L'aperception
Ecrit par Farida IB
Khalil…
Brrrrrrr brrrrrr…
C’est mon téléphone qui vibre sur l’une des tables du salon de thé où je suis assis en ce moment. Je fixe simplement l’écran et le laisse sonner une nouvelle fois avant de lever ma tête vers Mélissa. Aussi sordide que cela puisse paraître, c’est à elle que je me suis ouvert hier nuit après que Nahia m'ait laissé. Ça fait quelques jours qu’elle a mis les pieds sur terre et qu’elle me harcèle pour qu’on se rencontre. Je zappais ses messages et ses appels jusqu’hier où j’avais très envie de me confier d’autant plus qu’elle était la seule en ligne. Ce matin elle est donc venue me chercher pour qu’on discute longuement de mon « problème ».
Je dois l’avouer, c’est le plus gros râteau et par ailleurs le seul que je me suis pris de toute ma vie. Et cela, juste après le meilleur baiser de ma vie, pff !! Il est évident que je n’avais pas prévu lui avouer mes sentiments comme je l’ai fait, c’est même le pire scénario que j’aurais pu imaginer. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas la réaction à laquelle je m’attendais du coup, je suis un peu sous le choc. Je pensais avoir suffisamment posé le décor, j’ai tout fait absolument tout pour la rassurer. J’ai cru un instant qu’on était sur la même longueur d’onde et qu’elle était en fin prête à tenter une nouvelle relation. J’ai même eu l’illusion qu’elle ressente la même chose que moi. Pfff, j’ai juste été con !
Là, elle n’arrête pas de faire sonner mon téléphone, je n’ai aucune envie de lui parler. En réalité, l’idée qu’elle me rejette me met en grand émoi. Je relance un coup d’œil au téléphone et pousse un soupir las.
Mélissa : c’est elle ?
Moi : oui
Mélissa : et pourquoi tu refuses de décrocher ses appels ? Il faut bien que vous ayez une discussion tous les deux.
Moi : pour qu’elle me dise quoi ? C’est clair qu’elle n’est pas prête à faire sa vie avec moi.
Mélissa : elle est la seule à pouvoir te dire si c’est le cas ou non donc il faut en discuter avec elle.
Je fais une grimace d’agacement, elle me lance un regard appuyé avant d’ajouter.
Mélissa : est-ce que tu as au moins pensé à lui dire ce que tu ressens pour elle et même ce que tu attends d’elle ou carrément lui demander ce qu’elle veut ?
Moi : lui avoué mes sentiments, je crois que c’est ce que j’ai fait hier nan ?
Mélissa : seulement après l’avoir embrassé !
Moi précisant : on s’est embrassé, en plus, elle a aimé.
Mélissa pince-sans-rire : comment toi, tu sais ça ?
Moi haussant l’épaule : c’est elle qui a approfondi le baiser et je suis certain qu’on irait plus loin si elle ne s’était pas brusquement détachée et fuie comme si elle avait le feu à ces trousses.
Mélissa l’air outrée : épargne-moi des détails s’il te plaît.
Moi : désolé.
Mélissa (geste évasif de la main) : pas grave.
Elle prend un peu de son breuvage avant de parler.
Mélissa : pour revenir à ton souci, tu as cru bien faire en lui prouvant que tu es l’homme idéal et tout, mais qu’est-ce qu’elle en sait concrètement ? Elle n’est pas tenue de deviner tes sentiments encore moins tes intentions envers elle, tu as beau faire (faisant les griffes de ses doigts) le Nice Guy (le mec gentil) avec elle tant que tu ne lui parles pas de tes désirs elle te verra toujours comme tel. Là, vous tournez en rond et il faut cesser ce cercle vicieux. Va lui parler et dis-lui clairement que toi, tu veux une vraie relation avec elle. Dis-lui aussi qu'elle doit te donner une réponse claire pour que tu puisses aller de l'avant dans ta vie.
Moi : c’est vrai que je n’avais pas vu les choses sous cet angle et tu as raison, au moins je serai fixé et ça m’éviterais de me morfondre.
Mélissa : exactement !
Brrrrr Brrrrr.
C’est encore elle.
Mélissa : décroche donc ce téléphone, elle s’inquiète peut-être pour toi.
