Épisode 13
Ecrit par Mona Lys
Episode 13
VANESSA
Je regarde Zeinab, la sœur de Khalil me parler des raisons qui la poussent à demander le divorce. Elle ne sait pas qui je suis mais moi je l’ai très vite reconnu. Il n’y a qu’à voir sa grande ressemblance avec son frère pour tout de suite savoir qui elle est. En plus, Khalil m’avait dans le temps plusieurs fois montré des photos d’elle. Je préfère ne pas lui révéler mon identité de peur de la refroidir.
Moi : Si je comprends bien, vous voulez divorcer de votre époux, Antoine, parce qu’il vous a trompé. Il vous a supplié de lui pardonner en affirmant que c’était sa seule et dernière fois de le faire. C’est bien ça ?
Zeinab : Oui.
Moi : Vous me permettez de vous poser une question plus intime ?
Zeinab : Allez-y !
Moi : Combien de temps passez-vous avec votre époux ? Votre famille en gros ?
Zeinab : Euh, je… ne sais pas trop, je dois dire. Mais c’est parce que mon travail me prend beaucoup de temps. Mon mari ne gagne pas assez donc je me dois de gagner plus pour équilibrer les choses. Je ne veux pas que mon fils manque de quoi ce soit.
Je souris. Khalil avait raison. Elle est exactement comme j’étais. Je me souviens d’une phrase qu’il m’a dite un jour lors d’une dispute.
Moi : Quelqu’un m’a dit un jour que mon rôle entant qu’Avocate n’était pas seulement de défendre, mais aussi de conseiller. C’est donc ce que je vais me permettre de faire avec vous. De tout votre récit, je ne retiens qu’une seule chose, votre vie professionnelle a plus de valeur pour vous que votre vie de famille. Moi aussi j’étais ainsi et je peux vous dire que la fin de tout ceci c’est la solitude. Tu auras tout ce qu’un bon boulot peut offrir mais tu n’auras plus de famille. Vous m’avez parlé de vos voyages d’affaire, de vos réunions, les diners auxquels vous vous rendez pour affaire, mais vous n’avais pas une seule fois parlé d’une quelconque sortie en famille ou en tête à tête avec votre mari. Ne pensez-vous pas que c’est le manque d’amour qui a poussé votre mari dans les bras d’une autre ?
Zeinab : Rien ne justifie une infidélité.
Moi : Oui, mais ne donnons pas non plus une raison à l’infidélité d’avoir une place dans notre vie. Le problème avec nous les femmes est que, lorsque nous désirons quelque chose, nous nous mettons à fond pour l’avoir, oubliant même certaines choses importantes. Si vous étiez venues me voir il y a deux ans, ç’aurait été à cœur joie que je vous aurais encouragé à divorcer de cet homme. Mais aujourd’hui, tout ce que je veux vous dire, c’est de sauver votre mariage.
Zeinab : Vous me demandez de pardonner l’adultère de mon mari ? Il a couché avec une pute de trottoir.
Moi : C’était donc le coup d’un soir qui transcrit en réalité le manque de sexe qu’il a encaissé longtemps dans son couple. Une personne, homme ou femme, en manque de sexe ira forcement voir ailleurs pour éteindre ce feu puis regrettera après. Mais si ce manque persiste, cette personne finira par se trouver un autre partenaire pour se soulager. Evitez donc d’arriver à ce stade. Je sais que votre mari vous aime ce qui l’a poussé à lui-même vous avouer son péché. Faites donc aussi un pas vers lui. Voici ce que nous allons faire, je vous propose de prendre un temps rien que pour vous et votre mari. Faites-lui à manger, faites-vous des sorties, des moments rien qu’à deux, prenez des vacances. Faites tout ce qu’une femme mariée est censée faire pour et avec l’homme qu’elle aime et revenez me voir dans deux mois. Si rien n’a changé entre vous, je prends l’engagement de vous faire divorcer sans prendre 5 FCFA avec vous. Souvent nous les femmes sommes celles qui poussons nos hommes dehors. Moi j’ai perdu mon plus grand amour à cause de ces mêmes choses et aujourd’hui je le regrette amèrement. Je veux donc éviter à une autre femme de finir dans la solitude comme moi. Faites un effort s’il vous plait.
