Le linge sale
Ecrit par Saria
Chapitre 21 : Le linge sale
*** Aéroport TSO – Ouagadougou, Burkina Faso***
***En milieu d’après-midi***
***Joan***
Je sens mon futur ex-beau-frère très nerveux. Nous n’avons pas trouvé ma sœur et là, ça fait 45 mn que l’avion de papa et de sa femme a atterri. C’est presqu’au pas de course que nous arrivons à l’aéroport. En plus de trois heures passées ensemble, nous n’avons pas échangé dix phrases. Il me fait même pitié.
Nous entrons au salon d’honneur où papa attend avec Adesua. Désolé, ce n’est pas ma mère ; à la limite, je lui accorde du « tata » par respect.
Kader : Toutes mes excuses, maman, papa… Nous étions dans les courses.
Papa : Ok… Ce n’est pas grave.
Adesua : Où est mon bébé ?
Kader : Euh…
Moi (venant à son secours) : Elle est bloquée dans les préparatifs. Vous avez fait un bon voyage ?
Adesua : Oui… Thanks Baba God… Heureusement, ce n’est pas long… Je n’aime pas les avions.
Papa : Je ne dirais pas non si nous partions tout de suite !
Kader : Bien-sûr ! Je manque à tous mes devoirs ! Suivez-moi, s’il vous plaît.
Nous embarquons tous dans le 4x4, direction la villa. Une trentaine de minutes plus tard, nous arrivons ; les gardes nous ouvrent. Loubna vient nous accueillir et conduit directement papa et sa compagne vers leur chambre. Moi, je vais dans ma dépendance me rafraîchir vite fait. La température est très élevée et ma sœur qui reste introuvable. Les heures qui arrivent s’annoncent infernales ; rien que d’y penser, j’ai des vertiges : entre maman, Adesua, papa… Hum !
Comme pour confirmer mes craintes, j’entends frapper à ma porte, dès que j’ouvre :
Chérifa : Tonton, faut que tu viennes-là ! Mamie Adesua et Mamie Vera s’engueulent au salon.
Moi : J’arrive !
J’ai juste le temps d’enfiler une chemise, je rencontre aussi Kader que Yacine a alerté. Papa semble débordé.
***Michel***
Ces femmes me rendent fou ! Vera, comme d’habitude dès qu’elle me voit, commence ses « minauderies ». Même si ce n’est pas du goût de ma chérie, elle ne le montre pas. Les choses ont dégénéré quand Vera a parlé de la disparition de Selma et qu’Adesua a dit qu’il fallait retrouver son « bébé ».
Vera : Michel chéri, dis à cette femme que lorsque toi et moi parlons de notre fille Selma, elle n’a pas à s’en mêler !
Moi : Vera, s’il te plaît !
Adesua : Tou penses que si tou m’insoultes, ça va changer quelqué chose ? Moi aussi je souis la maman de Selma.
Vera : Dans tes rêves !
Joan : Maman !
Vera : Joan, mon chéri ! Je dis à ton père que nous ne retrouvons pas ta sœur depuis ce matin. Qu’elle est sortie bouleversée ! J’ai dit que finalement cette union est une erreur et cette… dame me dit que c’est à Selma de décider et que le plus important est qu'il faut retrouver son bébé !
Joan (calmant le jeu) : Maman s’il te plaît, nous sommes tous inquiets et nerveux… Donc…
Vera : Dès que je retrouve ma fille, nous repartons d’ici !
Adesua : Aucun amour n’est facile ! Pourquoi tou veux qu’elle quitte l’homme de son cœur… Comme toi tou es partie, tou veux aussi qu’elle parte ?!
Michel : Adesua !
Adesua : Tou cries pourquoi, Michel ?! Quand ta femme a parlé sur moi, tou a dit quoi ?
***Joan***
C’est un vrai brouhaha. Kader essaie de calmer Adesua. Moi, je parle à maman et papa est là, un peu sonné. Manifestement Adesua en a gros sur le cœur et tient à vider son sac.
- Tou es partie et je souis veni dans la vie de Michel. Mais ça, c’est trop dur pour toi, tou montes tes autres enfants et ils me méprisent. Demande à Michel, quand je l’ai vou, s’il y avait quelqu’un dans sa vie ?! Alors, what’s wrong ? Selma c’est ma fille, mon bébé, même si elle n’est pas sortie de mon ventre… C’est ma fille !
Selma : Qui a dit le contraire, mummy ?
Personne ne l’a vue entrer, nous nous retournons tous d’un bloc. Elle est là, debout à l’entrée de la salle de séjour. Elle porte une robe en lin orange et semble fraîche. Différente de la façon débraillée dont elle a quitté la maison ce matin. Les deux dames se jettent littéralement sur elle. Stoïque, elle se laisse faire.
***Selma***
Sur les visages, je vois un mix d’émotions : stupéfaction, soulagement, joie. Mes mamans se jettent sur moi. De mes doigts j’essuie les larmes qui perlent aux yeux de maman Adesua.
- Je suis ton bébé mummy et ça, personne ne peut le changer. Quand j’ai des doutes, quand j’ai peur, quand je suis en colère, quand je suis heureuse, c’est toi que je vois… de façon inconditionnelle. Il n’y a pas cette situation où je ne me demande pas ce que tu ferais ou penserais si tu étais à ma place.
Elle se jette à mon cou en pleurs. Je la berce comme une enfant. Je vois alors l’autre maman, ma mère se retourner, les épaules voûtées. Je repousse doucement maman Adesua et rattrape l’autre par la main.
- Toi aussi je t’aime, maman. Quoi que je fasse consciemment ou inconsciemment, je cherche ton approbation. Fais un effort pour moi… Entends-toi avec Maman Adesua… Elle ne t’a rien pris… Ni papa… Ni moi. Alors fais un effort !
