l'aventure mystique
Ecrit par L'Africain
Puis après plus de six heures de routes et à quelques encablures de Minkebe, la présence d’un troupeau de moutons en bordure de route, tel des panneaux de signalisation, indiqua au chauffeur qu’un village n’était plus loin. Effectivement ils étaient arrivés à destination.
Soudain, François se sentant bousculé, ouvrit les yeux et vit Rosa qui lui dit :
- Coucou Francky, petit nom que lui donna Rosa, nous sommes arrivés et tu as beaucoup dormis.
Après un léger étourdissement, il s’étira en disant qu’il avait des douleurs lombaires à cause des secousses.
Puis à la descente, il vit des gamins qui accoururent vers lui en criant :
-Venez voir !! Un otanganis. Cela signifie dans la plupart des dialectes du Gabon : un blanc.
Il finit par se trouver encerclé par ces gamins, qui le regardaient avec beaucoup de curiosité. Même les femmes du village guettaient depuis leur case, cette présence inhabituelle d’un otanganis dans le village. Puis, la rumeur précédant très souvent les faits, arriva aux oreilles du chef du village. François quant à lui, ne sachant quoi dire aux gamins, sortis son appareil photos et commença à filmer. Soudain Rosa l’interrompit et dit :
-Tu n’as pas le droit de filmer tant que le chef ne t’a pas donné les clefs du village. Cela signifie en quelque sorte qu’il n’avait pas encore payé son droit de visite.
Elle lui proposa alors de passer par un intermédiaire pour accéder au Grand Chef du village. Il lui vint tout suite à l’esprit, son cousin qu’on appelait communément dans le village : « Bamba l’invincible ». En effet, ce surnom lui avait été donné en raison de la force herculéenne qu’il possédait quand il abattait des arbres de kevazingo, avec l’aide d’une simple hache. Le Kevazingo est une des essences célèbres du Gabon, très rare et mettant des années à arriver à maturité. De couleur rouge, noire ou marron, ce bois très dur et dense, est utilisé pour fabriquer des meubles chics. Il est particulièrement prisé par les Asiatiques et fait l'objet d'un vaste trafic. On raconte que les esprits de la forêt poursuivront ceux qui le vendent !
Lorsque ces mastodontes sont arrachés du sol et trainés avec des chaines par des engins motorisés pour rejoindre d’abord les fleuves, puis l’océan, les paysans n’hésitent jamais à laisser couler quelques larmes. Car cette image rappelle, dans l’inconscient collectif, le souvenir des esclaves arrachés de leur terre par la force, enchaînée les uns derrière les autres, pour se diriger vers les négriers, qui allaient les conduire dans le nouveau monde. C’est comme si la traite de jadis, avait changé de marchandises, toujours pour satisfaire la demande insatiable des pays occidentaux.
C’est alors que Rosa s’empressa de l’emmener chez son cousin qui se trouvait dans un hangar annexe à sa demeure et lui expliqua l’objet de leur présence. Face à un étranger, de surcroît un otangani, son cousin fut pris au dépourvu et ne sut quoi dire dans un premier temps. Puis, il ne tarda pas à lui souhaiter la bienvenue et faire apporter par sa femme, de l’eau dans une calebasse, en disant :
-Chez nous, quand un étranger arrive, la première chose qu’on lui propose c’est de l’eau. Car on estime que la route a été longue et qu’il doit certainement avoir soif.
François prit une gorgée et lui dit :
-Je souhaite rencontrer le Grand Chef.
-Ok je vais t’y conduire répondit le cousin, mais Rosa ne pourra pas être avec nous, car les femmes ne sont pas autorisées à entrer dans la case ou siège le conseil des anciens et dignitaires.
-Ok répondit-il.
