I used to be seventeen
Ecrit par Meritamon
Je revis comme si c’était hier ce matin où Malick
m’interpella dans la cour du lycée alors qu’on était retenus pour les
corvées. C’était bien avant ma rencontre
avec Xander.
-
hey ! « la
petite sœur à Taher », je te parle!
-
Je suis occupée, tu
ne vois pas?
Malick m’arracha en riant le seau rempli de feuilles que je trimballais et le fit voler dans les airs. Ses deux copains que je connaissais de loin, qui ne le quittaient presque jamais, ricanèrent de la farce. Des vrais gamins.
-
Qu’est-ce que tu me
veux? Je répliquai en levant les yeux au ciel.
-
Relaxe, je veux
juste causer. Inutile de te braquer, ce n’est pas comme si j’allais te manger,
même si franchement j’en ai très envie…
Bien entendu, il
faisait référence à notre bref échange et au cunnilingus qu’il m’avait un jour donné
à la pension.
-
Je n’ai pas arrêté
de penser à ce qu’il s’est passé à la pension et à ce qui aurait pu arriver si
ton frère ne te cherchait pas partout…
-
Dommage, parce que
moi je suis passée à autre chose et tu ferais tout aussi bien de tourner la
page.
Frustré, Malick me prit par le bras pour me traîner dans un coin à l’ombre des arcades, à l’abri des regards. Je me retrouvai malgré moi, dos au mur et lui me barrant le passage de son grand corps, dans ses larges pantalons tombants comme c’était la mode hip-hop à l’époque, légèrement voûté vers moi.
Je n’avais pas très envie qu’on nous vit ensemble,
me méfiant des rumeurs au bahut.
-
meuf! Tu me fais quoi là…
Je lui demandai de
me laisser partir.
-
À condition que tu
m’écoutes avant! Il s’est passé quelque chose dans cette chambre… et tu sais
que ce n’est pas rien, j’y pense tout le temps…
Il fit une pause,
se passa la main dans les cheveux, secoua la tête comme incrédule de ce qui
allait sortir de sa bouche.
-
C’est non
-
Comment ça non?
-
Tu ne connais même
pas mon prénom.
Il avait rigolé, et
cela fit découvrir ses dents blanches superbement alignées.
- Crois-tu cela, Éva? J’ai toujours su comment tu t’appelais, je voulais seulement te charrier. J’ai une idée. Si on allait faire un tour, histoire de se changer les idées. Je me disais que tu pourrais te joindre à l’aventure.
-
Pas question! Je
fais les corvées.
-
Allez, arrête un
peu. On ne va quand même pas ramasser les ordures dans la cour pour faire
plaisir à ce gardien de prison de Camara.
Bizarrement, sur ce point j’étais d’accord avec
lui. Monsieur Camara le surveillant nous faisaient tellement bavés à l’époque.
-
On va où?
Il ne tenait pas trop à en parler. Je n’aimais pas
ce mystère. Il me parla du bout des lèvres de la propriété de son Général de père
à Dubreka.
Je protestai.
-
C’est à plus d’une
heure d’ici! j’ai des trucs de prévu en après-midi.
-
Tu aimeras ça,
Ramène tes fesses, on fait un truc cool avec les gars. Ne t’inquiète pas, tu
seras de retour chez toi pour dîner.
J’hésitai encore, partagée entre l’envie folle de
faire l’école buissonnière et la compagnie de Malick. Nous étions différents,
et jusqu’à récemment, on ne s’appréciait pas beaucoup. Voilà qu’il me demandait
de traîner avec lui.
Sans m’expliquer comment, ni pourquoi, je me
retrouvais dans sa jeep, coincée à l’arrière entre ses deux copains, à rouler à
l’extérieur de la ville. On prenait la clé des champs et je trouvais que cette
escapade-là avait un goût d’aventures…
La bande était joyeuse. Il y avait bien sûr lui
Malick, en véritable chef de bande qui conduisait la bagnole et choisissait la
musique appropriée sur le poste, l’œil constamment rivé dans le rétroviseur
pour me mater. Un autre garçon, très taciturne celui-là, assis à la place en
avant semblait ne pas trop apprécier ma présence. Et à l’arrière, deux
boute-en-train, des frères jumeaux que je connaissais de loin, plaisantaient
sans arrêt.
La tension qui m’avait gagnée au début se dissipa
doucement.
