La débâcle

Ecrit par Farida IB


Fulbert….


Maely : Berty ?


Je décroche mon regard du point que je fixe sur le mur depuis plus d’une heure perdu dans mes pensées pour les poser sur elle.


Maely : tu viens te coucher ?


Je hoche lentement la tête en me relevant. Ce qui n’est pas une tâche facile, mes jambes se sont engourdies à force d’être resté sur place pendant des heures. Une fois debout, je ramasse mon téléphone en suivant Maely dans la chambre.


Maely dans le lit : chou, je veux bien comprendre quelque chose.


Moi avec humeur : Wataklassou laisse-moi économiser ma salive, nous en avions longuement discuté. Tu ne comprends jamais rien toi, même en frappant ta tête avec un marteau, tu ne comprendras pas donc à quoi bon ?


Elle me regarde offusquée.


Moi me radoucissant : c’est bon, que veux-tu savoir ?


Maely ravalant sa frustration : comment s’y est-elle prise ? C’est quand même ton argent, ton compte alors comment elle a pu le vider ?


Moi : c’était un compte joint (elle me regarde) ça veut dire que nous étions tous les deux détenteurs de ce compte. Des co-propriétaires en français facile. Et aussi cet argent, je l’ai obtenu en partie grâce à elle. C’est elle qui s’est sacrifiée pour que je devienne cet homme que je suis aujourd’hui alors ça lui appartient tout autant qu’à moi.


Maely : ah euh, c’était donc ça que  ta locatrice criait haut et fort là. Mais elle est quand même culotté celle-là, cracher sur le visage de son propriétaire en le traitant d’infidèle ingrat. Non mais quel affront ! D'ailleurs je me demande d'où elle tient cette histoire.


Moi : la locatrice comme tu l’appelles, c’est ma belle-mère. La tante à Eunice.


Maely : euh (fronçant les sourcils) tu l’héberge alors ? Mais Berty, tu déconnes inh.


Moi : surveille ton langage jeune fille, je peux être ton grand-père.


Maely : excuse-moi, mais je ne peux admettre que tu héberges la famille de ta femme !


Moi : comme tu as pu le constater, elle loue l’appartement comme tout le monde dans cette maison. Ma femme est très stricte sur ce genre de choses.


Maely faisant la moue : je suis sure que tu lui fais une faveur, n’essaie pas de me dire le contraire.


Moi haussant la voix : Maely ne m’énerve pas, ne la ramène pas  ok ? D’ailleurs de quoi je me mêle ? Tu…


Maely ton conciliant : ce n’est pas la peine de t’emporter, j’essaie simplement de te dérider.


Moi : tu t’y prends vraiment mal.


Maely voix sexy : c’est sûr ! (bougeant sur ses fesses)


Moi : jeune fille reste où tu es, je ne suis pas d’humeur pour le moment.


Elle soupire et se recouche en fixant des petits yeux sur moi. Je me retourne juste pour bien lui donner mon dos en éteignant la lampe de chevet. Dites-lui de ne même pas m’énerver ce soir. J’ai déjà trop de problèmes. C’est un carnage les amis, un véritable coup d’Etat jamais orchestré auparavant. Je suis un peu plus certain que dame Eunice veut ma déchéance, ma mort pour tout dire ! Vous connaissez la dernière ? Certainement, mais je vous le dirai quand même ! Elle s’est appropriée tous mes investissements, du tout au tout. J’ai senti la morsure de la vengeance jusqu’à mes tripes en faisant le tour de mes propriétés et PME. Je ne fais que ça depuis hier, dans l’espoir de récupérer mes avoirs de ce côté-là afin de les sécuriser. Mais non ! Elle a été plus rapide que moi, cela, sur tous les fronts. C’est qu’elle n’a pas fait les choses à demi-mesure. Partout, j’ai été accueilli avec froideur et tous ont été unanimes :


Locataire : madame a dit qu’on devait envoyer les loyers désormais sur son compte, je l’ai fait la semaine dernière. 


Gérant quincaillerie de Tokoin : patron, maman est passée récupérer la recette du mois. Elle a dit qu’elle sera la seule à s’en charger maintenant.


Denise (sa tante) : je ne te donne rien Fulbert (me montrant les billets) voici ton argent, mais c’est à Eunice que je les remettrai. (en patois) Infidèle notoire, ingrat ! Chuan nawoo !! (injures) On t’a vu ici, on a tous vu le bras cassé que tu as été pour elle. Doris (la mère d’Eunice) a parlé ohh, elle avait prévenu Eunice ! Dans cette vie, on ne prend pas un homme en charge ! Un pauvre, tu le laisses pauvre. Parce que dès que la vie commence par lui sourire, il retourne toujours sa veste. C’est à ce moment qu’il te trouvera tous les défauts du monde pour finir dans les bras (regardant Maely bien en face) des parvenues sorties de nulle part, venue jouir de ta souffrance d’hier. Voilà ça !


Après un quart d'heure à l’entendre me cracher sa haine, je finis par rentrer chez moi abattu, bouleversé, démoralisé. Je n’ai pas cessé de penser à tout ce qu’elle a dit. Une chose dont je suis sûre, c’est que ces paroles ont atterri à bon port, dans ma conscience.


J’ai essayé de joindre Eunice, mais ses numéros ne passent pas. Je suis partie chez nous trouver la maison déserte. Aucune trace d’elle et des enfants. C’est Marianne qui m’informe ce matin au téléphone qu’elle a voyagé. Madame est à Port-Louis, c’est bien. Qu’elle en profite, je l’attends ! 


Maely : que comptes-tu faire maintenant ?


Je me passe nerveusement la main sur le visage, en voilà une autre !


Moi : attendre d’avoir une discussion avec Eunice. 


Maely remettant la lumière : pardon ? Tu veux discuter de quoi avec elle ? Tu devrais être en train de porter plainte actuellement. C’est clairement du vol ce qu’elle a fait, du détournement pur et simple ! Tu ne peux pas la laisser s’en tirer.


