Le pardon

Ecrit par Les Chroniques de Naty

Chapitre 36

 

Le temps guérie les blessures à ce qu’il parait. Faut-il croire en cela ? Je ferai semblant alors puisque tout le monde essaie de me convaincre qu’avec le temps j’irai mieux ; je ne cache pas que j’ai beaucoup de mal à y croire. Je ne pense pas que le temps puisse faire grand-chose pour moi, même si je l’espère du plus profond de mon être. Parce qu’à vrai dire je suis fatiguée de me réveiller toutes les nuits en nage. Je suis fatiguée d’entendre les cris de bébés à tous bouts de champ. Je sais que je ne les entends pas forcement et que mon imagination me joue des tours, oui ça je le sais. Mais ces pleurs m’ont l’air tellement vrai, que souvent je passe des heures dans la chambre qui a été ménager pour eux.

Je sais par ailleurs qu’on pense que je perds la raison, oui c’est vrai qu’à un moment donné j’ai failli la perdre cette raison ; cette satanée raison qui essayais de me convaincre de la mort de mes bébés pendant que mon pauvre cœur de mère saignait ; elle me criait chaque fois d’accepter qu’ils sont partir sans que je n’ai eu la chance de les voir, je n’ai pas su à qui ils ressemblaient pendant que mon amour de mère refusait cette triste réalité. Cette chance m’a été arrachée. Je voulais tout simplement la perdre cette maudite raison, Mais elle a tenue bon, elle s’est accrochée.

Il m’arrive souvent de regretter ; je regrette de ne pas être morte avec eux. Je me demande par la même occasion pourquoi me suis-je réveiller de ce coma ? J’aurai du y rester ; rester endormi jusqu'à mourir à la fin. Parce que mon réveil a été des plus douloureux. J’ai connu des moments difficile dans ma vie, d’abord mon mariage a été un coup dur dans la mesure où j’y étais pas préparée. Ensuite Léon m’a quitter, j’ai perdu dans la même période ma petite sœur. Mon mari m’a fait boire ma tasse de volcan. Oui j’ai supporté toutes ces difficultés, mais la perte de ces deux petits êtres laisse en moi un vide innommable. J’essaie de qualifier ma douleur mais aucun adjectif qualificatif n’est assez fort pour expliquer cette boule qui se forme dans ma poitrine chaque fois que je pense à eux.

Je me souviens toujours de ce que j’ai ressentis quand Aly me l’a dit. « Ils n’ont pas survécus » a-t-il dit. C’est comme si c’était hier qu’il me l’a annoncé. Pourtant cela fait huit mois jour pour jour, mois pour mois que c’est arrivée. Huit mois que je tente d’oublier en vain ; huit mois que je veux passer à autre chose mais c’est bien plus facile à dire qu’à faire. Comment fait-on pour vivre et sourire avec cette peine qui vous rend quasiment malade ? On me dit que c’est la volonté de Dieu et en tant que croyante je veux bien faire l’effort d’accepter cette volonté, quoique très difficile à accepter.

Heureusement que ma famille est là. Ma mère et mes sœurs m’aident du mieux qu’elles peuvent, ma belle-famille non plus, n’est pas en reste. Chacun tente à sa manière de me redonner le sourire et me faire oublier ce triste épisode de ma vie de femme. Même mon père s’y est mis. Nos rapports sont moins tendus et j’ai eu vent de ce qu’il a fait à l’hôpital quand j’étais dans le coma. Je peux dire que j’ai été agréablement surprise.

Mais la personne qui fait des efforts surhumains c’est mon mari. Il est redevenu celui qu’il était à nos débuts, ou bien en mieux. Il est d’une gentillesse et d’une douceur effrayante. Après ma sortie de l’hôpital, il ne partait pratiquement plus au bureau et a fait annuler tous ses voyages à l’étranger. Il m’aide, me soutien.  Il m’accompagnait pour mes soins. Cependant quelque chose s’est cassée en moi, j’accepte sa présence comme si je ne peux faire autrement. Au début j’ai voulu rentrer en famille pour récupérer de l’opération, mais ma mère me l’a déconseillé. En effet je le tien en partie responsable de notre perte ; peut-être que s’il avait été là rien de tout ceci ne serai pas arrivé. Mais non il a préféré me laisser affronter cette épreuve toute seule ; et si par malheur Zhoura n’avait pas été là, c’est sûr qu’on parlerait de moi au passé à l’heure qu’il est.

