Épisode 8
Ecrit par Mona Lys
8
JAYDEN
Notre conversation d’hier m’a booster au point où j’ai dû annuler mon troisième rendez-vous de la journée. Je n’en pouvais plus de patienter. J’avais prévu me rendre chez elle après mes rendez-vous mais je ne tenais plus. Je veux savoir comment elle va. Après lui avoir avoué qu’elle aussi me manquait, nous avons discuté comme de bons vieux amis. Elle en a été très heureuse et je n’ai pas regretté de le lui avoir dit. Maintenant tout ce que je désire c’est la voir.
Je sonne à leur porte et c’est l’une de ses cousines qui vient m’ouvrir. Quand elle me voit un très grand sourire étire ses lèvres. Elle commence à se caresser les cheveux avant de se décider à me laisser entrer. A peine j’arrive dans le salon que je vois Aaliyah dégringoler dans les escaliers.
‒Putain de bordel de merde ! Vociféré-je en courant vers elle.
Elle grimace de douleur alors que je l’aide à se relever. Heureusement qu’elle soit tombée sur les fesses. Ça lui a évité de se casser les pieds. Son oncle et sa tante se précipitent aussi vers nous.
‒ Tu as mal quelque part ?
‒ Vous êtes là ? Remarque-t-elle d’un sourire mêlé à la douleur.
‒ Oui. As-tu mal ?
‒ Un peu sur les fesses mais ça va.
Je me tourne vers ses tuteurs alors qu’elle s’agrippe à moi.
‒ Non mais vous êtes sérieux de la laisser prendre les escaliers ?
‒ Mais elle avait réussi à monter donc normalement elle devait pouvoir redescendre sans se faire mal, me répond sa tante tout naturellement. Je ne savais pas qu’elle allait tomber.
‒ Vous êtes sérieux ? Et puis c’est quoi ce sparadrap qu’elle a au doigt ?
Personne ne me répond.
‒ Ok je la ramène avec moi.
‒ Oh là Monsieur… Comment vous appelez-vous déjà ? Demande l’oncle.
‒ Ça n’a aucune espèce d’importance. (A la fille) Conduis-moi à ta chambre.
‒ Attendez Monsieur. Vous n’avez pas le droit de venir chez nous et la prendre. Nous sommes légalement ses responsables donc elle ne bougera pas. Ne m’obligez pas à appeler la police.
‒ Oh allez-y ne vous y retenez pas. Je serais ravi de leur dire comment vous traiter votre “protégée’’ aveugle.
Ils ne disent plus rien. La fille me conduit dans ce qu’est sa chambre. Ils lui font partager la chambre de leur fils. Je vois un matelas posé au sol. Non mais ces gens sont sérieux ? Je prends sa valise qui contient encore ses vêtements. Il n’y aurait apparemment pas de place dans les armoires pour elle. Tante Mimi avait raison. Ces gens la traitent comme de la merde. Quand je lui prends la main, je remarque dans l’autre un portable qui n’est visiblement pas celui que je lui avais acheté.
‒ Il est où ton portable ?
‒ Ma tante l’a échangé avec le sien disant qu’elle en ferait plus bon usage que moi.
‒ Viens.
Je retourne au salon en baladant mon regard à la recherche du portable. Je le repère sur la table. Je le prends avant que la tante ne s’en rende compte et je retire sa puce. Je prends celui que tient Aaliyah, retire sa puce et échange le portable sous les regards choqués des tuteurs. Ils ne peuvent se plaindre car le portable n’est pas à eux. Je pouvais bien le leur laisser et en acheter un autre mais ce serait bien trop facile.
‒ Vous la reverrez à son retour de France. Si elle le souhaite.
Je l’installe dans ma voiture, ses bagages dans le coffre et nous quittons le quartier. Je me calme une fois que nous sommes loin. Je relâche la pression sur l’accélérateur.
‒ Ça va ?
‒ Oui. Mais j’ai faim.
‒ Nous allons faire un arrêt à un restaurant.
‒ Manger au restaurant sera un peu compliqué pour moi.
