Le night-club de la rencontre
Ecrit par Farida IB
Armel…
Je regarde vite fait Debbie qui s’est complètement tournée vers moi.
Debbie : alors je lui dis quoi ?
Moi : j’y vais pas sans toi.
Elle me regarde.
Debbie : on en a déjà parlé Armel.
Je soupire en râlant. J’avais vraiment, mais vraiment envie de passer la soirée avec elle. Et ça s’annonçait en couleur en plus. Je n’ai pas envie d’aller voir ailleurs ce soir en fait. J’étais sérieux lorsque je disais que j’allais faire l’effort de m’améliorer, j’ai donné ma parole. C’est un code d’honneur chez les Elli. Une parole donnée, on la respecte.
Moi : mais pourquoi tu vas travailler le jour de mon anniversaire ? Mon anniversaire frère !
Debbie (roulant des yeux agacée) : ne fais pas si comme si c’était une fête nationale non plus.
Moi : bah si ! En France.
Debbie : déjà, on n’est pas en France, mais au Togo.
Moi : on peut faire comme si.
Elle me regarde et soupire de dépit avant de reprendre calmement.
Debbie : Armel…
Moi en la coupant : et depuis quand tu m’appelles par mon prénom ?
Debbie sourire en coin : Bé
Moi : weh je préfère.
Debbie : bon tu vas me laisser parler maintenant ?
Moi : weh vas-y cause.
Elle respire fortement et j’arque le sourcil en la regardant du coin de l’œil. Elle finit par souffler.
Debbie voix posée : c’est vrai que c’est ton anniversaire, mais je pense avoir fait ma part.
Moi : tu as fait une partie de ta part ! Même pas le quart, le…
Debbie (me faisant les gros yeux) : laisse-moi finir s’il te plaît !
Je lève le sourcil.
Debbie (baissant d’un ton) : je suis désolée, crois moi je veux moi aussi passer cette soirée avec toi, mais là j’ai d’autres priorités. J’ai déjà manqué le travail cette semaine, je ne peux plus me permettre de
Moi : parce que je ne fais pas partie de tes priorités moi ?
Debbie : ce n’est pas ce que je voulais dire.
Moi : mais tu l’as déjà dit, je cite : tu as d’autres priorités qui ne m’inclus pas par conséquent.
Debbie : rhoo Bé j’essaie d’arranger les choses là.
Moi vexé : j’ai compris ce que tu voulais dire t’inquiète.
Debbie soupirant : on n’est pas près de sortir de l’auberge à cette allure.
Je fronce les sourcils et la regarde quelques secondes, elle me fixe sans rien dire. Je me recentre donc sur la route quand elle agite mon téléphone qu’elle avait en main tout ce temps dans ma direction. C’est elle qui fait la conversation à Magnime pour confirmer ma présence au groove qu’elle a prévu.
Debbie : finalement, je réponds quoi à ton amie ?
Moi : réponds tout ce que tu veux. De toute façon, je m’en bats les couilles.
Debbie (ignorant ma provocation) : je réponds oui alors.
Elle pianote sur le téléphone un moment avant de reprendre avec enthousiasme.
Debbie : rendez-vous pris à 22 h 30 pour le privilège bar, tu passes chercher les filles.
Je hausse simplement les épaules et elle passe le reste du trajet à essayer de détendre l’atmosphère sans y parvenir pour autant. Lorsqu’on arrive au quartier, je gare devant leur maison pile au moment où mon père sort de la nôtre et avance vers l’une de ses caisses. Je converge un regard admiratif vers lui, tant il est classe. Il porte un jean et une chemise Tommy Hilfiger alliée à des paires de basket tendance et un chapeau en peau de crocodile. Il paraît plus jeune comme ça, on lui aurait donné 25 ou 30 ans. Il faut reconnaître une chose, mon père est indéniablement bien conservé pour son âge. J’ai toujours voulu lui ressembler sur cet aspect.
Je suis sa progression jusqu’à ce qu’il monte dans la voiture. J’étais obnubilé au point de ne pas avoir remarqué que Debbie était descendue de la mienne. Elle s’est abaissée à la vitre pour me parler.
Debbie : passe une superbe soirée mon chéri.
Je l’entends sans vraiment l’avoir écouté, je suis toujours mon père qui fait la manœuvre et démarre.
