Episode 2

Ecrit par Mona Lys

Leela, la défigurée

Episode 2

   

***Leela***

 

Je suis comme d’habitude en train de faire un travail qui n’est pas le mien pendant que monsieur le patron marche tranquillement son chewing-gum en regardant les infos. Heureusement que c’est lui le boss sinon je pense qu’il aurait passé sa vie à chômer tellement il est fainéant. Ça se sent vraiment que ce n’est pas lui qui a bâti cette entreprise. Il l’a reçu en héritage par son père. Bon en vrai ce n’est pas lui qui l’a reçu mais plutôt son ainé qui lui aussi est mort deux ans après donc comme étant le dernier et dorénavant le seul garçon de la famille c’est à lui qu’est revenue la boite. Mais apparemment il n’en a rien à foutre. Il passe son temps à faire la fête et à confier son travail aux autres comme moi par exemple. Ce type ne sait vraiment pas qu’il a un trésor en main parce que cette boite est vraiment un trésor. Si tu la dirige bien tu en tireras de très bon fruit.

 

Nous faisons des affiches publicitaires, nous faisons dans l’hôtellerie, dans l’immobilier, aussi dans la conception et le développement de site et le plus drôle c’est que c’est moi qui me charge de tout ça du début à la fin sans pour autant avoir le poste encore moins bénéficier des avantages qui en découlent. Je fais tout ça dans l’anonymat et c’est le boss qui en prend tous les mérites.

 

Laure (rentrant dans le bureau) : Monsieur svp pouvez-vous signer ce document ?

 

Elle parle au boss en me lorgnant moi comme si je lui avais fait quelque chose. Elle se place devant le patron en prenant bien soin d’ouvrir son décolleté pour lui donner une belle vue sur son opulente poitrine. Je ramène mes yeux sur l’ordi faisant genre je n’ai rien vu. Il signe en matant ses seins et elle s’en va en me lançant un dernier regard plein de mépris. Vous vous demandez sûrement pourquoi ? Moi non plus je ne sais pas donc on va chercher le pourquoi ensemble parce que moi je ne comprends pas ce que je lui ai fait.

 

C’est l’heure de la pose et je me rends dans le petit restau de l’entreprise. Nous l’avons suggéré au boss pour nous faciliter les choses comme ça plutôt que d’aller perdre du temps à manger dehors en bravant le chaud soleil nous restons dans l’entreprise pour manger. Cet endroit est réservé seulement aux employés, c’est une sorte de cantine. Comme toujours les autres sont assis en groupe en train de se raconter leurs aventures et mésaventures et moi je me dirige vers ma table habituelle où je suis toujours seule. Personne ne veut de moi donc je reste seule dans ma bulle. Certains comme Laure me cherchent des noises à chaque rencontre tandis que d’autres se contentent juste de m’adresser la parole seulement quand il s’agit du travail. Je n’ai pas d’ami avec qui papoter aux heures de poses et à vrai dire ça ne gêne guère.

 

J’ai ma tête plongée dans mon plat lorsqu’une ombre apparait au-dessus de moi, Laure. Je sais déjà à quoi m’attendre.

 

Laure : Oh la défigurée, tu as un problème avec moi ?

 

Moi : Non pourquoi ?

 

Laure : Parce que j’ai vu la manière dont tu m’as regardé quand je suis rentrée dans le bureau du boss et ça ne m’a pas du tout plut.

 

Moi : Ok je suis désolée.

 

Laure : Je t’ai déjà dit que tu ne pouvais rien contre moi. Toi et moi ne jouons pas dans la même catégorie donc fais gaffe. Occupe-toi plutôt de ton visage et reste loin de moi.

 

Moi : Ok c’est compris.

 

Elle quitte devant moi en me lançant de ses Mtchrrrrr que tout le monde se retourne. Ce n’est pas la première fois que je me fais insulter, humilier et ridiculiser devant tous. Laure et d’autres le font quand l’occasion se présente. Je ne réplique pas parce que je ne sais pas quoi dire. Disons que je ne veux même pas répliquer. Je ne suis plus cette fille qui autrefois avait de la repartie, une grande gueule, qui ne se laissait pas marcher dessus et qui était sûr d’elle. Non, je suis une toute autre personne, timide, réservée, incapable d’ouvrir sa bouche pour mettre une connasse de second degré comme Laure à sa place. J’ai perdu toute confiance en moi. J’ai perdu mon caractère en même temps que mon visage. Comment pourrai-je donc me défendre alors que je ne fais même pas le poids dans tous les sens du terme devant mon interlocuteur ?

 

Je suis devenue tellement timide que je ne regarde plus les gens dans les yeux. Je me dis que si je les regarde ils verront cette partie de mon visage que je cache à l’aide de mon foulard. Personne ne doit voir ça c’est trop affreux. Moi-même ça m’effraie donc je préfère épargner les autres de ce massacre.

 

Nous finissons la pause et chacun retourne à son poste moi derrière mon bureau d’assistante. Ce poste m’énerve tellement mais je n’ai aucune porte de sortie donc je me contente de ça aussi ça me permet d’acheter de temps en temps de petits cadeaux à mon bébé. Je reçois un appel du patron me disant de réunir tous les chefs de départements dans la salle de réunion urgemment parce qu’il a une information importante à nous faire passer. J’obéis et en quelques minutes nous sommes tous réunis. Moi j’ai mon bloc note en main comme toujours parce que je sais déjà qu’une multitude de tâches va m’être incombée.