‒ Je t’aiderai.
Assis dans un restaurant, je découpe ses steaks et je dispose les choses comme à la maison. N’ayant pas faim, je la regarde manger en buvant un cocktail de jus de fruit. Par l’engouement avec lequel elle mange je devine aisément qu’elle ne mangeait pas à sa faim. Elle finit son plat à la vitesse de l’éclaire. Elle termine son jus dessus avant qu’un rot ne la surprenne.
‒ Oh désolée ! S’excuse-t-elle toute honteuse, la main sur la bouche.
‒ Ce n’est rien, dis-je en souriant. Attends.
A l’aide de la serviette de table, je lui nettoie le coin de sa bouche.
‒ Merci !
‒ Je suis désolé de t’avoir laissé partir avec eux.
‒ Vous êtes là maintenant. C’est le plus important.
‒ Que veux-tu faire aujourd’hui ?
‒ Tout ce que vous voulez, tant que vous êtes avec moi, termine-t-elle en baissant la tête.
J’en viens à aimer quand elle fait sa tête de fille timide.
‒ Et si on allait à la piscine pour que tu prennes des cours ?
‒ C’est une bonne idée.
Trois heures de temps maintenant et je ne me lasse pas de la regarder prendre des cours de natation avec le maitre-nageur. Elle a l’air de bien s’amuser malgré qu’elle n’y voit rien. Fatiguée, elle sort de la piscine. Je l’aide à s’installer près de moi. Mon regard s’attarde sur son corps et ses formes généreuses qui ne laissent aucun des hommes présents indifférents. Je lui ordonne presque sur un ton mordant de se couvrir d’une serviette. Nous mangeons là au bord de la piscine.
‒ Merci pour cette journée.
‒ Pas de quoi.
‒ Je peux vous poser une question que j’ai toujours voulu vous poser.
‒ Vas-y !
‒ Pourquoi m’aidez-vous ? Pourquoi alors que vous ne me connaissez pas ?
J’espérais qu’elle ne me pose jamais cette question. J’espérais qu’elle profite juste de tout ce que je lui offre.
‒ Disons que je suis juste un bienfaiteur.
‒ Au point de me loger chez vous et me défendre contre ma famille ?
‒ Ce genre de bienfaiteur oui.
‒ Moi je crois qu’il y a une autre raison que vous me cachez, mais bon tant que vous ne me faites aucun mal ça me va. Je peux vous poser une deuxième question.
Mon nom je suppose.
‒ C’est quoi votre nom ?
Je souris. Je cherche quoi lui répondre sans avoir l’air de lui cacher mon nom lorsque des gouttes de pluies tombent sur ma peau.
‒ Je crois qu’il va pleuvoir. On devrait rentrer.
Je l’accompagne se changer rapidement et nous prenons le chemin de la maison. La nuit est tombée et la pluie s’abat sur la chaussée. Je tourne la tête vers la fille. Elle s’est endormie. Je la sors de la voiture en la tenant dans mes bras. Je fais à peine quelques pas que Pamela apparait de nulle part devant moi dans le parking de l’immeuble.
‒ C’est donc ça ta journée de travail chargée Jayden ? Tu me refuses un diner pour aller te pavaner à la piscine avec cette gamine ?
‒ Que fais-tu ici ? Chuchoté-je pour ne pas réveiller la fille.
‒ Ce que je fais ici ? Je t’ai suivi. Je suis arrivée à la piscine au moment où vous partiez et j’ai décidé de vous suivre pour savoir là où tu la caches. Depuis deux jours tu es indifférent à tout ce que je fais. Même au lit tu ne me touches plus. Tout ça pour cette aveugle.
‒ Arrête de hurler bordel.
Les éclats de nos voix réveillent Aaliyah.
‒ Toi descends des bras de mon mari, lui ordonne Pamela en lui tirant le bras.
Elle s’exécute malgré les pressions de mon bras pour la retenir. Mon portable se met à sonner. Je le sors à peine que j’entends un bruit qui résonne dans la bâtisse suivi d’un cri. Quand je relève la tête je vois Aaliyah assise par terre se tenant la joue.
