La Brigade des antennes

Ecrit par Liseur

-          Qu'est-ce qui lui prend à cette pu…. de télévision ? Juste à l’heure des informations. C’est plus une vie celle-ci, si on ne peut plus suivre les informations à la télé.

 

C’est Monsieur Nédanécran père, qui vient de tempêter  ainsi. Il est en rogne.  Quand Monsieur Nédanécran père est dans cet état, le tympan du voisinage souffre. Car, lorsque Monsieur Nédanécran Georges se met à crier, même les meubles tremblent.

 

Moi, je m’appelle Phil Defer. Sans rapport avec mon patronyme. Je suis un fil de fer un peu rouillé, peut-être, mais en parfait état. Je logeais dans un débarras chez les Nédanécran. Puis un jour, Monsieur Nédanécran, pas Georges mais le père de ce dernier, est venu me chercher. Il m’a accroché à un moignon de l’antenne de son poste récepteur radio brisé. Depuis, je fais office d’antenne par défaut. A l’époque, la guerre sévissait partout dans le monde et on manquait de l’indispensable. Monsieur Nédanécran, le père de Georges, n’avait d’autre choix que ma solution pour ne pas être privé des nouvelles en provenance du front. C’est ainsi que je suis devenu le pont entre le front et la cave dans laquelle il s’était terré. Sa boîte magique était sa raison de vivre.  C’est à cette époque qu’il a dû refiler le virus des ondes à son fils. Que de drames, que d’acte de bravoures, j’avais rapporté ! Ce fut la belle époque. J’en ai, des fois, la nostalgie de ces moments d’activités.

 

Lorsque Georges a pris la succession de son père, je me suis retrouvé sous un tas d’autres vieux objets dans un réduit. Je n’ai eu droit à aucune reconnaissance de sa part pour les services que j’ai rendus à son père. De toutes les façons, les générations de récepteurs d’après-guerre ont eu raison du vieux poste radio et moi. Mais bien qu’étant oublié du monde, je continue à capter tout ce qui se passe chez les Nédanécran. Je suis, pour ainsi dire,  témoin involontaire de tous ce qu’ils vivent. Si bien que j’ai fini par les connaître tous comme si je les avais faits.

            Tenez, Monsieur Nédanécran, Georges, eh bien ! La première chose que vous remarquez lorsque vous le rencontrerez pour la toute première fois, c’est sa tronche. Il l’a comme ça. On dirait une gueule. A force de l’allonger à propos de tout et de rien il se l’est développé. Pour ne rien vous cacher, je pourrai vous dire que s’il gueule c’est pour compenser sa petite taille. Georges, il est tout en rondeurs avec une petite tête. Si vous ajoutez à ce tableau deux yeux globuleux et un double menton, vous aurez une parfaite idée du personnage.

 

-          Chéri, qu’est-ce qui te met si en colère ?

Cette voix, c’est celle de Madame Nédanécran. Modelie, de son prénom. Cette question, elle l’a déjà posée plusieurs fois à son Georges de mari au cours des quinze années de vie commune. Aujourd’hui, elle la repose un peu par réflexe tout en se doutant bien de la réponse.

 

           -   Figure-toi que les images se sont embrouillées juste au moment où Monsieur  Opposant s’apprête à prendre la parole. N’y a-t-il pas de quoi être en colère ? D’ailleurs, je vais chez Monsieur Suitou, d’en face, pour suivre les informations puisque c’est devenu chose impossible ici.

   -       C’est ça. C’est ça. Tu peux y aller. Surtout ne reviens pas avant 22 heures.

 

Et vlan ! La porte qui se ferme. Pour  être franc, Madame Nédanécran souhaitait intimement que son Georges de mari  ne s’implante pas devant la télé. Surtout pas entre 20 heures et 22 heures, créneau horaire de l’émission "la mode aujourd’hui". Le numéro du jour est consacré à Pacco Rapane, un jeune couturier qui ne cesse de s’imposer dans le milieu.

Modelie, elle fut, jeune fille, employée dans une maison de couture. Son travail consistait  à aider les modèles à enfiler leurs tenues. Elle a toujours pensé que n’eut été le manque de goût du public, qui n’admire que les filles sans chair sur les os, elle aurait pu faire une belle carrière de mannequin. En dehors de cela,  sa maternité n'a pas réussi à gommer les jolis traits de son visage. Aussi courte que son mari, avec des bourrelets de graisse autour de la taille. Une disgrâce qu’elle doit à sa boulimie. Ne pas manger équivaut à ne plus vivre, pense-t-elle.