Moi faisant la moue : hmmm.
Mélissa : Khalil ?
Moi : hmmm (décrochant) Salam.
Nahia d’entrée de jeu : bon sang Khalil, où est-ce que tu te caches depuis le matin ?
Moi évasif : quelque part.
Mélissa me lance un coup d’œil.
Moi soupirant : je suis sorti.
Nahia : et tu es où ?
Moi : dans le quartier.
Nahia : à quel endroit précisément ? Je viens te chercher, j’aimerais qu’on discute toi et moi.
Moi : tu veux parler de quoi ?
Nahia : tu sais bien Samir.
Moi réprimant mon émotion : comment est-ce que tu viens de m’appeler ?
Nahia : bah Samir, ce n’est pas ton prénom ?
Moi faisant genre : enfin bref, on se voit ce soir.
Nahia : Sam…
Moi la coupant : à ce soir Aynia.
Click !
Je raccroche moi-même et repose le mobile sur la table. Je relève ma tête avec un petit sourire en coin pour croiser le regard moqueur de Mélissa.
Mélissa : ah ça, tu es tombééééééééé dedans mon gars. Elle t’a bien préparé la pâte inh krkrkrkr…
Moi : le Akoumey ? (j’avise son sourire en coin.) Même pas, elle ne m’a rien fait.
Elle place une main pliée sous le menton et me regarde avec le sourire moqueur qui ne quitte pas ses lèvres.
Mélissa : comment tu le sais ? En moins de quatre mois, tu es complètement tombé dans la calebasse.
Moi : pff ! Il fallait que ça tombe sur elle.
Mélissa riant : en tout cas « la petite » la « miss grande gueule » te mène la vie dure. Qui l’eu cru ? La preuve que les Togolaises ont le corrigé de tes histoires là.
Moi riant doucement : ça c’est vrai, si quelqu’un m’avait dit en venant ici que j’allais me retrouver dans une pareille situation, je l’aurais envoyé paître.
Mélissa (sourire coquin) : le ton était déjà lancé au cours ton voyage.
Moi : mais ça, c’était normal. C’était ça ma vie, dorénavant j'aspire à être meilleur.
Mélissa : je vois.
Il y a un flottement.
Mélissa : bon, assez parler de ton béguin. Maintenant que j’ai pu mettre la main sur toi, on peut faire un tour chez moi histoire de te remonter le moral.
Moi catégorique : non !
Elle me regarde les yeux plissés et je hausse les épaules.
Moi : je me préserve pour la femme de ma vie.
Elle me lance un regard ironique.
Mélissa : qui ne sait même pas que tu es l’homme de sa vie.
Moi : elle le saura tôt ou tard.
Mélissa : il faut d’abord le lui dire.
Moi : si tôt que je rentre, mais je veux d’abord la faire languir. Je ne suis pas un garçon facile moi.
Là elle rit franchement un moment avant de se calmer pour me fixer d’un air sérieux.
Mélissa : elle est sans aucun doute chanceuse cette fille et j’espère qu’elle s’en rendra compte très tôt. De toute façon, je suis là pour la remplacer.
Moi amusé : tu te mets sur le banc de touche ?
Mélissa : bof je me suis longtemps faite à l’idée de n’avoir aucune chance avec toi. De plus, elle a l’avantage sur moi d’être une musulmane.
Moi : ça n’a rien à voir, elle est spéciale, c’est tout.
Mélissa : si tu le dis.
On passe à d’autres sujets, enfin, elle me raconte ses périples. Je ne vais pas dire que ça m’ennuie, mais je l’écoute à peine. Je crois qu’elle a dû s’en rendre compte parce qu’elle vient de changer de sujet.
Mélissa (désignant la tasse vide devant moi) : tu veux une autre tasse de café ?
Moi : non ça me va, on peut y aller si ça ne t’ennuie pas.
Mélissa : d’accord, mais avant je voudrais savoir une chose.
Moi : laquelle ?
Mélissa : si éventuellement, elle accepte de partager ta vie, comment comptez-vous gérer la distance qui va s'immiscer entre vous ? Je suppose que tu devras tôt ou tard rentrer chez toi.