‒ Tu l’as giflé ? Grondé-je en saisissant violemment Pamela.
‒ Oui parce que tu lui accordes plus d’importance qu’à moi.
Je la lâche pour aider Aaliyah à se relever. Son visage est inondé de l’arme.
‒ Je suis enceinte et j’ai besoin de toi. Mais tu préfères rester avec elle. Je sais que tu ne l’aimes pas et que tu l’aides juste par pitié mais n’exagère pas.
‒ Ok tu m’arrêtes ça maintenant. De quel droit te permets-tu de lever la main sur elle ?
‒ Est-ce que tu m’as entendu ? J’ai dit que j’étais enceinte.
‒ Comment tu peux l’être ? Les tests que nous avons récemment faits n’ont rien révélé.
‒ Ça a dû être une erreur. Mais j’ai fait des tests ce matin et ils étaient positifs.
‒ Mais cela ne te donne pas le droit de venir taper un scandale et de lever la main sur elle alors qu’elle n’a rien fait. Rentre maintenant.
‒ On rentre ensemble.
‒ Mieux vaut pour toi que je n’entre pas avec toi au risque de le regretter.
Je me tourne vers Aaliyah mais je ne la vois pas. Je promène mon regard aux alentours sans la voir. Elle doit être monter. Je plante Pamela et me dépêche de monter à l’appartement. Je fonce directement dans sa chambre mais celle-ci est vide. Je cogne à sa salle de bain sans recevoir de réponse. J’ouvre la porte et personne.
‒ Pauline, hurlé-je en sortant de la chambre. Pauline.
‒ Oui grand-frère.
‒ Où est Aaliyah ?
‒ Hum ? Elle est retournée en famille non ?
‒ Oui mais je l’ai ramené. Elle n’est pas montée ?
‒ L’ascenseur ne s’est pas ouvert depuis que tu es partie ce matin.
‒ Merde !
Je me rends au balcon et je prends appuie sur la balustrade malgré la pluie pour la rechercher dans la ruelle vide de toute présence humaine à cause du temps. Je vois de loin une silhouette qui marche maladroitement.
‒ Merde ! Merde ! Merde et merde !
Je sors à la vitesse de l’éclaire. Je cours à sa suite une fois dans la rue. Je la rattrape de justesse avant qu’elle ne se fasse renverser par un chauffard qui conduit comme un fou sous ce temps.
‒ Aaliyah !
Elle pleure à chaude larmes.
‒ Ramenez-moi chez mon oncle. Je ne veux pas… je ne veux créer de problème dans votre couple. Je ne veux pas… de votre pitié.
J’essaie de la calmer mais elle continue de pleurer, de me demander de la ramener chez sa tante.
‒ Je te demande pardon Liyah.
Elle lève la tête vers moi et ses yeux croisent pile poil les miens comme si elle me voyait. Avec les cheveux mouillés elle a toujours cet air d’ange. Je glisse mon doigt le long de son visage. Elle frissonne.
‒ Je ne ressens aucunement de la pitié pour toi. Et crois-moi que tu ne me crée aucun problème. Tu es ma plus belle rencontre depuis ces trois dernières années.
‒ C’est la première fois vous dites mon nom, relève-t-elle en souriant.
Je réponds à son sourire et la serre fortement contre moi oubliant cette forte pluie qui s’abat sur nous. Je me reprends quand elle grelotte. Je la prends dans mes bras comme à notre arrivée et nous rentrons pour de bon à l’appartement. Je la laisse se changer et je monte dans ma chambre faire de même. Quand je reviens, elle n’est toujours pas dans sa chambre. Je cogne à peine à sa salle de bain que je l’entends hurler. J’entre en fracas mais je regrette mon geste lorsque je la vois se débattre au sol toute nue. Je ressors instantanément.
‒ Qu’est-ce qui se passe ?
‒ J’ai trébuché. Le sol est glissant, j’ai besoin de votre aide mais je suis toute nue.