 

« Quelle chance ai-je là. Cette interruption, c’est le bon Dieu qui me l’envoi. Pourvu qu'à l’heure de mon émission tout rentre dans l’ordre ».

Voilà la pensée qui animait Modelie. Que cela ne vous étonne. Je ne capte pas que les ondes hertziennes. Je peux aussi lire la pensée des gens à des kilomètres à la ronde. En réalité, je vous le dis, Madame Nédanécran ne doit ni à Dieu ni à la chance cette panne. Mais plutôt aux événements qui se sont déroulés sur le toit de leur immeuble quelques minutes plus tôt.

 

            Zéro-Un est un facteur de profession. Il avait quitté le parlement où est installée l’unité mobile de La Chaîne 2 pour rejoindre Tubekatodic. Il lui a fallu 0.6 microsecondes à une fréquence de 210 Mhz pour accomplir son trajet. Soucieux d’arriver frais comme un gardon, il a fait escale chez SAT et LYTE les restaurateurs de l’espace, qui exerçait auparavant à Kourou en Guyanne.

            Zéro-Un s’apprêtait donc à livrer son message à Tubekatodic,  l’antenne réceptrice de Montretou la télé des Nédanécran. C’est alors qu’il a été entièrement pulvérisé par une décharge d’anti Zéro-Un.

L’auteur de cet ondicide  n’est autre que Parabole. Lui c’est le Caïd du  toit. Il arrose Transmetou, la télé des Suitou d’en face. C’est aussi un agent de la CIA. Pas celui que tout le monde connaît, mais le Centre D’Interdiction d’Accès. Puissant organisme de lutte contre les ondes en opposition à la direction du vent.

 

            Zéro-Un doit sa fin tragique au contenu de son sac postal.  En effet, il transportait l’allocution de Monsieur Opposant, chef du PEF, Entendez, Parti des Eternels Fâchés. Le discours qu’il éructait au parlement vouait aux gémonies tous les partisans du sens du vent. Le vocabulaire connu de tout le monde dont il use ne pouvait laisser aucune chance de survie à Zéro-Un. Le défunt était fortement colorer au couleur de l’opposition.

J’ai assisté impuissant à ce drame qui a fait un mécontent et une heureuse chez les Nédanécran. En effet, c’est avec un sourire large d’une oreille à l’autre que Madame Nédanécran s’est assise face à Montretou pour suivre son émission. L’interruption a duré une heure. Le temps qu’il a fallu à Monsieur Opposant pour respecter la tradition du discours fleuve.

 

Aussitôt qu’elle a fini de trouver la position la plus confortable dans le canapé que la présentatrice de l’émission démarra :

            - Bonsoir chers téléspectateurs et chères téléspectatrices. Bienvenus sur votre émission préférée « la Mode Aujourd’hui ». Comme nous vous l’annoncions depuis la semaine dernière, ce soir, c’est le grand soir. Le soir de Pacco Rapane. Aux dires de certains, ce sera la collection de la saison. Pacco Rapane, pour ceux qui ne le connaissent pas encore, est le jeune couturier qui ne cesse de monter. Nous lui souhaitons de tout cœur de ne pas rencontrer dans son ascension, un trou noir. Chers téléspectateurs et chères téléspectatrices, trêves de bal bal, voici la collection, la bien-nommée "Dans le Vent".

 

            Aussitôt après cette annonce, commence à défiler sur l’écran, des filles au corps de liane. Toutes ont fait vœux de diet, et de fitness et ont également renoncé à toute pudeur.

Modéléie Nédanécran est émerveillée par le spectacle. Son sourire s’est tellement élargie qu’il risquait, au comble de sa satisfaction, de lui sectionner la tête. Il en faut plus que cela pour émousser son attention. Son excitation n’a fait que croître durant le spectacle. Elle n’a pu tenir en place. Depuis son siège, elle applaudit comme si elle était dans la salle du spectacle. Elle injurie, blâme, félicite, licencie et recrute des mannequins.

A l’instant où la star des planches, la belle Fanta Diallo allait défiler,  le sinistre bruit chiiit, chiiit, qui précède généralement une indisponibilité de Montretou se fit entendre. Elle croisa les doigts. Il faut surtout pas que l’écran s’éteigne avant qu’elle ne puisse observer tous les détails de la robe du mannequin. Une pièce qui ne cache rien de l’anatomie de cette dernière.

