma’a : rhooo tu penses qu’on dort au premier rang ? On a remarqué les regards attendrissants qu’il te coule.
Moi méfiante : ce que vous dites est peut-être vrai, mais je ne pense pas que ça devrait vous poser un problème qu’un homme s’intéresse à moi.
Ma’a : au contraire ça nous fait plaisir, encore qu'il est gentil en plus d'être un musulman. Juste qu’on a trop entendu et vu des choses, les Arabes ont la réputation d’être barbares et autoritaires. Ton père et moi aimerons que tu te cases enfin oui, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut se jeter dans l’abîme. Nous ne voulons pas te voir souffrir plus tard dans un mariage dans lequel tu es maltraitée.
Moi comptant du doigt : Uno, il n’est même pas question de relation pour qu’on vienne à parler de mariage ; Dos, c’est un homme parmi tant d’autres et des arabes bons il y en a tout comme il y a des togolais barbares et autoritaires ; Tres, ce n’est pas de vos critiques dont j’ai besoin, mais de vos prières et vos bénédictions afin que l’homme sur qui je tombe soit l’idéal pour moi.
Il y a comme un flottement.
Ma’a reprenant : c’est ce qu’on a toujours souhaité pour toi.
Moi : tant mieux alors.
Personne n’ajoute plus autre chose pendant un moment jusqu’à ce que Khalil se tourne vers moi en souriant, je lui retourne un pâle sourire avant de détourner mon regard pour croiser celui insistant de mon père.
Pa’a : tu dis qu’il n’y a rien entre vous ?
Moi : pour l’heure non.
Pa’a simplement : ok.
On garde le silence jusqu’à ce qu’on annonce le vol de mamie. Bon, je vous passe les adieux.
Au retour, on embarque les parents avec nous en laissant Amou et Liam dans leur balade matinale. Chez les parents, je prépare le petit-déjeuner qu’on prend tous les quatre dans une ambiance conviviale. On lève le camp de là à 9 h, le trajet vers la maison se passe dans le silence plat que Khalil interrompt au bout d’un moment.
Khalil : tu tiens le coup ?
Moi : oui ça peut aller.
Khalil : ok, ça tient toujours ce soir ?
Moi : il faut d’abord que je me repose ensuite, on verra.
Khalil : d’accord.
Moi : tu veux aller quelque part en particulier ?
Khalil : juste un coin tranquille où on peut causer et passer du bon temps.
Moi : ok.
C’est tout ce qu’on se dit jusqu’à la maison où je vais directement au lit. Je me réveille trois heures plus tard avec une faim de loup. Je nous prépare un spaghetti bolo qu’on mange sur le tapis de mon salon en commentant le film qui passe à la télé. Lorsqu’on finit, il m’aide avec la vaisselle ensuite, on prie ensemble puis on se sépare pour nous préparer chacun de son côté. Pendant que je choisis ma tenue, on sonne à l’appart. Je me précipite pour aller ouvrir en pensant que Khalil a oublié un truc, mais c’est père et fils que je trouve sur mon palier.
J’ouvre les yeux et les regarde hébétée.