Elle hoche la tête ; pour une fois elle a perdu de sa superbe, elle est moins hautaine. Je salue mon père avant de monter dans ma chambre. Je referme la porte quand elle s’ouvre… sur Kader. Nous nous dévisageons un moment.
Kader : Je t’ai cherchée toute la journée.
Moi : Ah…
Kader : Marlène…
Moi : Vous êtes toujours mariés ? Tu m’as dit que vous étiez séparés mais… Elle porte toujours ton nom.
Kader : Non ! Enfin oui ! Euh… oui, nous sommes divorcés. Elle a demandé à garder mon nom ; je m’en fous un peu.
Moi : Alors que fait-elle ici, dans cette maison ? Je dois m’attendre aussi à ce que Carmen ou la mère d’Audrey débarquent à tout moment ? En brandissant ton nom comme un étendard ?
***Kader***
Je comprends ce qu’elle essaie de faire, le message est clair : « mets de l’ordre dans ta vie ». Je sais que je lui en impose déjà beaucoup avec mes responsabilités. Les mots pour la rassurer restent bloqués dans ma bouche. Alors je fais ce qui me semble parlant. Je pose mon genou à terre et sors la bague que j’ai trimbalée toute la sainte journée. Cette bague pour laquelle j’ai réuni tout le monde et que j’étais censé lui donner ce soir au dîner. Mais là, il y a urgence.
Kader : Selma Koukoui, veux-tu m’épouser ?
Un ange passe… Je ne sais même pas quoi dire.
Je la vois se figer. Elle souffle comme quand elle cherche à garder son sang-froid, se tourne lentement vers moi. Je soutiens son regard, les bras croisés.
Selma : Tu es sérieux là ?!
Moi : Oui… Je t’aime… et je veux t’épouser… Tout le monde est informé…
Selma : …
Moi : Euh… J’ai voulu être sûr que tous les agendas concordent avant de t’en parler… Bien avant que Marlène n’apparaisse.
Selma (murmurant) : Kader… Dis-moi, pourrais-je espérer un jour, ne serait-ce qu’une fois, que tu te conduises comme tout le monde ?
Je la sens fâchée et je ne comprends pas vraiment sa réaction. Mais j’ai ma réponse dans la seconde !
- T’es-tu demandé un seul instant si j’ai envie de me marier… Avec tes fantômes qui apparaissent ? Tu penses vraiment te sortir de l'incident de ce matin par une demande ? Ou tu me crois désespérée à ce point ?!
Honnêtement, sa réaction me déstabilise énormément ! J’ai pensé lui faire plaisir et là, j’ai une réaction complètement à l’opposé de mes attentes. Avant que je n’aille au bout de mes réflexions, elle sort de la chambre en claquant fort la porte.
***Selma***
Je suis assise sur l’un des bancs du jardin, il fait déjà nuit. Les enfants sont venus me chercher pour dîner mais j'ai refusé. J’ai envie de souffler, je me doute bien qu’aimer est difficile mais aimer un homme comme Kader demande de l’endurance. Le mec est capable d’être muet comme une tombe, encaisser n'importe quel coup et en même temps, faire preuve d’une grande fragilité ; il peut se montrer intransigeant, sévère et en même temps faire preuve d’une grande tendresse. Mais là, il a fait fort. Je ne vais pas le quitter mais j’ai envie qu’il comprenne qu’il mélange tout et que j’ai un cœur.
« Oh zut ! »
Je me retourne pour voir une silhouette hésitante s’avancer vers moi… Ani. Je ferme les yeux, les sens en alerte… Si elle vient se moquer il faut que je fasse l'effort de rester de marbre. Elle, la fille parfaite comme il faut et moi le mouton noir. Nous n’avons jamais pu nous comprendre elle et moi, alors qu’enfants nous étions inséparables.
Ani : Je peux ?
Sans un mot, je lui fais signe qu’elle peut s’asseoir. La citadine qu’elle est scrute longuement le banc avant de poser de façon délicate ses fesses.
- Tu vas le quitter ?
Moi : …
Ani : Ne le fais pas… Je pense comme… Maman Adesua.
Je me tourne vers elle. Je rêve ou elle vient de dire « Maman Adesua » ?
Elle rit… Un rire sans joie… Avant de souffler… Elle allume une cigarette d’une main tremblante et souffle la fumée. Bon je découvre en même temps que vous ; de toute façon ça fait quatre ans que nous nous sommes vues… Depuis que j'ai choisi papa et maman Adesua.
- Ne fais pas la même connerie que moi.
Moi : …
Ani : J’ai quitté l’amour de ma vie… Pour une broutille… Quelque chose que nous aurions pu régler… C’est vrai qu’il n’y a pas d’amour facile.
Moi : Je suis désolée.
Ani : Il ne faut pas… Je suis partie quelques mois en Australie… Il en a profité pour coucher à gauche et à droite… sauf que c’est dans notre entourage immédiat. Il a tout fait pour que je ne le sache pas… Mais une bonne âme m’en a informée… Alors j’ai rompu.
Moi : Oh !
Ani : Il a tout fait pour que je lui pardonne… Notre mère… ne m’a pas aidée… Aujourd’hui, je suis seule, triste et renfermée… Alors, reste pour l’homme de ton cœur.
Moi : Il m’a fait sa demande et je le vis comme s’il voulait se racheter par rapport à ce matin. Que s'il n'y avait pas eu cet incident, jamais il ne se serait décidé.
Ani : Non… Selma. Il a managé depuis un moment pour que nous puissions tous venir ici. Normalement, il devrait être en train de te faire sa demande-là ! Tout est prêt demain pour la célébration du mariage, ne loupe pas ton rendez-vous avec l’amour, s’il te plaît !
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