 

Mais malgré ses prières, l’image vacille et disparaît. Madame Nédanécran a failli s’étouffer de dépit avec le gâteau qu’elle s’apprêtait à avaler.

 

 -      Mais Kêcekecê  que ce machin de truc. !! Ça ne vaut même pas un bidule.

Finit-elle par dire entre deux déglutitions. Elle a continué à maudire ainsi Montretou pendant deux bonnes minutes. Ces imprécations embarrasseraient un charretier. Heureusement pour Montretou, les images ont repris leur aspect normal. Sinon il aurait pu se retrouver avec quelques zébrures dans la bobine.

 

            Le responsable de ce désagrément n’est autre que Tubekatodic. Francophile bon teint. Tubekatodic comme son nom ne l’indique pas est un Français d’origine Yougoslave. Il a pu se faire une place au soleil grâce à l’avènement de la télévision francophone. Sa plus grande phobie : les ondes anglophones ! Il les combat, dit-il, pour la sauvegarde d’une identité culturelle. Selon son codage, Fanta Diallo se rapporte à « sweet sweet Fanta Diallo ».Le  titre d’un chant en anglais. Fanta Diallo est alors décodé comme un dangereux agent de la propagande anglophone utilisant l’arme fatale de la séduction de masse. C’est pour toutes ces raisons qu’il a décidé de censurer les images la qui se rapporte à sa personne.

 

            Madame Nédanécran, malgré tout, s’est satisfaite de celles qu’elle a pu voir entièrement. Leur numéro « l’échassier ambulant » a été parfaitement exécuté. Ce qu’elle ignore est que Tubekatodic a voulu aussi censurer Orphélie WINTER. Mais le commentateur ayant présenté le mannequin comme française, il s’en est abstenu. Son décodeur a décrypté le mannequin comme un agent en relation avec un chanteur francophone. Winter selon toute vraisemblance ne pouvait être qu’un pseudonyme. C’est à cela que Modelie doit d’avoir regardé la belle top-modèle,  férue de rap.

 

Lorsqu’apparu Naomi Campbell pour clôturer cette mémorable soirée, l’extase de  Modelie était palpable. Dès qu’elle l’a vu, elle s’est écriée au comble de l’excitation.

-          Je la connais ! Je la connais ! Nous avions fait un casting ensemble.

Elle n’a pu en dire plus. Un bruit de plat cassé l’a ramené à la réalité.

-          Qu’avez-vous vous autres? Allez-vous finir votre dîner en paix ? S’est-elle écriée en direction de Pompon et Pompette, les jumeaux, dernier nés de la famille, visiblement contrariée.

- Ce n’est pas moi  qui ai commencé. Lui Répond une voix avec un soupçon de morve. C’est Pompette. Elle dit que Kirikou n’est pas gentille. Moi j’ai dit ce n’est pas vrai et elle a renversé mon plat.

-          Je l’ai vu à la télé hier. Il avait un…..

Pompette a voulu se justifier. Mais elle fut interrompue par sa mère.

-          Assez ! Terminez-moi ce repas et allez au lit.

Le temps de les mettre d’accord, et il ne lui est resté qu’à entendre un "au revoir et à la semaine prochaine" qui a mis fin à l’événement tant annoncé. Elle prend avec rage la télécommande et éteint Montretout. Elle s’assied dans le divan et se met à tricoter en attendant le retour de son mari.

      Tard dans la nuit, alors que je m’étais profondément endormi, une conversation à bâton rompu m’a réveillé. Je me doutais bien de ce dont il pouvait s’agir. Souvent lorsqu’ils ne sont pas en activité, Râteau, Tubekatodic et Parabole se mettent à deviser à ne plus en finir. Je sais que vous vous demandez qui peut bien être ce Râteau ? Eh bien ! Râteau est un apatride. Il est au service du plus offrant. Il faut ratisser large comme il se plaît à le dire. Loufoque et sournois, il se moque souvent de parabole. Parce que ce dernier est exposé aux intempéries à cause de son dos large et voûté.