Moi la fixant : ce que tu ignores tout comme certains, le vol entre conjoints n’est pas reconnu comme une infraction. Il ne peut à ce titre pas faire l’objet d’un dépôt de plainte, ni de poursuite pénales. Et même si c’était le cas Maely, tu voudrais que je porte plainte contre ma femme ? La mère de mes enfants.


Maely tirant la tronche : et moi donc ? Que suis-je pour toi ?


Moi regard appuyé : à toi de me le dire, il est dit que seule la femme connaît l’identité du père de l’enfant qu’elle porte. 


Maely blêmissant : que veux-tu insinuer ?


Moi : tu as très bien compris Maely, dis-moi qui c’est le père de tes enfants.


Maely fuyant mon regard : tu veux que ce soit qui d’autre à part toi ? Je n’ai couché qu’avec toi cette année !


Moi : regarde-moi, tout à coup, tu as perdu ta consistance ? Regarde-moi bien et dis-moi ce dont il advient de ton misérable petit voyou qui m’a attaqué en boite l’année dernière.  Penses-tu peut-être que j’ignore que tu le vois en cachette ? Est-ce que tu me connais Maely ? Tu sais à qui tu as à faire réellement ? Tu le sauras ! Tu es encore ici avec moi parce que j’ai bien voulu t’accorder une présomption d’innocence, parce que quelque part, j’ai de l’estime pour toi. Si tu sais en ton âme et conscience que ces enfants ne sont pas de moi il vaut mieux que tu partes de chez moi maintenant où tu commences à réfléchir à comment tu t’y prendras pour me rembourser tout ce que j'ai investi sur toi. J'ai mis un point d'honneur à les enrober. Les voyages à travers le monde, tout ce que j’ai pu t’acheter un jour, les repas que je t’ai offert et le plus grave cette grossesse dont je m’occupe. Au moment venu, je te sortirai toutes les factures. 


Elle me regarde les yeux grands ouverts.


Moi : ah mais madame croyais quoi ? Je ne dépense pas mon argent en l’air, je souffre pour en gagner. Encore que je n’en ai plus. Tout ce qu’il me reste, c'est des dettes que je transmettrai à mes enfants qui les transmettront aux leurs. Alors si tes triplés ne sont pas de moi part déjà Maely. Va t'en si tu ne veux pas avoir affaire à la justice.


Maely : en tout cas, ce sont les tiens !


Moi : tant mieux alors vient que je les arrose.


Elle a semblé réticente, mais je ne lui ai pas vraiment le choix. Je ne me suis pas gêné à la prendre dans toutes les positions, même celle de l’araignée volant, de la mendiante au carrefour. C’est une coriace. Que dis-je elle est prête à tout pour de l’argent. Empreinte d'un goût exagéré au luxe, mais rien dans la cervelle. Zéro à zéro ! Quoi qu'il en soit, avec moi c’est donnant donné. Je sais où je retire tout ça, si elle pense que je lui ferai cadeau elle se fourre le doigt dans le cul. Je la secoue toute la nuit, au moins comme ça elle me fera des vrais enfants costauds comme leurs grands frères et sœurs. C’est à cinq heures passées d’une dizaine de minutes que je consens à nous laisser dormir. Je tombe tout de suite dans un sommeil profond pour me réveiller vers dix heures. Elle ne se trouvait nulle part dans la maison. Elle a vidé son placard et m’a chipé quelques ustensiles dans la cuisine. Tout a le mérite d’être clair.


Moi : elle est partie à quelle heure ?


Bertrand : très tôt matin grand patron, elle a pris taxi.


Moi : okay, prépare-moi la Nissan (tournant les talons) je sors tout à l’heure.


Bertrand : d’accord grand patron.


Je rentre dans la maison direction la salle de bain.



*** Au même moment ***



Debbie….


Moi : E….


Armel ton furieux : n’ose surtout pas.


Moi le provocant : lâche-moi El


Armel virant au rouge : Deb, je te jure sur la tête de ma fille…


Je tchipe même si j’ai plus envie de rire qu’autre chose. Je recommence à me débattre pour retirer mes mains qu’il emprisonne dans la sienne depuis près de cinq minutes.


Moi : orhh il faut que j’aille travailler.


Armel : tu ne travailles pas avant treize heures (resserrant ses doigts autour de mes mains) à treize heures, j’irai moi-même te déposer à ton rendez-vous.


Moi : mais je dois faire un tour au magazine avant (gémissant) tu me fais mal, arrêtes ! Laisse-moi partiiirrreeeee.


Armel faisant la grosse voix : tu cries sur qui ?


Moi : toi ! L’enfant Elli !


Alors qu’il est occupé à me jauger du regard, j’enroule mes pieds autour de ses jambes et roule sur ma droite en l’entrainant avec moi de sorte à pouvoir retirer mes mains. Il les maintient fermement en faisant une roulade pour se retrouver à nouveau penché sur mon visage.


Armel : tu veux forcément que j’emploie la force ?


Moi le ton rieur : pardon, je te jure (rire)


Armel levant le sourcil : qu’est-ce qui te fait marrer ?


Je ris un bon coup avant de répondre sérieuse.


Moi : bon, ok temps mort. C’est quoi le problème ?


Armel : il n’est pas question que tu prennes cet appartement, on n’est pas bien là ? Pourquoi tu veux partir ?


Moi morte de rire : mais ce n’est pas le mariage non plus inh monsieur. (faisant un mouvement de tête vers ma bague) Ça là ce n’est pas une alliance de mariage, c’est une simple promesse. 


Armel : c’est juste une question de temps.


Moi : non Mel (secouant la tête) ça ne va pas le faire, ce n’est pas le moment. Tu nous vois convoler en justes noces avec toute cette tension qui gravite autour de nous ?


Armel : de quelle tension tu me parles ? Si ça ne tenait qu’à moi, la présence de ma mère seule suffit, mes oncles et mes tantes n’attendent que mon ok pour faire bouger les choses.


Moi : tu oublies mes parents peut-être ? 


Il me regarde.


Moi : tu vois bien que j’ai raison. 


