Episode 22
Ecrit par Annabelle Sara
J’avais besoin de me vider la tête. La période difficile que je vivais commençait vraiment à me stresser ; donc avec les filles nous avons décidé de nous retrouver quelque part pour prendre un verre de vin, quand je parle de fille j’inclus bien évidemment Alfred. Ne riez pas ! Et puis j’avais envie de manger de la viande grillée.
Nous avons donc pris rendez-vous dans une des meilleures caves de la ville et Nyango avait pour mission spéciale de nous rapporté des brochettes de viande de la briqueterie.
Samedi soir nous étions donc tous assis autour d’une belle table de vin rouge et de 50/50 en quantité suffisante pour nourrir un régiment, dans une ambiance bonne enfant. Alfred avait même ramené sa femme, Sabine, c’était la première fois qu’elle sortait ainsi avec nous. J’avais apprécié sa sollicitude lors des obsèques de ma sœur.
Pat : Mama Sarah ! Nyango tu as seulement acheté la viande de 20 milles ?
Il y avait beaucoup trop de brochette, mais j’avais envie de m’empiffrer après la semaine de dingue que je venais de vivre.
Nyango : Parce que tu ne peux pas finir ça toute seule ? Tchopeuse comme ça !
Pat : Pardon faut me laisser !
Depuis la crise de nerfs de Nyango, j’avais remarqué que Pat ne la charriait plus beaucoup, elle la ménageait même beaucoup. Pour dire qu’elle tenait bien plus à Nyango que ce qu’elle laissait croire.
Sabine : On ne va même pas se rendre compte que c’est fini… surtout avec un Alfred dans les parages !
Nous avons tous éclaté de rire !
Alfred : Mes copines savent que je ne mange pas beaucoup !
Pat : Minalmi ! S’il y a un membre de ton corps qui bouge beaucoup c’est ta bouche, soit tu es en train de manger soit tu fais le Kongossa !
J’étais assez silencieuse profitant de la présence de tout le monde autour de moi pour oublier ce qui se passait en ce moment dans ma vie. Et le pire c’est que pour le moment je ne pouvais pas partager cela avec eux.
Nyango : Kiki c’est comment ? Pourquoi tu es loin comme ça ?
Moi : Ça va Nyango… Je vais bien !
Nyango : Je n’en ai pas l’impression… tout va bien ?
Alfred : Je crois que c’est son nouveau gars qui la perturbe !
Pat : Yaaaa… Kongossa man, je n’ai pas dit ? Kiki racontes pardon !
Sabine éclata de rire en entendant Pat taquiner son homme.
Nyango : Quel gars ?
Pat : Abeng noooo ! Tu ignores quoi ? Un gars nous a accompagné jusqu’à Bitang, payé pour qu’on creuse la tombe de sa belle-sœur tu poses encore les questions ?
Nyango : Il me semblait quand même que les choses coulaient entre vous, non ?
Pat : Moi-même je wanda ! Kiki il y’a eu quoi ?
J’ai pris une forte inspiration ! Si je ne leur répondais pas j’allais subir un interrogatoire digne du FBI, donc mieux je leur explique au moins cette partie de ma semaine.
Moi : Il est cool mais j’ai peur qu’il ait des tendances possessives et violentes…
Nyango : Hum… Il a fait quoi ?
Alfred : Il est venu lui faire une scène au boulot !
Moi : Et il m’a menacé !
Pat : Hein ? Comment ça ? Il est juste venu au boulot te menacer ?
Moi : Il m’a appelé plusieurs fois durant ma pause… je n’ai pas répondu… Et il m’aurait apparemment vu dans le véhicule de Gérôme lorsqu’il me ramenait à l’agence !
Pat but une grande gorgée de vin avant de lancer un regard bizarre vers Nyango, je détestais quand elles faisaient ça, des messes basses silencieuses dans mon dos.
Moi : Quoi ?
Alfred : Voilà la partie de l’histoire que je ne connaissais pas !
Moi : Quoi ?
Pat : Kiki sérieux tu veux te fixer ou pas ?
Moi : De quoi tu me parles ? L’envie de me fixer à quoi à voir avec ce que…
Nyango : Ma puce tu ne peux pas continuer à trainer toutes ces relations si tu veux avoir une relation saine avec quelqu’un !
Pat : Il t’a appelé combien de fois ?
Moi : 8 fois !
Alfred : Massa ! Et tu n’as pas répondu une seule fois ?