‒ Ok.
J’entre en luttant pour ne pas la regarder. Je la couvre avec son peignoir. Je serre les dents quand mes doigts frôlent son corps. Je la relève pour la énième fois de la journée si bien que je prends un plaisir à le faire.
‒ C’est décidément la journée des chutes, plaisante-t-elle.
J’esquisse un sourire. Après l’avoir posée dans son lit, je m’éloigne mais elle m’attrape la main.
‒ Restez avec moi je vous en prie.
‒ Tu as besoin de dormir.
‒ Je dormirais mieux si vous êtes là.
Face à mon hésitation, elle me fait de la place sans attendre ma réponse que je lui donne en m’asseyant près d’elle. Elle grelotte. Je tire son drap sur elle. Elle pose sa main sur la mienne lorsque j’arrive à son épaule. Elle ferme les yeux sans lâcher ma main. Je reste ainsi jusqu’à ce que sa respiration se fasse régulière. Dominé par la fatigue, je finis par m’endormir à mon tour.
Frappé par les rayons de soleil, j’ouvre un à un les yeux. Le premier constat que je fais c’est que j’ai mon bras enlacé autour de la taille d’Aaliyah qui me fait face. Quand je relève les yeux, je croise les siens qui regarde dans le vide. Elle lève le doigt et le glisse sur mon visage. Elle parcoure tout mon visage sans se soucier de savoir si je suis réveillé ou pas. Je ne fais rien pour le lui signifier. Je me contente de la regarder. Elle vient de se réveiller et elle est agréable à regarder. Elle continue de dessiner les formes de chaque partie de mon visage en souriant. J’aimerais bien savoir à quoi elle pense. Elle glisse son indexe sur mon nez jusqu’à tomber sur mes lèvres qu’elle caresse délicieusement.
Elle s’immobilise subitement et lève les yeux dans les miens.
‒ Vous me regardez faire depuis longtemps ?
‒ Comment sais-tu que je te regarde ?
‒ Je sens toujours quand on me regarde.
‒ Et que faisais-tu ?
‒ J’essayais de deviner à quoi vous ressemblez.
‒ Et tu y es arrivée ? Demandé-je en souriant.
‒ On peut dire ça. Un nez moyen, des lèvres fines, un visage légèrement ovale et des yeux que je crois un peu globuleux. Je peux dire que vous n’êtes pas mal à regarder.
‒ Pas mal à regarder ? Rigolé-je. On ne me l’avait jamais faite celle-là.
‒ J’aime votre voix. Elle est rassurante.
Ça me fait plaisir qu’elle se sente rassurer par moi. Des fourmillements me titillent les narines. Je me lève de justesse pour ne pas éternuer sur elle.
‒ Vous avez éternué presque toute la nuit. Attendez, je reviens.
Elle sort de la chambre dont elle maitrise tous les paramètres maintenant. Je profite pour glisser dans sa salle de bain me laver la bouche. Je reviens dans la chambre en même temps qu’elle. Elle tient en main une tasse.
‒ Tenez buvez ça.
‒ C’est quoi ? Demandé-je en me rasseyant sur le lit.
‒ Miel, gingembre et citron. D’autres l’utilisent pour casser le ventre mais c’est aussi bon contre la grippe.
Je lui prends la tasse des mains sans manquer de frôler ses doigts. Elle reste près de moi jusqu’à ce que je vide le contenu de la tasse.
Après le petit déjeuner, je décide de rentrer chez moi avant d’aller au bureau. Je ne trouve pas Pamela à la maison. Je tente de la joindre une quinzaine de fois sans y parvenir. La servante m’avertit qu’elle n’a pas passé la nuit à la maison. Elle a dû aller dormir chez l’une de ses copines.
Je passe ma journée au bureau à rêvasser. Je ne cesse de penser à Aaliyah et son petit visage d’ange. Mon plan est en train de partir en couille parce que je ne devais jamais l’approcher d’aussi prêt. Cette fille chamboule tout. J’ai même envie à cet instant de la rejoindre pour qu’on passe toute la journée à discuter. Qu’est-ce qui m’empêche d’ailleurs de le faire ? Je suis le boss, je peux quitter le bureau quand je veux. Je commence à ranger mes effets quand mon assistante m’appelle.