Debbie : bébé, tu m’écoutes ?
Je lui lance un regard furtif.
Moi : euh tu disais ?
Debbie (les yeux plissés) : je te souhaitais une agréable soirée.
Moi : weh merci, bye !
Elle me coule un regard implorant que je soutiens simplement. Elle finit par s’en aller en soupirant. J’attends qu’elle passe le portail pour démarrer en trombe. Chez Bradley, je tombe sur Tina dans le hall qui poursuit les garçons pour finir de les habiller, enfin je crois parce qu’ils sont à moitié habillés et elle tient des vêtements dans sa main. Ils se tiennent tranquille en me voyant arriver, ce qui lui permet de terminer sa besogne un genou à terre.
Les jumeaux en synchro : bonne arrivée tonton.
Moi : merci, on fait les têtes dures quand tonton n’est pas là ?
Tyler secouant rapidement la tête : na na na na .
Tristan : on a été sage.
Tina (s’attaquant à ce dernier) : par où ? Ils ont été plus qu’insupportable aujourd’hui.
Tyler sautillant : krkrkr krkrk, c’est l’anniversaire de notre tonton préféré.
Je souris.
Tina : tu as vu ? Ils étaient comme ça toute la journée, comme une pile électrique.
Je souris du ton quel a employé.
Moi : ce sont des Elli et par définition nous avons le sang chaud.
Tina : tchuipp en attendant ils me mènent moi la vie très dure.
Tristan (avec qui elle vient de finir) : tonton, tonton, on t’a préparé une…
Tina lui criant dessus : la ferme Elli !! (les poussant) Aller oust dans le jardin, on attend papa pour manger.
Eux : whoupiieee !!
Ils foncent vers le jardin tout excité le temps pour elle de se relever et de me fixer les yeux plissés.
Tina : ton rencard s’est mal passé ou quoi ?
Moi : au contraire, c’était plus que bien.
Tina : et on peut savoir pourquoi tu fais ta mine des mauvaises circonstances ?
Moi : on s’est un peu embrouillé vers la fin.
Tina : je vois (passant devant) tu viens ? Il me reste à m’occuper de ma princesse, la seule qui me respecte encore dans cette maison.
Moi la suivant amusé : tu verras, elle sera pire que les garçons.
Tina : au nom de Dieu, je la mettrai au pas.
Là, je ris franchement. Au moment de passer la porte elle s’arrête d’un coup et me demande de fermer les yeux. Je les rouvre à quelques secondes près et ouvre la bouche ébloui face au décor luxuriant qui s’offre à moi. Je souris direct.
Tina : Tristan a failli vendre la mèche, tu vois qu’on a eu nous aussi de quoi nous occuper dans la journée.
Moi (souriant toute ma denture dehors) : je vois ça (pénétrant le salon) tu as fait du super méga giga extra boulot ! (m’écriant) J’adore !!
Tina riant : je l’ai compris t’inquiètes, mais ce n’est pas moi (pointant sa copine du doigt) c’est elle l’organisatrice des événements ici.
Nahia s’avançant vers nous : et je suis heureuse que mon travail soit autant apprécié.
Magnime sortant de la cuisine : n’oubliez pas de mentionner l’aide précieuse de l’assistante.
Nahia : c’est vrai, mais les honneurs reviennent à Tina. C’était son idée à la base.
Tina (créant un espace entre le pouce et l’index) : merrrrr-ciii !!
Elles gloussent.
Nahia (à moi) : mon grand maintenant que tu es là, je vais y aller.
Moi : pourquoi ? Tu ne restes pas fêter avec nous ?
Nahia : j’aurais bien voulu rester, mais j’ai un rendez-vous très important toute à l’heure. J’attendais juste de te souhaiter un joyeux anniversaire de vive voix. (me faisant la bise) Je te souhaite tes propres vœux et j’espère que tu auras la plus belle fête qu’il soit.
Moi lui souriant : merci la grande.
Elle se détache et me détaille de la pointe des cheveux jusqu’aux chevilles.
Nahia : comme il a grandi notre petit Armel, il a la barbe et les moustaches tout ça. J’ai l’impression que c’est hier le temps où il courait entre nos pattes avec son caleçon de Spiderman.
Tina et Magnime pouffent de rire.
