Le pot aux roses

Ecrit par Farida IB


Khadija…


Ce soir, nous sommes de sortie Ussama et moi. Voilà six mois que nous avons décidé de nous mettre ensemble. Le bilan est positif jusque là, il est juste adorable avec moi et moi je suis chaque jour raide dingue de lui. Il nous tarde de passer à l’étape supérieure, surtout que la tentation devient de plus en plus forte et intenable. Au moins nous pouvons compter sur la surveillance pointilleuse de sa mère pour ne pas flancher. Tout le monde a eu le temps de s'accommoder à la relation sauf évidemment son père qu'on arrive toujours pas à tenir informer de cela. Il n'y a jamais le bon moment pour le faire. En ce qui concerne le mien, je n’ose même pas. La dernière fois que je l’ai eu au téléphone, il jurait sur le coran qu’il me ferait la peau si jamais il découvre que je suis l’instigatrice des enquêtes ouvertes par plusieurs ONG à mon sujet. Le Cheikh a usé de ce subterfuge pour faire diversion, mais toujours est-il qu'il s'attend à ce que je me marie à Khalil.


En attendant que cela nous explose à la figure, je mène une vie paisible. Il paraît même que j'ai pris du poids (rire). Mon objectif en ce moment, c'est devenir une femme accomplie et totalement indépendante. Le processus pour reprendre mes études a été déjà enclenché. J'ai passé avec brio le test de niveau pour la terminale et je commence les cours dans un mois dans le même lycée que Ussama et sa sœur ont fréquenté.   Après le bac, j'envisage de m'inscrire dans une école de commerce. J'ai tellement aimé être en contact avec la clientèle de Oumi que j'ai décidé d'élargir mes connaissances dans ce domaine.

Bon pour ce soir, nous avons commencé par une promenade fantabuleuse entre gratte-ciels et océan pour finir sur le dos de chameau au coucher du soleil. Après cela, nous avons savouré un dîné barbecue à la belle étoile sur la terrasse d’un restaurant réservé rien que pour nous deux (une idée de sa sœur, il m’a dit). Actuellement, nous sommes assis sur une falaise le regard tourné vers la mer.


Ussama : il faut qu’on fasse ça plus souvent.


Moi lui souriant : je suis d’accord, c’était super chouette. (le fixant) J’ai passé une excellente soirée en ta compagnie.


Ussama répondant à mon sourire : moi aussi.


Moi : merci pour tous ces agréables moments que tu me fais passer.


Ussama : mais de rien ma belle. Sauf que nous allons devoir rentrer, la brise commence à se manifester. 


Moi : oui, c’est vrai que j’ai un peu froid. 


Ussama : tu veux que je te passe ma veste ?


Moi : non merci ça ira.


Il me tend une main dont je me saisis et me tire pour me relever. Je ne sais pas comment, mais je me retrouve plaquer contre lui. On se contemple sans rien dire un moment, instant au cours duquel mon cœur menace de sortir de la cage thoracique. N’y tenant plus, je lui soulève le menton et l’embrasse (pardon, c’était plus fort que moi). Il répond de suite à mon baiser. Je soupire d’aise en pensant par Allah ses lèvres sont plus douces que j’avais imaginé. Il enroule même un bras autour de ma taille et me serre contre lui. De sa main libre, il incline ma tête pour approfondir le baiser. Je passe par des sensations que je ne saurais décrire, c’est tout comme si sa langue opérait une magie dans ma bouche. Ça devenait chaud, tellement chaud que lorsqu’il se détache, je reste un moment dans les vapes.


Ussama : je suis désolé, on ne devrait pas.


Je hoche seulement la tête.


Ussama (se passant la main dans la tête) : c’est la première fois que ça m’arrive, je n’arrive pas à me contrôler…


Moi le coupant : c'est moi qui suis désolée, j'ai été imprudente.


Ussama : ce qui est contradictoire c'est que j'en ai encore envie.


Moi : et moi plus que toi (soupir) il vaut mieux qu’on parte d’ici avant de faire une bêtise.