Elle passe un bout de temps silencieuse, les yeux baissés. Je prie qu’elle accepte parce que ce serait vraiment dommage qu’elle quitte un homme aussi bon qu’Antoine. Même pour l’avoir vu qu’une seule fois, j’ai su qu’il était un homme de la même trempe que Khalil. Zeinab relève des yeux rougis sur moi.
Zeinab : Je ferai donc ça et je vous reviendrai.
Moi (souriant) : J’en suis ravie.
Elle me remercie et prend congé. Je range les dossiers et fais signe à Chantal de venir les récupérer pour les donner au patron. Il trouvera un autre avocat à qui les confier. Aujourd’hui, je prends mon congé maternité. Je devrais le prendre depuis le mois surpassé mais j’ai préféré attendre d’être à terme pour le faire. Je vais accoucher dans pas longtemps. Quand exactement ? Je n’en sais rien. Parait-il que les bébés viennent quand ils le désirent. Sinon, selon l’échographie, ça doit se faire la semaine prochaine. J’attends donc le jour où le petit Khalil voudra pointer son nez. Si j’ai décidé d’attendre maintenant pour prendre mon congé, c’est pour ne pas sentir la solitude. Khalil m’a vraiment chassé de sa vie. Depuis ce jour où il m’a foutu dehors, il n’est plus revenu sur sa décision. J’ai plusieurs fois essayé de le joindre mais il a bloqué mes numéros. Je soupçonne même qu’il ait changé ses contacts. J’ai passé tous ces huit derniers mois dans la tristesse et le désespoir. Mes nuits se passent entre pleurs, regrets et malaises. J’ai tellement besoin de lui en ce moment où son fils fait des siennes. C’est un garçon d’après l’écho. Khalil a toujours rêvé d’avoir comme premier enfant un garçon. Comme j’aurais aimé que les choses se déroulent différemment.
Patron : Tu es encore là toi ?
Je relève la tête vers mon patron arrêté au pas de mon bureau.
Moi : Je rentrais maintenant.
Patron : Je te croyais partie depuis ce matin ?
Moi : J’avais deux ou trois trucs à régler avant.
Patron : Ok. Tu n’oublies pas de me prévenir quand le bébé sera là, hein ?
Moi : Je ne manquerai pas.
Il me regarde d’un air compatissant.
Patron : Je sais que ce n’est pas facile pour toi, mais tiens bon. Je te sais courageuse.
Moi : Merci Monsieur.
Il me gratifie d’un sourire d’encouragement et tourne les talons. Je récupère mes sacs mais Chantal se dépêche de venir me débarrasser de tout ce poids. Elle m’aide jusqu’à dehors et arrête un taxi dans lequel je m’engouffre avec mes sacs. J’ai eu pour interdiction de conduire puisque je suis à terme. Nous ne savons pas à quel moment le bébé se pointera donc mieux vaut être prudent.
Ma mère m’accueille avec des remontrances. Je lui souris parce que je sais qu’elle a raison. J’avais dit rentrer à midi mais là il est 18h. Je lui pose un baiser sur la joue après que ma servante m’ait débarrassée de mes affaires.
Maman : Faut pas m’embrasser. Depuis que le médicament est prêt pour boire et te purger avec tu ne viens pas jusqu’à c’est devenu glacé. Je vais devoir réchauffer.
Moi : Pardon maman.
Elle tchip et disparait vers la cuisine. Je suis bien heureuse de sa présence bien que celle dont j’ai le plus besoin c’est celle de Khalil. Ma mère est venue vivre avec moi lorsque j’ai entamé mon deuxième trimestre. Et elle n’est pas venue les mains vides. Elle a rapporté toutes sortes de médicaments traditionnels, des feuilles, les écorces d’arbres, d’autres qui sont déjà en liquide dans des bouteilles, il y même un canari, et des kaolins que je dois laper et frotter sous mon ventre. Toutes ces choses participeraient à sécuriser la grossesse et bien former le bébé dans mon ventre. Il y en a aussi pour après l’accouchement. Cette femme est vraiment prête pour moi. Je n’en peux plus d’avaler toutes ces choses mais je fais de gros efforts puisqu’il s’agit du bien-être de mon bébé. Je ferai tout ce qui pourra lui donner une bonne santé.