Je la regarde blême, je me rends compte à cet instant que je n’avais jamais songé à cela. Nahia a toute sa vie ici et moi, j’ai mes responsabilités à Abu-Dhabi. Pour que ça aboutisse l’un de nous deux devra un jour ou l’autre faire des concessions et ce n’est sûrement pas Nahia. Enfin, je ne vais pas lui imposer quoi que ce soit, elle a son travail et toute sa famille ici. Ce serait trop injuste de venir rompre cet équilibre. De mon côté ça ne me dérangerait pas de vivre ici et de me créer une activité, toutefois il me faudra forcément rentrer à un moment donné. Est-ce qu’elle serait prête à tout laisser pour me suivre ? Il faut le dire la remarque de Mélissa est pertinente, mais ça m’a mis dans le cogito. C’est pour cela que trente minutes plus tard après l’avoir déposé devant sa maison, je suis retourné m’installer à la terrasse d’un restaurant pour penser. Non seulement à ça, mais à tout ce qu’une histoire entre nous impliquerait.
Nahia…
Mamie : maintenant, tu fuis quoi ?
J’arrête de remuer la cuillère dans mon infusion (ce que je fais depuis dix minutes) avant de lui répondre.
Moi parlant d’un trait : j’ai bloqué mamie, je ne savais pas quoi dire. Je sais qu’on se plaît, qu’on a beaucoup accroché et tout, mais de là à ce qu’il m’aime, je ne m’y attendais pas du tout. (soupirant) Sur le coup, j’ai eu du mal à le croire. Enfin, je connais le personnage, il n’a jamais aimé personne.
Mamie : tu t’es voilée la face trop longtemps, ce jeune homme a toujours été amoureux de toi.
Moi surprise : tu le savais ?
Mamie : on n’apprend pas à un vieux singe à faire la grimace.
Moi : mais pourquoi est-ce qu’il ne m’a jamais rien dit ?
Mamie : il attendait le bon moment parce qu’il te connaît, il voulait au préalable détruire les hautes barricades qui protègent ton cœur parce qu’il sait que tu fuiras à la première occasion comme tu viens de le faire.
Moi soupirant : mon Dieu, je l’ai pourtant prévenu de faire gaffe de tomber amoureux de moi.
Mamie : rhhoo comme s’il était maître de ses sentiments. Tu veux donc dire que tes sentiments par rapport à lui n’ont pas évolué depuis le temps ?
Moi (posant ma tête contre le dossier de la chaise) : honnêtement, je ne connais pas la nature des sentiments que je ressens pour lui. Je me sens bien avec lui, mais je ne me sens pas amoureuse. Moi qui d'habitude tombe amoureuse facilement, avec lui, je ne peux pas dire que c’est le cas.
Mamie : je vois, bon maintenant que penses-tu faire ?
Moi la voix aiguë : beh mamie si je t’ai appelé, c'est pour que tu me trouves une solution.
Mamie : il te revient de trouver la solution, c’est toi qui sais ce que tu veux réellement et surtout ce qui te convient. Tout ce que je pourrais t’ajouter après tout ce qu'on s'était dit dans ton bureau, c’est de penser à lâcher prise une fois pour de bons. Ce garçon t’a prouvé à suffisance qu’il est sérieux et fiable. Il vient de s’ouvrir à toi et il est clair qu’il attend une suite. Aller go !! La balle est dans ton camp.
Moi (prenant une grande inspiration) : j’y pense depuis hier, ma foi je n’ai jamais autant réfléchis. Et pourtant, je suis toujours aussi confuse.
Mamie : peut-être que tu y verras plus clair en discutant avec lui.
Moi : il est introuvable depuis ce matin, en plus toute à l’heure, il m’a raccroché au nez.
Mamie : laisse-le revenir tout seul.
Moi soupirant : ok
Mamie (changeant de sujet) : ta sœur et toi avez pu trouver un arrangement pour votre voyage ?
Moi : oui, on a déjà les billets.
Mamie : je vous ai dit que tout va bien.
Moi : mamie, on veut venir vérifier par nous-même.
Mamie : cet argent que vous avez dépensé dans les billets aurait servi à des fins plus utiles.
Moi soupire lasse : mamie, on en a déjà parlé.
