Intrigue

Ecrit par Farida IB



Nadine GBEGNON épouse GBEVOU…


Ça fait trois jours que mon fils compte sa présence parmi nous, trois jours de bonheur incommensurable. C’est assurément un immense plaisir pour moi de prendre soin de ce petit ange et de vivre à nouveau les joies de l’enfantement (sourire). Je ne m’en lasse jamais, en dehors des péripéties liées à la grossesse et la douleur à l’accouchement je serai prête à faire des enfants encore et encore si cela ne tenait qu’à moi (rire). Là, j’ai juste trop hâte de quitter cet hôpital et de reprendre mon rôle de mère à plein temps même s’il faut le dire, cet hôpital est d’un confort inestimable et son personnel soignant extrêmement accueillant. Je suis subjuguée par le fait que mon mari, malgré toutes ces années derrière nous, tient encore autant à mon confort et mon bien-être, je ne le remercierai jamais assez pour ça. Quoique j’aie l’impression qu’il n’est pas aussi heureux que ça de la venue de ce troisième enfant, je le sens quelque peu évasif avec une impression de mal-être. Ce qui n’est évidemment pas le cas pour nos deux grands. Je me souviens qu’il en faisait une affaire d’Etat, il débordait tellement de joie qu’il faisait passer tous mes caprices. J’avais droit à un cadeau de mon choix et pour ma famille, il sortait la meilleure bouteille de sa réserve. Pourtant ce dernier non seulement, il n’était pas présent lors de l’accouchement, mais il peine également à lui trouver un prénom. Bon ça c’est encore une autre histoire, nous avions prévu donné au bébé le prénom de son grand-père paternel encore qu’à la naissance, il lui ressemblait trait pour trait, mais Florent n’est plus penché sur cet avis, il trouve que cela fait vieux. Nous l’espérons tous donc pour remplir les dernières formalités afin de quitter l’hôpital. 


Je me redresse lorsque l’infirmière qui vient d’entrer avec le petit, me le donne pour la téter. Je m’y mets en le contemplant, c’est comme ça que ma mère vient me retrouver suivie des plus grands qui se précipitent sur nous et le regarde avec émerveillement. 


Maman (à l’aîné) : ne m’étouffe pas le mari s’il te plaît.


Hervé boudant : c’est moi ton mari mémé.


Maman : plus maintenant, j’ai un nouveau mari plus beau que toi.


Jennifer riant : krkrkr c’est vrai mémé, il est trop beau. (levant ses yeux sur moi) Maman, il s’appelle comment notre petit frère ?


Moi lui souriant : il s’appelle Prince pour le moment, papa vous dira son prénom lorsqu’il sera là. 


Maman du tic au tac : il est encore passé où celui-là ? Sûrement scotché à son téléphone, qu’il vienne donner un prénom à l’enfant. C’est quoi son problème en fin de compte ?


Moi posément : maman, il a ses raisons.


Maman : et puis quoi encore ? Il attend sûrement le mot d'ordre du saint esprit tchrr…


Moi sur un ton de reproche : maman ne commence pas.


Le fait est qu’elle a un peu de réserve sur le comportement de Florent ces derniers temps, elle est même partie sur la folle théorie qu’il aurait une maîtresse partant du postulat qu’elle l’aurait surpris plusieurs fois en pleine conversation téléphonique avec une femme. Ce qui est d’ailleurs improbable, je ne parierai pas sur la fidélité de Florent, mais, jamais je n’ai eu à le surprendre dans une telle posture. Il faut dire qu’il ne m’a jamais donné de quoi douter de lui, en réalité, c’est un mari dévoué et un père attentionné, un parangon d’excellence, rien à voir avec les spécimens qui courent les rues. 


En parlant du loup…


Florent (passant sa tête par l’entrebâillement de la porte) : devinez qui c’est !!


Les enfants (accourant vers lui) : papaaa !!


Il rattrape Jennifer au vol et essaie d’avancer avec Hervé qui l’agrippe par la taille. Il dandine un moment avant de prendre place à côté de moi sur le lit, Jennifer entre ses cuisses.


Florent (caressant le visage du bébé d’un doigt) : comment se porte le champion ce matin ?


Moi (souriant en fixant le bébé) : à merveille !


Florent : je vois bien, tout est prêt pour la sortie ?


Moi : oui oui, on attend les dernières recommandations.


Je retire les seins de la bouche du petit et le passe à Florent pour son rot, il fait bouger Jennifer qui prend place sur les cuisses de sa mémé.