‒ Oui !
‒ « Monsieur il y a un homme qui désire vous voir. »
‒ Quel homme ? Avons-nous rendez-vous ?
‒ « Non Monsieur. Il dit être votre père et qu’il s’agirait d’une extrême urgence. »
Je reste silencieux à essayer de maitriser cette colère qui se réveille en moi à chaque fois qu’il est dans mon périmètre.
‒ « Je le laisse entrer ? »
‒ Oui !
Qu’il me dise ce qu’il a à me dire qu’on en finisse. Je reste assis à le regarder entrer. A chaque fois que je vois sa tronche j’ai juste envie de lui en coller une.
‒ Bonsoir Jay. Je peux m’asseoir ?
‒ Vas-y !
Il s’assoit en face de moi. Je le fixe durement. Je dois reconnaitre qu’il a pris un sacré coup de vieux et perdu énormément de poids.
‒ Comment vas-tu ?
‒ Tu as juste cinq minutes donc épargne-nous les civilités.
Il accuse le coup. Je ne lui avais jamais manqué de respect jusqu’à ce que je découvre sa double vie qui a coûté sa vie à ma mère.
‒ Nous n’avons jamais eu de discussion depuis ce soir-là. Je ne suis pas là pour te donner une quelconque justification de ce que j’ai fait. Mais te faire savoir que je vis dans les remords depuis la mort de ta mère.
‒ Ça ne t’a pourtant pas empêché de ramener ta maitresse à la maison.
‒ Elle ne vit pas à la maison. Elle n’y a d’ailleurs jamais mis les pieds. A vrai dire, j’ai mis un terme à notre relation il y a quelque jour. Je n’en pouvais plus de lutter contre le remord. Nous nous voyons que lorsque ça concerne nos… enfants. Je ne pouvais pas continuer avec elle en sachant que c’est notre relation qui a coûté la vie à la seule femme que j’ai jamais aimé.
‒ Tu peux éviter de me raconter ton baratin. Je n’ai aucunement envie de connaitre ta vie. Il te reste 2 minutes.
‒ Je te demande pardon. Je sais que ça ne réparera rien de tout le mal que j’ai causé mais je meurs à petit feu chaque jour depuis trois ans. Je ne cesse de demander pardon à ta mère, de pleurer au point où je fais une dépression.
‒ Une minute.
‒ Je vais bientôt mourir.
Je lève les yeux sur lui.
‒ Ma santé s’est dégradée. Je ne cesse de piquer des crises et selon mon Docteur il me reste moins d’un an à vivre. Je voulais donc avant de laisser mon dernier soupir te demander pardon. Toi et ta mère êtes les personnes les plus importantes de ma vie. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ce que j’ai fait. Pour tout te dire, la plupart des hommes infidèles n’ont vraiment aucune raison de l’être. C’est juste une pulsion qui nous pousse à foutre tout ce bordel dans notre vie. Si j’avais la possibilité de tout recommencer, crois-moi que je ne referais pas la même bêtise. Mon amour pour ta mère était inconditionnelle. L’autre, c’était juste de la passion. Le goût de l’interdit me plaisait. Bref, tu ne me pardonneras certes pas aujourd’hui, ni même dans les jours à venir mais je tenais à le faire. J’ai déjà fait mon testament et…
‒ Et je ne veux pas de ton argent.
‒ Tu en feras donc ce que tu voudras mais…
‒ Ton temps est terminé.
‒ Ok. Merci de m’avoir accordé de ton temps. Passe une bonne fin de journée.
