Évelyne LAWSON

Ecrit par Plénitudes by Zoé

Chapitre 20 : Evelyne LAWSON


**** Marla ****

Je ne m’attendais pas à ce que ce soit si dur de vivre avec quelqu’un. Vraiment pas. Les choses vont de mal en pis. Nous nous disputons quasiment tous les jours, pour des futilités en plus. Le plus dur pour moi c’est que je n’ai pas d’endroits rien qu’à moi où je puisse avoir la paix lorsqu’il me prend la tête.

Après un séjour plus qu’infructueux à Marseille, nous sommes rentrés depuis deux semaines à Angers et il s’est installé dans mon appartement le temps qu’il puisse retomber sur ses pieds financièrement. Il a énormément investi de sa personne ainsi que de ses ressources dans ce projet qui a fini par prendre l’eau à cause du manque de sérieux de ses partenaires. Le problème avec Akim c’est qu’il faut prendre des pincettes avant de lui dire certaines choses et qu’il ne supporte pas qu’on critique ses décisions. Nous sommes pareils sur ce point et cela ne fait qu’envenimer la situation. Notre cohabitation est épuisante et il peut faire preuve de cruauté avec les mots. 

Par exemple, dans ce groupe whatsapp dans lequel nous nous sommes rencontrés, il y a cette fille : Cinthya avec qui j’ai fait une partie de mon collège, elle était deux classes devant moi. Nous nous étions perdus de vue mais je n’arrive pas à me souvenir si elle était déjà aussi autoritaire, imbue de sa personne, je dirais même méchante. Elle a tendance à se prendre pour le chef et les gens autour d’elles entrent dans son jeu en sortant comme excuse « C’est Cinthya, tu sais comment elle est… » Ca me saoule au plus haut point. Je disais donc que Cinthya est la meilleure amie d’Akim mais elle n’arrive pas à me blairer. Pour preuve, je suis sa cible privilégiée dans le groupe, me lancer de petites piques, faire en sorte que les autres se moquent de moi, chose que je ne supporte pas. Le pire, Akim se joint à elle et quand je me plains, il me dit qu’il me forge ou encore que si je veux pouvoir entrer dans sa famille, ce genre de choses ne doivent pas me déranger sinon je ne supporterais pas sa mère et sa sœur. Tout ça pour dire que je suis tellement frustrée en ce moment, je me suis rarement sentie aussi frustrée dans ma vie. 

Parfois, je pense sérieusement à mettre un terme à la relation mais le fait que nous vivions ensemble ne facilite pas cette prise de décision. Chaque jour je perds un peu plus de ma confiance en moi, je me pose des questions du genre « S’il veut me changer, c’est que je ne suis pas assez bien telle que je suis » ou « Pourquoi ne me défend-il pas? Je ne mérite donc pas qu’on se soucie de moi et se dise : Je refuse qu’on lui fasse du mal ». La situation a dégénéré le soir où je lui ai parlé de mon passé, me traiter de pute à demi-mot et quand il a su que j’avais été violée, il a insinué que c’était de ma faute pour avoir laissé Thierry entrer chez moi à une heure tardive.

Mais je le comprends, il était juste en colère, pas après moi mais bien après mon agresseur sauf que comme il ne le connaît pas, il a déchargé sa colère sur moi. Je ne lui en veux pas, ce sont des choses qui arrivent. Et puis il a sûrement raison lorsqu’il dit que je me vexe facilement à cause de mon âge, que je suis encore immature, c’est certainement pour mon bien qu’il veut m’endurcir. Je me répète ceci pour ne pas craquer, quand la pression est trop forte, je vais derrière l’immeuble et jette des bouteilles vides contre le mur un peu à l’écart pour évacuer. Les voir exploser en petits morceaux me détend un peu.


**** Olivier ****


Je suis au Togo depuis deux semaines et c’était initialement prévu que je rentre demain mais j’ai repoussé mon retour, en plus je n’ai rien de pressé sur le feu au boulot, mes assistants pourront très bien s’en sortir. J’ai prolongé mon séjour de deux autres semaines. La raison? J’ai rencontré quelqu’un. Une femme formidable, en fait c’est l’une des personnes porteuses du projet que je suis venu étudier. 


+++ Deux semaines plus tôt +++

J’arrive dans l’une des salles de conférence du Raddison Blue où j’ai été escorté par un employé de l’hôtel. Je prends place aux côtés des autres éventuels investisseurs (nous étions 5 au total : quatre hommes et une femme), j’ai dix minutes d’avance et je remarque que les porteurs du projet sont dans un coin de la pièce en train de régler les derniers détails je suppose. Je fixe mon attention sur eux et vois qu’ils sont deux, à peine 25 ans je dirais, un homme et une femme. Je suis d’ailleurs surprise car les femmes ne s’intéressent pas à ce domaine précis de l’entrepreneuriat en général, ça a immédiatement piqué ma curiosité. Je me suis mise à la détailler beaucoup plus : 1m70 environ, un maquillage parfait, elle s’est bien préparé pour l’occasion apparemment. Bien habillée, un tailleur jupe et des talons aiguille, un teint café et brillant mais c’est lorsqu’elle a ouvert la bouche pour nous faire son discours que j’ai eu un coup de foudre. Ou plutôt un coup de cœur, je ne dirai pas que je suis tombé amoureux mais que j’espère vraiment que c’est elle qui a été faite pour moi et que j’ai vu deux fois dans mon sommeil.