 

Boss : Bon je vais aller droit au but. Demain nous recevons quelqu’un de très important. Je préfère vous laisser vous-même découvrir qui s’est demain. (Souriant) C’est une surprise. En tout cas tout le pays le connait. Il veut être notre associé donc votre deuxième patron mais avant il voudrait voir comment nous fonctionnons. Je n’ai pas besoin de vous dire que s’il le devient cela nous sera d’un très grand avantage parce qu’il veut investir gros et peut-être même que les salaires seront augmentés.

 

Tout le monde se met à sourire sauf moi qui garde toujours la tête baissée. Salaire augmenté ou pas je serai toujours à mon même poste.

 

Boss (continuant) : Alors pour le premier contact demain je voudrais que vous soyez présentables, que vous vous mettiez sur votre 31 et que vous fassiez bonne impression pour mettre toutes les chances de notre côté.

 

Laure : Dis-le bien à la défigurée, faudrait pas qu’elle l’effraie et le fasse fuir.

 

Ils se mettent à rire doucement.

 

Boss : Laure ça suffit. Bon c’était tout. Que chacun prépare son équipe pour demain. Aussi nous avons deux nouveaux sites à faire et trois affiches publicitaires. Leela tu feras un tour dans ces départements là pour superviser. Toi seule sais ce que je veux réellement. Aussi, Leela toujours je voudrais que tu refasses le site de l’entreprise et celui de l’hôtellerie. Je suis fatigué de voir ces mêmes designs. Ok bon c’était tout. Retournez à vos postes.

 

On se lève et on retourne encore à nos postes. Je commence aussitôt LES tâches qu’on m’a confiées. Je sens déjà que ma semaine sera chargée, bon en même temps elles sont toujours chargées mes semaines. Mais j’aime tellement mon travail que je fais tout ce qu’on me dit avec grand plaisir. L’informatique c’est ma vie.

 

**

 

J’entre à la maison toute épuisée donc je commande à manger de toutes les façons Benji n’a pas arrêté de me dire qu’il voulait manger de la pizza. Je ne sais même pas d’où sort cette soudaine envie. On finit de manger et je le mets au lit avant de m’installer confortablement dans le divan mon ordi sur mes cuisses. Je commence aussitôt à faire les sites et d’autres recherches pour apprendre d’autres choses en informatique.

 

Mon portable sonne, c’est ma mère.

 

Moi : Gud eevaning Ma (Bonsoir maman en hindi).

 

« Ma : Gud eevaning ma princesse. Comment tu vas ? »

 

Moi : Bien et toi ? Comment va papa ?

 

« Ma : Nous allons bien. Comment va le boulot ? »

 

Moi : Du pareil au même Ma mais ça va.

 

« Ma : Pourquoi tu ne démissionne pas ma chérie ? Tu te fais exploiter. »

 

Moi : Je sais mais tu sais bien que j’ai besoin de se travail pour ce que tu sais.

 

« Ma : Oui mais on peut trouver une autre solution. Nous sommes prêts à te donner toutes nos économies. »

 

Moi : Non Ma, vous me les avez donné pour la première opération donc je ne veux pas encore vous fatiguer avec ça. C’est mon visage et donc c’est à moi de trouver l’argent pour le faire opérer. 

 

« Ma : Mais tu es déjà endettée avec la banque et… »

 

Moi : Justement je ne peux pas aussi démissionner avec cette dette. Il faut que je finisse avec ça avant de penser à quoi que ce soit d’autre. Je finis mon remboursement dans un an et je pourrai en prendre un autre pour la deuxième opération. Ma stp ne t’inquiète pas pour ça, je vais gérer.

 

« Ma (soupirant) : Ok mon amour mais stp dis-nous si tu as besoin de quelque chose. Ton père t’embrasse ainsi que notre petit fils. »

 

Moi : Ok Ma nous lui faisons un gros bisou aussi.

 

« Ma : …Main tumase pyaar karata (Je t’aime) »

 

Moi (les larmes aux yeux) : Je t’aime aussi maman.

 

Elle raccroche et mon cœur se serre comme à chaque fois qu’elle ou mon père appelle. Ils sont tristes et s’en veulent à cause de ce qui m’est arrivé. Mais je leur dis sans cesse qu’ils ne sont en rien responsables. Ce qui est arrivé est arrivé et on doit oublier cette journée. Ça fait trois ans maintenant et je pense que l’eau a coulé sur les ponts.

 

Je ne suis même plus motivée à travailler. Je ferme donc l’ordi et vais me coucher. Je dois être en forme pour la journée de demain surtout avec ce nouvel associé. J’espère que lui il pourra donner une nouvelle tournure à l’entreprise sinon on est parti pour la faillite. Mais avant je passe cinq minute devant le miroir pour voir à quoi je ressemble même si je le sais déjà.

 

Moi : Pourquoi cela m’est arrivé à moi ? Ma seule erreur s’était d’être tombée amoureuse.

 

Et cette erreur je ne la referai plus. Plus jamais. D’ailleurs il n’y a plus moyen que ça arrive. Mon visage a disparu au même moment que le dernier sentiment d’amour qui me restait. Je ne hais pas les hommes, non loin de là, mais je n’arrive plus à aimer aucun. Mon cœur tout entier et le côté droit de mon visage ont été brulés…à l’acide. 

Leela, la défigurée