La fiancée
Ecrit par Farida IB
*** Retour sur la virée en boîte ***
Debbie....
Nous sommes sur le chemin du retour pour la maison. Nous avons récupéré Noémie à l'échangeur et l'homme de Zanguera (quartier) a tracé sa route. Depuis que nous avons quitté la boîte, personne n'a encore parlé. Armel conduit en regardant droit devant lui, il fait toujours grise mine. Je suis nonchalamment affalée sur le siège avant, ma tête renversée en arrière. Je suis épuisée comme c'est pas permis avec la tête qui menace se tomber. Je reste longtemps dans cette position à suivre les faits et gestes de Noémie à travers le rétroviseur. Elle a jeté sa tête en brousse, par moments elle nous coule des regards furtifs et à la dérobé.
Moi : Noé, tu t'es bien amusée ?
Noémie (comme si on l'avait branché) : trop trop trop ! Je ne me suis jamais autant amusée de ma vie. C'est encore mieux que les récitals à l'école. L'ambiance était (détachant les mots) sen-sa-tion-nel-le ! (me bousculant l'épaule) Mais la sista tu as un talent de twerkeuse que tu nous caches depuis là. Angèle n'a pas pu supporter le niveau krkrkr tchiee. Viens voir comment elle a ramassé son type (imitant la voix élevée Angèle) " On quitte cette boîte, j'ai dit !" Et au type de la suivre comme un chien en laisse (éclatant de rire) non mais dis-donc, il a été dressé comme il faut celui-là gagaga...
J'entreprends de masser mes tempes. Doux Jésus j'ai cherché, j'ai trouvé. J'avais oublié que c'est une vraie pipelette qui plus vient de prendre de l'alcool.
Noémie (poursuivant d'un ton scandalisé) : oh, mais la honte a fui les filles de Lomé. Non mais tu as vu comme moi comment elles bavaient ouvertement sur Paterson ?? C'était à peine croyable, comme si elle n'avait jamais vu d'homme de leur vie. Ah, mais c'est vrai aussi qu'un beau spécimen comme lui ne court les rues tous les jours.
Là nous nous sommes retournés pour la regarder, elle hausse des sourcils interrogateurs en soutenant nos regards. C'est Armel qui détourne le sien en premier lorsqu'il croise le mien, il froisse sa mine encore plus qu'avant. Je souffle discrètement. Je sens que cette histoire fera des vagues longtemps. D'abord il s'énerve pourquoi ? Il s'est déjà défoulé sur le type et ce n'est pas comme si je l'avais fait sciemment non plus inh. Bref moi plus jamais de champagne dans ma vie et plus jamais de boîte de nuit pendant qu'on y est. Je me sens mal, vraiment mal. Je commence à avoir le tournis et un goût bizarre dans la bouche. Ne pensez pas que Diapena s'est tue, c'est maintenant même qu'elle est fort inspirée.
Noémie : et celle-là qui a eu l'honneur, l'audace, le cran de te pousser. Walayi, elle m'a trop chauffé le cœur. C'est Armel et Paterson inh, sinon façon on allait la botter ! N'importe quoi comme ça ! Tu vois un mec très accompagnée et tu viens scrupuleusement demander son numéro. Les filles de Lomé sont zélées oh, tu l'as même vu ? Avec le front comme le pic d'Agou. Orh, il fallait laisser que je la corrige pour toi. Ça, c'est mon domaine. Je te frappe ça correctement, c'est Diapena ou bien ? La fille du sommet du Togo. C'est nous, on boucle le pays. Après nous, il n'y a plus Togo....
Là, j'en peux plus.
Moi ton pressant : Mel arrête toi s'il te plaît.
Je n'ai même pas attendu qu'il freine avant de passer ma tête par la vitre pour vomir. Nous sommes déjà au quartier donc aucune crainte d'éclabousser un automobiliste ou me faire heurter par les autos. Il attend que je passe le premier tour pour garer sur le bas-côté d'une maison. Je descends et Noémie fait de même. Elle attrape mes cheveux pendant que je vomis mes tripes. Quand je me redresse enfin, je me retrouve nez à nez avec Armel qui me tend un bidon d'eau. Je me rince la bouche et bois une gorgée. Je garde le bidon jusqu'à ce qu'on arrive devant nos maisons.
Armel (après avoir coupé le moteur) : tu viens avec moi.
Je hoche simplement la tête.
Armel regardant derrière : tu peux rentrer, je vais m'occuper d'elle.
Noémie : ok, elle a des vêtements de rechange chez toi ? (sans transition) Ne dis rien, je sais (me caressant l'épaule) ça va aller ?