Ainsi donc, ces instants de pause sont le moment idéal des commentaires et critiques des émissions, journaux télévisé qu’ils ont eu à transmettre. Une sorte de SAV des émissions, si ce n’est un scoop ou une exclusivité détenu par l’un d’eux qui constitue le sujet de discussion.

J’ai reconnu la voix éraillée de Râteau et celle enrouée de Parabole. En effet, il s’agit bel et bien de ces deux-là. Des insomniaques comme il en existe plus. Je me suis mis à les écouter faute de pouvoir me rendormir.

-          La situation s’améliore dans la cuvette. Le Président vient de signer un accord de paix avec son éternel rival. Tu l’as appris toi ? Questionne Râteau.

-          Non. Je ne suis pas au courant. Mais je m’y attendais. Réponds Parabole un rien indifférent.

-          Comment cela ?

-          Le conflit armé entre les deux camps s’essoufflait. Il n’y a plus de livraison d’armes. Ce qui ne peut aboutir qu’à une pause des belligérants.

J’avoue que je ne suis pas étonné par cette logique de Parabole. Paraît-il que c’est l’un de ses aïeux qui a établi que la perte du temps impliquait celui de l’argent.

-          Moi, j’ai une confidence à te faire. Reprends Parabole.

-          Dit toujours ! Mes récepteurs sont dirigés vers toi. Lui dit Râteau, plus attentif que jamais.

-          J’ai appris en décryptant quelques câbles que j’ai piratées, que le fabriquant d’une célèbre marque de mitrailleuse s’apprête à lancer un tout nouveau modèle plus performant.

-          Et alors ? Quel est le lien avec la situation dans la cuvette ? Interroge Tubekatodic apparemment curieux de savoir.

-          Ce n’est pas difficile à deviner. Les parties en conflit attendent le nouveau modèle pour relancer, de plus bel, les hostilités. C’est l’attente qui est consacrée par le cessé le feu décrété avant-hier.

A ce jeu, je vous le dis, Parabole est imbattable. Je n’en veux pour preuve que ces exploits passés.

Il a été le tout premier à prévoir le génocide du Rwanda. A l’époque il criait sur tous  les toits qu’il ne fallait pas accorder foi aux organisations internationales pour éviter le drame. Dommage ! Personne n’a voulu le croire.

A présent, sa réputation est bien établie. Nombreux sont ses collègues, antennes, des autres toits qui viennent le consulter à la veille des grands événements. C’est ainsi que quelques années auparavant, alors que toutes les agences de presse étaient à l’affût de scoop à l’occasion  de l’élection du nouveau secrétaire de l’ONU, lui, il avait déjà pronostiqué Koffi ANAN. Je ne vous dis pas quelle fut la surprise des émetteurs lorsque  la nouvelle a été enfin officialisé.

Lorsqu’on l’interrogea su sa perspicacité, il a tout bonnement répondu qu’aux vues des nombreuses menaces géopolitiques de l’époque, la patate chaude ne pouvait être refilée qu’à un noir.

 

Par contre, selon certaines indiscrétions, il faut plutôt chercher la raison de son sens de l’anticipation dans ses origines. Il a dû hériter ce caractère de sa mère.

 Une Bulgare immigrée aux Etats-Unis avec comme seul bagage sa boule de cristal. Elle avait parmi ses clients des agents de la NASA : Nouvelle Application des Services Aéronautiques. Ceux-ci venaient tous chez la diseuse de bonne aventure pour s’enquérir de ce que le sort leur réservait. Ils étaient tellement assidus qu’un des leurs a fini par tomber sous le charme de la Bulgare. Parabole  est le fruit de leur idylle.

 

Parabole quant à lui, certains soirs, grisé par un excès d’onde, confiait à ses amis de l’agence de presse Ast & Royid que ces dons lui venaient des comètes de passage ;  qu’il lisait les l’avenir dans leur trainée. Ils en étaient à leur papotage quand Morphée m’a repris dans ses bras.

            Le lendemain de cette nuit, c’est Juliette qui fut à l’origine de mes premières ondes captées. Elle est l’aînée des quatre enfants de couple Nédanécran. Sa vie est rythmée par ses deux passions : Sa collection de romans à l’eau de rose et ses feuilletons télévisés. Même un tremblement de terre n’arriverait pas à lui dérocher le nez de l’écran à l’heure de diffusion des télénovélas.

-          Tu m’éteins cette télé et tu regagnes ton lit à la quatrième vitesse. Lui dit sa maman en vociférant.