Moi : rhoo la grande, c’est soyé.
Elle rit.
Tina (s’adressant à elle) : allons-y, je te raccompagne (me fixant) toi vas t’apprêter, on commence dès que ton frère arrive. Je t’ai laissé ta sape dans la chambre des garçons.
Moi : tu as tout prévu on dirait.
Tina : et comment ?
Moi : merci, à toutes. Vous m’en voyez ravi.
Nahia : on t’en prie !
Magnime (regardant Tina qui tient la porte) : Tina, j’espère qu’on se reverra de si tôt.
Tina sourire narquois en me fixant : le temps qu’il finisse de se préparer.
Magnime me coulant un regard en biais : nous en avons pour la soirée alors.
Je lui retourne un regard peu avenant.
Tina (avec un rire de gorge) : tout dépendra de lui.
Moi : dix minutes.
Elles : lol.
Moi : bon vingt, enfin trente.
Tina : prends tout le temps qu’il te faut, na your day it’s.
Moi tout sourire : n’est-ce pas ?
Elles s’en vont et nous regagnons les chambres de notre côté. Magnime va s’occuper de sa nièce Dior comme elle le dit elle-même et moi, je vais faire mes bails. Une heure et demi plus tard, nous sommes attablés devant des mets succulents dont je me régale.
Tina : amour de moi, tu veux plus de sauce piquante ?
Bradley (tendant la main vers elle) : oui mer…
Tina : c’est à Armel que ça s’adressait.
Moi la fixant amusé : oui, s’il te plaît merci
Elle lui met une grosse feinte et me passe la bouteille sous le regard dépité de Bradley. Il soupire seulement.
Moi (croquant un morceau de poulet) : mmmhhmm, c’est trop bon, tu cuisines trop bien. En plus, j’ai l’impression de manger le repas de ma mère.
Tina : c’est le cas, c’est l’une de ses recettes que j’ai piquée.
Bradley se raclant la gorge : je peux maintenant avoir la sauce piquante ?
C’est Magnime qui la lui donne vu que ni moi ni Tina ne réagissions. Ça été pareil tout le repas durant. Visiblement, il est revenu à de meilleurs sentiments. Il m’a même offert un cadeau en même temps que les autres, une montre Cartier. J’ai vraiment apprécié le geste au plus haut point, mais pour la peine j'ai fait genre. Je dois vous dire que je suis un gros rancunier et Tina pas des moindres du coup, on lui en a fait baver et avec la manière. Le pauvre, il fait tellement pitié. Il s’est mis dans son coin pendant que nous sommes toujours attablés à déguster gaiement des cupcakes et à boire du vin. J’ai reçu comme instruction de me faire vingt cupcakes à moi seul.
Tina à moi : dis moi chéri, tu as passé une bonne soirée, tu as aimé ta surprise ?
Moi : absolument, tout a été parfait comme l’aurait fait ma mère.
Tina sourire ravie : c’était le but.
Moi : je ne te remercierai jamais assez (au tac) je te l’ai dit ou pas ? Que j’étais le plus heureux que mon frère t’ait choisi toi et pas une autre ?
Tina (hochant la tête en souriant) : tu me l’as déjà oui, très souvent même et je ne me lasse pas de l’entendre.
Magnime intervenant : weh weh on a compris (me fixant) maintenant prépare toi à vivre the best moment, la boucle des boucles. Tu devrais d’ailleurs ralentir le rythme avec le vin, la soirée ne fait que commencer.
Moi : il faut bien que je diminue toute cette dose de glucide que je suis en train d’ingurgiter.
Tina (en même temps que moi) : vous allez en boîte, c’est ça ?
Moi : il paraît.
Tina : ça me dit bien de venir avec vous.
Magnime : les enfants, tu les laisses à qui ?
Tina lorgnant Bradley : beh nous avons été deux à les concevoir.
Bradley la regarde ensuite, il se lève tranquillement pour se diriger vers le couloir.
Bradley : je vous laisse, je vais me coucher.
Je bloque le rire pendant que Magnime rit sous cape, Tina ne se gêne pas.
Magnime chuchotant : pas de boîte de nuit pour ma grande sœur.
Tina : c’était pour le provoquer.
Moi : et c’est réussi.
Magnime faisant sa pointue : vous vous êtes encore disputé ?
Tina simplement : toujours.