Je me demandai si les garçons avaient été mis sous
la confidence de ce qu’il s’est passé à la pension. Si Malick s’était vanté de
ce qu’il m’avait fait, comme je le savais par expérience chez les garçons.
J’avais des frères et combien de fois j’avais écouté, à leur insu, leurs
confidences sur les nichons de telle fille ou les performances d’une autre.
La seconde propriété du père de Malick était
immense et surplombait une vallée verdoyante. Un gardien en treillis militaire se
précipita pour ouvrir l’énorme portail de fer forgé. Aux alentours, on devinait
les toits en chaume des cases de quelque hameau isolé.
Puis, je poussai un cri de surprise lorsque Malick
ouvrit le coffre de la voiture et qu’à l’intérieur étaient rangés un fusil
d’assaut et deux petites armes automatiques. Du matériel détourné à son père.
Les garçons éclatèrent de rire en voyant ma
réaction, même le type taciturne esquissa un sourire.
- Nous partons à la chasse, tu peux aussi décider
de nous attendre ici, il y a tout ce dont tu as besoin dans la villa! Lança
mollement Malick, me mettant au défi.
- Je vous accompagne, avais-je répliqué,
déterminée, en cachant le petit bouleversement qui se passait en moi.
Il sourit et annonça en me faisant un clin d’œil :
« Ok, c’est parti. On va s’amuser »
Nous nous enfoncions dans la campagne. Il était
midi, le soleil perçait l’épais feuillage des arbres. Après une demi-heure de
marche dans les fourrés, nous arrivâmes dans une zone dégagée où des cibles
avaient grossièrement été dessinées sur les troncs des arbres.
Des canettes vides de bière posées sur des rochers
n’attendaient qu’à se faire déglinguer.
Malick, avec son fusil d’assaut, fut le premier qui
commença la danse. Je me bouchai les oreilles et me tins un peu à l’écart du
groupe. Il fit virevolter adroitement quelques bouteilles et canettes, finit
par me tendre le fusil, qui était plus lourd que je ne le pensais et me fit
ployer le corps en avant. Quelqu’un pouffa de rire.
Le garçon me montra comment regarder dans le
viseur, il m’apprit à tenir le fusil sur mon épaule, enlever le cran de sûreté
et appuyer le doigt sur la gâchette. Ça semblait facile. Il m’avertit de bien
me camper sur mes jambes.
L’adrénaline et l’excitation influèrent dans mes
veines et j’en eus des fourmillements jusqu’au bout de mes doigts. Cela me
donna une sensation de pouvoir que je n’avais jamais ressentie auparavant. Les
mains moites et la respiration que j’essayai de contrôler.
-
C’est ta première
fois?
-
Oui.
-
À trois, tu envoies
tout valser, ok? Un… deux… tr..
Avant qu’il finisse de compter, je tirai. Un bruit
sourd. Une douleur dans l’épaule et les oreilles qui bourdonnaient. Évidemment,
je ratai ma cible. Les garçons, hilares, m’applaudirent. On me remit l’un des
revolvers et je me mis à vider le chargeur sur un arbre. L’impression de
pouvoir s’amplifiant dans tout mon être.
-
Oh! Doucement, la
gamine. Tu vas finir par prendre goût à cela, me prévint l’un des jumeaux avec
un clin d’œil.
Nous passâmes une heure ainsi dans la chaleur
moite, à parier sur des cibles, à vider les chargeurs et boire du vin de palme
tiède sous les arbres. Les garçons me donnèrent l’impression d’être adoptée par
eux.
Ils étaient en Terminal, jouaient au basket-ball,
avaient 18 ans et des petites copines officielles à l’exception de Malick, qui
demeurait un coureur de jupons invétéré.
Sur le chemin du retour, nous longeâmes une
ancienne carrière qui avait été évidée comme une calebasse, remplie par l’eau
des anciennes pluies et reconvertie en bassin. Je mourrais de chaleur.
Instinctivement, à la vue de l’Eau miroitante, j’ôtai mon uniforme d’école à
l’exception de ma culotte, sous l’œil amusé des garçons et je plongeai nue dans
l’eau pour me rafraîchir. Ils ne se firent pas priés non plus et plongèrent à
leur tour. Nous nous éclaboussions joyeusement comme des gamins.
Je ne me souviens pas combien de temps nous avons
passé dans le plan d’eau.