Malgré la menace, Juliette lui répond en marmonnant.

-          Mais maman, je me sens déjà mieux.

-          C’est ça. Tu te sens déjà mieux. Qu’est qu’il ne faut pas entendre. Ce matin tu ne voulais pas quitter le lit pour aller à l’école. Tu prétendais être grippée à mort. Et voilà qu’à l’heure de la diffusion de ces bêtises, tu es guérie comme par miracle.

-          Puisque je te le dis maman.

C’est là toute la défense d’une fille à qui on reproche d’avoir séché les cours pour suivre son feuilleton préféré. Malgré la colère de sa mère, Juliette a passé le reste de la matinée face à Montretout. Tant et si bien qu’elle s’est endormie la télécommande dans la main. La joie de pompon et pompette était indescriptible lorsqu’ils découvrent ce tableau.

-          T’as vu ce que je vois ? Demande Pompon à sa sœur en roulant ses yeux malicieux.

-          La télécommande ! Pour une fois qu’elle est à notre porté à l’heure de diffusion de « Zig-ouille ».

Les jumeaux n’ont eu aucune peine à dessaisir leur sœur de la télécommande et à se brancher sur la chaine AZ Carton.

Ils étaient entièrement absorbés par les images lorsqu’une voix que vous connaissez déjà a tonné.

-          Donnez-moi immédiatement cette télécommande. Vocifère le père Georges tout menaçant. Je ne mets pas cinquante balles tous les mois dans le câble pour que vous regardiez ces cochonneries. Il faut que je trouve un moyen pour vous empêcher désormais de regarder cette chaîne.

-          Mais papa ! Hasarde Pompon.

-          Pas de mais. Changez de chaîne ou donnez-moi la télécommande. La voix de Monsieur Nédanécran reflète sa détermination.

-          Ce n’est pas facile d’être un enfant. Seules les grandes personnes ont le droit de faire ce qu’ils veulent. Dit Pompon à sa sœur qui l’approuve en hochant la tête.

« C’est dur, dur d’être un bébé » Depuis que leur congénère de star a chanté cet air, ils pensent que le seul moyen de se reposer des peines que leur causent les grandes personnes est de regarder des dessins animés. S’étant rendu compte qu’ils ne peuvent fléchir leur papa, les jumeaux changent de chaîne.

-          Regardons alors AD Cartoon. Suggère Pompette.

A cet instant, estimant qu’il n’y a plus rien d’intéressant, j’ai mis mes capteurs en veille. Ce n’est que dans l’après-midi que je les ai remis en service à cause d’une activité vocale élevée dans la maison.

La raison n’est autre que Zidane Nédanécran qui revient du lycée très en colère. En réalité, il s’appelle Christian. Mais depuis Zinedine Zidane est devenu Zizou, il rêve de devenir aussi célèbre que son idole. Il s’est approprié le prénom comme prélude.

Il jette son cartable, se pointe devant sa maman et lui demande à brûle pourpoint :

-          Dit maman, j’ai l’air de quoi ?

Quelle drôle de question ! Tu veux que je te dise ? Tu as l’air de mon fils. Lui répond sa maman ne comprenant pas trop où il veut en venir.

-          Tu n’y es pas du tout. J’ai l’air d’un con. Voilà de quoi j’ai l’air.

-          Qu’est qui te fait dire cela ? Interroge sa maman.

-          Figure-toi que j’étais le seul au bahut à ne pas savoir que c’est Donovan Berley qui a remporté l’épreuve du cent mètres plats d’hier. Je me demande ce qui s’était passé avec la télé.

 

Moi Phil, je peux vous dire ce pour quoi Zidane avait entendu le nom d’un autre coureur au lieu de celui du Canadien.

 

Certains messieurs de la CIA s’étaient mis en idée que leur pays était le seul digne de détenir le record du monde sur la distance. Pour la cause, d’importants moyens ont été déployés pour le faire croire au monde entier au cas où leur athlète ne parviendrait pas à en donner la preuve sur la piste. Tous les agents en activité et ceux en réserve ont été mobilisés. Et comme c’est un pays qui fait toujours les choses en grand,  des agents de pays ennemis ont été retournés. Parmi cette dernière catégorie se trouve Râteau.