Moi discrète : oui, toi ça va ?
Noémie : j'ai une petite faim, mais oui ça va (descendant de la voiture) bon, je vais y aller. On s'écrit.
Je fais oui de la tête. Elle ferme la portière et avance vers notre portail pendant que nous détachons nos ceintures. Armel descend pour ouvrir la porte de leur garage quand je la vois faire volte-face.
Noémie : c'est toi qui as la clé.
Je lui tends ma pochette, elle retire la clé et me la redonne.
Noémie contente : je vais dormir dans ta chambre trop bien !
Je secoue la tête amusée. Armel revient et nous nous engouffrons dans le garage qu'il referme et revient me porter. Je m'accroche à son cou pendant qu'il nous amène dans sa chambre. Je me retrouve direct la tête plongée dans la cuvette à gerber à nouveau. J'ai quand même eu le temps d'attacher mes cheveux en chignon et de prendre siège sur la serpillière. Monsieur vient tirer la chasse, me donne un bain froid et en prend lui-même. A la sortie de la douche, la montre affichait 3 h 12. J'enfile son t-shirt et son boxer et il met simplement un bas de jogging. Il me tend un cachet d'aspirine et un verre d'eau que j'avale sans me faire prier. Il s'est lui même fait un bandage. Une fois la clim à fond, nous prions puis au dodo. À 5 h, j'avais les yeux grands ouverts dans le noir alors que toute la virée en boite défile sous mes yeux comme un film. Sans mentir, j'ai fait du sale. Je me tourne vers votre pote, je sais qu'il ne dort pas non plus. Je ne sais pas si c'est toujours la colère comme ça, mais il n'a pas du tout fermé l'œil de la nuit.
Moi la petite voix : bonjour,
Armel : mmh
J'allume la lumière et l'éclairage lui fait froncer le visage. Il le met sur le côté en plaçant sa main dessus.
Moi : je suis désolée pour ce qui s'est passé au Jet 7, ce n'était pas du tout fait exprès. J'ai pensé que c'était toi en plus, je n'étais pas dans mon état normal.
Armel : ok.
Je me mets sur le coude et le regarde avec un sourcil levé.
Moi : j'ai dit que j'étais désolée.
Armel : je t'ai entendu (le visage à découvert) ta folie en boite est la dernière chose dont je veux parler. Par contre, tu ne toucheras plus jamais à l'alcool.
Moi : tu n'as même pas besoin de me le dire. Fini les boîtes de nuit aussi.
Il me jette un coup d'œil et remet le bras sur les yeux.
Moi : fais voir ta main (le prenant) ça te fait mal ?
Il secoue la tête de gauche à droite. Je tourne la main dans tous les sens et finis par le lâcher un peu intriguée par son silence et son air pensif. Je me recouche et le regarde du coin de l'œil. Il garde la même position pendant de longues secondes.
Armel : mi amor
Moi : mmh bé
Armel : viens sur moi.
Comme si j'allais me le faire répéter.
Armel me fixant : ça te dit qu'on s'installe ensemble ?
Moi me redressant d'un bond : tu veux qu'on s'installe ensemble ?
Armel : je ne t'aurai pas posé la question sinon. Ce que je voudrais, c'est m'en aller. Quitter le pays, mais tu ne voudras pas t'éloigner de tes sœurs et frères.
Moi prise de court : euh, c'est vrai. (réfléchissant) Mais bon, je peux prendre les plus petits avec moi. Noémie et Sophie sont assez grandes pour prendre soin d'elles. Etiam, c'est la prunelle des yeux de dada, elle saura en prendre soin. Sauf que...
Armel : sauf que, quoi ?
Moi : je ne m'installerai pas avec toi sans engagement pour que demain, tu viennes m'abandonner avec cinq enfants dans les bras.
Armel (sourire amusé) : je ne m'appelle pas Marc Diapena.
Moi reposant ma tête sur son torse : je suis prudente, c'est tout !
Armel : on peut commencer par des fiançailles ou des présentations à toi de voir.
Je plisse les yeux et le regarde.
Moi : attends une minute, pause. Tu es en train de me demander en mariage là ?
Armel : techniquement, oui, je suis en train de vouloir te fiancer et ne me sors pas que nous avons 21 ans, que ta carrière commence à peine, que je ne suis pas l'homme que tu veux pour époux que. C'est quoi ça ? Des larmes ?
Moi (les essuyant d'un revers de main) : tu veux qu'on se marie ?
Il me regarde d'un air perplexe en hochant lentement la tête.