« Elle : Mesdames, messieurs, bonjour, désolée pour l’attente. Je me présente Mlle Evelyne LAWSON et voici mon associé et frère Voltaire LAWSON. Nous sommes tous les deux porteurs du projet « DREAMTECH » qui vise à sortir l’Afrique de l’Ouest de sa dépendance des pays plus développés quant à certains services indisponibles ici pour l’instant. Ainsi DREAMTECH a pour objectifs de créer une toute nouvelle plateforme de commerce de produits diverses et variés allant des produits manufacturés aux compétences artisanales en passant par les matières premières. 

Comme vous pouvez le constater sur les documents mis à votre disposition devant vous sur la table, le bilan financier ainsi que les simulations sur les une, trois et cinq prochaines années nous garantissent des bénéfices nets très avantageux et au-delà des cinq premières années, si nous arrivons à sortir notre épingle du jeu et nous positionner comme La référence en matière d’import-export, et je vous garantis que ce sera le cas, nos bénéfices doubleront chaque année jusqu’à dépasser cent fois le capital initial de l’entreprise. 

Nous souhaitons donc créer une SARL avec comme capital social de base 10 000 000 fcfa soit environ 15 300 €. Nous avons réuni auprès de la banque et de nous-même la moitié de la somme et proposons les parts restantes c’est-à-dire 49 % car nous gardons la majorité à 7 650 €. 

Je conclurai avant de passer la parole à mon associé qui vous présentera les analyses financières et entrera plus dans le détail de nos services, que nous vous proposons une opportunité en or et qu’il serait tout aussi dommage pour vous comme pour nous de ne pas la saisir. Je vous remercie. »

J’étais subjugué par sa confiance en elle et en son travail. En observant les autres assis près de moi j’ai senti qu’ils l’avaient trouvée beaucoup trop sûre d’elle, j’ai entendu dire que les jeunes dans ce pays ne sont pas encouragés à voler de leurs propres ailes et qu’on ne leur faisait pas confiance. Je trouve dommage de se cantonner à ces idées reçues au risque de ne pas pouvoir reconnaître une bonne opportunité lorsqu’elle se présente. 

J’ai à peine écouté le fameux Voltaire que j’avais déjà pris la décision d’investir la totalité de la somme demandée soit les 7 650 € et ainsi détenir 49 % des parts de DREAMTECH. J’ai l’œil pour les bonnes affaires et celle-ci en est une. Peut-être même que mon voyage n’avait pour seul but que de me faire rencontrer Evelyne.

Je suis rentrée ce soir-là à l’hôtel avec son numéro de téléphone (qu’elle m’a donné sans que je lui demande) et la promesse de la rappeler dès le lendemain. C’est ce que j’ai fait le jour suivant et depuis deux semaines environ nous ne nous quittons quasiment plus. Je n’ai pourtant pas la confirmation que c’est la femme de mes rêves mais elle lui ressemble pour ce qui est du sourire et du teint. Et son deuxième prénom c’est Reine, le prénom que j’avais entendu une fois lors de ma prière. C’est certainement elle, n’est-ce pas ?


**** Sara ****


Sabine et moi sommes devenues très liées ces trois dernières semaines, cette femme est une perle. Elle fait tout pour me mettre à mon aise, pour alléger mes problèmes et rendre mes derniers mois sur cette terre plus agréables. Elle passe me voir quasiment toutes les semaines et m’accompagne à mes séances de chimio. J’avais abandonné parce que le traitement était trop lourd et que je ne me sentais pas de finir mes jours malade comme un chien et incapable de me prendre en charge seule, mais Sabine a su me convaincre de reprendre ne serait-ce que pour mener ma grossesse à terme. Chaque fois elle me parle de Dieu qui m’accueillera dans Sa demeure, je ne relève pas, je me contente de l’écouter. Je dois dire que dans ma situation, c’est très réconfortant de se dire qu’il y a quelqu’un qui se soucie de toi, qui t’aime plus que quiconque et qui t’attend les bras ouverts. Je suis croyante mais j’ai arrêté de pratiquer plusieurs années au paravent lorsque ma mère est morte du cancer du sein et que mon père s’est laissé dépérir pour aller la rejoindre. J’en ai voulu à Dieu, longtemps, d’avoir laissé cette situation se produire, de m’avoir arraché mes parents mais aujourd’hui je vois les choses différemment. Nous devons tous partir un jour et si Dieu décide du moment opportun, je ne peux que Lui en rendre grâce. Savoir qu’on quittera bientôt son corps, le domaine physique et matériel fait relativiser sur bon nombre de choses. Les drames, la vantardise, les rancunes, l’égo… tout cela ne sert strictement à rien car on n’emportera rien de tout cela au paradis.

Je suis contente d’avoir connu cette fille dans les derniers instants de ma vie, je pourrai partir sans regrets, en laissant mon fils entre de bonnes mains et pour moi c’est le plus important. Si je prie aujourd’hui, ce n’est plus pour moi mais pour Nath, Sabine et mon fils qui seront bientôt une famille et mon fils à défaut de se souvenir de moi, me connaître, Sabine y veillera. Je caresse mon petit ventre qui pointe déjà. Je suis sûre qu’il sera beau  mon petit prince. J’appréhende quand même l’accouchement en lui-même, serai-je assez forte pour faire face ? Je l’espère de tout mon cœur.

Le Fardeau des Autre...