Magnime : votre amour vache me dépasse parfois.
Tina (balayant l’air d’un revers de main) : laisse ça comme ça !
……..
Je bifurque au détour de la ruelle menant chez Djifa et lance un appel vers son numéro après avoir branché le kit oreillette. Elle décroche à la première sonnerie.
Djifa brusque : mais vous êtes où ? J’en ai marre de vous attendre.
Moi : on est là dans une minute.
Djifa : ok dépêche.
Magnime la charriant : rhololo pour une fois que c’est elle qui patiente, la terre entière doit être au courant.
Djifa : fuck you Mimine.
Magnime : je t’aime aussi bitch.
Je secoue la tête amusé avant de dévaller les quelques mètres qui nous séparaient d’elle. Je fais le créneau pour garer pendant qu’elle s’approche, c’est lorsqu’elle arrive à la hauteur de la vitre qu’on remarque son fils qui la suit au pas.
Magnime baissant la vitre : il ne devrait pas être couché depuis ?
Djifa : il vient avec nous, ma mère a refusé de le garder.
Moi (plissant le front) : je ne crois pas que ce soit une bonne idée d’amener un enfant vadrouiller la nuit.
Djifa (le faisant monter) : il a 11 ans, ce n’est plus un bébé. De plus, j’ai envie de lui faire plaisir ce soir.
Le petit nous salut et nous répondons brièvement avant que Magnime n’enchaîne.
Magnime : tu veux lui faire plaisir en l’amenant dans un bar à 22 h ?
Moi rectifiant : tu veux dire 23 h pour ne pas dire 00 h.
Djifa faisant la moue : ça fait quoi ? (elle monte) Il va boire son Fanta pendant qu’on fera notre fiesta. Démarre, les gars t’attendent depuis plus d’une heure pour les faire entrer.
Moi (la fixant à travers le rétroviseur) : pourquoi est-ce qu’ils ne peuvent le faire en attendant qu’on arrive ?
Djifa : tout simplement parce que le videur leur a interdit l’accès.
Magnime : lol ça se comprend, le boxon qu’a foutu Alex(le dernier membre du groupe) à notre dernière virée l’a marqué.
Djifa : il n’avait pas à cuver l’alcool comme il l’a fait.
Moi : c’était le mood du moment, je vais voir ça une fois sur place. Djamil (le videur) c’est ma personne.
Djifa : à l’instar de 99,99 % des videurs de cette ville.
Moi faussement indigné : qu’est-ce que tu veux dire par là ?
Djifa brute : tu sais bien !
On arrive au Privilège et on repère vite les gars qui ce sont mis à l’écart de la queue devant l’entrée. On se fait des accolades et ils font la bise aux filles avant de faire la même remarque concernant Marc, le fils de Djifa. Elle s‘enflamme.
Djifa avec humeur : c’est bon, ça va ! Les deux-là (parlant de Magnime et moi) m’ont assez rabâché les tympans comme ça ! Je ne vois pas en quoi sa présence nous empêchera de nous enjailler.
Alex (levant les mains en guise d’apaisement) : posey, ne t’emporte pas pour si peu.
Romeo (en admiration de Magnime) : meuf t’es en beauté ce soir.
Magnime : genre avant j’étais vilaine.
Romeo la provocant : on dit merci mon cœur. (avec une voix féminine)
Magnime : est-ce que je t’ai même demandé la longueur de ta bouche ?
Alex coupant court : hey vous deux ne commencez pas !
Djifa (passant son regard entre eux) : c’est quand vous vous décidez à vous mettre ensemble ? Y en a marre de toute cette tension sexuelle entre vous.
Magnime : tension tout court, y a rien de sexuelle là-dedans.
Moi : est-ce que vous êtes au courant que y a un gamin ici ?
Djifa baissant le regard sur lui : chéri, tu n’as rien entendu d’accord ?
Marc : oui n’da (grande sœur).
On lui lance tous un drôle de regard en évitant de commenter. Je les laisse et vais à la recherche de Djamil que je retrouve à l’intérieur transpirant à grosses gouttes en essayant de séparer une bagarre. J’attends qu’il sorte du lot pour l’aborder. On se fait un check stylé puis je me penche à son oreille.
Moi : ça va mec ? Qu’est-ce qui se passe ?