Puis le cousin de Rosa se fit annoncé pour une audience auprès de l’assemblée. Un émissaire fit la courroie de transmission entre eux et le Grand Chef. Lorsque l’information parvint à ses oreilles, il donna l’autorisation de les recevoir. Arrivé sur les lieux, François vit des vieillards assis en forme de cercle autour d’un monsieur portant une barbe blanche et un grand boubou. Tout de suite, il sut que ce type était le chef. Mais à la différence de la description de Rosa, il remarqua qu’il était le seul à porter de l’or. Même son fauteuil était rembourré de feuille d’or avec des ivoires gigantesques d’éléphants juste derrière lui. Il y avait aussi une énorme peau de panthère exposé tel un trophée à même le sol. Sa tunique fait de peau d’animal tanné, était d’un blanc éclatant et des files d’or y étaient brodés dessus. A l’image des rois africains, il inspirait le respect et la crainte. On ne pouvait pas le fixer dans les yeux car son regard intimidant, vous forçait à les baisser. C’était un homme épris d’une profonde sagesse. Il était le dépositaire mortel d’un pouvoir immortel, car il totalisait en lui-même le temps mythique, en incarnant le héros fondateur, et le temps social considéré comme source de vitalité du groupe. La mort du Chef est une cassure du temps qui arrête les activités, l’ordre social, toute expression de la vie, depuis le rire jusqu’à l’agriculture, et l’union sexuelle des bêtes ou des gens. L’interrègne est une parenthèse dans le temps. Seul l’avènement d’un nouveau roi recrée le temps social qui se ranime et se meuble. Tout est omniprésent dans ce temps intemporel de la pensée animiste où la partie représente et peut signifier le tout ; comme les cheveux et les ongles qu’on se garde de laisser tomber entre les mains d’un ennemi de peur qu’il n’ait une prise sur la personne elle-même. On raconte aussi dans le village qu’il est investi d’un pouvoir mystique, celui de parler avec les éléments de la nature. Dans sa vie conjugale, il avait 3 femmes officiels et aimait surtout passer ses moments de détentes avec l’une d’elle, surnommée Samantha, qui était d’ailleurs la plus jeune de toute.
Puis François dit :
-Bonjour sa majesté en inclinant légèrement la tête et tous les hommes se mirent à éclater de rire
- Un étranger ne parle jamais directement au chef dit le cousin de Rosa. Met juste un genou à terre et regarde-moi faire, dit-il en chuchotant. Mbolo Samba Grand Chef et à l’illustre assemblé des sages, poursuivi le cousin de Rosa. Grand Chef, je vous prie de recevoir cet otanganis qui souhaite vous présenter ses civilités.
Le Grand Chef brandis son chasse-mouche et dit qu’il savait avant qu’il n’arrive ici, qu’un otanganis viendrait dans ce village.
-Que désirs-il ? avança le Grand Chef.
- Il a fait la connaissance d’une fille de notre contrée, et souhaite se conformer à notre tradition, à savoir celle de se faire circoncire. Voici une bouteille de gin qu’il vous a apporté pour vous remercier de votre hospitalité.
Le Grand Chef resta sans rien dire. C’est alors que François, impatient de faire avancer les choses, décida de passer à l’action. Il ouvrit son sac et sortit la pierre d’émeraude qui s’illumina d’un bleu turquoise à la lueur des flammes accrochés sur les murs du bâtiment. Tous émerveillés par l’éclat et la beauté de la pierre, demandèrent ce que cela était. Même le Grand Chef, hypnotisé par la splendeur, la pureté et la beauté de ce caillou, resta quelques secondes bouche bée. Alors François dit au cousin de Rosa :
- Dit-lui que je lui offre cette pierre qui représente le symbole d’une amitié incommensurable et n’ayant de prix.
-Le cousin de Rosa répéta tout ce que François lui dit et apporta la pierre au pied du Grand Chef.
Le Grand Chef, content de cette estime envers sa personne, accepta les présents et lui demanda de s’assoir avec les autres.
-Soit le bienvenu, dit-il
Et demanda à un émissaire d’apporter une bouteille de vin de palme.
Chacun à tour de rôle en commençant par le chef, prit une gorgée. Le dernier à en prendre fut François qui voulait tout boire, tant le gout légèrement fruité, occasionna un plaisir sur son palais. Puis le Grand Chef fit la présentation de son assemblé, en disant qu’il était assisté par un conseil de chef de clan et de dignitaires de cette contrée.