Il acquiesce et me tend la main. On quitte la plage en silence et le trajet vers la maison se fait également en silence. On arrive à la maison où on se sépare sur le parc auto. Il part en direction du sous-sol pour se rendre directement dans son appartement et moi, je me rends dans le mien par l’entrée principale. Je le retrouve pourtant seul dans le couloir abritant mon appartement.


Moi plissant les yeux : mais qu’est-ce que tu fais ici ? Je croyais que…


Je n’ai pas le temps de finir ma phrase que je me retrouve plaquée de dos contre le mur pendant qu'il  me mange littéralement la bouche, j’y réponds avec la même ferveur, la main posée sur son torse. 


Voix hébétée derrière nous : qui… (Cri) SoubhanAllah Ussama ? Khadija ?


Nous nous détachons brusquement et nous retournons pour voir le Cheikh avancer furieusement vers nous. Wallah que nous sommes morts dans le film aujourd’hui !!!


Le Cheikh : qu’est-ce qui se passe ici ? Qu’est-ce que je viens de voir ?


Nous :…


Le Cheikh, l’air désabusé : laa laa laa (non non non) Ussama pas toi. Wallah billaye ces enfants ce sont décidés à me tuer, qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?


Ussama : papa, je suis désolé.


Le Cheikh : tu es tombé dans le haram toi aussi ?


Ussama : pa…


Le Cheikh : je ne comprends pas comment cela se fait (me fixant avec mépris)  tu couches aussi avec lui ?


Je secoue la tête.


Le Cheikh criant : comment ça tu ne couches pas avec lui alors que je viens de vous surprendre en train de vous tripoter sans gêne dans les couloirs. 


Ussama soupire exaspéré : papa, on ne couche pas ensemble.


Le Cheikh plus que vénère : tu crois vraiment qu’il y a une différence avec ce que vous venez de faire ? Et de surcroît avec… Ya Allah, mais qu’ai-je fait de mal ? À quel moment ai-je raté le coche avec vous ? Je me suis échiné à vous donner une bonne éducation, mais apparemment aucun parmi vous n’en a rien à foutre !!  (se tournant vers moi toujours méprisant) Et toi, tu m’as laissé accuser mon fils à tort alors qu’en réalité, c’est toi la traînée dans l’histoire, une sale aguicheuse qui se donne à deux frères sans pudeur. SubhanAllah, deux frères de sang.


Je tressaillis sous l’insulte, j’ai juste envie que la terre s’ouvre pour m’engloutir. 


Le Cheikh d’une voix acerbe : je te donne une chance incroyable en restant vivre ici et toi, tu me remercies en jetant la malédiction sur ma famille ? Bon sang tu…


Il est interrompu par oumi qui hausse le ton pour se faire entendre.


Oumi : c’est quoi tout ce vacarme ? Qu’est-ce qui se passe ici ?


Le Cheikh : je viens de les surprendre en plein outrage aux mœurs (ah) ton fils en train d’embrasser la fille que son frère a déshonoré et désavoué…


Oumi stupéfaite : c’est quoi cette histoire. Sama, c’est vrai ce que vient de dire ton père ?


Ussama : en fait euh…


Le Cheikh (lui jetant un coup d’œil assassin) : wallah billaye que si tu n’étais pas mon fils, j’allais te faire enfermer cette nuit même (s’adressant à moi) et toi avec lui. 


Oumi : Al-Amine calme-toi, nous n’allons pas en arriver à cet extrême (nous fixant) Je croyais avoir été très stricte avec vous sur ce sujet ?


Le Cheikh arquant le sourcil : tu savais qu'il fricotait ensemble ?


Oumi : mais non, enfin il faut qu’on discute de quelque chose en rapport avec ça.


Le Cheikh : discuter de quoi ? Je ne perdrai pas mon temps à deviser sur des insanités. (tranchant) Dès demain, tu retournes chez ton père.


Mon cœur fit un bond dans ma poitrine.


Ussama ton suppliant : papa c'est ma faute ce qui est arrivé, c’était une pulsion incontrôlée. Si quelqu'un...


Le Cheikh le coupant : quel genre de pulsions qui t’attire vers la fille qui a partagé la couche de ton frère Ussama ? 