Djamil : ça pouvait aller, c’est un vieux là qui sème un grand foutoir depuis un moment. Il semble qu’il soit venu avec une jeunette et cette dernière l’a mis en rade lorsqu’elle a croisé son vrai mec ici même.
Moi mdr : la honte ! Ces papis qui luttent nos petites avec nous, des pères de famille éhontée et sans le moindre scrupule.
Djamil : tu l’as dit, en plus et il n’en est pas des moindres. J’ai entendu dire que c’est un " quelqu’un " dans ce pays.
Moi ahuri : ah bon ? Et beh !!
Je finis de parler à peine qu'il y a un tollé qui se soulève de nouveau. Djamil fonce dans la foule qui s’est formée autour de la piste, il se débat un moment pour faire sortir le ″ fauteur de trouble ″. Je ne vous dis pas ma déception lorsque je vois l’homme qu’il happe par le pan de sa chemise et tire vers la sortie comme un vulgaire brigand. Nul autre que mon père et également père de Bradley, Eddie, Marianne et un autre bébé en route ; mon géniteur, je veux dire celui qui a participé à ma conception ; le sieur Fulbert Elli même en personne, l’avocat à la CPI et avocat de renom dans son pays. Je m’arrange seulement de sorte à ce que nos regards se croisent avant de faire volte-face pour rejoindre les autres.
Magnime me voyant venir : c’est quoi cette tête ?
Alex : il se passe quoi dedans ? J’ai vu Le Mur (surnom de Djamil) rabrouer un type.
Moi évasif : comme d’hab ! Ça vous dit d’aller à Miami ? C’est trop plein ici.
Alex : tant qu’il y a la musique et du champoupou moi je suis opérationnel.
Romeo : ouais c’est ça, j’espère que c’est toi qui paies.
Djifa renchérissant : tout ça pour être gninnin (saoulé) au premier verre.
Alex : jamais et je vais payer.
Magnime éternuant faussement : vous ne sentez pas la pluie là ?
Alex lui lance un regard furieux alors que ça part dans un rire moqueur.
……..
On est bien installé au Miami Club. Notre table, je dois dire est la plus remplie de la discothèque. Les autres ont élu domicile sur la piste de danse à faire du n’importe quoi. Comme prévu Alex a démarré au quart de tour donc il dandine plus qu’il ne danse. Les filles ont entraîné Romeo de force et c’est elles qui le font bouger. Le type ne connait rien à la danse, quand même il a l’air de s’amuser. Il y a longtemps que Marc est au pays des rêves. Je suis assis à côté de lui buvant ma canette de Vody et jetant des coups d’œil furtifs sur la piste. Je n’ai plus vraiment la tête à faire la fête. J’avoue que la scène au Privilège m’a enlevé toute envie de faire la bringue bien que ce ne soit pas ma première fois de surprendre mon père en mauvaise posture. Ça m’a laissé un arrière-goût très amer dans la bouche et j’ai peur de ce que je ressens en ce moment. Une grande colère mêlée à la rancœur et à la déception. Si on inversait les rôles, il l’aurait senti jusqu’à l’os. Non mais franchement, c’est abusé ! Délaisser sa femme enceinte de sept mois un jour aussi important pour venir se jouer le Hulk dans une boîte de nuit, à ses âges !!! C’est cruel, au-delà de l’entendement, le seuil même de l’irresponsabilité. À quel moment il se rend compte qu’il a une mine d’or à la maison pour l’entretenir ? Quelle image renvoie t'il à nous ses enfants ? Toute ma vie, j’ai lutté pour ne pas le détester. Mais là je crois que je suis au bout du rouleau.
À un moment Magnime revient toute essoufflée.
Magnime : toi qu’est-ce que tu as ? Tu fais une drôle de tête depuis peu.
Moi : je crois que j’ai abusé du vin.
Magnime : tu ne diras pas que je ne t’ai pas prévenu ?
Moi secouant la tête : du tout.
Magnime me tirant par la main : aller vient danser avec moi !
Moi pas chaud : je suis vraiment obligé ?
Magnime : c’est plus qu’une obligation, même Romeo danse donc il n’y a pas de raison pour que tu restes ici.
Je souffle.
Magnime : une seule danse.
Moi : bon d’accord une seule.
Elle me tire sur la piste et Djifa tape des mains excitée.