Moi : tu es sûr que tu ne me fais pas une blague inh ?
Il se redresse et m'incite à le regarder avant d'arrimer ses yeux aux miens.
Armel : je n'ai jamais été aussi sérieux de ma vie, tu le sais quand je dehak. Peu importe que je sois encore jeune, que nous ayons 21 ans nous savons tous dans quelle direction nous voulons aller, nous savons exactement ce que nous voulons. Du moins moi, je sais que je te veux dans ma vie, pour maintenant et pour mes vieux jours.
Ce jeu entre nous a commencé quand on était gosse. À l'âge de puberté j'ai mal joué. Plusieurs fois, j'ai triché, mais tu as toujours su maîtriser le jeu. C'est grâce à toi que le petit joueur que je suis est passé champion hors catégorie, alors je ne me vois pas changer de cap sans toi. À la vida à la muerté.
Moi hochant la tête : pleurs* à la vida à la muerté.
Il tend la main pour ouvrir un tiroir sur la commode et sort une petite boite. Je déglutis.
Armel : tu veux que je me mette à genoux ?
Je bouscule la tête de droite à gauche, est-ce que je peux même parler ? Trop d'émotions, beaucoup trop ! Il prend ma main tremblante et me la porte.
Armel : maintenant, tu réfléchiras par deux fois avant de te trémousser devant des inconnus.
J'éclate de rire les yeux hissés sur mon annulaire.
Moi : oh ça oui (me jetant à son cou) tu viens de faire de moi la femme la plus heureuse du monde.
Armel : heureux de le savoir, mais là, tu m'étouffes.
Moi me détachant : désolée (souriant) on dit l'amour supporte tout non ?
Armel : et "on" a aussi dit que l'amour fini au tombeau.
Moi : jamais, le mien te suivra jusqu'au tréfonds de l'enfer s'il le faut.
Armel taquin : c'est le goût de la bague qui te fait parler.
Moi riant : je ne le nierai pas, mais tu sais le sais mieux que quiconque si tu meurs, je meurs aussitôt. Parce que comme toi, je ne me vois pas vivre sans toi.
Armel : et pourquoi, c'est moi qui doit mourir avant ? Pourquoi les femmes ne se voient jamais mourir avant l'homme ?
Moi : lol, beh nous avons une meilleure espérance de vie que vous. C'est la science qui le dit.
Armel : hum
Moi du tic au tac : bé on est fiancé, je suis fiancée, on va se marier. J'y crois pas, un rêve impossible !
Il rigole doucement.
Armel : la bague n'attendait que tu te décides.
Moi : tu as bien caché ton jeu, c'était où même ?
Armel évasif : en lieu sûr ! Bon, tu veux pas qu'on dorme un peu là ?
Moi : je pensais qu'on allait fêter nos fiançailles.
Il lève le sourcil.
Armel : pitié Diapena, je suis l'enfant de quelqu'un. Ça fait trois jours que tu me pompes.
Moi : madame Elli, respecte mon statut.
Armel : autant pour moi.
On rigole et je me repose sur son torse, les jambes allongées entre les siennes. On dort ainsi pour se réveiller en catastrophe à quarante minutes du baptême. On prend le bain ensemble et je remets son tee-shirt sur un pagne à moi. En sortant de sa chambre pour aller m'habiller chez moi, je tombe sur sa mère qui se rend sûrement dans la cuisine. Je lui passe le bonjour auquel elle répond avec sourire avant de se mettre à me réprimander.
Maman Eunice : c'est comme ça maintenant Deborah ? Tu rentres ici et tu sors comme une voleuse, tu ne passes plus me saluer. Ta belle-sœur, tu ne vois pas. C'est ce qu'ils t'ont dit de faire ?
Moi souriant : qui peut oser se mettre entre nous ? Qui ?
Maman Eunice : laisse les éloges, ça fait des lustres que je n'ai pas vu ton visage et tu as bonne mine.
Moi : merci, je m'excuse...
Je m'interromps en voyant Armel arrivé la bouille bien amarrée comme ça. Oh ? Il salue sa mère du bout des lèvres et elle répond de la même manière.
Armel : Deb tu nous retarde.
Moi faisant une grimace : donne-moi cinq minutes.
Armel entrant dans la cuisine : hum.
Moi me tournant vers sa mère : maman Eunice, j'espère que tu ne verras pas d'inconvénients à ce que je repasse le soir.
Maman Eunice : tu le dis seulement pour que je te libère.
Moi : promis je repasserai.
Armel ressort avec le bibi de Syntiche à la main.
Maman Eunice : ok oh (lorgnant Armel) il paraît que je vous retarde.