Mon traitement du jour terminé, je me mets à table avec ma mère et la servante. J’ai fini par l’adopter comme une petite sœur. Je mange un peu que j’ai des douleurs dans le ventre. Je grimace.
Maman : Y a quoi ? Tu as mal au ventre ?
Moi : Oui maman. Je vais monter m’allonger un peu.
Maman : Si ça ne va pas on va aller à l’hôpital.
Moi : C’est compris.
Plutôt que de me rendre dans ma chambre, je vais dans celle du bébé. Tout est déjà prêt à l’accueillir. Une grande chambre, un berceau qui m’a coûté cher, des centaines de nounours et gadgets musicaux, un autre lit une place pour quand il sera un peu plus grand. Il y a de tout dans cette chambre. Ah oui, il manque une poussette pour les promenades. J’en achèterai cette semaine. J’ai trop hâte de voir mon bébé. A qui va-t-il ressembler ? Moi ou Khalil ? Je préfère qu’il ressemble à Khalil mais qu’il prenne mon intellect et mon amour pour le travail pour qu’il se fasse aussi une grande place dans ce pays. Khalil aussi est intelligent mais j’ai un QI plus élevé que le sien et ça ne l’a jamais dérangé d’avoir une femme plus chargée intellectuellement que lui. Moi non plus.
Je pousse un soupir en caressant mon ventre, assise dans la chaise balançante. Khalil me manque et ça me brise le cœur. Ma mère a voulu intervenir mais j’ai préfère qu’elle reste en dehors de tout ça. Je dois supporter les conséquences de mes choix. Je regarde sa photo sur l’écran de mon portable. J’ai enregistré toutes les photos de lui que j’ai vues sur le net. Je les regarde chaque jour pour me souvenir de son visage.
« Maman, je t’ai dit d’arrêter de trop penser. »
J’éteins l’écran de veille de mon portable en regardant ma mère entrer dans la chambre. Elle s’asseoir sur le petit lit.
Moi : Je ne peux m’en empêcher.
Maman : Il n’a toujours pas réagit ?
Moi : Non. Je suis tellement…
Ma gorge se noue.
Moi : Je suis tellement désespérée. J’ai vraiment besoin de lui, maman. J’ai besoin de mon homme.
Maman : Ça va aller chérie. Il doit avoir encore mal. Je suis sûre que quand le bébé pointera son nez, il viendra.
Moi : Je l’espère.
Maman : Tu as toujours mal ?
Moi : Non ça va.
Maman : Va donc te reposer. Demain c’est Noël. Je suis pressée de voir quel cadeau tu as acheté pour moi.
Moi (souriant) : Mais tu es trop vielle maman.
Maman : Vielle où ? Pardon faut pas me faire vite vieillir. Si demain je ne vois pas mon cadeau tu vas me sentir.
C’est en riant que je rejoins ma chambre. Ma mère décide de rester près de moi jusqu’à ce que je m’endorme dans ses bras.
Je suis réveillée par des éclats de rire provenant d’en bas. Je reconnais la voix de ma mère et celle de la mère de Khalil. Cette femme est un véritable ange. Elle a été là pour moi malgré l’interdiction de son fils de m’approcher. Elle passe me voir au moins trois fois dans la semaine. Et elle aussi ne vient pas les mains vides. Toujours un petit quelque chose soit pour moi soit pour son petit-fils. Des boubous Marocains, j’en ai eu de toutes les couleurs et de tous les modèles. Elle me rassure toujours que son fils finira par revenir parce qu’elle ne cesse de lui casser les oreilles. Si elle me dit qu’il reviendra, alors j’espère encore.
Je me lave les dents, et en attachant mon peignoir en tissu par-dessus ma robe, je descends les retrouver. C’est tout un tas de paquet qui m’accueille.
Moi : Bonjour.
Maman K : Oh ma fille tu es là. Ce sont nos rires qui t’ont réveillé ? Pardon ooh.
Moi : Non ça va.
Maman K : Vient voir. J’ai acheté des cadeaux pour mon petits fils.
Elle tire deux énormes cartons et je vois une poussette puis un transat.
Moi : Ooohh !! Je pensais justement en acheter. Merci maman.
Maman K : De rien ma fille.
