HISTOIRE SIX : IMANI, JOURNAL D'UNE BONNE EPOUSE
Ecrit par Femme, comme force
1.
Maximus
- ????
Savoir sourire,
À
une inconnue qui passe,
N'en
garder aucune trace,
Sinon
celle du plaisir
Savoir
aimer
Sans
rien attendre en retour,
Ni
égard, ni grand amour,
Pas
même l'espoir d'être aimé,
Mais
savoir donner,
Donner
sans reprendre,
Ne
rien faire qu'apprendre
Apprendre
à aimer...
Je bouge doucement la tête, au rythme de ce bel air qui joue. Il fait
remonter quelques beaux souvenirs qui m'arrachent un petit sourire plein de
nostalgie. Je m'adosse confortablement contre le dossier moelleux de mon siège
et regarde le paysage capetonien défiler à travers la vitre de l'auto qui nous
ramène chez nous, après un assez long séjour à l'hôpital. L'ambulance allait
nous ramener, mais j'ai décliné. J’ai plutôt demandé que notre chauffeur passe
nous chercher. Un petit grognement me fait regarder vers mon époux qui est
installé juste à côté. De ses yeux presque vitreux, il fixe obstinément devant
lui, cillant à peine. Une partie de son visage encore beau malgré l'âge et la
maladie s'est comme affaissé, faisant que sa bouche mi-ouverte en permanence
soit tordue dans une sorte de grimace de douleur. Un filet de salive en coule,
roulant lentement le long de son menton, sans qu'il ne puisse l'essuyer. Je
sors un mouchoir de mon sac à main et, tendrement, j’essuie la bave comme on
fait avec un bébé, avant d'ajuster le col de sa jaquette.
Mon époux.
- On arrive chez nous dans très peu, chéri, lui dis-je
doucement, tout en rangeant mon mouchoir dans mon sac.
Un autre de ses grognements vient en réponse. C'est à présent son seul mode
de communication. Les grognements, on dirait un gorille. Ah, j'imagine que ce
doit être extrêmement frustrant pour le grand Omotayo d'être réduit à ça. Lui
qui savait si bien manier le verbe ! Monsieur qui a toujours eu le dernier
mot, le mâle dominant, réduit à grogner comme un chimpanzé et totalement
dépendant, même pour les besoins les plus basiques. Après une crise cardiaque
qui a failli lui être fatale, il s'est retrouvé enfermé dans une sorte de
paralysie. Son cerveau affecté ne lui permet plus de bouger ses membres, ni de
parler, même s'il demeure très conscient de tout ce qui se passe autour de lui.
Les docteurs disent qu'il arrivera à recouvrer ses fonctions motrices au fur et
à mesure, mais que cela prendra du temps et qu'il nous faudra être très patients.
J'observe un moment ce grand homme diminué. Mes yeux font
le tour de sa chevelure parsemée de gris ici et là, puis de son visage
maintenant asymétrique. Ses mains immobiles posées sur ses cuisses, il dodeline
doucement de la tête, continuant de fixer droit devant lui tel un légume. Le
grand Maximus Omotayo, aujourd'hui emprisonné dans son propre corps qu'il ne
peut bouger à sa guise. C'est un peu comme s'il était enfermé vivant dans un
sarcophage. Un souvenir du lointain jour où je l'ai vu pour la première fois
vient rejouer dans ma tête.
C'était à Lubumbashi.
J'avais 24 ans à l'époque, fraîchement diplômée et des rêves plein la tête.