Son dans la baffe : O timbi na timbeli yoo !!!
Là on la perd carrément, je me laisse également emporter par le flow qui change à un moment donné sur une compile des anciens succès togolais donc le groupe s’enflamme. Yaya Leley, les Carats Boys, Fifi Rafiatou, tout passe. Je me mets dans l’ambiance malgré que ces chansons, je les connaisse qu’à 40 %. Le Dj bascule par la suite sur une nouveauté, Jerusalema de Master Kg et là une chorégraphie s’est imposé à nous. Je décale d’un pied sur le côté et cherche à me tourner lorsque je tamponne une paire de fesses de l’autre côté. Une balaise paire, je dois préciser. Le propriétaire se retourne de façon brusque avant de me lancer un regard aussi surprise que moi.
Moi : toi ?
Elle : encore toi ??
On se sourit.
Elle : bon on va faire simple, envoie tes coordonnées pour les renseignements à la mairie. Il ne reste plus qu’à décider de la date.
Moi amusé : tu tiens ta promesse ?
Elle : bien sûr, je suis une dame de parole.
Moi sourire bref : c’est ce que je vois là, prends mon numéro. Ce serait pas mal pour un début.
Elle fouillant ses poches : je n’ai pas de quoi noté, je
Une jeune femme intervenant : je peux le mémoriser.
Moi lui souriant : d’accord, c’est le 90 02…
La jeune dame répète le numéro et je hoche lentement la tête en guise de confirmation.
Elle : ce sera tout (articulant) pour le moment. On doit y aller, on a dépassé notre couvre-feu.
Moi : tu m’appelles hein, j’ai hâte qu’on célèbre ce mariage.
Elle : pas plus que moi.
Je souris et elles s’en vont. Je me retourne pour tomber sur deux paires d’yeux. Alex qui semble avoir retrouvé ses idées, siffle et Romeo a la bouche qui traîne en regardant dans la direction où la fille que je n’ai pas arrêté de croiser ces derniers temps et son amie (enfin je crois) sont passés.
Romeo : ah ouais pas mal, pas mal.
Magnime le toisant : tcchhrroummm (se tournant vers moi) c’était qui ça ?
Moi : une fille.
Djifa : je rêve où elle vient de te draguer ouvertement ?
Je hausse les épaules.
Djifa maugréant : non mais elle manque de tenue elle, tu pouvais être avec ta copine.
Je fronce les sourcils sans savoir quoi répondre.
Alex qui le fait : la chance qu’il soit venu en solo (à moi) elle envoie hein ?
Moi (lui tapant la main qu’il a levé en l’air) : je ne te le fais pas dire.
Romeo : en tout cas petit, si tu n’en veux pas fais moi la passe.
Magnime/Djifa : tchuuiipp.
Romeo à Magnime : c’est quoi ton problème à la fin ?
Magnime piquée au vif : ferme ton bec toi, qui t’a sonné ?
Elle le toise et fonce vers notre salon, Djifa la suit.
Romeo énervé : pfff elle casse les couilles elle !!
Je lui lance un regard entendu pendant qu’Alex pose le coude sur son épaule.
Alex : c’est officiel, elle est mordue.
Romeo : lol tu débloques ou quoi ? Ça fait des années que je cours après son ombre.
Moi (me passant la main sur ma barbe) : sauf que là c’est emballé, pesé et conclu.
Alex : weh ! Mais bon, moi tout ça m’a enlevé l’envie de danser. Allons-nous poser.
On le suit pour surprendre une discussion houleuse entre Djifa et un mec qu’on aperçoit de dos jusque là. Djifa a la voix qui tremble, signe qu’elle est au top de sa colère. Nous nous dépêchons de la placer à l’abri dans notre dos, c’est à ce moment qu’on voit qu’il s’agit de Jean-Jacques son très très récent ex.
Jean-Jacques cinglant : je vois que tu es flanquée de toute la meute, les gars ce n’est pas bon pour votre réputation de traîner avec la pute à son père.
Alex : mec arrête ce que tu fais, ça ne t’honore pas.
Jean-Jacques : lol il me parle d’honneur lui (désignant Marc d’un geste de la tête) je vous signale qu’il y a l’enfant du péché à nos côtés à l’heure où je vous parle. C’est qu’elle mère qui emmène un enfant en boîte de nuit ? De toutes les façons, je ne m’attends pas à mieux venant d’une famille incestueuse.