Il me jette un regard réprobateur en soupirant en même temps que moi. On se regarde ensuite un long moment sans dire un mot. C’est lorsque j’intercepte son regard dévasté que je me rends compte que ma décision le touche plus que j’en avais conscience.


Moi brisant le silence : tu me lâches ?


Il hoche lentement la tête avant de libérer mes mains et de descendre pour s’asseoir sur le lit en jetant sa tête sur le montant pendant que je me redresse en repliant mes pieds sous moi et joins mes mains croisées sous mon menton.


Moi : qu’est-ce que tu préconises ?


Armel se tournant vers moi : reste ici.


Je remue la tête en guise de désapprobation.


Armel : retourne alors en famille.


Moi : ne revenons pas sur ce sujet s’il te plaît, ma décision est irrévocable.


Il me coule un regard puis soupire. De mon côté, je me passe la main sur le visage, désarçonnée. Je ne sais pas si c’est bien le mot, à vrai dire, je ne sais pas où j’en suis. En principe, je voulais me prendre un appartement, car cela ne rimait à rien que je pars de chez moi voulant "punir" ma mère pour habiter juste en face d’elle. Encore qu’à ce moment-là mes cadets défilaient ici comme ils voulaient pour prendre leur argent de poche, réclamer des sous pour des documents, Caroline et Junior leurs en-cas matinaux. Ensuite, j’ai voulu prendre cet appartement afin d’héberger Diana. Nous nous sommes croisées après son coup de fil lundi dernier, elle voulait me parler. En grosso modo, elle s’est retrouvée sur la paille faute de travail au point où son bailleur la menace de vider les lieux. Dans l’un ou l’autre cas, votre type n’est pas d’accord pour me laisser m‘en aller.


 Comme je disais, je me suis installée ici depuis le retour d’hôpital de sa mère. L’objectif était de tenir les rênes de la maison le temps qu’elle se rétablisse. Là, je pense qu’elle l’est déjà, elle va même plus que bien. Elle rentre demain de son voyage, nul doute qu’elle en a bien profité. Nous avons reçu des photos avec des sourires rayonnants tous les jours. En ce qui concerne son fils et moi, nous vivons dès lors un semblant de vie de couple. Qu’est-ce je dis, nous ressemblons déjà trop à un couple marié. J’ai même ma petite routine, un emploi du temps de femme au foyer quoi. À savoir se réveiller tous les matins aux aurores prendre soin de mon homme, de la maison avant de partir au boulot, et le soir m’occuper encore de mon foyer. Ah ! Il ne reste plus qu’il me colle sa fille (il est même sérieux avec cette histoire) pour me garder prisonnière ici ; pas question que ça arrive. Je veux impérativement qu’il m’honore devant Dieu et les hommes avant de concevoir un enfant ou de m’installer avec lui. Ça a toujours été important pour moi de suivre l’étape conventionnelle, et l’histoire de mon père est venu renforcer encore plus mes convictions à ce sujet. Le problème, c’est que nous ne pouvons pas nous le permettre en ce moment. Vous le savez sans doute que c’est plus que jamais la guerre entre ses parents et les miens ne sont pas en reste. Il faut que je vous dise que ça chauffe dans la maison voisine. Aussi surprenant que cela puisse paraître, dada refuse de reprendre papa tant qu’il n’aura pas divorcé de sa Mari-Brigitte et officialiser avec elle. Il faut dire que j’ai forcé le daron à s’expliquer avec elle comme ça a été le cas avec moi. Je pensais qu’elle allait l’accueillir à bras ouvert vu que c’est tout ce qu’elle a espéré toute sa vie. Mais non, elle l’a bonnement donné un ultimatum. Tout ce remue-ménage, aller jusqu’à prendre une grossesse pour finalement le renvoyer vers cette femme lorsqu’il revient de lui-même. Franchement, j’ai du mal à suivre ! 


Quoi qu’il en soit, il a l’air décidé à changer les choses. Il a plutôt trouvé refuge chez l’un de ses cousins. Il n’attend plus que je lui trouve un avocat pour monter son dossier de divorce. Aussi, il prend régulièrement de nos nouvelles et depuis cinq jours les autres ont leur petit-déjeuner chaque matin. C’est bien tout ce que j’attends d’eux, qu’ils reprennent leur place de parents. Avec dada ça traîne encore, mais j’y veille au grain. J’ai coupé les ponts et fermer le robinet, même si j’ai les tout petits avec moi tous les jours. Ce n’est même pas comme si je faisais exprès, ma vie de couple m’accapare assez (tordant la bouche) les exigences du type-ci comme s’il avait même payé la dot à mes parents tchiipp. Je vis à son rythme, réglée comme une horloge et bizarrement, je me plais dans ce rôle. En fait, pour être honnête, j’ai pris goût de me réveiller un peu chaque jour à ses côtés, prendre soin de lui. Mon cœur se serre quand je pense à une séparation quoi que temporaire qu’elle soit. Vous comprenez le « je ne sais pas où j’en suis ». 


Moi (jouant avec les doigts d’Armel) : on trouvera bien une issue, pour le moment, je suis là.


Armel : Debbie, tu ne partiras pas d’ici, sache-le. À moins qu’on parte louer ensemble.


Moi souriant : mais c’est la même chose ! De toute façon, nous sommes appelés à nous installer ensemble une fois mariés, seulement pas dans cette maison. Pas avec ta mère.


Armel ton pressant : jamais !


Moi riant : au moins un point sur lequel nous sommes d’accord (dépliant mes pieds) bon, il faut maintenant que j’aille me préparer pour le travail .


Armel (me regardant les yeux plissés) : tu t’en vas comme ça là qu’est-ce que je mange ?


Moi plissant aussi les yeux : on vient de prendre le petit-déjeuner.


Armel : il est dix heures, bientôt midi.


Moi : ah, tu vas devoir te chauffer les restes du frigo, je ne peux plus faire la cuisine à cette heure. Je vais être en retard.


Armel : tu me fais déjà trop mangé des repas réchauffés, je veux manger ta sauce piquante au mouton comme celle que tu m’as faite la dernière fois.