Je souris seulement pour ne pas répondre et file à la maison. Heureusement que ma tenue, que j'ai envoyée au pressing, m'attendait sur le lit. Je la porte rapidement et chausse des talons plats. Le maquillage et la coiffure, je les réserve pour le trajet. C'est pendant que je fourre la boite contenant la médaille de bébé Espoir dans mon sac à main que Noémie vient prendre mes nouvelles. Ensuite, c'est autour de Junior de venir prendre son câlin matinal avant qu'ils ne m'accompagnent tous vers la voiture d'Armel.
Armel : eh beh, c'est le grand déploiement.
Moi : maman sort, c'est normal.
Il rit.
Moi dès qu'on démarre : vous vous êtes encore chicané ?
Armel : est-ce qu'on peut éviter le sujet ? Merci.
Moi le tournant dans la dérision : attends que je te donne mon accord pour me remercier.
Armel : Debbie !
Moi : yes i'm (caressant son menton) détends-toi, tu feras peur à ton filleul avec ce visage.
Armel sourire en coin : il vaut mieux qu'il sache dès maintenant à quel genre de parrain il a affaire. Je ne suis pas les parrains qui cautionnent les bêtises.
Moi : le grand redoutable parrain.
Il rigole et la bonne humeur revient dans l'habitacle. Je me fais un léger maquillage et remodèle mes tresses. À la paroisse Saint Dominique, nos heureux parents nous attendaient, enfin, ils attendent leurs invités à l'entrée. On s'échange les salutations, les bises, une poignée de main pour les hommes ainsi que les compliments.
Djifa : tu es rayonnante ma chérie et ce sourire mama ! (regard suspicieux) Ça cache quoi dis-moi ?
Moi souriant davantage : rien dit tout, merci pour le compliment. Tu es toute aussi rayonnante (biaisant) où est mon fils ?
Djifa : il est à l'intérieur avec ma mère et son frère.
Moi : ok, je vais le voir. J'espère que mon petit papa me laissera le prendre.
Djifa riant : il n'y a pas ça entre père et fille.
Je ris en m'introduisant dans la paroisse sans oublier le signe de croix. Je vais prendre le bébé chez son frère qui me suit au pas (rire) pendant qu'on rejoint leur mère. À chaque fois que je le prends dans mes bras ou que mes yeux se posent sur lui, il y a cette sensation que je ressens. Je dirai, une forte envie d'avoir mon bébé à moi. Bon, je viens d'avoir une raison suffisante pour m'y mettre. Désormais, je ne ferme plus les cuisses, j'écarte bien lol. Nous retrouvons Romeo et Magnime sur place. Alex arrive un moment plus tard avec une jolie nana qu'il nous présente comme sa copine. Je n'ai pas compris pourquoi ses potes semblaient surpris, Djifa et Magnime avaient les yeux grands ouverts l'air sonné par la nouvelle. Bref, la cérémonie a pu commencer quand le prêtre arrive. Au moment où il verse l'eau sur le front de bébé Espoir, alors que nous l'avions dans nos bras, Armel lève ses yeux et rencontre les miens. Je lui souris, sourire auquel il répond en hochant la tête. On s'est compris, c'est l'essentiel.
**** Plus tard dans la journée ****
Armel....
Romeo touchant l'épaule d'Ange : ça ira mec
Son grand frère : j'espère que tu ne vas pas chier dans ton froc.
Il s'éponge le visage et essuie ses mains moites pendant que nous étions mort de rire avec ses frères et ses cousins.
Ange : moquez-vous bien de moi. Aujourd'hui pour moi, demain pour vous.
Les gars n'ont pas arrêté de le chambrer depuis que la cérémonie de dot a commencé. Du côté de ses oncles qui dirigent les pourparlers, les esprits s'échauffent tandis que les spéculations vont bon train de l'autre côté où se trouve les membres de la famille maternelle de Djifa. Soit dit en passant, les rapports entre sa mère et elle ont changé depuis qu'elle s'est reprise en main encore plus lorsqu'elle a rencontré Ange. Comme vous pouvez vous en doutez, l'incarcération de son père a conduit ses oncles, tantes et grands parents paternels à l'évincer. Seul le frère cadet a bien voulu prendre part à la cérémonie. Cérémonie qui se déroule d'ailleurs chez lui et c'est lui qui a la parole en ce moment. Pipe à la bouche, il n'arrête pas de faire grimper les enchères.
Un cousin à Ange : couzo rappelle-moi de ne jamais me perdre pour me retrouver à Badou. L'escalade des crêtes, des montagnes, tout ça est tarifé !