Je m’assois et nous essayons de monter la poussette. Le résultat est parfait. Je l’adore. Nous faisons de même pour le transat. Elle me tend d’autres paquets remplis de vêtements de bébé mais de différents âges. Je crois que mon fils a déjà des vêtements jusque pour ses 2 ans. Je fonds en voyant un peignoir pour bébé en coccinelle et un autre en lapin. C’est trop beau. Je suis émue.
Maman K : Alors, comment va le bébé ?
Moi : Bien. On n’attend que le grand jour.
Maman K : Ne t’inquiète pas, tout va bien se passer. La sœur de Khalil te passe le bonjour. Elle dit qu’elle fera tout pour que vous vous rencontriez avant la fin de cette année.
Je me garde de lui dire que je l’ai déjà rencontré à mon cabinet. Zeinab m’a fait savoir que personne encore ne savait pour ses intentions de divorcer.
Moi : C’est compris. (Je soupire) Comment va Khalil ?
Maman K : Toujours renfermé sur lui-même. Je pense que tu devrais aller le voir.
Moi : Non ! Je crois que c’est une mauvaise idée.
Maman K : Mais si tu restes ici sans bouger, rien ne bougera aussi.
Maman : Peut-être que s’il te voit avec ton ventre, ça va calmer sa colère. Les hommes sont toujours sensibles quand il s’agit de leur enfant.
Moi : Vous croyez vraiment que je devrais aller le voir ?
Maman K : Oui. J’ai même une idée. On va lui préparer son plat préféré et tu iras avec.
Cette nouvelle m’enchante. Je monte prendre une douche le temps que la servante aille chercher le nécessaire au marché pour le thiep à la Sénégalaise. Je prends un copieux petit déjeuner avant que nous n’entamions la préparation. Mon ventre pèse tellement que je ne tiens pas longtemps debout. Je m’assieds de temps en temps pour la regarder faire. Ça sent tellement bon que je me mets à volet les morceaux de poulet. Ma mère me donne une tape sur la main quand je prends un autre morceau. Je le prends quand même et le mange en riant.
Il est 16h lorsque la mère de Khalil et moi arrivons chez lui. J’ai dû faire un petit somme avant. La maison est vide de sa présence. Sa mère m’aide à dresser la table. Elle me laisse seule et monte se reposer un peu. Je parcours la maison pour faire passer le temps. Cette maison est très belle et très grande. Je rêve de vivre ici avec lui et notre enfant. Je reviens vers la table à manger lorsque je vois un dossier qui attire mon attention. La curiosité me pousse à l’ouvrir. Ce sont des papiers de divorce. Il a enfin divorcé de l’autre. Cette nouvelle m’enchante. Il est maintenant un homme libre.
« Que fous-tu chez moi ? »
La voix de Khalil me fait sursauter. Je manque de faire tomber les papiers que je tiens. Je les redépose et fait face à Khalil. Il est avec son amie Joyce. Par son regard je devine aisément qu’il est en colère. Je le vois baisser son regard sur mon ventre avant de remonter à mon visage. Je me rapproche de la table à manger.
Moi : Bonsoir Khalil. Je, j’avais envie de passer te faire un coucou comme nous sommes en période de fête. Je…
Khalil : Sors tout de suite de chez moi avant que je ne perde patience.
Moi : Khalil s’il te plaît. Tu ne crois pas qu’il est temps de tourner la page ? S’il te plaît.
Il tourne sur lui-même en ruminant.
Moi : Je t’ai apporté un cadeau. J’ai aussi fait ton plat préféré. Ta mère m’y a aidé.
Il fait volte-face et fait valser toute la nourriture par terre ainsi que le cadeau. Joyce et moi poussons un cri de frayeur. Khalil fonce sur moi et me saisit violement le bras.
Khalil : J’ai horreur de t’avoir toujours dans mes pattes. Comment veux-tu que je te dise que je ne veux plus jamais te voir ?
Joyce : Khalil doucement, elle est enceinte.
Khalil : C’est bien ce qui me retient de la jeter hors d’ici.
Voir tant de haine dans ses yeux à mon égard me fend littéralement le cœur. Je me laisse aller dans les émotions. Je pleure de l’avoir perdu à tout jamais. Plus je vois son regard éjecter ce sentiment à mon égard, plus je pleure. Je détourne les yeux lorsque sa mère détache son emprise.
Maman K : Khalil tu es malade de traiter une femme ainsi ? De surcroit une femme qui porte ton fils.