Je lui lance un regard qui voudrait dire « tu es sérieux là ? » Il hoche la tête avec ferveur. 


Armel : il y a tout ce qu’il te faut dans la cuisine, ça ne te prendra pas plus d’une heure. 


Moi faisant la moue : qu’est-ce que tu en sais ?


Armel : j’ai dit que je t’aiderai.


Moi (grrrrr) : est-ce que tu sais que tu m’énerves quand tu fais ça ? Tu choisis trop bien tes moments pour me faire tes caprices.


Armel : tu mets quoi dans caprices ? Si je ne peux pas demander à ma femme de me faire manger ce que je veux, quand je veux alors je dois me poser des questions sur mon choix !


Moi le toisant : que tu m’as épousé où ? Quand ? Tchip !


Armel prenant un air menaçant : tu tchipes qui ?


Moi : toi !


Je pousse un cri, surprise lorsqu’il bondit promptement et se met sur moi en m’attrapant le cou.


Armel pinçant mon bout de sein : tu tchipes les galettes qui te servent de pieds. (s’attaquant à l’autre) Toi, je vais te botter un jour.


Moi : oui, c’est ça. Profite, profite.


Je frissonne lorsqu’il me fait un suçon dans le cou. Sa main bifurque sous mon tee-shirt. A priori son tee-shirt qui est devenu mien. Je le stoppe.


Moi : ah non non, pas maintenant. Si tu tiens à manger ton plat (retenant mon souffle) Oh !


Je lâche un soupir de protestation qui se transforme rapidement en respiration saccadée. Si vous voulez tout savoir, il est sérieusement en train de me brouter le minou et ce n’est pas pour me déplaire. Je me suis totalement offerte à lui quand il remonte les galettes qui me servent de pieds (rire) sur ses épaules. J’ai senti tous mes muscles pelviens se contracter alors qu’il souffle sur ma chair tendre avant de pincer mon bouton. Je vrille, complètement hors contrôle. Alors que je vois déjà les portes du paradis défilées devant moi, on entend des coups frappés contre la porte.


Moi serrant mes dents : ne t’arrête surtout pas, tu n’as pas (dans un râle) intérêt à t’arrêter.


Et pourtant ! Il se redresse en me lançant un regard goguenard.


Moi dans les vapes : quoi ? Qu’est-ce que tu fais ?


Armel s’en allant : bah, il y a quelqu’un à la porte.


Moi outrée : mais ?


Armel devant la porte : couvre-toi, je vais ouvrir.


J’ai pensé à une blague, mais lorsque je l’ai vu tenir la poigne dans sa main, j’ai foncé dans la salle bain en claquant la porte avant de lâcher un soupir de frustration. Je me rince en allant porter une tenue relaxe dans le dressing. Au sortir de là, je le retrouve sur le lit occupé à feuilleter ses notes. Je passe devant lui sans plus ni moins.


Armel posant ses yeux sur moi : c’était mon père, il voulait des informations sur son épouse. Il est reparti comme une furie quand je lui ai fait « elle a voyagé, je ne sais pas quand elle rentrera. Elle ne m'a rien dit ».


Je lance un long juron en refermant la porte, je l’entends s’esclaffer. Qu’il rigole bien, je sais où prendre ma revanche. Ce qui me plaît, c’est qu’il sait que la riposte sera rude (rire jaune) je ne lésinerai pas sur les bords. 


Je me suis inscrite pour faire mon master en ligne, les cours débutent qu'en janvier. J’ai juré jongler boulot plus cours du soir, c’est la mort. À la cuisine, je sors en flèche tout ce dont j’aurais besoin pour ma cuisson. Je mets ensuite la viande à décongeler dans le four micro-onde et entreprends de couper les légumes. Je n’ai pas à me déranger pour la marinade, j’ai de la coriandre sèche, du cumin, des feuilles de laurier et des épices qu’il a ramenés du Koweït. En plus de tout ça, j’ajoute du persil haché, du poivre, un mélange d’oignon et d’ail moulu, quelques centilitres d’huile d’olive, du bouillon, sel, poivre dans la cocotte. Je répartis bien la marinade sur les morceaux de viande et range ma louche pour m’occuper de la sauce tomate. 


Armel : finalement, tu te débrouilles bien sans moi.


Je sursaute en me retournant pour le voir adossé à l’encadrement de la porte les mains dans les poches. Ça lui donne une allure sexy comme ça, mais je ne m’attarde pas trop dessus et retourne à ma besogne.


Armel rire dans la voix : tu es fâchée ?


Je le toise du regard en tchipant. Il vient s’arrêter devant moi son sourire narquois niché sur les lèvres.


Moi : tu veux quel accompagnement pour ta sauce ?


Armel : ignames vapeurs, riz, attiéké, couscous, plantain bouillies (haussant l’épaule) tout ce que tu veux.


Moi bourrue : bah, décide-toi !


Il lève le sourcil et me regarde.


Armel : couscous (faisant demi-tour) tu m’appelles lorsque ce sera prêt.


Gneugneu ! 


J’ai dressé une belle table. Ce n’est pas, on a dit, il faut voir ! Une nappe en lin blanc, de la vaisselle assortie. Les couverts choisis avec soin et bien agencés, des couleurs en harmonie. Un bouquet de fleurs cueillis dans le jardin. J’ai sorti le vin tout ça. Non, je suis fière de moi ! 


Moi regardant Armel : tu ne manges pas ?


Il tourne encore une fois un regard circulaire sur la table et me regarde d’un air suspicieux.


Armel : goûte d’abord.


Moi riant doucement : tu n’es même pas un peu sérieux.


Armel consultant l’heure : tu perds le temps Debbie, goûtes ce plat. 


Ce que je fais.


Moi : tu doutes de tes aïeux Elli, pas de moi.