 

            Râteau avait été discrètement contacté quelques jours plus tôt par Monsieur Jy Rouaite,  le spécialiste de ces genres de missions. Jyro pour les intimes,  entre autres occupations indique le sens du vent à la NASA. Il a offert un sac de billet vert à Râteau pour qu’il accepte de jouer le rôle du traite.

 

            Râteau avait reçu pour ordre de s’arranger pour diffuser dans les foyers, l’image de leur athlète remportant la course quand bien même il ne serait pas arrivé en tête. Ainsi, lorsque Donovan a remporté l’épreuve, Râteau a converti Un-Un-Zéro, le facteur qui transportait l’onde, en Zéro-Zéro-Un. C’est là l’histoire de la manipulation dont Zidane a été victime.

 

            Tubekatodic, quant à lui,  n’est pas du genre à travestir l’information. Son hobby, c’est le chant. Il fredonne à tue-tête des refrains populaires. Par contre,  un matin, je l’ai surpris dans tous ses états. Il pleurait à chaude larmes. Les Serbes ne pleurent pour rien, j’ai ouï dire. Il était très bouleversé. Le fait est assez poignant pour que je vous le raconte.

- Que t’arrive-t-il ? Lui ai-je demandé, à mon tour gagné par l’inquiétude.

- Je suis très triste m’a-t-il répondu l’air maussade.

- Et d’où vient que tu sois si triste toi qui égaie les toits ? Insistai-je pour en savoir plus.

 

C’est alors qu’il me raconta une histoire invraisemblable. Un drame déchirant qui a eu pour scène, l’autre bout du monde. La télévision nationale de ce pays lointain, a proposé à Tubekatodic d’en faire la diffusion dans le monde francophone. Tubekatodic se trouve devant un dilemme Shakespearien. Répandre la tristesse dans les foyers, ou refuser l’offre. Dans le second cas, l’histoire risque de ne pas être médiatisée. Tels  sont les termes de la question à laquelle le brave récepteur doit répondre.

Je vais vous reporter l’histoire telle que Tubekatodic me l’a relatée par une succession de "Zéro-Un :

 

« Paule-Marie était une fille d’une grande gentillesse. Elle est née dans une famille plutôt pauvre que riche. La vie n’était pas gagnée d’avance. Il lui fallait arracher, à chaque jour que Dieu fait, le droit de vivre le lendemain. Elle grandit ainsi jusqu’à l’âge de l’adolescence.

Les durs labeurs auxquels elle était astreinte n’ont pas réussi à dégrader le naturel de sa beauté. Ce qui fut remarqué par nombre hommes. Parmi eux, le plus pressant était aussi celui qui avait le plus de grâces à ses yeux. Imaginant la vie plus facile à deux, c’est tout naturellement qu’elle accepta la perspective que lui offrait l’homme.

Après quelques mois d’une relation intense, Paule-Marie tomba enceinte. Cet évènement fut source de joie pour elle et pour ses parents. Le mariage fut vite programmé. Il se déroulera dès l’accouchement du bébé. Au terme de la grossesse, Paule-Marie fut conduite dans une clinique non loin de son domicile. On y accouchait bien, lui avait-ton dit. De toute manière, elle n’avait pas le choix. Le  travail fut subit, et le bébé était plutôt du genre pressé.

Lorsqu’elle se présenta, on lui annonça que la sage-femme titulaire n’était pas présente pour raisons personnelles, toutefois, son assistante pouvait aussi bien faire l’affaire. Mais ce qu’elle ignorait est que la prétendue assistante n’avait aucune des qualités requises pour exercer. Cette dernière avait la conviction que la meilleure manière de délivrer une parturiente consiste à tirer le bébé de toutes ses forces en le tenant fermement par la tête. C’est ce qu’elle fit dès que Paule-Marie s’est mise à pousser.

Au lieu de sortir entièrement le bébé, l’accouchement bricolé s’est soldé par une tête dans la main de l’assistante et le reste du corps dans le ventre de la parturiente. Aux dernières nouvelles, on raconte que Paule-Marie, tous les soirs, quitte sa maison et va errer dans les rues de la ville à la recherche de son enfant. »

 

Bouleversé, j’en perdis une partie de mes capacités de captations d’ondes hertziennes. Depuis lors, Je n’entends plus que des bribes de conversations. Rien qui puisse être relaté avec cohérence. Bientôt, je serai définitivement hors-service. A moins que Monsieur Nédannécran, Zidane me restaure un jour. Quien sabe ?

La brigade des anten...