Un beau samedi ensoleillé c'était, lors d'une réception donnée chez un ami de
mon père alors ministre des mines. Je conversais avec une connaissance lorsqu'il
est entré dans mon champ de vision. Une main tenant sa flûte de champagne et
l'autre enfouie nonchalamment dans sa poche, il était de dos et parlait à un
groupe d'hommes qui l'écoutait attentivement. Il dégageait l'assurance de l'homme
qui se savait au contrôle, très conscient de son autorité et de son rang. Sans
même voir son visage, sa carrure et sa façon princière de se tenir ont à elles
seules réussi à accrocher mon attention. Et à l'époque, il fallait beaucoup
pour avoir mon attention, car j'étais une jeune femme difficile, avec un bec
super fin en matière d'hommes. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle jusque-là
je n'avais encore laissé aucun d'eux pénétrer mon monde. Mais lui, il est
arrivé à me captiver et ce, sans même s'en rendre compte. Rien que son port de
tête disait leader, homme fort, dirigeant et c'étaient des critères que je recherchais chez un
homme. Lorsqu'à un moment il s'est tourné par pur hasard dans ma direction,
j'ai eu le souffle coupé. Il était beau. Très beau, de corps et de visage et
très élégant par-dessus le marché. Son regard à la fois sûr et placide disait
clairement qu'il était conscient de son charme, détail que j'ai trouvé
présomptueux et un peu agaçant. Je me souviens que moi qui d'habitude n'avais
pas froid aux yeux me suis senti intimidée et ai détourné mon regard, afin d’échapper
au sien, perçant et expressif.
Pour reprendre contenance, j'ai quitté le lieu où je me
tenais et me suis faufilé parmi les invités, cherchant ma mère des yeux. J'ai
pu la retrouver dans le patio avec mon père, les deux en grande conversation
avec un homme imposant qu'ils m'ont présenté comme Jacob Omotayo. Ce dernier
était un magnat du pétrole Nigérian qui avait à son actif des nombreux rigs et autres
lourds investissements qui le plaçaient parmi les hommes les plus riches du
continent. Marié à une Congolaise (Zaïroise à l’époque) de Kisangani, cette
dernière lui avait donné un fils et une fille, avant de s'éteindre. De bon cœur,
je me suis jointe à leur discussion qui tournait autour des meilleures
destinations des vacances en Afrique, oubliant un moment l'homme qui m'avait
troublée. J'ai failli lâcher mon verre, lorsque le jeune homme aperçu plus tôt
s'est joint à nous. J'ai alors découvert qu'il était le fils de monsieur
Omotayo. Debout côte à côte, leur ressemblance était d'ailleurs très frappante.
On nous a présentés et j'ai appris qu'il s'appelait Maximus.
- Imani, très joli prénom. Appelle-moi Max, m'a-t-il dit,
alors que nous échangions une poignée de mains.
- Enchantée, Max.
- Moi encore plus.
Max. De plus près, il était encore plus troublant et le comble était que je
semblais lui plaire, vu comment il n'avait pas lâché ma main et me dévorait du
regard. Je me souviens que son père l'avait même taquiné là-dessus, provoquant
l'hilarité générale. Maximus ne m'a plus quitté d'une semelle, au grand bonheur
de nos parents qui je le sentais espéraient que quelque chose bourgeonne entre
nous. C'était ainsi dans notre milieu. Les parents amis tendaient souvent à
cimenter leurs bons rapports, en entremariant leurs progénitures. Les semaines
qui suivirent, Maximus s’assura de me faire une cour assidue. Mes journées
étaient désormais rythmées des cadeaux à foison par des voyages surprises vers
Port-Harcourt ou Abuja en jet privé, rien que pour y dîner, et tant d'autres
choses. Bref, il m'a déroulé le tapis rouge, fanfares à l'appui, me montrant
clairement qu'il me voulait non comme simple petite amie, mais pour épouse.
Quoique déjà très éprise de lui, j'ai tenu à faire ma belle, le faisant
cruellement mariner, lui disant à chacune de nos rencontres que je n'étais pas
sûre de vouloir me mettre avec lui et que je devais encore bien réfléchir. J'ai
cédé et ai officiellement accepté ses avances ce soir inoubliable où il m'a
volé un baiser, brisant mes dernières résistances. C'était ma première fois de
sentir ses lèvres sur les miennes, de sentir sa langue faire l'amour à la
mienne. Les sensations étaient explosives, inoubliables, j'en frissonne encore
à ce jour.
Huit mois après notre rencontre, nous annoncions nos
fiançailles. L'osmose entre nous était évidente, nous nous aimions éperdument.