Khalil : Je ne me rappelle pas avoir eu une aventure avec une quelconque femme qui aurait engendré un enfant. Maman, je t’avais pourtant bien dit de ne pas la fréquenter.
Maman K : Donc tu vas me frapper pour ça ? Khalil, c’est quel péché on ne pardonne pas sur cette terre ?
Khalil : Tu n’arrêtes pas de me parler de ce qu’elle ressent elle, mais as-tu songé à ce que moi je ressens ? A ce que je ne cesse de ressentir ? Ma vie est partie en éclat par son égoïsme. J’ai perdu les deux enfants que j’aimais plus que ma vie tout ça par sa faute.
Il souffle.
Khalil : Je n’ai plus envie de parler de tout ça. Je ne veux plus me répéter. Maman, je ne t’ai jamais manqué de respect, ne m’oblige pas à commencer. Si tu veux fréquenter cette femme, vas-y. Mais garde-la très loin de ma maison et de moi.
Il saute le désordre au sol et monte les escaliers. J’éclate en sanglot. Khalil n’est pas prêt de me pardonner. Je ressens une douleur dans le ventre qui m’oblige à m’asseoir.
Maman K : Qu’est-ce qui se passe ? Tu as mal ?
Moi : Un peu. Mais ça va.
Je souffle entre mes larmes pour me reprendre.
Maman K : Je suis désolée. Je ne savais pas qu’il réagirait de la sorte.
Moi : Tu n’as rien fait. Je n’ai que ce que je mérite. Est-ce que je peux avoir un balaie et une pelle pour nettoyer ?
Maman K : Non laisse ça. Je m’en occupe.
Moi : Ok. Merci. Je vais donc rentrer.
Maman K : Attends-moi je vais te raccompagner.
Moi : Non ça va. J’ai besoin de me retrouver toute seule.
Elle m’aide à me relever. Je ressors de la maison le cœur en miette. Je ne cesse de revoir le regard de Khalil. Il était plein de ressentiment, de dégoût, de haine, de regret. Il ne m’avait jamais regardé de la sorte. Je n’aurais pas dû venir. Alors que je m’éloigne de la maison, j’entends quelqu’un m’appeler. C’est Joyce. Elle me rejoint précipitamment.
Joyce : Vanessa, je suis vraiment désolée pour ce qui s’est passé. C’est vrai que je n’ai pas apprécié tout ce que tu as fait à Khalil mais tu ne mérites pas non plus un tel traitement. Je te fais la promesse de lui parler.
Moi : Merci.
Je reprends mon chemin sans attendre.
Après une trentaine de minute à marcher, j’ai finalement décidé de me rendre dans un restaurant, mais pas n’importe lequel. Le restaurant qui nous servait de QG avec les filles. Depuis notre séparation, je n’y ai plus mis les pieds. Ce soir j’ai envie de m’y réfugier et terminer la soirée de Noël. A défaut d’être avec les personnes que j’aime, je peux revivre nos meilleurs souvenirs. La réceptionniste me reconnait et m’accueille avec un très large sourire.
Elle : Je suis vraiment heureuse de vous revoir.
Moi : Merci. La table est disponible ?
Elle : Normalement non. Elle a été réservée mais ne vous inquiétez pas. Je vais gérer. Vous pouvez y aller. Et les autres ?
Moi : Il n’y aura que moi ce soir.
Elle : Ok pas de souci. Je vous fais servir votre bûche de Noël préférée ?
Moi : Oui. Je la veux en entier.
Elle : Ça marche.
Je m’installe à notre table fétiche. Je ne tarde pas à recevoir notre bûche préférée à moi et aux filles. Je coupe une part que je commence à déguster très lentement. Je n’ai pas vraiment faim mais je ressens le besoin de noyer mon chagrin dans ce gâteau. Je le déguste en repensant à la scène de tout à l’heure. Khalil ne m’aime donc plus ? J’avais pourtant espoir que les choses s’arrangeraient. Surtout avec la grossesse. Mais…
« Vanessa ! »
Je suspends ma main en entendant cette voix. Après deux ans, je l’entends de nouveau. Je lève la tête pour être sûre de ne pas rêver et je vois Kayla arrêtée juste devant moi.
Moi : Kayla ?
Elle fait juste un pas qu’une personne apparait derrière elle. Zoé. Elle parait aussi surprise de nous voir.