Mais deux anciens assis dans l’assemblée, n’étaient pas du tout content de la réaction du Grand Chef à accepter les « fétiches », selon eux, de cet otanganis sans en consulter les membres. Ces deux personnages, sexagénaires, étaient des docteurs de la loi traditionnelle. Contrairement au Grand Chef, Ils connaissaient dans les moindres détails toutes les dispositions de la tradition. Ils étaient médisants, réfractaires au changement et accrochés à leurs privilèges indus au détriment du peuple. Ils rêvaient de prendre un jour la place du chef et ainsi dicter leur loi machiavélique sur le village. Aussi, Ils étaient reconnaissables par leurs boubous teints avec des couleurs éclatantes et une canne arborant une tête de serpent dessus. L’un d’eux appelé Zumba en était le leader. Il était grand de taille, très mince et portait un morceau de tissu qui recouvrait un œil perdu, suite à la morsure d’une Panthère lors d’une partie de chasse nocturne. Il demanda la parole et s’exprima en ces termes :
- Mbolo Samba grande assemblé des anciens, nous avons reçu la visite d’un otanganis dans notre village. Il à apporter comme se veut notre tradition des présents, pour être intégré dans le contingent des impétrants au processus de circoncision. « Si l’œil regarde en avant, le pied ne peut pas trébucher », dit-il, c’est un proverbe gabonais qui signifie qu’un œil avertis en vaut deux, alors je pense que nous devrions d’abord consulter nos ancêtres pour savoir si sa présence n’était pas de mauvais augure.
C’est alors qu’une partie de l’assemblée acquiesça cette importante remarque et demanda au Grand Chef qu’il en soit ainsi. Dès lors, ils se retirèrent dans un endroit pour invoquer leurs ancêtres. Pendant ce temps, François et le cousin de Rosa, restés dans le temple, se mirent à discuter. Le cousin de Rosa l’expliqua l’objet de ce déplacement et rappela qu’ils se méfiaient des otanganis. Il ajouta que les anciens disaient que les otanganis furent jadis bien accueillis il y a très longtemps, à l’époque coloniale. Ils sont arrivés pour faire du commerce avec nous, mais finalement nous avons été abusés par la spoliation de nos objets culturels. Certains se retrouvent aujourd’hui dans les pays des blancs. Alors qu’ils nous ont dit que c’était des objets voués à des cultes païens. Si bien que nous avions rejeté tous ce qui constituait notre patrimoine, au profit de leur religion.
Après plus d’une heure de concertation des anciens, les voici de retour. Certains le visage serré et d’autre beaucoup plus reluisant. La mise en place de l’assemblée faite, le Grand Chef pris la parole et dit ceci :
- Humm ! S’exclama-t-il, après consultation des ancêtres, et le collège des anciens, nous avons approuvés l’objet de ta présence ici, toi l’otanganis. Ainsi, tu devras pendant une période d’épreuves, nous montrer ton abnégation, ton courage et ta volonté à vouloir ce que tu recherches ainsi que l’humilité, car devenir un homme chez nous requière l’apprentissage de toutes ces qualités.
La séance levée, François fut reconduit dans une case réservée aux visiteurs du village. Rosa le rejoignit et fut mise au parfum de tout ce qui s’était passé par François. Elle l’exhorta de s’y conformer, si tant il tenait à elle. Puis elle se rendit dans la case des femmes pour se coucher.
Durant une bonne partie de la soirée, tout seul dans cette case, François sortit son carnet de route avec un stylo et se mit à écrire tout ce qu’il avait vécu depuis son arrivé au Gabon. Les personnages, l’environnement, les animaux, bref rien n’y échappa à sa minutieuse observation. Puis l’heure étant très avancée dans la nuit, il s’écroula sur son matelas et tomba dans un profond sommeil.
Peu de temps avant le lever du jour, sans savoir ce qui se passe, des hommes cagoulés l’embarquèrent manu militari et l’emmenèrent vers une destination inconnue. Lui aussi fut cagoulé de sorte qu’il ne retrouve plus le chemin du retour. Il était porté par ces hommes et marchèrent plusieurs kilomètres sur des sentiers dans la brousse. Les bruissements des bestioles, d’oiseaux et du craquement des feuilles mortes de la forêt, contribuèrent à alimenter la terreur auprès de François. Peu avant l’heure du midi, arrivez dans une clairière en pleine forêt des abeilles, un désert vert quasi impénétrable, la cagoule lui fut hottée. La peur jusqu’au ventre, il vit plein d’homme robustes, portant des caches sexes et une cagoule l’encercler. Aussi, juste à proximité, des gamins tout comme lui néophytes, ne savaient pas ce qui se passait. Des sons assourdissant furent émis à l’unisson par les hommes cagoulés dans l’optique de créer la frayeur. L’un d’eux prit la parole et leur ordonna de se déshabiller totalement. François eu du mal à le faire car il ne comprenait pas trop l’objectif de ce rituel. Toutefois par peur des conséquences de son refus d’obtempérer, il fit comme les autres gamins, finit par se déshabiller. Puis un homme s’écria à haute voix :
-Chers néophytes vous êtes ici pour effectuer votre passage d’adolescent à homme. Vous allez devoir nous prouvez votre capacité à endurer différentes épreuves. Seuls les plus méritants recevront la consécration ultime qui fera d’eux des hommes dignes de se tenir avec les autres hommes. Aussi, ces derniers pourront choir parmi les plus belles femmes du village, leurs futures épouses. Mais tout cela est encore bien loin devant vous. Alors armez-vous de courages, car étroite est la voie qui mène à la gloire, large et spacieuse est celle qui mène à la perdition.