Je ne lui en veux pas trop non plus, il avait quelque peu raison. Mais tout ça est bien trop récent ; comme me le conseille les personnes qui viennent me saluer, je dois m’en remettre au temps. Seulement que là le temps ne semble rien changer à ma situation. On me dira que je suis impatiente, mais ais je tords de l’être ? Cela fait tellement longtemps que je souffre ; ma vie a virée au cauchemar en une fraction de seconde, les événements se sont enchainés les uns après les autres sans que je n’ai eu le temps de souffler. Tout s’est entremêlé comme un jeu de domino. Dès que la première pièce est tombée, les autres ont suivie, je n’ai pas eu mon mot à dire. Je n’ai eu que mes yeux pour m’exprimer et mes paroles étaient des larmes. Mais là encore personne ne m’écoutais, tous m’accusais.

Aly a fait des efforts, assez d’efforts je dirais pour que ma convalescence se passe dans le plus grand des calmes. Sans drames ni crises. Mes désirs étaient des ordres pour lui et ils le sont toujours d’ailleurs. Il anticipe sur mes demandes, même si je ne demande pratiquement jamais rien. Je me complais dans ce silence que je me suis imposée, je peux rester là pendant des heures sans parler. Je cogitais, je cherchais des solutions. Comment avancer avec ce manque en soi ? Je me souviens qu’un jour à l’hôpital, j’ai vu une dame avec qui j’avais sympathisé car nous avons le même gynécologue. Elle m’a dit avoir perdu son premier fils alors que ce dernier n’avait que trois ans. La pauvre !!! En dépit du fait que cela remonte à quelques années, elle dit ressentir toujours un immense vide en elle. Et ce même si elle a eu d’autres enfants. Je lui ai demandé comment elle a fait pour oublier. Elle m’a répondu qu’on n’oublie pas ce genre chose ; la douleur s’atténue avec le temps et on ressent de moins en moins de peine. Sinon le manque est là ; parce que la relation qui lie un enfant à sa mère est bien au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. Elle m’a conseillée de ne pas cacher ma peine, d’en parler à mes proches pour que ceux-ci puisse m’aider car ça fait aussi du bien d’être écouté. Avoir une épaule sur laquelle s’épancher, Une oreille attentive qui vous écoute, une bouche pour vous réconforter, des yeux qui vous regarde avec amour et tendresse et enfin des bras qui vous serrent très fort pour vous transmettre une douce chaleur afin de soulager votre cœur.

J’ai trouvé tout ça en la personne de mon mari. Nous avons même déménagés dans une autre maison. La chambre des enfants me hantait et j’avais l’impression de sentir leur présence encore dans mon ventre chaque fois que j’y entrais. Il y avait des moments où j’y passais toutes mes journées et mes nuits ; et je crois que mon mari à remarquer mon désarroi, alors un matin sans crier gare il est venu me chercher pour m’emmener dans notre nouveau chez nous. La maison avait déjà été décorée puisqu’il l’a racheté à un partenaire suisse qui rentrait définitivement dans son pays ; d’après lui il a fait une bonne affaire car la maison n’était quasiment jamais habitée. Alors elle est pratiquement neuve. Il a seulement changé le lit de la chambre principale. C’est une très belle maison je dois l’avouer ; avec ses grandes baies vitrées qui lui donne un air assez classe ; elle comprend deux salons et plusieurs chambres d’invités. Un immense jardin, et le luxe c’est la piscine ainsi que la salle de sport. En plus elle est située dans un quartier assez chic, bien tranquille et reposant.

C’est à ça que se résume ma vie depuis déjà huit mois. Je ne sortais jamais de la maison si ce n’est pour aller à mes rendez-vous chez le gynécologue. Je passe mes journées à la terrasse assise sur le rocking chair que m’a offert Zhoura. Je ne sais pas quoi faire pour l’instant et je n’ai vraiment pas envie de penser au futur. Aucun ne programme à court terme, aucune prise de décision dans l’immédiat ; j’ai besoin de temps, je dois me ressourcer avant d’envisager quoique ce soit au risque de me planter carrément.

Je me berçais tranquillement dans le rocking chair lorsque j’entends des voix provenant du séjour. Mina et Nafi ? Je ne les attends pourtant pas. Elles font en mode visite surprise.