Zoé : Bon… bonsoir.
Kayla se place sur un côté en regardant Zoé avancer à petits pas. L’effet de surprise n’est pas encore passé que cette fois c’est Ashley qui apparait. Nous sommes toutes autant surprises de nous croiser à cet endroit sans même nous être contactées au préalable. L’émotion me pousse à me lever. Elles baissent toutes leurs regards sur mon énorme ventre.
Ash : Tu es enceinte ?
Moi : Oui !
Nos voix sont pleines d’émotions. Etant déjà moi-même prête à pleurer, je me précipite vers elles. Elles comprennent ce que je veux faire et elles se regroupent pour qu’on se fasse un câlin. Nous éclatons toutes ensembles en sanglot puis deux à deux nous enlaçons.
Moi : Je suis tellement heureuse de vous voir. Vous m’avez tellement manqué.
Nous passons du temps à nous embrasser sans faire attention aux autres personnes dans le restaurant. Heureusement que nous sommes un peu dans le fond.
Moi : Ok ça suffit, asseyons-nous. Je commence à avoir mal au ventre.
Nous nous attablons avec empressement. Le serveur qui a l’habitude de nous servir apporte des assiettes supplémentaires pour les filles. Nous nous tenons les mains. L’émotion est à son comble.
Kayla : Je ne m’attendais pas à vous retrouver ici en venant.
Zoé : Moi non plus. Mais je suis tellement heureuse de vous revoir les filles. Vous n’avez pas idée de combien vous m’avez manqué.
Moi : Ma vie est tellement un chaos qu’il me fallait une force supplémentaire pour tenir le coup. Cette force c’est vous les filles.
Ash : Tu ne crois pas si bien dire.
Moi : Je suis tellement désolée pour tout ce qui…
Kayla : Chuut !! Nous n’allons pas revenir sur le passé.
Nous échangeons des sourires sous une atmosphère de tristesse qui plane autour de la table. Je sers à chacune une part de gâteau. Je pense qu’elles ont aussi besoin de noyer un chagrin.
Moi : Je ne sais pas vous, mais, je crois que j’ai fait de très mauvais choix il y a deux ans.
Kayla : Pareille pour moi.
Ash : Moi aussi.
Zoé : Idem. (A moi) Mais toi tu es enceinte donc on peut dire que ça va.
Moi : Si tu savais Zoé, si tu savais.
Je soupire.
Moi : J’ai soudoyé un médecin pour qu’il se procure le sperme de Khalil et m’insémine.
Elles me regardent choquées.
Moi : Ce n’est pas tout. J’ai gâché le mariage de Khalil en lui avouant de but en blanc que sa femme le faisait cocu. Ensuite par pure hasard il a découvert ce que j’avais fait et conclusion, il a refusé la paternité du bébé. Je me retrouve donc enceinte d’un enfant sans père. Comme j’ai été conne.
Kayla : Je l’ai aussi été sois en sûre. Après deux ans je découvre que mon mari est stérile et que “notre’’ petit garçon n’est pas de lui mais de Darnell.
Moi : Comment ? Tu ne le savais pas ?
Kayla : Non ! Si j’ai été assez stupide pour écouter ma tête en lieu et place de mon cœur, comment aurais-je eu assez d’intelligence pour savoir qui était le véritable père de mon fils ? Après cette découverte, une autre bombe me saute à la figure. Marc-Arthur tire sa fortune de la drogue.
Nous : Quoi ?
Kayla : Et ce n’est pas tout. J’ai tout perdu, même mes boutiques mais heureusement grâce à mon père j’ai récupéré la première.
Ash : Et Darnell ? Tu l’as recontacté ?
Kayla : Oui. Je n’ai pas hésité à lui dire pour son fils. Et après huit mois à essayer de le reconquérir, je me retrouve au milieu d’une histoire de famille. Parait que la mère de Darnell est en vie et qu’il a même une sœur. Darnell a découvert que je le savais avant lui et maintenant il me met du côté de ses ennemis, c’est-à-dire, sa grand-mère qui aussi a rendu l’âme dans mes bras. Je reviens donc de chez Darnell qui refuse toujours de me parler. Je me retrouve donc à préparer les obsèques de sa grand-mère.
Moi : Eh beh dis donc. Je suis vraiment navrée pour toi.