Je me rappelle qu’ensuite Malick me baisait dans
l’une des nombreuses chambres de la maison de son père, lentement et
longuement, alors que je m’agrippai sur les montants sculptés d’un grand lit,
face à un énorme portrait du Général, en tenue d’apparat, qui nous fixait de
son regard hautain et fier de soldat.
Je me rappelle vaguement avoir peut-être joui. Et je m’endormis en cuillère avec lui, mes fesses collées à son bassin.
À un
moment donné, dans les brumes de mon sommeil, je l’entendis me dire qu’il avait
une urgence, qu’il devait ramener les armes avant que son père revienne du camp
militaire. Il y avait une panique dans sa voix.
-
Je reviens te
chercher, ok? Mon père veut me voir tout de suite… Il va me massacrer.
Éva? Répéta-t-il, comme je ne répondais pas.
-
Hmmmm? Avais-je
murmuré les yeux fermés, épuisée par l’après-midi sportive.
Il répéta en m’embrassant :
-
Éva, je disais que
je reviens tout à l’heure, grosse feignasse. Et je reprendrais un second round
avec toi.
Malick s’en alla et me laissa seule dans la chambre
de son père.
Quelques minutes plus tard, j’entendis la porte s’ouvrir.
Une
inquiétude ineffable me gagna et instinctivement, peut-être naïvement, je me
couvris le corps avec un drap, une boule dans le ventre causée par la crainte.
La même qu’on ressent la nuit, lorsqu’on est tout seul dans une ruelle
sombre.
Un mini conciliabule s’engagea sur le seuil de la
porte, des chuchotements de protestation et finalement les autres garçons
firent irruption dans la chambre.
-
On veut aussi le
faire avec toi, me dit avec convoitise Claude, le gars taciturne.
Sans attendre une quelconque réponse de ma part, il
s’empara de moi et me pénétra alors que mon cerveau traitait la nouvelle donnée
qui s’était ajoutée : Moi, figée au milieu du petit cercle qui s’était
formé autour de moi. Ils attendaient leur tour, comme on attend son tour dans
les toilettes publiques, leurs shorts baissés.
Claude laissa sa place à l’un des jumeaux qui vint
me prendre à son tour. Je n’eus pas le temps d’analyser cette transition, elle
se fit rapidement. Quelqu’un me saisit
par les poignets. Les garçons s’étaient-ils concertés à la carrière pour me
faire subir cela? Le sexe de Claude était long et fin, son corps plus nerveux
et impatient, comme un cheval traversé par des décharges électriques. Un cheval
en manque de contact physique. Affamé.
Je ne sus combien de temps le viol dura. Deux
heures? Probablement toute l’après-midi. Le temps semblait soudain suspendu.
-
C’est ce que tu
voulais aussi, non? Fut la phrase qu’ils me lancèrent.
***************
Quand tout fut fini, les garçons m’ont mis
dans un taxi comme une vulgaire marchandise qui n’avait plus son utilité, avec
un texto qui disait :
-
Ça a dérapé. Nous
te voulions tous. Et quand tu t’es
jetée à l’eau, avec les nichons en l’air…
Suivi un autre texto :
« Tu nous as un peu provoqués, tu sais? ».
Les amis de Malick se justifiaient, puisqu’on était
à l’étape des justifications. Ils ne voulaient pas d’emmerdes, ils devaient me rendre
coupable de les avoir aguichés. C’était ma faute, je les avais provoqués, ces
mâles, puisque j’avais consenti à coucher avec Malick, il était normal que ses amis se servent dans
le même plat.
-
Et puis, tu es une
fille tellement cool…
Et moi de penser, c’est le prix à payer quand on
projette une illusion de fille « libérée », de fille cool. Un viol
collectif.
Tout arrivait pour ainsi dire par ma faute, parce
que j’ai voulu me rafraîchir et emportée par le moment, par la vue du lac
d’eau, je me suis baignée…
La psy remarque mon émotion et me tend un verre
d’eau.
-
Vous étiez
consciente pendant tout l’acte? Avez-vous été droguée?
-
Non, je ne l’ai pas
été. Eux, ils avaient pris quelque chose. Un truc pour se donner du courage
probablement. À l’époque, mon frère aîné était dealer et fournissait en drogues
certains gosses fortunés, notamment Malick et ses amis. Nous n’avons jamais
évoqué cette histoire, mais il y a eu pendant longtemps un froid entre Taher et
moi pour la raison que je le rendais responsable quelque part de ce qui m’était
arrivée...