—Eh madame Diakité, toujours à sa même place. Attaqua d’office Nafi. Si je te trouve dans cette chaise à ma prochaine venue chez toi, je te promets de balancer cette maudite chaise dehors ; à cause de toi je déteste ce modèle de chaise maintenant.

Sa remarque me fais sourire, elle ne changera jamais celle-là.

—Bonjour les filles, ça va ? Mais je ne savais pas que vous veniez.

—En effet c’est le but recherché, on veut juste te faire la surprise. Sinon on va bien et toi ta santé, ya du mieux ? demanda Mina.

La santé physique s’améliore, mais celle de l’esprit et du cœur c’est une autre histoire. Mais bon je veux éviter de les inquiéter sinon elles sont capables d’alerter tout le monde.

—Oui je me porte bien merci…

J’appelai la servante pour leur servir à boire, et après son départ je demandais les nouvelles.

—C’est juste une petite visite de courtoisie. Tu nous manquais, surtout à Raphiatou.

-Mais cela fait à peine une semaine qu’on s’est vue ; dites plutôt que vous vous inquiéter pour moi.

-C’est vrai qu’on s’inquiète. Avoua-t-elle en riant.

Je prends la petite Raphiatou pour la faire sauter sur mes genoux. Elle est tellement belle avec ses pommettes on dirait une poupée. Comment une mère peut-elle abandonner son enfant ?  Il ya des personnes dont l’attitude restera toujours un mystère pour moi. La coépouse de Mina a quitté le foyer conjugal en abandonnant sa petite fille qui n’était âgée que de deux mois à l’époque. Elle a aujourd’hui six mois et c’est ma sœur qui s’occupe d’elle. Je n’arrive pas à m’expliquer son comportement, on peut quitter un homme certes, mais jamais son enfant. Elle a désertée le domicile conjugal parce qu’Isaac a été renvoyer juste avant son accouchement, alors la situation financière de ce dernier a pris un coup. Ils ont dû revoir leur mode de vie à la baisse ; et n’étant pas habitué à vivre modestement, Manignan à plier bagage. La petite tétait encore le sein lorsqu’elle la laissa à Mina. Ma sœur prit l’enfant de bon cœur et s’occupe très bien d’elle, la petite grandi bien et elle est tellement adorable avec ses yeux de petite chinoise. Comme si elle savait que sa mère l’a abandonnée, elle ne fait pratiquement jamais de caprice et ne pleure que quand elle a faim.

Mina a toujours été la plus gentille de toutes, Nafi est celle qui n’a pas sa langue dans sa poche, Mouna était la plus timide et moi j’ai toujours été celle qui faisais les bêtises et de surcroit j’étais la plus têtue. Nous sommes si différente les unes des autres que je me demande souvent si j’aurai pu accepter toutes les misères qu’Isaac lui faisait subir. Heureusement que maintenant il a pris conscience et tente de se racheter. Connaissant ma sœur, je sais qu’elle lui a pardonné avant même qu’il n’en formule la demande.

—La petite est vraiment adorable. Dis-je en jouant avec elle. Elle s’assoit un peu et veut tout attraper.

—Je ne te le fais pas dire. Elle est si éveillée pour son âge. Répondit Mina avec une pointe de fierté dans la voix.

Je ne l’avais jamais vue autant épanouie et heureuse. Elle adore prendre soin de Raphiatou. Elle ne fait que lui acheter des habits. Quand nous avons emménagé dans la nouvelle maison, je lui avais remis tous les vêtements des jumeaux ; car je ne supportais plus de les voir.

—Dis-moi Mina commença Nafi, ça t’a déjà traversé l’esprit que cette folle puisse revenir te reprendre la petite ?  Parce que j’ai ce pressentiment que lorsque tu auras fini de tout faire pour elle, sa mère se pointera pour revendiquer son statut de mère ; tu sais qu’elle en est capable.

—Et bien si elle le demande, je lui rendrai son enfant sans rechigner.

—Ah non ma sœur ! Interviens-je. Je ne suis pas du tout d’accord avec toi ; tu ne lui remettras pas la petite parce qu’elle te le demande. C’est ta fille depuis le jour qu’elle te l’a laissé pour fuir la galère par laquelle vous passiez. Alors même si elle se pointe avec tous les arguments du monde, tu ne lui remettras pas la petite.