Maman : il faut déjà donner le prénom de l’enfant pour qu’on puisse compléter les fiches.


Florent : j’y pense encore, ne vous inquiétez pas, je m’occupe de tout.


Maman (ton agacé) : je me demande pourquoi ça traîne autant, c’est le prénom de ton fils. Tu ne veux quand même pas dévoiler le nom du président de la République après les élections, pourquoi tant de mystère ?


Florent (berçant le bébé) : mais c’est ce qu’il portera toute sa vie !


Maman : certes, mais choisis juste un qu’on pourra tous prononcer.


Florent : ce n’est pas si simple que ça.


Maman : mais encore ?


Moi sur un ton de reproche : maman !


Maman (me fixant du coin de l’œil) : quoi ?


Florent : vous l’aurez d’ici le soir.


Maman : tant mieux !


Florent se levant : je vais voir ce qu’il y a lieu de faire pour la sortie.


Je lui reprends le bébé des mains pour le tendre à son grand frère qui n’arrête pas de le réclamer puis à sa sœur en surveillant leur geste.


Moi (à ma mère, après que Florent soit parti) : tu n’as pas besoin de le prendre en grippe pour une simple histoire de prénom.


Maman boudant : je trouve que ça traîne en longueur.


Moi : ce n’est pas une raison.


Maman : en tout cas.


*

*

Florent GBEVOU…


Je sors de la chambre qu’occupe ma femme un peu agacé par le ton que prenait l’échange avec ma belle-mère il y a quelques minutes, j’ai l’impression qu’elle a une dent contre moi. En plus des regards incrédules qu’elle me lance lorsque je suis au téléphone, j’ai droit à des piques à chaque fois qu’elle s’adresse à moi. Je me doute bien de ce qu’elle pense et cela m’exhorte même à plus de discrétion, je n’ai aucune envie de me retrouver en mauvaise posture devant elle parce que contrairement à sa fille, c’est un véritable ouragan.  


Je longe le couloir en direction du bureau des admissions, mais d’abord, je passe un coup de fil à Fifamè avec qui je suis en désaccord en ce moment même par rapport au prénom de mon fils. Elle décroche à la troisième sonnerie.


Moi d’entrée : j’attends toujours que tu répondes à mon dernier texte.


Fifamè (ton irrité) : j’estime ne pas avoir de réponses pour cela.


Moi soupirant : Fifa tu es en plein droit de le faire.


Fifamè : ne m’oblige pas à faire quelque chose que je n’aimerais pas qu’on me fasse. Ce n’est pas à moi de choisir le prénom de ton enfant, déjà que j’ai le mien en route.


Moi argumentant : chérie, c’est grâce à toi s’il est parmi nous en ce moment. Le bien-être de sa mère quand il était dans le ventre, tout le confort dont nous bénéficions actuellement, c’est à ton compte. Je trouve que c’est la moindre des choses que je puisse faire pour te remercier.


Fifamè : d’abord, s’il est là, c’est grâce à Dieu ! Le confort et tout, c’est pour toi que je le fais, pour te mettre à l’aise.


Moi : et moi, je veux bien te faire ce plaisir en échange.


Fifamè (le ton boudeur) : Florent n’insiste pas s’il te plaît, je n’attends rien de toi que ton amour et ta considération et tu le sais.


Moi (soupire décontenancé.) : ça fait quoi si tu lui donnes un simple prénom ? Ce n’est pas si compliqué que ça.


Fifamè : c’est plus profond que ce que tu penses, est-ce que tu aimerais toi que ton enfant porte le prénom qu’a choisi l’amant de ta femme ?


Moi parlant vite : elle ne le saura pas !


Fifamè : peu importe, je n’aimerais pas qu’on m’inflige cela donc je ne le ferai pas à mon semblable.


Je prends une profonde inspiration.


Moi : inutile d’insister donc.


Fifamè : tu as tout compris.


Moi : ce n’est pas grave, j’ai une deuxième option qui est de prendre ton deuxième prénom !


Fifamè en fon : Florent, je ne te permets pas.


Moi (répondant aussi en fon) : je ne demande pas ta permission non plus, ma décision est prise.


Fifamè : rhoo !!


Moi : on s’écrit plus tard !!


Je raccroche malgré ses plaintes et me retrouve ensuite devant l’agent du bureau des admissions qui me tend les fiches que je remplis rapidement, je m’acquitte ensuite des derniers frais à la caisse avant de retourner auprès de ma famille.


Nadine (dès que j’ouvre la porte) : ça y est, on peut rentrer ?


