Episode 13

Ecrit par Annabelle Sara

 

 

Jules Abeng, j’avais retenu son nom en deux secondes, comment faire autrement ? Il a tout pour plaire, il en est tellement conscient qu’il ne faisait même pas d’effort pour en user. Il suffisait d’un regard, d’un sourire ou d’un compliment bien placé pour vous provoquer des sueurs froides. Je n’en pouvais plus de travailler avec lui, il fallait que j’en finisse, rester professionnelle avec un mec comme celui-ci qui marche avec les crampons de Samuel Eto’o dans votre tête, ce n’est pas l’idéale lorsqu’on doit conclure un contrat commercial.

Je pouvais tout de même être fière de moi parce que contrairement à toutes mes collègues femmes, je n’ai pas tenté d’user de vilaines techniques de dragues et de rentre dedans digne des filles de l’Hôtel de ville. Nos échanges avaient été fluides sans sous-entendu ni autre chose, et aujourd’hui j’étais fière de le voir enfin signer le chèque qu’il devait signer au nom de la boite et de parapher chacune des pages du contrat.

Vu l’importance de la transaction, nous étions installés dans la salle de conférence de l’agence pour être au calme.

Jules : Votre réactivité et votre efficacité sont très rafraichissant Mlle Mekeng !

Moi : C’est un plaisir de faire affaire avec vous !

Je rangeais les documents pour pouvoir lui remettre un exemplaire du dossier clément et conserver le nôtre, quand il tendit la main pour prendre le dossier il posa la main sur la mienne.

Jules : J’aurais aimé pouvoir fêter ce contrat autour d’un verre…

Moi : Hum… Désolée ! J’aurais bien aimé mais je ne pourrais pas me libérer avant très tard dans la nuit !

Jules : Aujourd’hui c’est vendredi !

Moi : Effectivement c’est vendredi, et donc la dernière journée de formation de la semaine et donc une séance que je ne peux rater !

Il me fixa un moment et sourit, il n’est pas dupe il sait que je n’ai pas envie de ramener notre collaboration hors de ces murs qui me protègent en quelque sorte de lui, ou de moi, je ne sais plus.

Jules : Vous… Ok ! Je suppose que je pourrais vous réinviter un de ces quatre… Ne dites pas non tout de suite ! Vous avez été efficace et vous m’avez bien aidé alors un jour ou l’autre j’aurais l’occasion de vous rendre la pareil !

Je ne savais pas quoi dire à ça alors j’ai juste sourit, il fit alors le geste auquel je m’attendais le moins. Il se rapprocha de moi et me fit une bise sur la joue. Un coin de lèvres et une barbe douce touchèrent ma joue, je ne m’attendais pas à ce qu’un geste aussi innocent puisse me donner des frissons.

Jules : A la prochaine Kiki !

Je le regardais s’en aller complètement dépassée !

Alfred : Donc tu as refusé son invitation ? Tu es sérieuse ?

Mon ami et collègue avait l’air furieux, il me fusillait du regard après que je lui ai raconté ce qui s’était passé entre Jules et moi.

Moi : J’ai formation…

Alfred : Pardon quittes là-bas avec ta formation à deux balles ! Il ne pouvait pas venir te chercher à la sortie…

Moi : Je te rappelle que ma petite sœur est seule…

Alfred : Continues à trouver des excuses, tu vas te réveiller dans une grosse maison seule et aigrie…

Moi : Akieu Alfred à ce point ?

Alfred : Tu sais ce que ça m’a couté de ramener le gars là ici ?

Moi : Hein ? Il ne venait pas pour sa start-up ?

Alfred : Au départ pas vraiment ! Mais apparemment tu as réussi à le convaincre à la fois par ton contrat et par ta personne et là… Kiki j’essaye juste de t’aider ! J’ai compris que les gars baveux c’est pas ton truc donc je t’ai connecté avec un ami qui lui aussi a besoin d’une compagne, une vraie pas les choses avec lesquels… Bref je me suis dit que vous étiez le match parfait !

Moi : Alfred je n’aime pas que mes amis essaient de me macquer !

Alfred : Kiki peut-être que tu ne t’es pas encore vu dans un miroir depuis un certains temps ! Ma belle tu te défraichis, tu souris difficilement, je comprends que tu en as beaucoup sur la patate… Tu prends soin de tout le monde, mais qui prends soin de toi ?