—Mais c’est sa mère biologique ; renchérit-elle. Moi je ne suis que sa mère adoptive si je peux m’exprimer ainsi.

Elle ne finira jamais de me surprendre. Sa soumission frise souvent l’idiotie ou la stupidité. Mais je me garde bien de lui dire ça, elle sera frustrée et ça cassera l’ambiance.

—Non tu es sa mère un point c’est tout. S’emporta Nafi. Attends tu ne vas pas accepter de ne pas lutter pour le bonheur de cette petite fille ; elle est à toi, alors ne la laisse dans la main de personne. Peut-être que Dieu est passé par cette folle pour te donner un enfant. Comme le dit la chanson, il ya des enfants à qui nous ne donnons pas naissance mais qui sont plus les nôtres que ceux auxquels nous donnons la vie. C’est ta part d’enfant en attendant que Dieu ne t’en donne ; c’est ta première fille qui est là. Elle t’appartient plus qu’à ton mari ; parce que c’est lui qui a épousé l’autre là. Je sais qu’il a honte, il regrette son acte mais le mal est déjà fait. Alors ne laisse pas tes efforts tomber à l’eau, ne donne jamais au grand jamais Raphiatou à Manignan. Sinon tu le regretteras, dans la mesure où elle ne s’occupera pas bien d’elle et ne lui remplira la tête que de haine et de rancœurs. Ton cœur est pur ma sœur c’est pour cela que Dieu t’a fait cette grâce. Tu as en outre les capacités pour être une bonne mère, et lui inculquer toutes tes valeurs et principes.

Quand elle eut terminé, je ne trouvais rien à redire. Elle m’enlève les mots de la bouche, car elle n’aurait pas su bien dire. Je suis encore une fois agréablement surprise par la grandeur d’esprit de ma cadette, elle fait preuve d’une telle maturité ! Je suis fière d’elle ; très fière même je dirai. Nafi est directe et a toujours appeler les choses par leur nom ; elle ne mâche pas ses mots et sais quoi dire, à qui le dire et surtout comment le dire. Après la mort de Mouna, elle s’est sentie un peu à l’écart dans la mesure où chacune était un peu occupée à gérer ses problèmes. Mais elle a été beaucoup affectée même si elle n’a rien laissé paraitre ; parce que c’était sa sœur jumelle et nous savons pertinemment le genre de liens qu’on les jumeaux en communs. En dépit de leur différence au niveau du comportement, elle s’entendait très bien et faisait tout ensemble.

Toutefois, elle a su remonter la pente. Elle avance lentement mais surement dans ses études, et je sais qu’elle fera notre fierté.

—Tu vois Mina, même Nafi n’accepterai pas ça ; et ce malgré le fait qu’elle n’est pas aussi liée à la petite comme toi. Alors ne te laisse pas faire s’il te plait. Si tu veux ne le fais pas pour toi, mais plutôt pour Raphiatou. Elle mérite de grandir dans une famille stable ; et non avec un cinglée compulsive.

Comme si cette dernière sait qu’on parle d’elle, elle se met à babiller en salivant. Ce qui nous fait éclater de rire. C’est vraiment un amour de bébé, elle tendit les bras vers sa mère. Celle-ci la prend et la fait sautiller sur ses petits pieds menus. Elle adore ça semble-t-il !

—Vous avez raison, fini-t-elle par dire. Son père m’a également dis la même chose. Il a par ailleurs ajouté que si jamais il venait à mourir et que Manignan revenais à demander la petite, qu’il ne fallait absolument pas que je cède. Parce que je suis la seule et l’unique mère de cet enfant. Et nulle autre personne n’a le droit d’en réclamer la garde, à fortiori me l’arracher. Tout ça c’est bien beau, par contre ce qu’il semble oublier, c’est que c’est de sa faute si je suis dans cette situation aujourd’hui. Je me suis résignée, j’ai accepté mon sort en me disant que je ne connaitrai peut être jamais les joies et la douleur de l’enfantement. Mais je m’en suis remis à Dieu, que sa volonté soit faite. En revanche, si jamais la petite m’est retirée, je ne broncherai pas. J’en serai anéantie certes, néanmoins je ne broncherai pas. Parce que je serai vue comme la femme stérile qui veut s’accaparer à tout prix de l’enfant de sa coépouse. Les gens adorent raconter ce qu’ils ne savent pas ; alors ils en feront leur choux gras pendant des mois. Je veux m’éviter cette peine ; j’ai supporté un époux violent qui ne m’a jamais considérée comme une femme à part entière, une belle mère qui ne m’aime pas, une coépouse irrespectueuse et par-dessus le marché bagarreuse ; mais je ne crois pas si je supporterai que les gens me juge pour des choses que je n’ai pas faites ; ou alors qu’on m’accuse et qu’on me traite de ce que je ne suis pas.