Il ressort en boitant. Je n’avais pas fait ce constat quand il rentrait. J’ai été insensible à tout son discours mais l’entendre dire qu’il va bientôt mourir m’a touché. Je lui en veux toujours mais il reste mon père. Je ne me sens pas capable de lui pardonner maintenant mais je ne peux rester insensible à son état de santé. Moi qui étais si enthousiaste de rentrer terminer la journée avec Aaliyah, voici que mon humeur a changé. Il a fait remonter à la surface toute l’amertume que je ressentais depuis le décès de ma mère. Toute la douleur. Je serre les dents pour résister mais je ressens le besoin de noyer ma peine.
Je n’ai pas pu résister. J’ai fait un tour dans un bar, boire un verre qui s’est transformé en trois. J’ai eu assez de force pour stopper ma consommation mais je suis rentré, expressément tard, avec une bouteille de Whisky. La bouteille et le verre posés devant moi sur la table basse, j’ai du mal à boire. Je ne veux plus sombrer dans l’alcool. Je prends le verre à moitié plein et me laisse glisser du fauteuil sur la moquette. Je tourne le verre sans le quitter des yeux. Mon père va bientôt mourir et je ne me sens toujours pas prêt à lui pardonner. J’ai l’impression que le faire serait une trahison vis-à-vis de ma mère.
« Vous êtes là ? »
Je relève les yeux vers Aaliyah que je n’ai pas entendu arriver. Elle est là debout avec sur elle une petite culotte et un débardeur bras mince. Ses cheveux sont comme toujours désordonnément attachés en chignon.
‒ Je sais que vous êtes là.
‒ Je suis là.
‒ Vous avez eu un souci ? Vous n’êtes pas rentré diner avec moi.
Je la regarde avancer avec précaution.
‒ Où êtes-vous ?
‒ Sur la moquette.
Elle se met sur ses genoux en face de moi en me touchant le pied pour en être certaine.
‒ Vous m’avez l’air triste. Vous buvez de l’alcool ?
‒ J’en ai bu oui.
‒ Vous avez passé une mauvaise journée ?
‒ On peut dire ça.
‒ Vous voulez en parler ? Parler ça fait du bien.
Je souris amèrement.
‒ Mon père va bientôt mourir.
‒ Oh ! Je suis sincèrement désolée. C’est triste.
‒ Pas tant que ça. Il paye juste pour le mal qu’il m’a fait à ma mère et à moi.
‒ Elle est où votre mère ?
Je vide le verre et le pose sur la table.
‒ Morte.
‒ Oh !
Elle devient toute triste.
‒ Tu n’as pas à être triste.
‒ C’est toujours triste de perdre quelqu’un. Je ne sais pas trop comment vous consoler ou trouver les mots juste pour. Mais si ma présence peut vous aider je peux rester ici avec vous, enfin si vous le voulez.
Mon attention est juste captée par les mouvements que font ses lèvres lorsqu’elle parle.
‒ Souvent rester là sans parler ça fait du bien. Moi ça m’aide surtout que je n’ai personne à qui…
Je me penche vers elle et capture ses lèvres. Je n’ai pas eu assez de courage pour la laisser finir de parler. J’en avais besoin. Ce qui dans ma tête devait juste être un bref baiser se transforme en un baiser plus langoureux. Je la renverse sous moi sur la moquette. Je libère ses lèvres quand je remarque les tremblements de son corps. Je glisse mon regard sur elle. Elle m’a l’air perdue, mais pas apeurée Je retire mon bras en-dessous d’elle et du bout de mes doigts lui caresse le visage.
‒ J’ai juste besoin que tu restes près de moi cette nuit, lui soufflé-je en rapprochant de nouveau mes lèvres des siennes.
Je reprends possession de ses lèvres. Son corps vibre de frisson sous moi. Elle garde ses mains sur mes épaules sans me repousser. Elle me donne un grand accès à sa bouche en l’ouvrant. Mais je mets vite fin au baiser avant de perdre le contrôle. Je reste un moment sur elle, mon front collé au sien à reprendre mes esprits. Je remarque en ouvrant les yeux ses tétons durcir sous son léger haut. Je me laisse glisser près d’elle sans la libérer de mon emprise. Je la rapproche de moi. J’enfouis mon nez dans ses cheveux pour les sentir, suite à quoi je ferme les yeux et m’endors.