Je cours en riant quand je le vois quitter la table. Je file dans la chambre avant qu’il ne puisse me rattraper, j’étais déjà sous la douche. Il me coince contre le mur en me donnant de légères tapes qui mutent en caresse, nos souffles entremêlés. Enfin bref ! Je ressors de là le sourire aux lèvres en chantonnant, je dois avouer qu’il s’est bien occupé de moi. (souriant) Mais toujours est-il que je me vengerai de lui. Je me mets en mode working girl, je n’attends pas qu’il finisse de manger pour me déposer au magazine comme il le prétendait. Le type prend tout son temps pour manger avec son histoire de « A tout bon repas, tout honneur » (rire). Il a vraiment des choses ! Selon mon rituel désormais bien rodé, je me prépare un en-cas et mets le reste de la nourriture dans des tupperwares. Je vais dire au revoir à mon chéri et sors ma voiture en passant par la seconde entrée. J’observe une courte prière avant de démarrer.


Le même jour, après la visite chez mon père, nous avons fait le compte-rendu hebdomadaire à tata Mimi et j’en ai profité pour l’informer de la réticence des hommes à livrer leurs histoires. Alors elle nous a trouvé deux volontaires que j’ai laissé volontiers à Véronique. Bien évidemment, je l’ai tenu à l’écart de l’entretien exclusif avec mon père et je m’apprête à faire de même pour le couple Atayi tout à l’heure. En fait je l’évite tout simplement parce que lorsqu’on se retrouve pour travailler, elle passe son temps à triper sur mon couple. Ça me mal à l’aise qu’elle s’intéresse subitement tout à coup soudain à ma vie intime en mode nous sommes copines. Ah non ça ne va pas le faire, je me méfie à présent. Je n’ai pas envie de revivre l’épisode " tata Cassidy ". 


Une fois à Diane magazine, après avoir obtenu le feu vert de tata Mimi quant à la façon dont je compte mener mon interview, Véronique et moi embarquons pour la destination vers laquelle elle a souhaité que je la dépose. Puis je vais au lieu de rendez-vous. C’est dans la salle de réunion de ‘Vision’, la start-up de location de propriétés de Daniche située en plein centre-ville. Paterson m’a dit qu’il figure parmi les trente jeunes entrepreneurs africain les plus prometteurs cette année. Je suis toute excitée à l’idée de voir à quoi ressemble son Daniche dont il me parle tout le temps. Je me présente dans l’immensissime hall d’accueil à treize heures tapante. L’entretien ne commence que dans trente minutes, mais cela me permet de faire connaissance avec Daniche histoire de le mettre dans le bain. Un charmant jeune homme, la petite trentaine selon moi m’accueille avec une grande politesse et me conduit dans la salle avec la même courtoisie. Mes yeux s’arriment direct à l’iris marron clair du jeune à la silhouette mince et aux épaules larges, tout à fait charmant dans son costume sur-mesure qui discute gaiement avec Paterson qui est de dos face à la porte. Je devine que c’est notre Daniche, pas mal du tout. Il a bon goût Pati. 


Moi m’énonçant : salut.


Paterson suivant son regard : voilà Deborah !


Ils se lèvent tous les deux en même temps lorsque j’arrive à leur niveau.


Paterson : tu es en avance.


Moi : comme toujours !


Je m’approche de Daniche en les saluant.


Paterson souriant : c’est vrai (regardant Daniche qui l’interroge du regard) je pense que je n’ai plus besoin de vous présenter.


Daniche : non (me tendant la main) enfin, je peux mettre un visage sur  la Deborah.


Moi lui souriant : et moi je peux enfin voir le  Daniche !


Je l’ai dit en appuyant sur son prénom comme il l’a fait, il en rit.


Moi : c’est drôle, mais j’ai l’impression de t’avoir déjà vu quelque part.


Daniche : on me l’a fait plusieurs fois celle-là.


Paterson : c’est sûr à l’aéroport, à l’occasion de notre première mission. 


Moi haussant les sourcils : ah, c’était donc lui ?


Il hoche la tête pendant que Daniche m’indique un fauteuil.


Daniche : prends place, on te sert à boire ?  


Moi : de l’eau minérale merci.


Il parle à une certaine Kathy via l’interphone et à quelques secondes près,  mon breuvage arrive.


Moi : merci (posant la bouteille sur la table) nous pouvons démarrer l’interview si vous êtes prêt.


Paterson : pas encore, nous attendons une troisième personne.


Je lève des yeux surpris vers lui, néanmoins ça ne pouvait que me ravir. Je le remercie en prenant place dans le fauteuil que Daniche m’avait proposé. Nous engageons tout naturellement la conversation. Je découvre avec étonnement et soulagement qu’il est plutôt volubile contrairement à ce que Paterson laisse entendre. J’apprends qu’il se nomme en réalité Daniel Gadedjisso à l’état-civil. Ils sont superbement mignons dans leur genre. On sent la complicité, comme deux amis de longues dates. Lorsqu’arrive la troisième personne, nul autre que l’hôte d’accueil qu’ils me présentent comme leur ami en commun, nous allons nous asseoir ensemble près des baies-vitrées de la salle. Sans plus attendre, j’amorce l’interview en commençant par Paterson puisque sa pause tend vers la fin. Au début il était tout intimidé, incapable de construire une phrase sans tituber jusqu’à ce que Daniche saisisse sa main qu’il caresse. Il se détend alors et reprend plus sereinement.


Paterson : je me nomme Paterson Atayi, Directeur artistique de Diane magazine. Je suis l’unique enfant d’une famille qu’on peut qualifier de ‘’normale’’ toutefois avec des idéologies fortes figées. J’ai été élevé dans la perspective de toujours faire mieux que les autres ou alors de faire les choses différemment. En revanche, je dois toujours considérer mon prochain comme égale à moi-même ; je me dois d’être respectueux envers tout être humain quelle que soit sa classe. J’ai grandi avec ces valeurs figées dans mon cerveau. Mon père en tant qu’entrepreneur gagne très bien sa vie. Ma mère, quant à elle, est une femme d’affaire qui voyage sans cesse. Les deux étant occupés à remplir leurs comptes en banque me laissaient souvent sous la surveillance du personnel domestique qui avec le temps était devenus des membres à part entière de la famille. Ils assumaient tellement bien l’intérim que je ne ressentais guère l’absence de mes parents. Ma nounou était comme une mère pour moi, je la considérais plus que ma mère et elle me rendait tout autant cet amour. Notre gardien me couvait enfant, c'était également une figure paternelle pour moi. Il aimait bien m’offrir des sucettes. Mes parents n’aimaient pas que j’en abuse, mais avec lui, je pouvais me permettre de me gaver d’autant de confiserie que j’en avais envie. J'aimais bien dormir avec lui dans sa dépendance pour en bénéficier.