J’aurai des enfants, et ça je n’en doute point. Parce que je ne suis pas une femme stérile. Seulement que le moment de Dieu n’est pas encore arrivée ; donc je patiente en attendant ce jour. Je ne perds nullement espoir parce que le vrai croyant c’est celui qui sait se retourner vers son Créateur quand tout va mal.

Sur ce point elle n’a pas tort. Mais sans c’est compter sur nous, jamais on ne laissera l’autre folle comme se plait à l’appeler Nafi reprendre notre petite Raphiatou. Elle nous trouvera sur son chemin.

Je voulus détendre l’atmosphère, alors je changeais de sujet et demandais des nouvelles de nos parents. Mon père me manque ; c’est vraiment bizarre, mais je pense constamment à lui ces derniers temps et par ailleurs je n’ai pas eu l’occasion de lui demander sincèrement pardon même s’il dit qu’il ne m’en veut plus. Je veux faire les choses bien, je dois faire les choses bien.

Alors je décide de raccompagner les filles et j’en profiterai ainsi pour voir mes parents.

 

*

**

***

Nous trouvons papa assis dans son hamac comme à son habitude. Déjà deux ans que j’ai quitté la maison pour rejoindre mon foyer, mais les habitudes et les gestes y sont restés les mêmes. Rien n’à changer… maman toujours à la cuisine parce que monsieur Sy Savané n’accepte jamais la nourriture préparée par les domestiques, à part bien sûr lorsqu’il était en froid avec elle ; néanmoins maman suivait de près les travaux ménagers. Et papa en train de lire son journal ou d’écouter les informations sur son vieux magnétophone qui je crois date de la préhistoire tant il est vieux. Selon ses propres dires, il date de très longtemps, mais on ne sait pas exactement de quand.

Nous le saluons et prirent place. Comme si elles savaient que j’ai besoin de rester seule avec lui, mes sœurs s’en vont rejoindre maman dans la cuisine ; nous laissant en tête à tête.

—Comment vas-tu Ayana ?

—Je vais bien papa.

Je me tus, ne sachant plus trop quoi dire. Il est vrai que nos rapports ce sont améliorés, mais il existe toujours une certaine gêne entre nous. Ce n’est pas le genre de père à faire la conversation à ses enfants et qui plus est des filles ; il n’a jamais su communiquer avec nous. Avec lui ça toujours été des ordres, il ordonne et nous obéissons. Ou du moins elles obéissent parce que je suis la seule qui adorait le défier. Je me plaisais à lui tenir tête en ne respectant jamais ce qu’il nous demandait de faire ; et dans ces cas-là, c’était punition collective pour tout le monde. Ce souvenir failli m’arracher un fou rire. Je me rappelle qu’à l’époque mes sœurs me détestaient à cause de mon entêtement et du fait que par ma faute, elles étaient tout le temps fouettées. Mais moi je m’en foutais royalement, je n’ai jamais eu peur des coups. Par conséquent ça ne m’empêchait pas de faire des bêtises tout le temps.

—Et ton mari ?

—Aly va bien papa ; il est au bureau.

—Dieu merci mon enfant. Que me vaut l’honneur de ta visite ?

Je ne savais pas par où commencer tant j’ai beaucoup à dire. Mais je crois que je vais essayer de faire court.

—En fait papa je veux te demander pardon ; je me mis séance tenante à genoux et attrapa ses pieds. Mes larmes se mirent aussitôt à couler ; je m’étais promis de ne pas pleurer, mais là c’est plus fort que moi. Il ya bien trop d’émotion contradictoire se bousculant dans mon cœur. La honte, la tristesse, et surtout le soulagement. Je me suis égarer papa, je me suis égarer. Tu as voulu ce qui est bien pour moi, mais je n’ai pas vue le bien fondé de ta démarche et j’ai failli tout gâcher.