J’ai lancé un regard noir vers lui.
Nyango : J’aime bien Gérôme, c’est le seul de tes ex qui t’a traité avec respect, mais c’est ton ex ! Et il est normal que si Abeng veut une relation sérieuse avec toi il s’énerve en te voyant avec un autre homme, alors qu’il t’appelle sans succès…
Pat : Et imagine s’il avait l’information selon laquelle c’est un ex… en plus un bon ex !
Ils ont tous éclatés de rire, mais ça ne m’amusait pas.
Moi : Et au lieu de me poser la question il vient me faire une scène au bureau ? Au point de me menacer ?
Pat : Te connaissant ma puce même s’il t’avait écris une lettre diplomatique pour te poser la question tu n’aurais pas répondu !
Nyango : Est-ce qu’il ne t’a pas posé la question avant que le ton ne monte ?... Tu vois ? Ne gâtes pas tout par orgueil… et puis même tu faisais quoi avec Gérôme pour qu’il t’appelle 8 fois et tu ne réponds pas ?
Même à elle je ne pouvais pas répondre.
Moi : Rien ne justifie qu’un homme devienne violent que ce soit verbalement que ce soit physiquement avec une femme ! Je ne tolère pas certaines choses…
Alfred : tu vas donc devoir commencer parce que je lui ai parlé et il m’a dit que mon rôle dans votre histoire était terminé et qu’il allait s’occuper de toi !
Sabine : Hum… Donc c’est toi qui as arrangé ?
Il détourna son regard de sa femme qui éclata encore de rire.
Alfred : Tes filles auront toutes un mari tant que je suis en vie… C’est que Kiki est têtue elle serait déjà dans un foyer à l’heure ou on parle !
Tous nous avons éclaté de rire. Je comprenais la préoccupation de mes amis, mais je restais persuadée que Jules avait exagéré surtout en ramenant l’histoire de Fabrice sur la table, surtout qu’il ne savait rien de mon passé. Se baser sur les insultes que m’avait envoyées mon demi-frère aux obsèques était juste malsain.
Pendant qu’on changeait de sujet, mon téléphone sonna, un message whatsapp. En temps normale on ne prenait pas nos téléphones lorsqu’on se retrouvait comme ça, mais j’attendais un message de ma mère ! Elle m’avait expliqué qu’elle allait ramener grand-mère en ville dès que possible pour qu’elle rencontre un spécialiste alors je voulais des nouvelles.
En inspectant mon compte, pas de message de ma mère mais plutôt de Jules. J’ai hésité à ouvrir la discussion pour lire, mais les paroles de Nyango me sont revenues, je devais mettre de côté mon orgueil et au moins lire ce qu’il m’écrivait à l’instant.
J’ai donc ouvert la discussion.
Jules - Bonsoir Kiki ! Comment tu vas ? On peut discuter ? -
Je ne savais pas si je devais répondre de suite ou attendre que le message qu’il écrivait arrive pour voir ce que je devais faire.
Le message arriva :
Jules – Je voudrais m’excuser pour ce qui s’est passée l’autre jour ! J’ai prie le temps de repenser à la façon dont je t’avais approché et ce n’était pas juste de ma part de te parler de cette façon ! J’étais certes énervé mais ce n’était pas une raison –
J’ai hésité avant de lui répondre.
Moi – Salut ! J’ai trouvé ton comportement inapproprié et insultant à mon égard –
Jules – Je sais ! J’y suis allé fort ! J’ai vu rouge –
Moi – Tu n’as pas à avoir ce genre de réaction et de sentiment en ce qui me concerne et je crois te l’avoir dit ! –
Jules – Je ne suis pas d’accord avec toi ! Je sais que les choses ne sont pas encore réellement fixées entre nous, mais tu sais ce que j’ai envie de construire avec toi. Je ne l’ai pas caché ! Que ce soit mon intérêt pour toi que ce soit mes intentions. –
Moi – Je ne sais pas quoi te dire dans ce cas ! –
Jules – Je comprends donc que de ton coté tu n’as encore rien décidé ! –
Moi – Je viens de te dire que je ne sais quoi te dire ! –
Jules – Dis moi que je n’ai rien à espérer de toi ! Que tu ne ressens rien en ma présence et que je me suis fais des films ces dernières semaines ! –
Mes doigts étaient bloqués sur l’écran de mon téléphone, mon cerveau disait quelque chose qu’elles ne voulaient pas taper.