Nous passons le reste du temps à nous étendre sur le sujet. Au fait, nous avons prévu lui rendre une petite visite pour voir l’évolution réelle de sa santé. Elle clame qu’elle va bien alors que ses autres enfants disent le contraire. Liam a également prévu d'aller voir un spécialiste pour soigner son mal de rein qui devient tenace. Moi, j’y vais en même temps pour mamie que pour assister Amou avec les triplés. Mamie me laisse une vingtaine de minutes plus tard toujours aussi confuse à la différence que je sais maintenant par où commencer pour donner suite à ma réflexion.
Je n’ai clairement pas la tête à travailler aujourd’hui du coup, j’ai jugé bon de me prendre un jour de congé. A priori, c’était pour qu’on discute de ça lui et moi au calme, mais apparemment monsieur est en cavale dans la ville. Vous me direz que j’en fais toute une histoire juste pour un « simple baiser ». Mais là où je vous parle là, il me suffit de frôler mes lèvres pour que toute la sensation ressurgisse. Je ne peux même pas vous décrire le goût de ça et je ne veux même pas vous parler de la partie où il a fallu me débarrasser de ma petite culotte après m’être promptement nettoyée. Le pire, c’est que j’ai passé toute la nuit à vouloir recommencer, si ce n’est la bassesse ! (soupir) Je ne savais même pas que j’étais autant coagulée. Bon bref !
Je vais poser ma tasse encore toute pleine dans l’évier et reviens me chercher un verre d'eau quand mon téléphone sonne à nouveau. Je fronce les sourcils au regard du prénom qui s'affiche sur l'écran. Je l’ai même oublié celui-là.
Moi décrochant : allô ?
Manaar : allô, bonjour comment tu vas ?
Moi (me cramponnant à une chaise) : je vais bien et toi ?
Manaar : ça va si ça t’intéresse de le savoir. Quand bien même je ne t'ai pas appelé tu n'as pas daigné le faire non plus.
Moi : pour te dire quoi ? Je pensais que nous étions en pause.
Manaar : oui, mais cela ne devrait pas nous empêcher de prendre des nouvelles l’un de l’autre.
Moi (commençant à être agacée) : je te l’ai dit, je vais bien.
Manaar : Nahia ça fait pratiquement deux mois que j’ai initié cette pause, deux mois que tu me fais poireauter sans appels ni messages. Je ne sais quoi retenir de ton attitude. Est-ce une manière de me faire comprendre que tu es définitivement passée à autre chose ou dois-je encore espérer un futur entre nous ? Je trouve que ça traîne en longueur, j’ai besoin de ta réponse pour savoir quel sens donné à ma vie.
Moi : Manaar ce n’est pas une discussion qu’on peut avoir au téléphone.
Manaar : je suis d’accord, on en parlera à ma descente à Lomé.
Moi : ok ça me va.
Manaar : de grâce, ne fais plus la morte.
Moi : j’essaierai.
Manaar : Nahia…
Moi levant les yeux au ciel : Manaar, j’ai compris.
Il raccroche et je reste un moment à regarder mon téléphone. Maintenant qu’il en parle, je pense avoir fini avec cette histoire dès la minute où il a quitté cet appartement la toute dernière fois. Je n’avais simplement pas le courage de l'affirmer. Là, il va me falloir jouer cartes sur table même si je n’en ai toujours pas le courage. Ne me regardez pas comme ça, je tiens à préciser que c’est quelque chose que je n’ai jamais faite ! C’est quand même délicat, enfin pour quelqu’un qui a un cœur ! Bof pour le moment ce n’est pas le plus important.
Je retourne à ma besogne et me sers non pas de l’eau, mais un verre de lait que je bois goulûment avant de regagner ma chambre où je me déshabille et passe à la douche. Je ressors plus tard fraîchement parfumée par le gel douche et vais m’habiller pour me recoucher. Je n’ai pas sommeil donc je reste à fixer le plafond. C’est pendant que je m’évertue à faire le vide dans ma tête que la sonnerie de l’appartement retentit. À coup sûr, c’est Tina, elle dit avoir un potin pour moi. Je n’ai grave pas la tête à potiner, j’ai néanmoins besoin de distraire mes pensées.
Tina (dès que j’ouvre la porte) : Adja tu fais quoi à la maison un lundi ?