Je parlais, parlais. Ressassais trop de souvenir enfouie, faisais remonter à la surface des pans de ma vie dont je ne suis pas très fière. Mais je dois aller jusqu’au bout, m’humilier pour obtenir le pardon et la clémence de mon géniteur. A la fin de mon plaidoyer, il me fait relever.

—Il ya bien longtemps que je t’ai pardonné Ayana ! Très longtemps même je dirais. Annonça-t-il à mon grand soulagement. Lorsque j’ai fait le deuil de ta sœur, j’en ais profiter pour purifier mon cœur et mon âme de toute haine et rancœur. Mais en tant que père, j’attendais que tu viennes de toi-même présenter des excuses. Parce que c’est ça le devoir d’un enfant, s’incliner et implorer le pardon de ses géniteurs lorsque ceux-ci sont en colère contre lui. Il peut certes envoyer des émissaires, mais cela ne doit pas l’empêcher de tenter le coup de son propre chef. Quand les autres venaient me demander pardon en ton nom, ils voulaient savoir peut être de manière indirecte la raison de ma colère. Mais je ne pouvais pas le leur dire ou du moins je ne voulais pas leur dire. Tu es mon enfant et je me dois de te protéger quel que soit la faute que tu auras commise.

C’est mon devoir de ne pas te livrer à la vindicte populaire et ce quel que soit mon degré de colère envers toi. Pour parler d’autre chose, dit-il en se calant confortablement dans le hamac, ton mariage avec Aly n’est pas le fruit du hasard. Il t’a certes aimé et est venu de son plein gré demander ta main par l’intermédiaire de son père ; mais j’ai vue dans cette union un bonheur insoupçonnable pour toi et lui. Je ne vais pas tout te dire ma fille, non je me garde cette prérogatives de ne pas tout te révéler. Mais sache une chose, en tant que père je ne pourrai jamais au grand jamais te mettre dans une situation qui pourra te nuire Ayana. Que ce soit toi ou tes sœurs. Je suis votre père et vous êtes mes enfants ; je n’en ai pas d’autres en dehors de vous alors que gagnerais-je à vous faire souffrir sciemment ? Au contraire, je souffrirai avec vous.

Donc ma fille voit en mes gestes passés, présents et futures des moyens de protections pour vous. Car nous sommes vos parents, nous sommes vos Dieux sur terre et sommes plus âgés que vous. Cela sous-entend que nous connaissons mieux la vie que vous, de par notre expérience. Ainsi donc toi Ayana même si tu t’arrêtais sur une chaise ou une échelle de plus de cent mètre, tu ne verras jamais aussi loin que-moi ton père étant couché dans mon hamac. Cela dit, je voyais des choses que tu ne peux pas comprendre ; de par la quintessence même de ta situation de femme et à cela s’ajoute ton jeune âge, qui constitue pour toi une innocence et une certaine naïveté. Sauf que l’erreur est humaine mais y demeurer est diabolique, alors ne soyons pas comme le diable qui prend plaisir à induire l’être humain en erreur.

Aussi je te conseille de prendre soin de ton mari, c’est un homme bon. Mais ça tu le sais déjà. L’épreuve par laquelle vous êtes passés ou par laquelle vous passez, doit en principe renforcer vos liens. Epauler vous dans la douleur comme dans le bonheur ; dans l’adversité comme dans la paix. C’est cela le vrai sens du mariage. Ne laisse pas ton mari t’échapper, occupe-toi bien de lui. La bonne femme est une bénédiction pour son mari ; et la bonne femme est celle qui est toujours présente pour sa moitié. Soit présent pour lui, tu n’en seras qu’heureuse. Des enfants tu en auras, s’il plait au Créateur.

Je n’avais jamais autant parlé avec mon père ; notre petite conversation me soulagea. Surtout quand il me parla de mon mariage. Peut-être qu’il me fallait ce petit déclencheur pour reprendre conscience de la chance que j’aie d’avoir Aly dans ma vie.

Le reste de la journée se passa sans encombre. Je restais avec ma famille jusqu'à la tombée de la nuit. Après quoi je rentrais chez moi, retrouver ma maison, mon foyer et surtout retrouver MON MARI, MON HOMME…

Esclave de mon cœur