Par la suite, les néophytes furent amenés prendre un bain de boue chacun à tour de rôle pour une prise de contact entre eux. Puis comme repas de la journée, ils mangèrent des tubercules fraîchement déterrés de terre. L’acidité et l’amertume donnait un goût désagréable au palais et ne permettait plus à l’instant d’ingurgiter quoi que ce soit. Plusieurs jours passèrent et nos néophytes étaient en train de traverser différentes épreuves. Ils furent amenés entre autre à escalader sans possibilité de repos, un mont dont le sommet se fondait dans les nuages du ciel. La baisse d’oxygène en altitude, ainsi que le froid mirent à bout certains néophytes. Mais François, comme galvaniser par l’objectif ultime, résista à cette épreuve. Venant du Canada, le froid qu’ils durent braver en escaladant les montagnes le caressait à peine, si bien que les autres impétrants vouèrent une admiration pour lui, car étant loin de son pays, il arrivait tout de même à braver ces épreuves.
Puis au fil du temps, une attitude de solidarité, de partage et d’entraide naquirent entre eux. Sous la bienveillante attention des maitres instructeurs, ces qualités permirent à François d’obtenir des notes assez satisfaisantes.
Ils traversèrent durant ces épreuves des étangs d’eaux infestées de reptiles de la forêt des abeilles. Ils étaient quasiment impossibles de se tenir debout ou assis sans se frapper dessus en raison des piqures d’abeilles et du bourdonnement de moucherons. D’ailleurs, ces bestioles à elles seuls étaient capables de mettre à bout les nerfs de tout un chacun rien que par leur l’inlassable sifflement aux oreilles des néophytes. Certains pour résister à ces incessantes attaques de bestioles, enfilèrent des tee-shirts autour de la tête notamment pour couvrir les oreilles. D’autres part, des lianes entremêlées par ci et là, avec de grosses épines leurs déchiraient la peau lorsqu’ils empruntaient des voies étroites. Un jour l’un d’eux lors d’une randonnée nocturne, marcha sur une espèce de liane gluante se disait-il. Mais en réalité c’était un python de plusieurs mètres qui se prélassait dans la forêt. On raconte d’ailleurs que lorsqu’il est piétiné, c’est à la troisième tentative qu’il prépare sa morsure. Alors malheur à celui qui se trouve la troisième personne à lui marcher dessus. D’autre part, au cours d’une promenade en brousse, la rencontre d’une fourmilière donnait au maître l’occasion de dispenser des connaissances variées. Soit il parlait de l’insecte lui-même, des lois qui régissent sa vie et de la classe d’être à laquelle il appartient. Soit il donnait une leçon de morale en leur montrant comment la vie de la collectivité repose sur la solidarité et l’oubli de soi. Par ailleurs, ils durent se nourrir de tous ceux qu’ils rencontraient sur leur chemin : verres de terre, serpents et des fruits tropicaux parfois laissés par terre par des primates. L’instinct de survie fut le leitmotiv de cet enseignement. Le soir venu, des épreuves les plus invraisemblables leur furent faites. Notamment celle d’aller chercher du miel tout en faisant fi de la douleur occasionnée par les piqures d’abeilles, en mettant le corps en état d’insensibilité totale. Naturellement, des exercices préparatoires leur était fait, pour être capable d’exécuter ce type d’épreuve. On l’apprit également durant ces épreuves, qu’il avait son semblable dans le règne animal et végétale donc de respecter la nature. Ne pas l’exploiter de façon irrationnel, mais selon les besoins du moment. De sorte que le développement du présent, ne puisse compromettre la capacité aux générations futures, à faire le leur.
Puis un jour, ils arrivèrent dans un endroit pour le moins insolite. Il y avait une grotte lugubre à laquelle des inscriptions étranges y étaient gravées à même la pierre. Ils virent dessus aussi l’empreinte d’un pied humain mais de géant. Puis ils firent la rencontre d’un petit homme. C’était un vieil homme de la taille d’un enfant de cinq à six ans qui leur parlèrent en ces termes :
- Je suis le génie de cette forêt et vous êtes invité à entrer dans mon royaume.