Moi (hochant la tête) : oui, enfin, vous devez d’abord passer un dernier contrôle chez le pédiatre et le médecin ensuite nous pourrons rentrer.


Belle-mère : donc on peut enfin connaître le prénom de l’enfant ?


Aka !


Moi (soupire lasse.) : j’en venais, il s’appelle Louis.


Belle-mère (roulant des yeux) : donc tout ce tralala, c’est pour ce prénom aussi vieux que le monde ?


Moi mentant : je n’arrivais juste pas à me décider (débitant) et tu as dit toi-même de choisir un prénom simple.


Belle-mère : même s’il n’y a pas une grande différence entre ce prénom et celui que sa mère proposait.


Nadine (sur un ton de reproche) : maman !


Belle-mère : quoi encore ?


Nadine : il a un prénom maintenant, c’est tout ce qui importe.


Belle-mère (haussant les épaules) : bah quoi ? Je m’attendais à un prénom rocambolesque, il y a quelle différence entre Paul et Louis ?


Nadine roule des yeux et je soupire simplement, on la laisse alors qu’elle se charge de ranger le sac d’accouchement et les affaires de Nadine. J’amène le petit chez le pédiatre pendant que Nadine prend le chemin inverse pour se rendre au bureau du médecin. Une heure plus tard nous sommes installés à bord de notre familiale en direction de la villa, une nouvelle aventure commence pour nous.


*

*

Cynthia CLARK…


Il m’a fallu près de deux mois pour me réadapter à mon quotidien à Lomé, notre retour a été aussi soudain que notre départ de La Palma à Tenerife. Joe a eu une urgence, enfin, c’est ce qu’il nous a donné comme explication. Néanmoins, je ne lui en veux pas du tout, j’ai passé les moments les plus agréables de ma vie. J’ai adoré voir le couché du soleil sur les plus belles plages de La Palma, on s’est embrassé sur le cou d’une girafe, la randonnée excitante sur le volcan de Teide où nous avons eu l’occasion de voir le troisième plus beau volcan du monde, le ciel étoilé, les concerts… Tout ça constitue des souvenirs que j’ai jalousement enfoui dans ma mémoire et je suis également certaine que c’est le cas pour Austine.


 Parlant d’elle, elle va beaucoup mieux du moment où on ne mentionne pas le nom d’Emmanuel. Elle dit l’avoir pardonné et que c’est son bonheur à elle qui l’importe donc elle s’attèle à faire tout ce qui la rend heureuse, enfin, elle essaie de relativiser. Elle s’investit beaucoup dans ses activités en plus de sortir souvent pour faire la fête, seule pour la plupart du temps. Il y a des jours qu’elle m’entraîne avec elle et par moment avec Joe à l’appui.


Entre Joe et moi, c’est le statuquo, aussi prévenant et aimant comme petit ami et toujours aussi pas apte pour le sexe. J’en ai fait la confidence à Austine qui m’a conseillé de m’en ouvrir en lui et il s’est avéré que monsieur a de la suite dans ses idées. Il ne veut pas brûler les étapes parce qu’il trouve que je suis une personne impressionnable et impulsive (ce qui n’est pas tout à fait faux) donc il veut s’assurer de me faire entièrement sienne avant de passer à l’étape supérieure. Je dois dire que ce n’est pas tout le temps facile pour nous deux surtout lorsqu’il faut dormir sur le même lit, mais on essaie de faire avec. Il le faut bien, car pour le moment, je ne consens pas encore à dépasser notre stade actuel, même si sa présence dans ma vie me fait énormément du bien il y a encore quelques paramètres à prendre en compte. Entre autres son caractère super protecteur et ses tendances autoritaires qui m’exaspère beaucoup, il peut aller jusqu’à m’interdire une sortie comme c’était le cas ce soir. Ce qui évidemment ne passe pas avec moi. 


En ce moment, même, je suis avec Aus au Blue Diamond (maison de la promotion culturelle) pour un concert de saxophone malgré son refus. J’avais besoin de décompresser ce soir après une semaine de dur labeur donc j’ai sauté sur la proposition d’Austine. Nous sommes tranquillement assises en train d’écouter la musique lorsque je suis prise d’une envie pressante, bon, j’avoue que nous ne nous sommes pas juste contentées de nous asseoir et d’écouter. Ça fait la troisième bouteille de Thiénot (champagne rosé) que nous vidons et je suis un peu éméchée. 


Moi (me levant en souriant bêtement) : petite, il faut que je fasse un tour aux vestiaires avant de me faire pipi dessus.


Austine (essayant de lever son visage) : tu veux que je t’accompagne ?