Nous nous sommes tous partis dans un fou rire au point où l'assemblée s'est retourné pour nous regarder. Les oncles d'Ange se sont entendus pour ajouter trois cent mille au capital initial qui passe de sept cent mille à un million. Le vieux Ohin et les Douti (nom de jeune fille de la mère de Djifa) après constatation ce sont retirés en conclave à nouveau pour en discuter. Autour de la somme qu'ils boudent (rires) sont posés les présents apportés par les Mélébou. C'est essentiellement des valises, des sacs de sel, des animaux domestiques, des casiers de boissons, des appareils électroménagers, des ustensiles de cuisine, des pipes, des cigarettes. Une moto toute neuve, la grande et la petite bouteille de gaz. Bon bof, il ne manque plus que les meubles pour aménager un appartement complet krkrkr. Le retour du vieux Ohin et des Douti est marqué par les battements de tam-tam. Sitôt, le frère direct de la mère de Djifa reprend la parole.
Oncle Thierry (comme elle l'appelle) : Chers Frères, chers convives, les ancêtres ici présent, nous voilà de retour.
Les Mélébou en chœur : soyez les bienvenus.
Aux Douti de répondre : yoo !
Oncle Thierry reprenant : nous avons pris acte de votre geste, un geste qui je rappelle est avant tout symbolique. Le symbole de la valeur que votre fils attribue à notre fille. Nous n'allons pas nier que depuis qu'il est rentré dans la vie de notre fille, il assume efficacement ses responsabilités vis-à-vis d'elle. Nous avons tous vu comment il s'est empressé de réparer ses torts lorsqu'il lui a fait un enfant dans notre dos. En passant nous avons également vu l'engouement autour de cet enfant, votre héritier vous l'appeliez. Alors ma famille et moi, nous nous posons des questions. La plus cruciale qui reste posée est de savoir ce que notre fille représente réellement à ses yeux en dehors de lui avoir donné un héritier. Si vous me le demandiez là tout de suite, je vous répondrais sans réfléchir que notre fille représente pour nous la garantie d'une éducation de qualité.
J'irai plus loin pour vous dire qu'elle n'a rien à envier à miss univers.
Cris de joie dans la foule.
Oncle Thierry sans perdre le fil : je vous répondrai que notre fille est notre gage de paix, de tranquillité. Tous les endroits où elle se trouve sont des havres de paix. Que le sourire est son maquillage, jamais elle ne renfrogne la mine jamais ! Je finirai par conclure qu'elle est la définition même de ce qu'on appelle une femme battante. (se tournant vers ses frères) Mes gens, vous pouvez démentir mes propos.
Eux : vérité absolue !
Avec de grands gestes de la main mdr.
Oncle Thierry : voilà ! Notre fille, c'est la prunelle de nos yeux. Le cacao le plus brillant de notre champ alors pourquoi doit-on vous laisser la cueillir ?
Grand chef Mélébou (prenant la parole) : je vous salue tous ici présent encore une fois. (On répond) La question de nos hôtes était de savoir pourquoi doivent-ils nous autoriser à posséder le cacao le plus brillant de leur champ, ce qui prouve que nous en sommes digne.
Le vieux Ohin : c'est exact.
Grand Chef Mélébou posément : sachez avant tout que vous n'avez rien dit que nous ne savons déjà. Non seulement pour l'avoir vu de nos propres yeux, mais aussi parce que notre fils n'a pas cessé de nous le répéter. Votre fille possède quelque chose que nous n'avons jamais trouvé auparavant chez une autre et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes là. Au tout début de leur relation, notre fils nous a fait une confidence que je vais devoir dévoiler pour la circonstance. Il nous a dit « mes papas, mes mamans, cette fille représente tout pour moi. Avec elle, la clairvoyance prend tout son sens. (remettant un bout de pagne sur son épaule) C'est-à-dire, lorsque mes yeux croisent les siens, je ne vois qu'un avenir radieux avec une femme formidable à mes côtés. Une femme sage qui me pousse à être beaucoup mieux et me fait sentir homme un peu plus chaque jour. Elle me dit des choses que personne d'autre ne me disait. Elle est mon tremplin, ce n'est qu'avec elle que je peux compter. » Il nous a dit avec sourire qu'elle s'appelle Djifa (s'adressant à l'assise) je pense que nous connaissons tous la signification de ce prénom. Pour ceux qui ne le sauraient pas, ça veut dire dans le patois Éwé " paix du cœur". Ce jour-là, notre Angelo a souri de plus bel avant d'ajouter qu'elle fait honneur à son prénom. Nous sommes tous prêt ici à témoigner de l'impact positif que Djifa a sur la vie de notre fils après une lune ensemble ! Un homme, il était, mais depuis qu'il l'a rencontré, il a pris l'apparence d'un Ange. Qui ici ne sait pas qu'elle a fait de notre Ange un homme et un père de famille responsable ? Qui ? Ce n'est pas son père Dovi qui dira le contraire encore moins sa mère Estelle. Et je tiens à signaler que jusqu'à présent nous parlons en terme de notre héritier parce que nous avons retourné nos esprits calculette à la main, dresser des listes afin de définir une somme, quelque symbolique quelle soit pour représenter la valeur que votre fille a à nos yeux, mais nous n'avons pas su trouver. Cette valeur qui cependant nous a motivé à venir la chercher au plus vite afin qu'un autre ne nous devance pas. C'est au nom de cette valeur que nous avons laissé nos champs de cacao pour la vôtre parce que ce cacao, nous en avons besoin pour ensemencer le champ de notre fils..