Alex serrant les dents : tu ferais vraiment mieux de la fermer et de balayer le plancher !
Jean-Jacques : tu vas m’y obliger, c’est ça ?
Moi calmement : tu devrais l'écouter.
Jean-Jacques : parce que vous allez me faire quoi sinon ? Weh vous êtes costauds avec vos deux tablettes de chocolat (rire jaune) j’ai peur !!
Gbicchhhh !!
C’est le coup-de-poing que vient de lui mettre Romeo en plein dans le nez. Lui il ne parle pas beaucoup, il agit. Le Jean-Jacques se retrouve par terre comme du n’importe quoi. Une jeune fille sort de nulle part et s’accroupit à sa hauteur.
La fille (essayant de le réanimer) : chéri, Jean-Jacques (levant les yeux sur nous) qu’est-ce qu’il vous a fait bon sang ?
Alex : on lui apprend juste le respect. C’est ton mec ?
La fille : oui
Moi : bah apprends lui à se contenter de ce qu’il a.
C’est à ce moment qu’elle accorde un regard aux filles. Elle les re-regarde, regarde son soit disant mec avant de lui coller une paire de gifles du dos de la main.
La fille : le salaud !! Il ne se gêne pas de draguer alors que je suis juste à deux pas.
Magnime (ajoutant son grain de sel) : draguer ? Lol il a fait mieux, il proposait à ma copine une partie de jambe à l’air dans les toilettes.
Djifa appuyant : proposer ? Forcer, tu veux dire.
Nous (hochant la tête en synchro en fixant la fille) : ouais ouais.
Elle lui met une grosse patate ensuite elle devient carrément hystérique. Elle se rue sur lui à base de coups de pied acharnés et de gifles.
Alex discret : je ne sais pas pour vous, mais moi je suis crevée. Je vais rentrer.
On se lance un regard amusé avant de nous éclipser doucement, en prenant le soin de régler la facture évidemment. Romeo embarque Alex et Magnime et je me retrouve en compagnie de Djifa. Les dix premières minutes du trajet se passent en silence, ce qui fait que je me tourne vers elle à un moment donné alerté parce que c’est une vraie pie d’habitude. Mes suspicions se confirment lorsque je la vois pleurer en silence.
Moi : tu ne vas pas te laisser atteindre par les invectives d’un sombre d’idiot ? Il n’en vaut pas la peine.
Ses yeux, remplis de larmes se pose vers moi.
Djifa : il a tourné la page si facilement, je suis détruite. Je crois même que je touche le fond et toute ma vie, on me verra comme,
Ça lèvre s’est mise à trembler.
Djifa complétant : « la pute à son père ».
Moi : le plus important, c’est celle que tu es réellement. Où est passée la femme forte, la plus joviale, la courageuse Djifa, celle qui surmonte toutes les épreuves la tête haute ?
Djifa : elle n’est plus que l’ombre d’elle-même.
Moi (lui jetant un autre coup d’œil) : il est grand temps qu’elle revienne sur le devant de la scène, bien calée sous le feu des projecteurs.
Djifa secouant la tête : je n’en ai plus la force, je n’arrive plus à gérer.
Je lorgne Marc qui dort allongé sur la banquette arrière au travers du rétroviseur.
Moi : fais-le au moins pour lui.
Elle se tourne pour le regarder un moment puis lâche un long soupir. Personne ne parle jusqu’à sa maison. Je m’assure qu’ils soient arrivés à bon port pour redémarrer en direction de chez Debbie. J’ai fort besoin d’un câlin là tout de suite, tous les avènements de cette nuit m’ont chipé le moral. Le bon côté, c’est qu'à la première lueur du jour, je ferai un retour triomphal à la maison.
Une fois sur place, je me débarrasse de mes vêtements et fait un tour sous la douche puis vient me glisser dans son lit. Pendant tout ce temps, elle fait mine de dormir profondément. Je tire le drap sur un côté doucement et lui soulève la jambe avant d’envoyer une main en reconnaissance dans son antre. En deux temps trois mouvements, j’envoie mon missile air-sol pour débusquer la fontaine de jouvence.
On se comprend hein, bonne nuit.