Il venait de me poser une question que ma mère m’avait posé des jours auparavant en m’annonçant qu’elle allait au village ce samedi pour une durée de deux semaines. Qui prenait soin de moi ? Ceux à qui j’avais accordé assez d’espace et de pouvoir pour prendre soin de moi avaient lamentablement échoué donc j’avais décidé de le faire moi-même. Mais est-ce que je le faisais vraiment ? Prendre soin de moi ?

Alfred : Kiki je ne sais pas qui t’a dit que tu ne mérites pas le bonheur mais je te conseille d’arrêter de continuer de te nourrir des soucis et des problèmes des autres ça va faire plus que t’atteindre !

Moi : Je ne…

Alfred : Je te dis ça pour ton propre bien à toi !

Ce soir là en rentrant de ma formation j’avais encore les paroles d’Alfred dans la tête. Est-ce que je prenais vraiment plaisir à gérer les problèmes de tout le monde pour ne pas faire face à mes propres problèmes ? Est-ce qu’essayer de soutenir ceux qui m’étaient chers faisait que j’en oubliais ma propre personne ?

Dans le studio, j’étais tellement absorbée par mes pensée que je ne me suis pas rendu compte que Magon avait posé une valise au milieu du salon, il fallut que je me cogne le petit orteil contre une des roulettes de la valise pour me rendre compte de ce qui sa présence. Magon : C’est ça… Tu ne vois plus ?

Moi : Aie… Ça fait quoi là ?

Magon : Mama ne t’a pas dit ?

Moi : Dit quoi ?

Magon : Elle m’a demandé d’aller au village avec elle…

Moi : Hein ? Quand ça ?

Magon : Elle va au village demain noooo ? Kiki c’est quoi tu as bu ?

Elle ne m’avait pas parlé de voyage !

Moi : Tu vas faire quoi au village ? Je te rappelle que tu es enceinte…

Magon : Je sais mais j’ai besoin de prendre un nouvel air… La maison ci m’étouffe ! Et tant que je ne sais pas ce que Tantine fabrique je ne peux pas être tranquille !

Moi : Ce n’est pas conseillé que tu voyages dans cet état…

Magon : Je te rappelle que la route de Bafia est goudronnée c’est pas comme si j’allais subir de violente secousse…

Moi : Ce n’est pas une raison !

Magon : Et puis je serais avec Mama rien ne va nous arriver ! Je n’étais pas convaincue mais lorsque ma petite sœur avait quelque chose en tête elle ne lâchait jamais prise.

Moi : Ok… Donc elle vient te chercher demain ?

Magon : Je vais la retrouver à l’agence demain matin…

Moi : Je vais vous accompagner, mais là tout de suite je vais me reposer je suis fatiguée !

Magon : Ok, je regarde Novelas avant de venir aussi me coucher !

Le lendemain matin nous étions dans un taxi direction Tongolo pour prendre un car, je lui donnais des conseils pour rester en bonne santé, en même temps je lui rappelais qu’au moindre besoin elle rentre sur Yaoundé.

Ma mère était heureuse de pouvoir faire cette petite virée avec sa fille au village. Comme j’avais des appréhensions j’ai demandé à ma mère où se trouvait sa sœur.

Ma mère : Je crois qu’elle a voyagé… Elle m’avait dit qu’elle devait aller au Bénin à un moment… Donc si je ne la voyais plus je ne devais pas m’inquiéter !

Donc Tantine a quitté le pays sans un mot ? Et son Fey il en était où ? Je ne comprenais pas trop cette façon d’opérer. Je ne voulais plus penser à elle c’est déjà une bonne chose qu’elle laisse ma sœur tranquille quelque temps et aussi cela me donne l’occasion de chercher des infos ici sans éveiller ses soupçons.

En regardant ma sœur embarquer dans le car je me suis dit qu’elle agissait comme une femme en fuite, Magon n’a jamais aimé aller à Bafia et aujourd’hui elle acceptait de suivre ma mère au village pour deux semaines ? C’est inédit ça ! Mais à peine leur véhicule décollait de l’agence que la réponse à ma question me fut donnée.

Mon téléphone sonna et me fit sursauter en le décrochant je me demandais pourquoi l’ancien bailleur de Magon m’appelait.

Moi : Allô

Le bailleur : Allô, bonjour ma fille !

Moi : Oui Pater comment tu vas ?

Le bailleur : Je vais bien mais je dis hein vous m’avez fait cadeau ou bien ?

Moi : Hein quel Cadeau ?

Le bailleur : Les choses de ta sœur ne vont plus sortir de chez moi ?

Moi : hein ?

Le bailleur : Viens récupérer la poubelle de ta sœur ci pardon !


KIKI DU 237