C'est ainsi qu'une nuit je me suis rendu chez lui quémander ma dose de confiseries. Il n'avait pas hésité en m'en offrir à foison. Des bonbons de toutes sortes, des chamallows, du chocolat, il y en avait assez pour débuter un commerce. Mon âme d’enfant de six ans était tellement heureuse que j’aie accepté sans hésiter le jeu auquel il voulait qu’on joue. Les principes étaient simples, je devais me laisser aller au plaisir des grandes personnes sans rien laisser fuiter. Mes parents ni la nounou ne devait rien savoir de tout ce qu’on allait faire cette nuit-là dans cette chambre et ainsi, j’aurai ma part de confiserie autant que je le souhaiterai. C’est donc avec les yeux pétillants d'un rêve à la Willy Wonka que je me suis allongé pour qu’il enfonce son zizi dans mon petit trou. Je me rappelle avoir lâché un cri proportionnellement à la vive douleur que j’ai ressenti malgré la douceur que me procurait la tablette de chocolat dans ma bouche. Cette nuit-là, il n’était pas allé plus loin dans son « jeu ». Par respect et par crainte pour lui, j’ai fermé ma bouche sur cet épisode même si j’ai commencé à le fuir. Mais dès qu’il m’a présenté un cortège de bonbons des semaines plus tard, je me suis laissé attirer comme une souris dans un piège. Ce soir-là, il y est allé avec une autre méthode que je ne saurais préciser pour me faire moins mal et il avait réussi son challenge. Je n’ai presque rien ressenti au point de manger tranquillement mes bonbons pendant qu’il prenait son plaisir à travers mon anus. Ça été notre rituel tous les soirs jusqu’à mes douze ans et jamais personne ne s’en est douté. Il prenait toutes les dispositions requises à savoir anticiper sur les maux de cette partie de mon corps et savait  surtout me faire taire. Notre gardien, je ne lui ai jamais connu une famille ou ne serait-ce qu’une femme. J’étais donc devenu sa ‘femme’ il montait sur moi à son bon vouloir et était même jaloux de mes copains d'école qu'il congediait à chaque fois que je les ramenais à la maison. Au fil des années, il ne prenait plus uniquement plaisir sur moi, mais m’en procurait également. Il m’apprit la branlette, tout ce que je sais sur le sexe, c’est grâce à lui. 


Puis arrive un jour où la nounou nous surpris en plein ’jeu’. Sur le moment, elle paraissait choquée, mais très vite elle nous rejoint pour un plan à trois puis alternant soit avec moi, soit avec le gardien et ce pendant plusieurs années encore. Mon calvaire, si je pus dire, a cessé lorsque ma mère a décidé de prendre une retraite anticipée pour être plus présente dans ma vie. J’avais dix-neuf ans à l'époque et j’étais déjà disons ‘foutu’. Je menais une vie de débauche et mes notes  à la fac dégringolaient. Mais plus j'étais indubitablement un accro au sexe empreint d’une orientation ambivalente. Je me sentais autant à l’aise avec les hommes qu’avec les femmes. J’ai essayé à un moment donné de ma vie d’être « normal » d’avoir une petite amie, mais mes démons prenaient toujours le dessus. Alors je la trompais avec un homme ou même d’autres femmes. Je ne savais pas me contenter d’une seule relation. J'ai mené cette vie jusqu’à ce que je rencontre Daniel  (ils se sourient) il est mon remède depuis deux ans. 


Daniche : autant pour moi.


Moi essuyant mes larmes : vous allez me faire pleurer davantage.


Paterson : lol, c’est du passé tout ça.


Moi : mais c’est trop triste.


Ils se regardent tous les trois et éclatent de rire.


Stéphan (prénom de l’hôte d’accueil) : c’est l’histoire la moins triste parmi les trois.


Moi ahurie : ah ouais ?


Eux en chœur : oui !


Stéphan hochant la tête en enchaînant : moi par exemple, j’ai été régulièrement violé et martyrisé par ma belle-mère, c’est-à-dire la femme à mon père. Ma mère était décédée quand j’avais trois ans et mon père n'a pas attendu une année pour se remarier à cette femme. C’était une femme gentille et avenante jusqu’au moment où mon père lui a passé la bague au doigt. Non seulement, elle abusait de moi, mais me privait également de nourriture. Elle me battait à sang très souvent avec une barre d’acier, me brûlait délibérément sans oublier les fractures, les morsures. Il lui arrivait de m’étrangler, de m’enfermer pendant des jours dans un placard, de me faire dormir avec les chiens ou me nourrissait avec leur restes, et ce, avec la complicité de mon père. Pour eux, j’étais un enfant maudit qui ne mérite pas de vivre. Par la force des choses, j’ai quitté cet enfer quand j’ai atteint la majorité cependant pour me mettre dans un autre, pire que celui-là. Comme premier amour, je suis tombé sur une perverse narcissique alcoolique de surcroit. Avec elle, j’ai vécu toutes les formes de violences, physiques, psychologiques, verbales, économiques, sexuelles. Elle avait réussi à me faire accepter mon titre d’enfant maudit. Sans compter le harcèlement scolaire, l’intimidation de mes camarades. Aujourd’hui, j’essaie de surmonter l’automutilation. À force de vivre constamment dans la peur, celle des femmes perfides, des personnes toxiques, j’ai commencé à avoir des pensées suicidaires. Mais ça va, je me fais suivre par un psychologue qui m’est d’une grande utilité. (regardant les autres) Et c’est grâce à ces deux-là si je peux parler de ce pan de ma vie sans ambages.