Le père Dovi lui tend une liasse de billets qu'il ajoute aux autres. Inutile de vous dire que nous sommes restés bouche bée.
Grand chef Mélébou poursuivant : c'est ce cacao précieux (déposant une autre liasse) qui nous a fait quitter la mamelle douce du Togo, j'ai nommé Dankpen. Nous avons dépassé nos cascades, et nos luxuriants rochers (ajoutant encore des billets) bradé la faille d'Aledjo, contourné les crêtes et défié la hauteur des montagnes pour venir cueillir ce cacao-là et pas un autre. C'est pour ce cacao que nous sommes là et ma famille m'a chargé de vous dire qu'elle ne repartira pas sans lui.
Il met trois liasses comme ça avant de s'asseoir.
Le vieux Ohin : bien nous avons écouté et pris en compte votre doléance et nous vous souhaitons la bienvenue à la maison.
On lui apporte de l'eau qu'il verse en prononçant des paroles incompréhensibles.
Grand chef Mélébou : merci de nous recevoir.
Un autre membre de la famille se lève pour demander une premission histoire d'accorder leurs violons. La permission ayant été accordée, un bon nombre se lève et le grand chef fait signe à Ange de les suivre à l'extérieur. Ils reviennent après un bref moment puis le grand chef s'énonce en restant debout.
Grand chef Mélébou : à présent que nous avons passé la porte, nous allons dévoiler les présents que nous souhaitons offrir à nos hôtes. Notre fils souhaiterait d'abord étancher la soif de son beau-père.
Il sort une enveloppe qu'il pose devant le vieux Ohin. Celui-ci égrène un sourire en recrachant la fumée de sa pipe et prend tout son temps pour acquiescer de la tête. Un vrai chef krkrkr. Sitôt, les tantes d'Ange dévoilent le contenu des valises pour les présenter à l'assise. Ange n'a pas fait dans les détails, du tout. Des lots de pagnes de grande valeur, des chaussures, des bijoux, des liqueurs et encore des enveloppes. Après exposition, les tantes de Djifa vérifient si tous les éléments sont conformes à la liste de dot. Ensuite il y a un brouhaha pendant lequel Ohin et les hommes Douti se mettent d'accord sans pour autant quitté leur place respectifs.
Le vieux Ohin reprenant la parole : au vu de tout ce qui a été dit, vu et fait, nous sommes d'accord pour vous confier notre fille. Pourquoi le mot confier ? Parce qu'elle demeure notre fille et nous garderons toujours un œil sur elle.
Grand chef Mélébou (se levant de nouveau) : nous vous remercierons pour l'honneur que vous nous faites et nous pouvons vous assurez que nous saurons en prendre soin telle la prunelle qu'elle est à vos yeux.
Le vieux Ohin tout sourire : que la fête commence alors !
Rire général, ce qui a détendu l'atmosphère de notre côté. Ange a eu droit à quelques coups de gueule avant que Djifa ne sorte toute splendide accompagnée d'un groupe de jeunes filles dont Magnime, Sandra et Debbie. Les tambours, trompettes et sirènes rythmaient sa danse jusqu'au milieu de l'assistance. C'est tout fier qu'Ange la rejoint pour répondre à quelques questions posées par les représentants des deux familles. Il souriait à tout va. Il faut le dire, Djifa est à couper le souffle. Elle dégage quelque chose plus que d'habitude. Les compliments fusent de partout pendant qu'ils s'échangent les boissons sacrés. Ensuite, ils signent le registre du chef quartier avant qu'on ne se retrouve autour des tables pour la réception. Je suis avec mes gars et les filles entre elles. Le couple trône autour d'une table devant la tente. On passe un très bon moment à manger, à boire et à commenter la cérémonie.