En rentrant dans la grotte, tour à tour, un homme leur donnait un morceau d’écorce très amer d’un arbre mystérieux à mâcher. On raconte que c’est l’arbre de la connaissance auquel fait référence la bible. Puis, une espèce de Transe brusque leur prirent. Soudain François se trouva comme par enchantement dans une ville avec beaucoup de bruit, auquel on pouvait observer de nombreux commerçants en mouvements. Il demanda avec curiosité où il se trouvait un homme dont il ne voyait pas le visage.
Celui-ci lui répondit :
- Tu es dans l’un des deux grands royaumes du Gabon. C’est ici que les entités spirituelles du Gabon demeurent. Nous échangeons beaucoup de choses avec le monde des hommes et sommes les gardiens protecteurs de ces côtes d’Afrique. Nous avons vu ton courage et ta détermination, c’est pour cela que tu te retrouves ici, afin que l’on t’enseigne la genèse primordiale. Les royaumes que tu aperçois aux larges, sont des royaumes vassaux à ce royaume. Ils nous ont fait Allegiance il y a très longtemps. Nous fûmes créés par la parole bien avant vous les hommes dans l’ordre de la création. La parole « Kuma », est une force fondamentale et elle émane de l’Etre Suprême lui-même, le créateur de toutes choses. Elle est l’instrument de la création : « ce que le créateur dit, est ! Cette parole on la voit, on l’entend, on la sent, on la goûte, on la touche. C’est une perception totale, une connaissance où tout l’être est engagé.
Maintenant écoute très attentivement ceci :
- « Au commencement, il n’y avait rien, sinon un Etre. Cet Etre était un Vide vivant, couvant potentiellement les existences contingentes. Le Temps infini était la demeure de cet Etre-Un. L’Etre-Un se donna le nom de Maa Ngala. Alors il créa « Fan », Un Œuf merveilleux comportant neuf divisions, et y introduisit les neuf états fondamentaux de l’existence. Quand cet Œuf primordial vint à éclore, il donna naissance à vingt êtres fabuleux qui constituaient la totalité de l’univers, la totalité des forces existantes de la connaissance possible. Mais hélas ! aucune de ces vingt premières créatures ne se révéla apte à devenir l’interlocuteur que Maa Ngala avait désiré pour lui-même. Alors, il préleva une parcelle sur chacune des vingt créatures existantes, les mélangea puis, soufflant dans ce mélange une étincelle de son propre souffle igné, créa un nouvel Etre, l’Homme, auquel il donna une partie de son propre nom : Maa. De sorte que ce nouvel être contenait, de par son nom et l’étincelle divine introduite en lui, quelque chose de Maa Ngala lui-même. Maa, l’Homme, reçut en héritage une parcelle de la puissance créatrice divine, le don de l’Esprit et la Parole. Aussi Maa Ngala enseigna à Maa, son interlocuteur, les lois d’après lesquelles tous les éléments du cosmos furent formés et continuent d’exister. Il l’instaura gardien de son Univers et le chargea de veiller au maintien de l’Harmonie universelle. Ainsi la parole divine de Maa Ngala est venue animer les forces cosmiques qui reposaient, statiques, en Maa, de même la parole de l’homme vient animer, mettre en mouvement et susciter les forces qui sont statiques dans les choses. La parole, est en rapport direct soit avec le maintien, soit avec la rupture de l’harmonie, dans l’homme et dans le monde qui l’entoure. Ainsi je t’exhorte à garder ta langue plus que toute chose, car d’elle, vient les sources de la vie. Mais tu auras le temps de connaître bien d’autres mystères. Pour le moment tu en as assez vu et assez entendu. Tu vas repartir et tu t’appelleras dorénavant Olamba. A chaque fois que l’on prononcera ce nom pour t’identifier, tu seras immédiatement connecté au flux intarissable de la force associée à ceux qui ont porté jadis ce nom. Car les morts ne sont pas morts. Ainsi je tiens à te mettre en garde : malheur à toi si tu racontes à un profane tout ce que tu aurais entendu et vu.
Puis il se réveilla brusquement au village de Minkebe dans la case des anciens. Ne comprenant rien à ce qui s’était passé, il afficha un air étourdit. Mais ayant bravé avec brio toutes les épreuves, il reçut les ovations de l’assemblé.