Ussama d'un trait : papa, je l’aime et je veux l’épouser. 


Le Cheikh fronçant les sourcils : pardon ? Qu’est-ce... Que viens-tu de dire ?


Ussama calmement : que je veux l’épouser ! (lancer) Ça fait des mois que je cherche le bon moment pour te le dire. Je veux faire d'elle mon épouse si tu n’y vois pas d’objection.  


Le Cheikh : et tu dois bien te douter que ce soit le cas.


Oumi intervenant : Al-Amine prenons d'abord le temps d'en discuter.


Le Cheikh : il n’y a même pas matière à discuter.


Oumi : tu...


 Il lui lance un regard qui la dissuadé de continuer.


Le Cheikh tranchant : prépare tes affaires, je te ramène chez ton père demain.


Il se retourne et s’en va. Je regarde Ussama désemparée pendant qu’il lance un regard suppliant à sa mère.


Oumi : je vais essayer de lui parler.


Ussama l’air sceptique : d’accord.


Oumi : je ne vous promets rien par contre. (nous acquiesçons alors qu’elle ajoute) Sachez toutefois que je ne suis pas content de vous.


Nous la petite voix : désolé.


Oumi : bonne nuit.


Moi : merci, bonne nuit à vous aussi.


Ussama : bonne nuit maman.


Elle veille à ce que Ussama prenne les escaliers et moi, je referme ma porte avant de m’éclipser. C’est par téléphone qu’il essaie de me rassurer durant la moitié de la nuit pendant que je pleure toutes les larmes de mon corps. Je n’ai ni l’envie de me séparer d’Ussama encore moins de retourner dans ma prison dorée. Je passe ainsi toute la nuit à pleurer et ne dors qu’aux environs de 5 h pour faire des cauchemars tout le temps que ça a duré. Je referme à peine mes yeux après un rêve dans lequel j’étais torturée, bannie et moquée aux yeux du monde pour me voir de nouveau couchée, une tranche-tête perchée sur moi. Je gigote dans tous les sens jusqu’au moment où je sens une sensation de piqûre dans mes bras ensuite ma vision devient floue. J’arrive tout de même à apercevoir mon père lever la machine au-dessus de ma tête. Il avait le regard plus perçant, plus vrillant et ça donnait froid dans le dos. J’entends pulser le sang dans mes veines, je ferme les yeux. Un instant d’après il part dans un rire diabolique dont l’écho retentit jusqu’à mon réveil en sursaut. Je suis tout en sueur, le cœur battant la chamade pour entendre quelqu'un  toquer à ma porte.


Voix d’Oumi : Khadija tout va bien ? Ouvre la porte s’il te plaît.


Je descends du lit complètement déboussolée, je ne recouvre mes esprits que lorsque j’arrive devant le miroir de la salle de bain. Je profite me débarbouiller avant d’aller lui ouvrir.


Oumi s’empressant d’entrer, inquiète : mais qu’est-ce que tu as, ça fait dix minutes que je t’entends crier.


Moi : j’ai fait un cauchemar.


Elle me lance un regard compatissant.


Oumi : ça ira ?


J’acquiesce.


Oumi : ok, va faire tes prières et rejoins-nous dans le grand salon. 


Moi : d’accord.


C’est tout ce que j’arrive à marmonner et elle ressort aussitôt. Je les retrouve comme prévu une trentaine de minutes plus tard. J’entre et la trouve avec le Cheikh et Ussama, je lance une salutation timide à laquelle ils répondent tous. Oumi me désigne le fauteuil à côté de celui dans lequel Ussama est assis de sorte qu’on se retrouve face à eux. Le Cheikh n’attend pas que je m’assoie pour prendre la parole pour s’adresser à Ussama.


Le Cheikh : j’ai tenu un conciliabule avec ta maman, et comme d’habitude elle te trouve une raison. 


Oumi (lui lançant un regard en biais) : ce n’est pas lui trouvé raison l’eau est déjà versée, il faille qu’on trouve un compromis pour rétablir la concorde.