Jules – Tu hésites ? Si c’est le cas alors je crois que tu peux comprendre que je me suis senti en danger l’autre jour et que j’ai attaqué pour défendre ce qui nait entre nous. –
Je comprenais mais je devais être clair.
Moi – Je comprends mais je n’adhère pas à cette façon de te défendre et surtout de m’attaquer ! –
Jules – Je suis désolé ! –
Moi – Je ne savais pas trop ce que tu voulais ! –
Jules – Que tu sois transparente avec moi, je suis en train de t’ouvrir mon univers alors oui je voudrais que tu m’ouvres le tien ! Que tu me fasses confiance ! –
Moi – Je vais essayer ! –
Il m’envoya un émoji souriant !
Jules – J’aurais aimé qu’on discute de vive voix, mais je ne suis pas dans la ville. Et tu me manques ! –
Moi – On se verra à ton retour ! –
Jules – Vivement ! Bonne nuit Kiki ! –
Moi – Bonne nuit ! –
Je devais être en train de sourire bêtement parce que tous les yeux étaient rivés sur moi au moment où j’ai déposé mon téléphone.
Pat : Hum ça ressemble au sourire que tu avais quand tu causais avec Abeng, c’était lui ?
Pat est un cas social, mais qu’est-ce que je pouvais bien y faire ? C’est pour ça que je l’aime !
Moi : Oui !
Alfred : Voilà ! Les problèmes sont finis ! Il faut aimer la paix Kiki !
Le reste de la soirée se passa bien, je fus d’ailleurs reconnaissante au ciel parce qu’aucun d’eux n’a vraiment cherché à savoir pourquoi j’avais vu Gérôme. Je n’aurais pas pu leur mentir. Passer cette soirée avec mes amis me permis de mettre de coté le poids des responsabilités qui m’incombaient.
Le lendemain dimanche j’avais rendez-vous avec Gérôme qui voulait discuter avec moi, et nous avions programmé notre rencontre à mon retour du culte à 13h, il m’avait demandé de le retrouver chez lui, au début j’avais voulu refuser mais la part rebelle de ma personnalité m’avait soufflé que je n’avais aucun compte à rendre, de toutes les façons Jules n’est pas dans la ville donc il n’allait pas tomber une fois de plus sur nous.
En attendant donc le taxi qui devait me mener chez mon « bon ex » je suis tombée sur une des personnes que je ne croisais pas tous les jours dans les rues.
Moi : Diane ?
Elle sursauta en entendant son prénom et elle se retourna vers ma direction. Et c’est là que j’ai vu les marques sur son cou, et sur ses bras lorsqu’elle essaya de couvrir les hématomes sur son cou.
Diane était plus fine que moi, claire de peau, belle et grande, avec une tête pleine de cheveux, une autre belle copie de mon père. Mais son regard n’avait rien de serein !
Moi : Diane ? Tu fais quoi ici ?
Mes demi-frères et sœurs ne savaient pas parler Bafia, je ne sais même pas s’ils comprenaient un seul mot.
Diane : Je vais faire un tour… toi ?
Je me suis approchée d’elle, je n’avais pas l’intention de la prendre dans mes bras, je savais que ce serait douloureux.
Moi : Diane où vas-tu ?
Elle essaya d’échapper à mon regard.
Diane : Chez Papa !
Moi : Faire quoi ? Tu crois qu’il va t’aider ? Il va te renvoyer chez toi et tu le sais !
J’ai jeté un coup d’œil à sa main, son alliance brillait encore. Lors des obsèques de Magon, elle m’avait expliqué qu’elle était jeune mariée, mais je n’avais pas vu son mari au village.
Moi : Il ne va rien faire Diane… Il va plutôt donner le fouet à ton mari pour te discipliner…
Diane : Non Kiki ce n’est pas ça ! Papa a changé… il ne va pas…
Moi : Il a changé ? Depuis quand ?
Je n’y croyais pas !
Moi : En tout cas moi je peux t’aider si tu veux je t’amène à l’hôpital…
Diane : Non… ça va !
Je connais cette réaction et je savais que si j’insistais elle allait se renfermer donc autant laisser tomber.
Moi : Ok ! Mais je veux que tu prennes mon numéro… si tu en as besoin tu m’appelles… Tu as de quoi…
Diane : Oui ! Ça va je vais me débrouiller… Merci ! Bonne journée !
Je la regardais s’en aller avec un pincement au cœur, le cycle ne s’arrêtait donc jamais dans cette famille ?