Moi : je vous dis merci en son nom.


Ils rigolent.


Stéphan : au passage mon nom, c’est Nimon Essoh Stéphan, 32 ans, standardiste à Vision.


Il veut ajouter quelque chose, mais Paterson l’interrompt.


Paterson : il est l’heure pour moi d’y aller, mais avant, j’ai quelque chose à révéler à Daniche.


Ce dernier plisse les yeux et le regarde.


Paterson : je n’ai jamais su trouver le meilleur moyen de le faire, mais vu les circonstances actuelles, je pense que c’est le bon moment.


Daniche plissant le front : vas-y je t’écoute.


Paterson déglutissant : sache que ce n’est pas contre toi, tu es génial, magique. En fait, comme je le disais, tu es mon remède depuis que nous sommes ensemble, tu m’as aidé à cicatriser mes blessures. Tu me rends meilleur chaque jour. (hésitant) Seulement, seulement que je ne me sens plus trop dans la voix que nous avons choisi tous les deux. J’aspire de plus en plus à fonder une famille et faire des enfants.


Sitôt un silence surgit dans la salle, Daniche le regarde avec une certaine perplexité. De même que nous à dire vrai.  


Daniche : tu me quittes ?


Paterson : je n’ai pas dit ça.


Daniche : mais c’est en perspective ?


Paterson : on en parle ce soir d’accord ? 


Il ne lui laisse pas le temps de répondre qu’il nous fait les bises avant de se hâter vers la porte. Le blanc qui s’est installé sur le coup perdure quelques minutes avant que Stéphan ne le rompt en nous prévenant qu’il retourne travailler. Daniche prend la parole des minutes plus tard et relate son histoire sans trop rentrer dans les détails. À l’instar de Fo-Yema, il ne s’agissait ni plus ni moins que de sa tante, la petite sœur directe à son père qui lui a fait subir des atrocités durant son enfance. C’est ce que je retiens de son récit à bâtons rompus. Paterson m’a gaspillé l’interview, quand je vous dis que c’est le jumeau de Mel. Ils ont vraiment l’art de choisir leur moment. La rencontre s’est néanmoins terminée sur une note positive, nous nous séparons sur la promesse de nous recontacter plus tard. Une fois assise au volant, je fais le point dans ma tête. J’avoue quand même que je suis très bouleversée par leur récit. Je ne savais pas que les rencontrer aurait pu réveiller si pleins d’émotions en moi. Ça me rappelle le cas de Caroline et Junior. On ne peut pas se montrer si odieux, barbare vis-à-vis d’un enfant, et même pour un adulte ! C’est tout simplement ignoble de faire subir de pareils outrages à son semblable. 


Tient ! En parlant de Fo-Yema, ça fait tout de même un bye que je n'ai pas eu des nouvelles de sa fille. Depuis notre battle au nightclub plus précisément. Si elle a compris qu'elle doit me laisser tranquille tant mieux.


Après ces trois heures chargées d’émotions, mais productive je rentre au magazine faire un mini compte-rendu à la patronna. Je rentre par la suite à la maison préparer le dîner pour Marianne et moi ensuite m’occuper de mon corps. Je me coule un bain dans lequel je me prélasse en attendant le coup de fil de monsieur, il travaille cette nuit. C’est son coup de fil qui m’arrache de mon bain après une bonne heure à en profiter. Aux environs de vingt-deux heures, je me faufile dans les draps en revoyant mon planning du lendemain. J’ai visite chez le gynécologue très tôt le matin puis boulot. Je pense pouvoir boucler l’article demain, cependant à seize heures au plus tard, je dois être de retour à la maison pour préparer un festin de bienvenu à dame Elli. C’est de cela que j’ai discuté avec son fils, il m'a communiqué le menu qu'ils ont décidé avec Tina qui sera là avec sa famille. Je lui souhaite une bonne nuit par messagerie puis au dodo. 


Le lendemain, il rentre à temps pour partager le petit-déjeuner avec nous, les enfants Diapena ont décidé de taper l’incruste ce matin. Nous passons un bon moment ensemble puis je prends le chemin du CHU campus. J’y passe deux heures et fonce directement au magazine où je me plonge dans le travail. 


Vers onze heures trente, Véronique rapplique.


Véronique (se laissant tomber dans une chaise en soufflant) : c’est ce qu’on appelle une journée qui commence bien.


Je lève un sourcil dans sa direction ne sachant pas de quoi elle parle.


Véronique : dis-moi ça fait quoi d’avoir un homme aux petits et aux grands soins comme le tien ?


Là, je fronce carrément les sourcils.


Véronique : je demande seulement ! (parlant plus à elle-même) Comme j’aimerais un jour être à ta place. Qu’un homme me regarde comme il te regarde, avec un amour sincère et une passion certaine. Vous formez un beau couple tous les deux, tu sais ? Tristan et Yseult feraient pâle figure à vos côtés. (s’agitant sur son siège) Bon bof occupons-nous de cet article.


Moi sèche : en même temps, nous sommes là pour ça !


Véronique me dévisageant : tu as terminé tes interviews ?


Moi : oui


Véronique : la chance ! Il m’en reste un, et je ne suis pas follement enthousiaste d’insister auprès du type. J’ai tout fait, lui faire même la courbette, mais il ne veut pas coopérer. (la petite voix) Tu veux bien le faire à ma place ? 


Moi arquant le sourcil, perplexe : comment ça le faire à ta place ? Tu n’avais que deux interviews à ton compte, à moi toute seule, j'en ai bouclé cinq, sans compter les synthèses. 


Véronique : c’est ce que je disais, ils semblent être plus coopératifs avec toi.


Moi soupir exaspérée : tu te rends compte que nous sommes à deux jours de rendre l’article ?   


Véronique : je le rencontre normalement ce soir, nous serons toujours dans les délais. Enfin, si tu acceptes de me porter coup de main.


Moi lui jetant un coup d’œil en soupirant : quelle heure ?


Véronique : 20 h


Moi secouant la tête : impossible, j’ai un programme ce soir. Si tu ne peux pas nous arranger un rendez-vous dans l’après-midi alors je ne peux rien pour toi.