Kayla : Ce n’est rien.
Ash : J’ai fini par quitter Stéphane après deux ans d’humiliation et de concubinage. J’ai appris qu’il était déjà marié en France. Sa femme est venue passer du temps chez nous, elle m’a manqué de respect, je l’ai giflé, Stéphane m’a mise à la porte. Comme si ça ne suffisait pas, je me retrouve dans une maison dont le propriétaire n’est autre qu’Adé.
Zoé : Le Naija ?
Moi : Ouais. Après un séjour chez lui, je prends la décision de reprendre ma vie en main. Mais c’est sans compter sur le soutien de mes parents. Ils refusent de m’adresser la parole tant que je ne retourne pas chez Stéphane. J’ai tenté de renouer avec Adé mais il n’est pas disposé, encore moins libre. Je me retrouve donc ennemi de mes parents et de l’homme que j’aime.
Kayla : Les choses s’arrangeront si tu restes déterminée.
Ash : C’est ce que ne cesse de me dire ma sœur.
Moi : Et toi Zo ?
Zoé : J’aurais dû vous écouter. J’aurais vraiment dû. J’ai suivi Lucas en France et j’ai fini comme objet sexuel pour ses amis.
Kayla (choquée) : Ils t’obligeaient à te prostituer ?
Zoé : Ouais. Et il gardait l’argent pour lui. Il m’a même fait avorter de force. J’ai réussi à m’échapper. J’ai aussi réussi à convaincre Laurence de me laisser voir ma fille. Mais ce dernier refuse même de m’adresser la parole. Maintenant les choses plus dures de ma vie sont, reconquérir Laurence, trouver un bon travail et arriver au stade où ma fille m’appelle maman.
Moi : Donc en gros nous avons toutes subis les conséquences de nos mauvaises décisions et maintenant tout ce que nous désirons c’est récupérer nos hommes.
Elles : Exactement.
Zoé : Si seulement nous avions opéré les meilleurs choix il y a deux ans.
Kayla : Ouais. Si seulement.
Nous soupirons.
Ash (souriant) : Au moins nous nous sommes retrouvées. C’est déjà ça.
Zoé : Alors qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Nous devons faire quelque chose pour réparer tout ça. Il s’agit de notre bonheur après tout.
Ash : Oui. Nous avons appris de nos erreurs. Il est temps de les réparer. Je crois que notre rencontre est une deuxième chance que la vie nous offre.
Kayla : Je suis d’accord. Pour commencer, Zoé, tu cherches du travail ? Bah je peux t’en offrir. J’ai repris ma boutique de zéro et j’ai besoin de quelqu’un de confiance pour gérer les sorties de colis et les entrées d’argent. Tu seras bien rémunérée pour pouvoir être une mère.
Zoé : Tu ferais ça pour moi ?
Kayla : Bien-sûr. Nous devons nous serrer les coudes.
Zoé : Merci.
Ash : Et moi j’ai besoin de clientes fidèles pour les confections de perruques.
Kayla lève la main.
Kayla : Tu en as déjà une.
Zoé : Et une deuxième.
Moi : Moi aussi je veux des perr… AAhh.
Les filles : Qu’est-ce qu’il y a ?
Je sens un liquide sortir de moi.
Moi : Oh mon Dieu ! J’ai perdu les eaux. Le bébé arrive.
Zoé se met à hurler comme une folle en s’agitant.
Kayla (hurlant) : Zoé ! Arrête de hurler et vient nous aider à la conduire dehors.
Les filles m’aident à marcher petit à petit. Je ressens une douleur encore plus forte qui me fait hurler. Nous montons dans la voiture de Kayla pour nous rendre à la clinique…
Docteur : Madame poussez fort.
Les filles/Moi : AAAAAhhhh.
Les filles ont refusé de me laisser accoucher seule. Elles sont donc avec moi. Kayla et Ashley me tiennent les mains tandis que Zoé tourne sur elle-même.
Zoé : Mais pourquoi ça dure ?
Ash : Zoé ferme-la !
Zoé descend vers mes jambes écartées et pousse un cri.
Kayla : ZOE ARRETE DE GUEULER.
Zoé : Ce n’est pas de ma faute. C’est ma première fois de voir un vagin.
Ash : Ta fille n’en a pas ?