Moi secouant vigoureusement la tête : non, je me débrouillerai.


Elle hoche la tête puis je me rends au fond de la salle en tanguant qu’autres choses. Je traverse la petite porte à côté du bar et me retrouve dans le vestiaire des femmes. Pendant que je me lave les mains, j’entends le bruit des claques qu’on donne à un quelqu’un qui hurle de douleur, j’arrête tout et marche vers la porte avant de regarder par le judas. Je reconnais un des types dans les canaries et comprend par les échanges qu’ils sont deux et qu’ils sont en train de massacrer un mec que j’ai du mal à voir parce qu’il est entre eux. Je fronce immédiatement les sourcils et couvre ma bouche pour ne pas me faire remarquer. Tout en moi passe en mode panique.


Type 1 (le frappant au rythme des mots) : tu viens foutre quoi dans le vestiaire des femmes ?  


Le mec protégeant son visage : rien, je m’étais trompé de vestiaire.


Type 2 : c’est écrit en grand caractère « femme » tu es aveugle, c’est ça ? 


L’autre lui met une balleyette ce qui le fait tomber sur ses fesses. 


Le mec : aieuuhh !!! 


Type 2 : FERME TA GUEULE !!


Silence...


Type 1 : mais parles !!!


Le mec  :  j'ai... euhh je n’ai pas vu, je vous jure que je n’ai pas lu l’inscription.


Type 1 : tu nous prends pour des cons ?


Ils lui donnent des coups de pied simultanément et le mec a commencé à saigner de l'arcade et du pied.


 Le mec (se tordant de douleur) : arrêtez, je vous en prie. Je vais parler, mais ne me frappez plus.


Ils le laissent un moment pendant lequel il se laisse tomber sur le sol en se tortillant de douleur.


Type 1 (lui donnant un coup de pied) : parle ou je te donne le coup de pied qui tue.


Le jeune homme (à bâton rompu) : j’ai suivi la fille, la blanche, oui oui elle. Je l’ai suivie. 


Type 2 : tu la suis pourquoi ? 


Type 1 (une claque dans le dos) : il t’a posé une question !


Le jeune homme : je voulais lui parler !!


Type 1 : tu veux lui parler de quoi ? Vous vous connaissez ?


Le jeune homme : non non, elle me plaisait juste.


Type 2 (l’attrapant par le col) : tu restes loin d’elle, tu as compris ? La prochaine fois que je te verrai tourner autour d’elle, je t’envoie directement à Adétikopé (cimetière).


Le jeune homme : je m’excuse, je m’excuse. Laissez-moi partir s’il vous plaît.


Type 1 : vas-y et qu’on ne te revoit plus à courir derrière la femme d’autrui.


Là, je sors, s’en est trop pour moi.


Moi (regardant le jeune homme partir) : euhhh je peux savoir qui vous êtes ?


Type 1 claquant ses mains : désolé madame pour l’intrusion dans votre intimité, monsieur nous a chargé de votre sécurité et c’est ce que nous nous attelions à faire.


Moi (plissant le front) : c’est qui monsieur ? Vous vous trompez de personne.


Type 2 : si, monsieur Joe NOUMONDJI. Nous sommes chargés de vous surveiller depuis un bon moment.


Boummm !! 


C’est mon sang qui vient de faire un tour dans mon corps.


Je dessaoule directe et les dépasse en grande enjambée sans faire attention à ce qu’ils disent derrière moi, j’arrive à notre table et prends juste mon sac avant de foncer vers la sortie suivie d’Austine qui essaie de comprendre ce qui se passe.


Austine ( essayant de suivre mon rythme) : mais tu vas où ? Qu’est-ce qui se passe ?


Moi regardant droit devant moi : chez Joe, il faut qu’il m’explique deux ou trois choses.


Austine : attends que je te dépose, on doit d’abord payer l’addition.


Moi : je prends un taxi !!


Aussitôt dit je m’arrête au bord de la voie pour guetter un taxi.


Austine : dis-moi au moins ce qui se passe !


Moi essoufflée : après Aus, après, là je suis juste en colère.


Les deux types arrivent à notre niveau.


Moi vociférant : vous vous tenez loin de moi. Très loin de moi vous avez compris ?


Eux : ce sont les consignes madame.


Moi : tssrr madame my Ass.


Austine : mais enfin, Cyntia dis moi ce qui se passe, enfin, je….


Je n’entends plus ce qu’elle dit parce que le taxi dans lequel je suis rentrée, vient de démarrer.


Amour & Raison