-
Pendant le viol, j’avais
érigé un mur virtuel pour que ça passe vite quand ils étaient en moi. J’étais léthargique.
J’ai compté silencieusement les barreaux de la tête de lit. Il y en avait 42 en
tout. Puis j’ai recompté à l’envers, la fois suivante.
Et après, on sait ce que qui s’est passé. L’un
des garçons a craqué, s’est confié à sa copine, et la rumeur s’est emballée. Voilà d’où
tout est parti.
Dr Rosenberg réfléchit longuement.
-
Et ce garçon,
Malick… Comment a-t-il réagi quand il a
appris ce que ses amis vous ont fait ? Pensez-vous qu’il vous a laissée exprès
seule avec ses amis? Qu’il vous a offerte en quelque sorte?
-
Je ne crois pas. Enfin,
ses remords étaient sincères... je pense qu’il me voulait pour lui seul. Et c’est
son père qui a découvert en premier, le Général Kaba. Vous savez, c’est un type
de l’armée, il est parano aussi et avait posé des tonnes de caméras dans sa
seconde résidence. En revenant, il a visionné les videos dans la chambre. Il a
tabassé son fils, il pouvait être très violent. Ensuite, il voulait réparer en
achetant mon silence pour le protéger…
c’est loin tout ça… et en même temps si proche.
-
Vous êtes
consciente, Éva, que vous avez été une victime d’un viol collectif?
-
Si vous le dites. À
l’époque, le Père Osario, le directeur de l’école pensait aussi la même chose. Je
ne me suis pas débattue, certains diront que je n’ai pas lutté… Parce que je
n’en étais pas capable. Et pendant toute ma vie je me suis convaincue
le contraire. J’ai refusé d’être cette victime-là. Un peu pour reprendre
possession de ma narration.
- Les victimes de viols érigent des barrières naturelles dans leur subconscient pour se protéger, m’expliqua Dr Rosenberg. Ça peut être du détachement. Ça ressemble assez au comportement de certains animaux dans la nature qui s’immobilisent pour échapper à un prédateur.
Elle alla chercher dans le moteur de
recherche de sa tablette un exemple.
-
L’ opposum par
exemple, me dit-elle le plus sérieusement possible.
Je me mis à rire à me faire mal aux côtes.
J’étais comme ça, je pouvais passer du rire aux larmes, des larmes aux rires
sans transition.
-
Excusez-moi, Dr…
fis-je en m’essuyant les yeux. Pendant longtemps, je refusais d’être une
victime, pour reprendre contrôle de ma narration, je me suis convaincue que les
choses qui me sont arrivées devaient arriver parce que j'avais été au mauvais endroit, au mauvais moments et avec les mauvaises personnes.
Reda Rosenberg me regarda avec compassion et c'était bien la première fois.
- Mais apparut Xander à ce moment où vous étiez déjà brisée et votre estime de vous-même était à terre. Cet homme a également contribué à vous déposséder de votre narration… Il a projeté une version de vous issue de ses fantasmes, complètement édulcorée. Vous deveniez à ses yeux la femme fatale, la femme-enfant, la tentatrice, celle par qui le scandale arrivé. il a projeté sur vous ses fantasmes en espérant que vous colliez à la représentation qu’il voulait de vous….
-
Vous avez raison,
dis-je pensive.
-
Alexander Nielsen
s’est engouffré dans une plaie déjà béante. Il a été capable de voir votre
désarroi face à la vie, votre solitude, le besoin de réconfort que vous pensiez
trouver chez cet homme plus vieux, parce que quelque part Éva, vous recherchiez
une figure paternelle, celle que vous avez perdue….
Putain! Elle avait toujours raison cette Dr
Rosenberg. Ils ne mentaient pas lorsqu’ils disaient qu’elle était la meilleure
thérapeute en ville.
-
Ces hommes, ces
garçons de votre école et Alexander Nielsen vous ont dépossédée à un moment
donné mais ce qu’ils vous ont fait ne pourra pas déterminer votre vie entière.
-
C’était moi qui aurais
dû dénoncer Alexander Nielsen, des années plus tôt. Et je m’en veux désormais
parce que d’autres jeunes filles ont croisé son chemin…
-
Vous pensiez être
amoureuse de lui, vous étiez sous son emprise parce qu’il est un prédateur. Comment
vivez-vous tout le battage médiatique le concernant?
-
Je me réjouis
qu’il paie enfin.