Bien que j'aie tenu à perdre ma virginité uniquement après mon mariage, Maximus
me l'a prise (avec mon consentement) quelques semaines après l'annonce de nos
fiançailles. Je l'aimais à ce point. Au point de changer mes principes. Notre
première fois s'est déroulée en pleine mer, à bord d'un de ses yachts. Ce qui
avait débuté comme une innocente promenade en mer, s'est transformée en une
intense initiation aux plaisirs de la chair. Maximus était un instructeur exceptionnel
et moi, une très bonne élève. De là, nous ne nous sommes plus privé. Je dirai
que j'ai vraiment tout appris de lui dans le domaine du sexe. De décent à
tordu. Tout. Nous avons pris le temps de bien nous connaître, avant de sauter
le pas. Disons que j'ai naïvement cru avoir cerné sa personnalité. Il m'avait
donné l'impression qu'il s'était vraiment dénudé et m'avait tout montré de lui,
comme moi je l'avais fait. Notre mariage jet-set se déroula à Rome, avec des
nombreux invités, tous de la haute société. C'était Le mariage de l'année. Les
Omotayo avaient mis les petits plats dans les grands pour m'honorer et célébrer
mon entrée dans le clan. Notre lune de miel à Paris était tellement exquise que
j'en suis revenu enceinte. Vu les occupations de Maximus et ses responsabilités
au sein de l'empire familiale, nous nous mîmes d'accord d'élire domicile dans
sa grande propriété de Lagos. Vivant désormais en terre étrangère, j'étais loin
des miens, mais proche de ma moitié et cela me suffisait amplement. Quelques
mois plus tard, j'ai accouché d'une petite fille. Gold Chidinma Omotayo. Mon
premier rayon de soleil. Ce ne fut qu'après cette naissance que Maximus me
montra sa vraie nature.
La voiture qui s'arrête me ramène dans le présent. Nous
sommes arrivés. À quel moment avons-nous franchi la grille? Plongée comme
j'étais dans mes souvenirs, je ne m'en suis même pas rendu compte. Notre
chauffeur coupe le moteur, désembarque et va sortir la chaise roulante de la
malle arrière, avant d'aider Max à sortir du véhicule et l'installer dans son
nouveau moyen de déplacement. J'émerge du véhicule à mon tour et hume goulument
le parfum des fleurs qui vient chatouiller mes narines. Ça fait du bien d'être
à nouveau chez soi. Hmm, ça fait un bien vraiment fou. Depuis maintenant cinq
ans, nous nous sommes installés à Cape Town, dans une propriété moins grande
que celle de Lagos. Avec tous nos enfants devenus indépendants, rester dans la
gigantesque demeure de Lagos me faisait tout bizarre. D'un commun accord, Max
et moi avions décidé de changer d'air. Lentement, je suis vers la villa le
jeune chauffeur qui pousse la chaise roulante de Maximus. Nous sursautons, lorsqu'en
pénétrant dans le hall, nous y trouvons nos enfants, tous au complet, qui nous
attendent avec des grands sourires. Je remarque que (aidés par le personnel de maison)
ils ont décoré la place pour accueillir leur père. Gold, ma première, est là.
William, mon second. Oluchi mon troisième et Jacob (nommé après son grand-père)
mon dernier. Oui, après ma fille Gold, je n'ai eu que des fils. Que des
fils ! Et cela m'a valu le grand respect de ma belle-famille. Je les
embrasse tour à tour, heureuse de voir mes bébés. Nous passons un moment très
agréable en famille et, bien qu'il ne peut s'exprimer ou le montrer, Maximus
est heureux d'avoir ses enfants autour de lui. Ils restent avec nous pendant
une semaine entière, avant de s'envoler vers leurs responsabilités. Ils ont
Omotayo Oil (empire familial) à diriger et, jusque-là, ils le font très bien,
faisant notre grande fierté.