Moi : Tina apprend à dire bonjour aux gens.
Tina sarcastique : bonnnnnjjjjjooouurrrr.
Moi : lol, entre !
Elle entre et je referme la porte pendant qu'elle se dirige tout droit vers la cuisine.
Tina : j’espère que tu as quelque chose à manger par ici.
Moi : tu n'as pas déjeuner chez toi ?
Tina : si mais j'ai faim.
Moi soupirant : alerte gros bébé Tina.
Elle arrête de marcher et se tourne vers moi la mine froissée.
Tina : tssrrr est-ce ma faute ?
Moi (levant la main en signe d’apaisement) : fais-toi plaisir !!
Tina (me lançant un regard appuyé) : tu te désistes si tôt ?
Moi haussant l’épaule : de toute façon, tu feras ce que tu veux. J’ai fait du riz au lait.
Elle sourit de toutes ses dents avant de se déchaîner sur la casserole, je prends place et la regarde se servir deux tasses simultanément. Elle rajoute du lait de coco et du sucre au contenu et les juxtapose sur la table. Elle se sert ensuite un vers d’eau qu’elle vide d’un trait avant de lancer les hostilités. Je la regarde faire sans rien dire. À chaque grossesse, elle se goinfre autant que possible. Ce qui est bien est qu’elle reprend aussitôt sa forme juste après l’accouchement. Cependant, elle s’en sort toujours avec des points de suture. Je ne parle même plus, c’est sa douleur ou bien ?
Tina (la bouche pleine) : tu en fais une de ces têtes, tu ne m’as toujours pas dit ce que tu fais à la maison un lundi.
Moi : j’ai pris un congé, c’est tout.
Tina me fixant avec insistance : un lundi ?
Moi haussant les épaules : une nuit super agitée.
Tina : mais encore.
Je veux parler, mais elle me stoppe d’un geste de la main.
Tina : tu as du pop-corn ?
Je lui lance un regard interrogateur.
Tina : il nous faut du pop-corn parce que toi, tu as toujours des histoires abracadabrantesque digne des films Bollywoodiens.
J’éclate de rire avant de lâcher.
Moi : Khalil et moi, on s’est embrassée.
Elle arrête ses mouvements et me regarde avec les yeux grands ouverts.
Tina : hier soir ?
Je hoche la tête.
Tina : eh beh ce n’était pas trop tôt ! (prenant un bout) C’est à cause d’un simple baiser, tu fais cette tête ?
Moi la petite voix : ce que j’ai ressenti là n’était pas simple inh.
Tina : lol tu m’en diras tant. Donc ça y est, vous êtes officieusement et officiellement ensemble ?
Moi : on en pas encore parlé.
Tina : parler de quoi encore ? Votre jeu là devient lassant, vous nous gaspiller le couple avec toutes les étincelles qui gravitent autour de vous.
Je lui raconte tout dans les détails.
Tina (avec une grimace d’agacement) : genre, tu ne le savais pas quoi (non de la tête) tu débloques ou quoi ? (ajoutant) Tout ça même commence à faire chier !
Moi : oh, c’est comment ?
Tina avec humeur : tu as une ouverture au lieu de profiter pour te glisser, tu fuis, tu fuis pourquoi ?
Je soupire débitée.
Tina lancée : mais franchement, tu attends quoi pour te décider avec lui ? On en a déjà parlé, et ce, avec l’appui de la jeune dame de la fondation (celle que j’ai rencontrée à l’hôpital). Tu es là, tu tergiverses sur un bon morceau comme lui. Je peux comprendre que tu aies peur de te jeter dans l’inconnu, mais le Khalil nous a manifestement prouvé qu’il est un homme intègre. Il n’y a qu’à voir ce qu’il a fait de toi, il est à tes petits soins et ce n’est pas même pour dire que tu n’es pas intéressée. Cesse les blocages et profite pour une fois que le bonheur se met sur ton chemin. Non mais sérieux, tu n’as même pas idée d’à quel point les autres t’envient. Vanessa a juste exprimé tout haut ce que les autres taisent par respect et par compassion pour toi. Si tu restes là à dormir à côté de la bonne viande, elle va te montrer les recettes pour la déguster.