Véronique : ok ok, je verrai ce que je peux faire.


Moi : bien !




Eunice…..


Lunette de soleil couvrant la moitié de mon visage en mode vacances, je pousse mes chariots vers la sortie de la LFW le torse bien bombé ; qui me peut ? (rires) Personne !! Juste en face du terminal, je vois Armel qui  me cherche du regard. Je me mets à agiter ma main dans sa direction,   ça lui prend quelques secondes pour me remarquer et me rejoindre avec sourire. Sourire qui fait place à l’étonnement pendant qu’il me détaille de haut en bas.


Armel : eh bah tu es méconnaissable !


Moi tout sourire : c’est le mood comme tu dis. Tu es seul ?


Armel : oui ils ont tous occupés.


Moi : je vois, emmène-moi voir mes filles je me suis ennuyée d'elles.


Armel : que d'elles ?


Moi : de toi aussi si ça peut te consoler.


Il rigole. Ma voisine dans l’avion passe à ce moment-là et s’arrête à ma hauteur pour me faire ses adieux. C’est une jeune fille qui s’appelle Milka, elle n’a pas arrêté du rentre-dedans à un beau jeune homme métis dans la rangée contiguë à la nôtre. Ah, j’ai parlé trop vite. Elle vient de changer de cible. 


Moi : Armel, voici Milka. Elle m’a été d’une bonne compagnie pendant le vol.


Milka sourire charmeur : ravie de l'apprendre.


Moi : c’est mon fils et il est fiancé, tes jeux de charme ne marcheront pas crois-moi. Il est lié à sa fiancée jusqu’aux os.


Elle se décompose en baissant son regard sur ses pieds tandis qu’Armel me fait les gros yeux, je hausse simplement les épaules.


Milka titubant : bon euh, oh je vais y aller.


Moi : d’accord, bien de choses à tes parents.


Elle se précipite sur le parking.


Moi (regardant Armel secoué la tête)  : quoi ? Elle est charmante, mais aucune dignité. Dès que ses yeux se posent sur un homme, elle en bave littéralement. Il faut avoir un peu de tenue et de retenue surtout.


Armel souriant : content d’avoir retrouvé ma mère !


Moi (balayant mes cheveux d'un mouvement nonchalant) : c’est tout ce que j’espère.


Son sourire se fige quand il risque son regard derrière.


Armel scandalisé : mais c’est quoi toutes ses valises ? Tu as ramené toute l’île ?


Moi : mon chéri les occasions comme celle-ci ne se présentent qu’une fois dans la vie. Les antécédents douanières étaient à mes frais ne t’inquiète pas.


Armel : mais tu as saigné mon compte-là !


Moi balayant l’air de la main : juste une petite égratignure (faisant la moue) une rikiki, tu ne sentiras rien du tout passé.


Il souffle en levant les yeux sur moi puis finit par sourire avant de rire franchement, je souris en le regardant.


Moi le prenant dans mes bras : tu m’as manqué.


Armel se défilant : arrête maman, tu vas me mettre mal à l’aise.


Moi : ah, excuse-moi le père !


Armel souriant : c’est bien de te voir, tu m’as manqué aussi.


Moi sourire béat : on y va ?


Armel : donne-moi quelques minutes s'il te plaît, il y a mon ami qui a débarqué aussi ce soir (relevant la tête) le voilà qui vient.


Moi : c’est ton ami ? Nous étions sur le même vol.


Armel hochant la tête : oui et le futur fiancé de Magnime.


Moi arquant le sourcil : futur ?


Armel : c’est compliqué !


Moi : en quoi ?


L’ami arrive à notre hauteur, ce qui l’empêche de rétorquer. Ils se font une accolade avant que le jeune homme ne se tourne vers moi.


Lui : bonsoir madame.


Moi : ce n’est pas madame, c’est maman Eunice. Bonsoir,


Lui souriant timidement : okay, c’est noté, je me nomme Romeo.


Moi : enchanté Romeo, Armel, tu dis que c’est ton ami hein ? (il fait oui de la tête, je continue de regarder Romeo) Comment se fait-il que je ne t’ai vu avec lui ?


Armel qui répond : c’est compliqué !


Moi : apparemment jeune homme tout est compliqué avec toi.


Il éclate de rire alors qu’Armel le tire sur le côté après avoir fait une grimace. Il discute un moment ensuite Romeo en bon gentleman me prend un chariot et nous suit jusqu’à la place de parking d’Armel. Je les laisse charger le coffre pendant que je monte m’installer confortablement en sortant mon téléphone. J’entreprends d’activer tous mes réseaux. Dame Eunice est de retour ! (sourire) J’appelle Sandra pour lui donner de mes nouvelles. Après avoir tapé une longue discussion, Armel me rejoint dans la voiture pendant que Romeo s’abaisse à ma vitre pour me dire au revoir. Ensuite, il s’en va.


Armel : merci d’avoir patienté, nous avions quelques trucs à régler.


Moi : c’est quoi les trucs ?


Armel : des trucs de mec (montant les vitres) j’espère que tu as passé de bonnes vacances.


Moi : de supers vacances, je dirais. Pour être requinquée, je le suis à bloc. Rien, absolument rien ne saurait m’ébranler là où je suis actuellement, pas même toutes les frustrations du monde.


Armel : c’est bon à savoir parce qu’une fois à la maison, tu devras affronter un Fulbert Elli en rage jusqu’aux yeux. Il est rentré ce matin.


Moi haussant les sourcils : rentré où ?


Armel : à la maison, il est venu demander après toi hier. Puis ce matin, il est arrivé avec des valises. Je ne saurais te dire s’il compte rester définitivement ou pas.


Je lâche un rire jaune.


Moi : assurément, tu me fais une blague.


Armel : du tout !


Moi froissant la mine : Fulbert est rentré à la maison ? (rire nerveux) La même maison dans laquelle j’habite ? Okay, c’est très bien ! Allons-y, je veux voir ça de mes propres yeux !


Le Maître du jeu-2