•••
La vie continue son cours, calme et paisible. Assise près
de la fenêtre, je regarde d'un œil distrait le jeune physiothérapeute (qui passe
tous les jours) masser mon mari et l'aider à faire quelques exercices, afin d’empêcher
que les muscles inactifs de ses membres ne s'atrophient. Une infirmière vit
avec nous en permanence et m'aide à m'occuper de mon époux. Une fois par
semaine, nous allons voir le docteur qui suit l'évolution de Max. Rêveuse, je
jette un coup d'œil vers mes mains qui, bien que je sois maintenant vers la fin
de ma cinquantaine, sont restées belles malgré quelques vilaines veines qui se
sont faites saillantes. Je les frotte l'une contre l'autre, me promettant
d'aller voir mon esthéticienne, afin qu'elle peigne mes ongles une couleur
différente. Je n'aime plus ce bleu, il m'irrite. J'ai fêté mes 58 ans le mois
d'avant et Max fêtera ses 66 ans dans deux mois. Nous avons vraiment tenu
ensemble, n'est-ce pas? Nous figurons parmi les couples à qui la société jette
des fleurs. Riches et soudés jusqu'au bout. Et lorsqu'on parle des femmes
fortes, soumises et exemplaires, mon nom figure sur la liste. Imani Omotayo,
née Gbâlema, une épouse qui a tenu bon et a su être la colle de son foyer,
malgré les nombreuses humiliations. Ô qu'elles étaient nombreuses ces
humiliations. Imani, le symbole même de la bonne épouse.
Je quitte un moment mon siège et me rends dans notre
bibliothèque, où je vais ouvrir un tiroir duquel je tire un journal assez
volumineux. Cet assemblage des papiers a été des années durant mon seul ami à
qui je disais tout. Sur ses pages, j'ai couché mes instants les plus tristes,
les métamorphoses qui en moi ont pris place au fil des années et mes secrets
les plus intimes. Pour que personne d'autre ne soit en mesure de le lire à part
moi, je m'étais inventé un alphabet compliqué rien qu'à moi, fait des petits
pictogrammes. La lettre A par exemple est représenté par un triangle, B par un
carré, C par une ligne brisée et ainsi de suite. Je porte le journal à mes lèvres
et ferme les yeux, nostalgique. Je crois qu'il est temps pour moi de le lire à
Maximus. Il est temps qu'il sache. Lorsque le physiothérapeute prend congé,
l'infirmière et moi faisons la toilette de Max et lui donnons à manger, avant
que je ne le conduise dans son bureau. Il ne m'a jamais permis d'y entrer. Mais
dans son état actuel, il ne peut plus rien m'interdire. Je vais positionner sa
chaise roulante près de la cheminée et mets en place les freins, avant d'aller
me poser sur l'un des fauteuils en cuir qui craque, lorsque je pose mon
derrière dessus. Tout en regardant autour de moi, je caresse doucement la
couverture vétuste de mon journal intime que j'ai entre les mains. Tout crie
mâle dans cette pièce : les meubles, le choix des couleurs, la décoration,
tout. Sur les murs sont accrochés des grands tableaux dépictant des scènes de
chasse. Il y a même trois têtes d'animaux taxidermisées alignées derrière son
bureau imposant. Juste en dessous de ces têtes empaillées sont accrochés deux
beaux fusils de chasse qui luisent sous la lumière naturelle que laissent
entrer les rideaux tirés. Les grognements de Max mettent fin à mon observation
et me font regarder dans sa direction. C'est sûr qu'il conteste le fait que
j'aie osé lui désobéir, en pénétrant dans son sanctuaire. Eh bien, il n'a qu'à
se calmer. Je suis sur le point de lui révéler des choses importantes et ce
bureau est la parfaite scène pour cet exercice.
- Chéri, je veux te lire quelque chose, fais-je en
ouvrant mon journal.
- ...
- Considère-toi privilégié, mon amour, car tu es la
première et la dernière personne à qui je lirai cette histoire. Je suis sûre
que tu la trouveras très intéressante.
-...
- L'histoire commence une année après la naissance de notre
fille, Gold. Es-tu prêt?
- Mmmmm, Mrmrrrm, grogne-t-il
- Je prends ça pour un oui, dis-je en baissant les yeux
sur la page où débute l'histoire, une trentaine d'années plus tôt.
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Pour les autres pays d'Afrique, l'equipe est encore au labo.