Zoé : Pour ma fille c’est un toto. Mais ça, c’est énorme. Je vois même la tête du bébé. Attendez que je prenne une photo.
Moi : FERMEZ-LA LES FILLES ET AIDEZ-MOI A POUSSER. (A Zoé) ET TOI TU N’AS PAS INTERET A PRENDRE MON VAGIN EN PHOTO SINON JE TE TUE.
Elle se presse de revenir vers moi. A trois, nous repartons toutes dans des cris qui seraient capable de réveiller un mort. Nous nous taisons quand le cri du bébé se fait entendre. Zoé court à mes pieds et se mets à jubiler.
Zoé : Il est trop mignon.
Je reprends des forces, affalée sur le lit. On pose le bébé sur ma poitrine. Les filles et moi nous mettons à pleurer en lui caressant les cheveux.
Kayla : C’est top émouvant. J’ai encore envie d’avoir un bébé.
L’une des infirmières le récupère quand je ressens une violente contraction qui m’arrache un cri.
Docteur : Qu’est-ce qui se passe ?
Moi : J’ai encore des douleurs.
Le Docteur ne comprenant rien, m’examine.
Docteur : Oh ! Il y a un autre bébé.
Moi : Quoi ? Non c’est impossible. Les échographies ont montré qu’un seul bébé. En plus c’est une insémination.
Docteur : Je vous expliquerai plus tard. Pour l’instant, poussez.
J’ai finalement eu deux magnifiques garçons au lieu d’un seul. Le Docteur a expliqué qu’une insémination pouvait produire deux ou trois embryons malgré toutes les précautions. Mais peu importe, je suis heureuse d’avoir mes deux enfants. Les filles sont encore à mes côtés à contempler les bébés. C’est Kayla qui est rapidement allée acheter des vêtements pour les deux bébés le temps que ma mère n’arrive avec les affaires. Leur présence m’a été d’une grande aide. Je n’aurais pu attendre ma mère.
La porte s’ouvre justement sur ma mère et celle de Khalil. Ce sont des chants de joie qui s’élèvent dans la chambre au point de faire geindre les bébés. Quand ma mère finit son chant, c’est au tour de la mère d Khalil de reprendre. Elles prennent les bébés qu’elles balancent en dansant. J’en pleure de joie.
Maman K : Ma fille merci oooh. Tu m’as donné deux petits enfants. Que Dieu te bénisse.
Moi : Amen maman.
Maman : Comment vas-tu les appeler ?
Moi : Kader et Khalil.
La mère de Khalil lève les yeux pleins d’émotions sur moi.
Maman K : Kader ? Le nom du père de Khalil ?
Moi : Oui.
Maman K : Merci infiniment pour ce geste. Merci.
Elle se met à pleurer et me prend dans ses bras. Peu à peu nous nous reprenons.
Moi : Tu as informé Khalil ?
Le regard de la mère de Khalil devient triste.
Maman K : Oui.
Elle n’a pas besoin d’en dire plus. Il ne veut pas voir ses enfants. Je ravale de toutes mes forces mes larmes, mais elles sortent quand même. Les filles m’entourent.
Kayla : Ne t’inquiète pas, chérie. Il reviendra.
Moi : Si ses propres enfants ne l’ont pas fait revenir, qu’est-ce qui y arrivera ? Je l’ai perdu.
Kayla me serre dans ses bras. Ma mère me demande de me calmer au risque de rependre la tristesse sur les bébés. Je fais l’effort d’obéir.
Moi : Les filles, je vous encourage à vous battre pour vos hommes. Ne les laissez pas filer comme moi. Je crois qu’il n’est pas encore trop tard.
Zoé : Il n’est pas non plus trop tard pour toi. On le fera ensemble. Ok ?
Moi : Ok.
Kayla : Ça suffit les pleurs. Nous devons nous réjouir. C’est quand même Noël. J’ai une petite surprise.
Elle sort et revient avec une personne, tous deux chargés de cadeau.
Kayla : Joyeux Noël.
Ash : Comment as-tu fait ?
Kayla : Bah j’ai des relations moi. Faut pas me négliger.
Elle nous partage des cadeaux, même aux bébés. Il y a même des ballons, des ours en peluche. La chambre est illuminée.
Moi : Joyeux Noël les filles.
Elles : Joyeux Noël.