À ce moment, mon téléphone sonna. Je m’en
excusais auprès de la psy. Une de ses règles était : pas de téléphone
pendant les consultations. Je l’éteignis.
-
C’est ma mère.
Elle s’inquiète beaucoup pour moi en ce moment.
-
Est-elle au
courant de la situation?
Je soupirai en secouant la tête :
-
Ma mère a été
longtemps un cas fragile. Elle a été en institution psychiatrique pour des
problèmes de santé mentale. Elle a également tendance à faire la politique de
l’autruche. Ne rien voir ou plutôt voir ce qui lui convient, vous voyez un peu
le genre?
-
Elle a été
absente, admit la psy.
-
Plutôt évanescente…
comme de la fumée.
-
Revenons à
Alexander Nielsen. Allez-vous témoigné au procès? Vous êtes après tout, sa
première victime… Si vous avez envie d’assister au procès, ça pourrait vous
aider à fermer ce chapitre de votre vie.
-
Ce n’est pas mon
histoire qui intéresse et je ne veux surtout pas détourner l’attention sur ces
jeunes filles.
-
En quoi vous
pensez que votre histoire ne mérite pas d’être racontée?
Je la regardais du coin de l’œil. Faisait-elle
exprès ou quoi?
-
Vous savez bien
pourquoi, Dr… Personne ne prendra au sérieux l’histoire d’une dépendante sexuelle….
-
C’est moi qui
pose les diagnostics, Éva…. Me coupa-t-elle.
- Je m’excuse. Je
disais que personne ne prendra au sérieux mon histoire à cause de tout mon
background… Lorsque j’ai débarqué aux États-Unis, une fois que mon frère m’ait
parrainée, j’ai été camgirl pour payer mes études, je faisais des sessions de
webcams devant des hommes qui me payaient… parfois, ça allait plus loin, il est
arrivé que je sorte du virtuel pour me prostituer… et ma vie sociale actuelle…
-
Et alors? insista encore Dr Rosenberg.
Je soupirai.
-
Et alors vous
dites? Tout jury qui se respecte voudrait avoir une victime parfaite, une jeune
fille innocente, fragile à défendre contre le prédateur…
-
Ce que vous étiez
quand vous l’avez rencontrée… vous veniez d’avoir 17 ans… vous étiez cette
jeune fille fragile et désemparée face à la vie…
La psy insista :
- Votre témoignage pourrait aider à l’enfermer pour de bon : vous avez été victime d’agressions répétées de la part de cet homme, il a donné accès à votre corps à d’autres hommes, ce Serguei par exemple, le type russe…Il vous a même laissée pour morte à Marrakech!
-
J’étais amoureuse
de lui! vous en faites quoi de cela? Il y a consentement.
La docteur secoua la tête, incrédule. Mes
larmes coulaient silencieusement alors que je regardais la vue de Boston,
Boston capricieuse et hors de prix, cette ville que j’aimais pourtant, dans laquelle
je me fondais facilement, qui accueillaient mes cicatrices comme tant d’autres
blessures.
-
Je vous avais dit
que j’étais une cause perdue. Vous vous acharnez à me guérir alors que ma
maladie s’est gangrenée… à me faire ouvrir des portes scellées.
-
Votre maladie, c’est
dans votre tête. Vous êtes bien plus forte que vous ne le croyez, Éva. Des
hommes comme Xander arrivent toujours à s’en sortir. Il dira que ces filles
étaient amoureuses, qu’il les aimait, que c’est de l’amour, de la passion. Il a
un profil pathologique du pervers narcissique. L’âge? Il dira qu’il ignorait
qu’elles étaient mineures, certaines mentent sur leurs âges après tout pour
avoir de l’attention…c’est ce que vous avez fait aussi au début, non?
« Sa réputation sera probablement
entachée, mais il rebondira toujours parce que le système le protège… mais ces
filles, vous, Éva… le fait est que vous ne vous en sortez jamais, parce qu’il
vous a emprisonné dans une prison mentale difficile à s’échapper »
Putain! Cette femme était brillante, je
l’avais déjà mentionné?
Ce soir-là, après ma session thérapeutique, quand
je rentrai dans mon appartement à peine meublé, je cherchai frénétiquement dans
le bac des rebuts recyclables, la carte d’affaire de la journaliste du New York
times que j’avais jetée.
Je lui laissai un message sur sa boite vocale
et lui demandai de me rappeler.