Moi : lol celle là n'a pas froid aux yeux, pauvre de Dodji.
Tina : vraiment ! Quoi qu’il en soit, on ne l’a pas raté les filles et moi. Dodji a carrément pété une durite, il l'a renvoyé chez ses parents.
Moi surprise : nannn ? Ça s’est passé quand ça ?
Tina : après votre départ.
Moi : orrhh pourquoi même je suis partie ??
Tina : en tout cas, c’était chaud hier ! Non seulement les deux, Bilal et Sadi, ce sont clashés proprement avant de s'en aller. En parlant de Bilal, vous avez par hasard décidé de remettre le couvert ?
Moi (touchant le bois de la table) : ieiishh que Dieu m’en préserve.
Tina : tu as intérêt !!
Elle pousse ses tasses devant moi.
Moi : j’imagine que tu es repue.
Tina (se saisit de son sac à main.) : mouais et je dois y aller. J’ai des courses à faire avec ma belle-mère, Bradley et elle s’envolent demain pour les USA.
Moi intriguée : les deux ?
Tina : une affaire de famille.
Moi : je vois, et comment ça avance avec l’affaire de la jeune dame de la fondation ?
Elle me raconte pendant que je l’escorte à sa voiture. Pour la petite histoire, j’ai repris contact avec la jeune dame en question quelques jours après notre sortie d’hôpital et tellement j’ai apprécié son initiative qu’on avait décidé Tina et moi d’aller faire des dons à la fondation. Malheureusement, nous étions tombées sur une scène incongrue et Tina en a dès lors fait son affaire (confer Amour et Raison). On se sépare sur la promesse d’en discuter longuement par messagerie. Je remonte et me rends dans la cuisine pour me servir à mon tour, il faut dire que le gros appétit de Tina m’a donné faim d’un coup. C'est pendant que prends plaisir à déguster ma bouillie que j’entends sonner. Mon cœur rate un battement à l’idée que ce soit Khalil.
En ouvrant la porte, je suis étonnée de voir Bilal et sa fille arrêtés sur mon palier. La petite tend ses bras ouverts vers moi, je la réceptionne en fixant son père le sourcil arqué d’interrogation. Son air fatigué m’interpelle.
Moi : qu'est-ce qui se passe ? Sa mère est où ?
Bilal : partie.
Moi de plus en plus intriguée : partie où ?
Bilal : tu comptes me laisser entrer ?
Moi me décalant : pardon, entre.
On se retrouve assis à table, la petite posée sur mes cuisses. Elle avale goulûment la bouillie l’air d'être vraiment affamée.
Moi : que s’est-il passé ?
Bilal : une petite tension après la fête d’hier, ce matin à mon réveil elle est partie en me laissant pour mot qu’elle a besoin de temps pour réfléchir sur l’avancement de notre couple.
Moi interloquée : et elle t’a laissé la petite ?
Bilal dans un soupir : oui.
Moi : mais tu l’as au moins appelé pour savoir où elle se trouve en ce moment ?
Bilal : je devrais faire ça ?
Je le fixe genre tu es sérieux là ? Il se gratte la tête penaud.
Moi : Bilal ta femme disparaît, le premier réflexe que tu devrais avoir, c’est de l’appeler tout au moins pour savoir si elle va bien et si possible essayer d’avoir plus d’explication.
Bilal : je m’inquiétais pour la petite…
Moi l’interrompant : c’est tout à fait normal, mais l’idéal aurait été d’appeler ta femme avant tout propos.
Bilal (pendant que je lui sers une tasse) : elle n’avait pas à partir sur un coup de tête comme ça !
Moi : qu’est-ce que tu lui as fait pour qu’elle en arrive à cet extrême ?
Bilal (se grattant la tête une nouvelle fois) : on s’est disputé à cause de toi.
Moi feignant l’ignorante : ah ouais ? J’ai quoi à voir dans votre histoire ?
Je lui tends la tasse dont il se saisit.
Bilal : en fait, elle est jalouse. Elle pense que je veux te reconquérir.
Moi : et avec raison (il ouvre les yeux) franchement, si elle ne t’acculait pas s’aurait été moi. C’est normal qu’on se pose des questions si tu viens tous les jours chez moi, tu es tout le temps au téléphone malgré que ton fils ait son propre téléphone. Le must, c’est quand tu te permets de me faire des remarques sur mes fréquentations !