Ping SMS (photo)
Debbie : mon fiancé.
Je lève les yeux et croise son regard.
Moi écrivant : ma femme
On s'échange un sourire complice.
Romeo ton interloqué : nannnnnn ? Jure que tu l'as fait !
Je détourne mon regard vers lui et m'aperçois qu'il a l'exclusivité sur mon téléphone.
Moi : bah, je t'ai devancé.
Il me tend son poing que je tchèque.
Romeo : j'avoue que oui, mais ce n'est plus pour longtemps. Elle est déjà dans mon collimateur.
Alex nous fixant perplexe : de quoi est-ce que vous parlez ?
Romeo : il s'est fiancé.
Alex recrachant sa boisson : quoi ? Quand ça ?
Moi : pendant que tu te mettais en couple !
Alex (faisant un drôle de sourire) : je suis tombé sans glisser.
Romeo : lol félicitation petit (le regardant) à toi aussi mec, j'espère que c'est pour de bons.
Alex sourire en coin : une chose est sûre, je ne bouge pas de là de sitôt.
Moi riant en regardant Romeo : j'ai déjà entendu cette phrase quelque part.
Il prend son verre qu'il porte à ses lèvres en souriant simplement. Alex passe un regard inquisiteur de lui à moi avant de se fixer sur lui.
Alex : quoi ? Magnime et toi...
Romeo ne le laissant pas finir : nop, mais elle ne bouge plus.
Nous pouffons de rire lui et moi.
Moi : si bien qu'elle se soit installée chez toi. Sérieux dit, qu'est-ce que tu as dit au vieux Amah pour qu'il te laisse sa fille ?
Romeo : la vérité, qu'elle est chez moi.
Là, c'est moi qui avale de travers et Alex a les yeux grands ouverts.
Romeo haussant l'épaule : ne me regardez pas comme ça. Je vous ai dit que le temps des amusements est terminé.
Magnime : Rory
On se tourne pour la voir venir vers notre table. Elle vient se mettre près de Romeo et pose le bras sur son épaule.
Magnime : on s'en va ? On a ta valise à faire.
Romeo acquiesçant : vas-y.
Magnime : ok, je vais chercher mes affaires. (entourant l'épaule de Romeo) Alex donc comme ça, tu es en couple inh ?
Alex lui souriant : je fais comme vous.
Magnime : hum, elle est sympa (regardant Sandra qui arrive à ce moment-là avec Debbie) je parlais justement de toi. J'espère qu'on pourra faire plus d'amples connaissances.
Sandra lui souriant en hochant la tête : pas de souci, donne moi ton numéro.
Elles se suivent en manipulant leurs téléphones, Djifa et Debbie s'y mettent également. J'attends qu'elles disparaissent de note champ de vision pour parler.
Moi : type sérieux qu'est-ce que t'as fait ? Vous êtes carrément en couple là !
Romeo riant doucement : tu ne veux pas lâcher l'affaire (non de la tête) bon j'ai placé les bonnes cartes. (se caressant le menton)
Moi rictus au coin : je vois ça.
Alex : sinon tu voyages ?
Romeo : yep, le mariage de la cousine.
Alex sourit amusé à mon instar. Nous décidons tous de lever le camp en même temps quand elles reviennent. Le couple nous escorte devant nos engins avec leur bébé.
Moi au couple : mes félicitations encore une fois. Ange, j'aurai besoin de ton oncle sous peu. Le vieux a tué le game.
Djifa lève le sourcil et nous regarde.
Ange riant doucement : d'accord sans souci.
Magnime/Djifa en même temps : tu veux l'épouser ?
Sandra : quoi vous voulez dire que vous n'avez pas vu la bague ?
Elles se tournant vers Debbie : quelle bague ?
Debbie montre timidement sa main que Magnime prend en lâchant un cri. Romeo met une main sur sa bouche.
Djifa : 24 carats !
Sandra : 100, tu veux dire.
Je souris en secouant la tête et les gars rigolent.
Djifa : de surprise en surprise, Alex en couple et Armel qui se marie. La wandayance !
Ange la regarde amusé alors que Sandra lance un regard inquisiteur à Alex qui fait une de ces têtes. Elles se mettent ensuite à remuer cette histoire de bague jusqu'à ce qu'on y mette fin. Chacun embarque sa chacune et la mienne et moi prenons la direction de Cassablanca.