Il me lance un regard l’air sidéré que je soutiens en hochant la tête.
Bilal : vous n’y êtes pas du tout. Je cherche simplement à me rattraper (j’arque le sourcil.) oui parce que j’ai pris ton père au mot et je voulais veiller Nabil au grain. J’ai tellement eu peur qu’il… Enfin, sa maladie m’a fait prendre conscience que je ne suis pas assez présent dans sa vie, que je n’ai pas assez joué mon rôle de père. À présent que la vie m’a donné une seconde chance, je veux pouvoir passer chaque seconde, chaque instant avec lui. Il est tellement précieux pour moi, mais je ne lui montre pas cela assez. Nahia tu ne comprend pas, il est tout ce qui me reste de toi.
Il le dit en posant une main sur la mienne, j’enlève ma main prestement toute crispée.
Bilal : t’inquiètes, j’avais compris que je n’aurais plus jamais de chance avec toi. Tu sais, mon choix avait déjà été fait et je me dois de l’assumer; mais s’il fallait le refaire, je réfléchirais par deux fois. Je me rends compte au fil des années que j’ai laissé la meilleure pour trouver le mieux, j’étais amoureux et con. (il s’arrête et soupire) De toute façon, il est trop tard pour regretter.
Je le regarde abasourdie.
Moi : Bil tu es heureux ?
Il arque un sourcil et me regarde, c’est en ce moment que je me rends compte que je viens de l’appeler comme avant. Je lui rends un regard inquisiteur.
Bilal : pas vraiment (hésitant) Avec Sadi (soupire) On se prend la tête pour tout et pour rien, elle me fait tout le temps des reproches. J’essaie de m’améliorer, je fais des efforts pour que ça marche, mais ce n’est guère suffisant pour elle. Je...
Il se tait et se prend la tête entre les mains l’air submergé.
Moi (me voulant conciliante) : ça va s’arranger, il y a des moments comme ça dans un couple. Asseyez-vous, discutez-en et essayez de relancer votre couple.
Bilal hochant la tête : d’accord, je vais essayer. (pause) Donc tu es sérieuse que tu veux te mettre avec l’Arabe ?
Moi agacée : Bilal, je ne veux pas parler de ça avec toi.
Bilal : mais Nahia, tu le connais à peine ! Je dis ça pour que tu ne reprennes pas la même erreur que moi.
Moi : sans vouloir t’offenser cet Arabe comme tu l’appelles en quelques mois a fait pour moi ce que (l’indexant) TU n’as pu faire en cinq ans. Laisse-moi te dire que si tu es ici dans mon appartement en train d’avoir cette conversation avec moi, c’est grâce à lui. (fixant un point imaginaire) Lui, il a changé ma vie alors que toi et d’autres personnes que je ne citerai pas l’avez détruite. Il a été mon épaule, la lumière dans mes jours sombres, il m’a guéri de mes plaies. Grâce à lui, j’ai retrouvé la paix et l’équilibre dans ma vie, je suis heureuse comme tout. Je ne suis pas une personne spéciale, mais à ces yeux, je me sens comme une princesse. Aujourd’hui plus rien ne m’ébranle parce que je sais que je ne serai pas seule dans la souffrance… Il…
Je me lève précipitamment en calant la petite Nahia sur ma hanche et pars à la recherche de mon téléphone.
Bilal me suivant inquiet : mais qu’est-ce que tu fais ? Tu vas où ?
Moi déboussolée : je dois l’appeler.
Bilal : appeler qui ?
Je ne l’écoute même plus et lance le numéro de Khalil qui sonne dans le vide, je réessaie plusieurs fois sans résultat. Je tourne en rond dans la pièce avec Bilal à mes trousses, je finis par me saisir de mes clés de voiture et me dirige vers l'entrée avec l'intention d'aller rechercher Khalil. En fait, je viens de réaliser moi-même tout ce que je viens de dire. On se fout si je l’aime ou pas, le bonheur qu’il m’apporte me suffit. J’ai peut-être mis du temps à comprendre cela, mais je ne veux personne d’autre dans ma vie que monsieur tête en l’air.