On roule en silence. Elle s'est assoupie dès que j'ai démarré et ça me laisse le temps de me projeter dans l'avenir. Je dois avouer que cette journée vient de renforcer mes plans et son voyage au village tombe vraiment bien. J'ai envie d'avoir un chez moi avec ma femme et mes enfants qui m'attendent le soir. Je veux surtout pouvoir rentrer chez moi le cœur en fête. Il ne me reste plus qu'à concrétiser les choses. Le plutôt ça se fera, mieux je me porterai. Je finis par changer de trajectoire, conscient qu'elle n'est pas en état de conduire. Je l'emmène chez moi où on passe directement sous la douche. Elle s'est réchauffé un plat qu'elle a grignoté puis après un aller-retour chez elle pour jeter un coup d'œil à ses frères, nous nous sommes mis sous les couettes.
Moi : j'espère que tes parents ne vont pas me taxer comme ceux de Djifa l'ont fait.
Debbie sourire narquois : tu survivras ! Le seul hic, c'est que tu devras déplacer ta délégation jusqu'à Cinkassé.
Moi : c'est pour ça que je veux d'abord tâter le terrain. S'il le faut, je les conduirai moi-même sur place.
Debbie : quel radin ! Vous n'êtes pas nombreux dans la famille, deux bus suffiront.
Moi : on verra. En attendant, tu n'oublieras pas de prendre la liste de dot lorsque tu y seras.
Debbie haussant les sourcils : tu es vraiment décidé.
Moi : je le suis, j'aurais voulu être à la place d'Ange aujourd'hui.
Debbie : et moi celle de Djifa (souriant) quand je pense qu'elle a voulu copier sur nous. On peut dire qu'elle est très loin devant nous maintenant.
Moi hochant la tête : Dieu seul sait ce que nous réserve l'avenir.
Debbie baillant : et oui ! (se collant à moi) Bonne nuit Sé.
Moi : bonne nuit Yendounette.
Deux jours plus tard, on se retrouve à la clinique. Elle nous fait une crise de palu, mais rien d'alarmant. Le champagne a eu raison d'elle (rires). C'est le vendredi de cette semaine là que nous prenons le départ pour le grand nord. Elle a voulu emmener Caroline et Junior et les plus grandes s'en sont mêlées. Je les laisse en une seule pièce à leur grand-parent et revient sur Lomé dimanche. Dès que je franchis la porte du garage Marianne revient sur cette histoire de filles au Koweït.
Moi soupirant : petite, je viens de faire un long voyage. Laisse-moi souffler deux secondes.
Marianne : Benjamin (le petit frère de Magnime) m'a envoyé une vidéo d'elle qui circule sur les réseaux.
Moi (déchargeant le coffre en la fixant): pourquoi cette histoire te tient tant à cœur ?
Marianne : elles souffrent, tu n'as pas idée à quel point. C'est triste les conditions dans lesquelles elles vivent.
Moi pour couper court : envoie-moi ça sur whats'app je visionnerai plus tard.
Marianne : ok, comment s'est passé ton voyage ?
Moi lui jetant un coup d'œil : quand même inh !
Marianne riant : désolée, sinon ça a été ? Qu'est-ce que tu m'as ramené
Moi : de la canne à sucre.
Elle fait une drôle de tête qui me fait sourire. Je finis de décharger et ferme le coffre. Elle m'aide à faire rentrer les provisions dans la cuisine et je trace dans ma chambre. Je ressors dépoussiéré et me rue dans la chambre de Mila. C'est la seule qui me respecte encore dans cette maison. On passe un moment en amoureux. Je ne vous l'ai pas dit, mais c'est une canon la go. Du haut de ses dix mois elle peut détrôner vos mecs avec ses quatre dents et son sourire ravageur. En plus, c'est une costaud. La concurrence est de taille vous voyez bien. En sortant de là, je croise madame ma mère. On s'échange juste le bonjour et chacun passe sa route. Entre temps, Bradley est passé jouer le conciliateur, mais rien a vraiment changé. Elle reste dans son coin et moi aussi. Ce que je trouve quand même dommage. Une fois dans ma chambre, je me mets sous les draps, la clim à fond.
Je me retrouve à 23 h secouée par une faim terrible. Je me rends dans la cuisine et me fais à manger comme un grand garçon. Un spaghetti fade weh (on va encore faire comment ?) que je dévore néanmoins. Je réponds aux messages de Debbie et on se met à converser jusqu'à ce que je m'endors pour reprendre le boulot le lendemain après-midi. Je travaille en rotation en fait.
Moi : je suis là.
SMS : la dernière table à la terrasse.
Moi : ok.