Il lui jette à son tour un coup d’œil sans rien dire avant de se tourner vers Ussama à nouveau.


Le Cheikh : elle dit que vous avez décidé de commun accord de vous mettre ensemble.


Ussama : c’est exacte.


Le Cheikh (revenant à moi) : tu étais à deux doigts d’épouser mon fils aîné et l’histoire retiendra que tu as partagé sa couche quelle que soit la raison qui t’a poussé à le faire. Aujourd'hui, tu dis désirer son cadet et tu es même prête à faire ta vie avec lui (oui de ma tête) Quelle image de ma famille veux-tu donner aux yeux de ton père et de la communauté toute entière ?


Moi : euh...


Le Cheikh : je n’ai pas d’autres choix que de vous laisser embourber dans votre erreur puisque vous avez déjà commencé à fricoter ensemble. D’ici à ce que vous vous adonner au sexe hors mariage il vaut mieux qu’on vous marie. Enfin (me fixant) si ton père te donne son accord.


Je jette un coup d’œil rapide à Ussama qui a l’air aussi agréablement surpris que moi. 


Moi lui répondant : d’accord.


Le Cheikh continuant : nous irons voir ton père dès que possible et le plus tôt sera le mieux. Ussama, tu sais dans quoi tu te mets et tu es bien conscient des éventuelles conséquences.


Ussama avec conviction : en effet.


Le Cheikh : c'est bien que tu le saches parce que moi, je me lave les mains de votre malédiction. Vous serez les seuls à l'écumer.


Oumi s’insurgeant : mais qu’est-ce que tu racontes comme ça ? 


Le Cheikh : simplement la vérité.


Oumi faisant la moue : aucune malédiction ne s’abattra sur la tête de mon enfant et sur personne d’autres d’ailleurs. S’ils veulent se mettre ensemble que cela se fasse dans l’alliance de leur dieu protecteur. Si telle est sa volonté !


Ussama : AMINE !!




Ussama…


On se retrouve deux jours plus tard dans la résidence privée de Ibn Bastou El Tahir.  Je suis seul avec mes parents, Khadija s’est réfugiée  auprès de sa dame de compagnie et sa fille à notre arrivée. Ça fait un moment que papa a énoncé l’objet de notre visite et Ibn n'a toujours pas réagi. Quoique son visage exprime clairement son indignation face à l’affaire. Il fixe un point imaginaire encore quelques minutes avant de ramener son attention sur nous.


Ibn Bastou : en résumé, votre fils aîné a refusé d’épouser ma fille en dépit du fait qu’il ait abusé d’elle. En outre son frère, c’est-à-dire son cadet, celui qui le suit directement. Enfin, votre autre fils lui veut bien aller en mariage avec (faisant mine de réfléchir) la même fille.


Papa hoche lentement la tête avant de reprendre.


Papa posément : je tiens à vous dire que je ne suis pas particulièrement favorable à l'idée que je trouve par ailleurs aberrant. Une fois de plus, nos enfants ont décidé de traîner nos noms dans la boue ! Mais ça nous permettrait toutefois de laver l'honneur de votre famille et celui de votre fille par ricochet.


Il ouvre les yeux et nous regarde tous les trois abasourdi.


Ibn Bastou : vous êtes quel genre de famille ? Vous vous passez les femmes entre vous ?


Maman : la situation n’est pas telle que vous la décrivez. Il faut d’abord préciser que votre fille a également opposé un refus catégorique à son mariage avec mon fils aîné. Par contre elle consent à s’engager avec son frère, et ce, pour la vie. 


Il y a un flottement au cours duquel il semble réfléchir.


Ibn Bastou : donc Khadija est d’accord pour épouser celui-ci et non l’autre.


Papa : tout à fait.


Ibn Bastou (parlant plus à lui-même qu’à nous) : de toute façon plus rien ne me surprend venant de cette fille. (calmement) Sortez de chez moi (Criant) Sortez !!!! 


On se lève tous en même temps pour sortir, on arrive près de l'hélicoptère avant que je ne remarque Jedah derrière moi. On s'installe tous en silence. Pendant les premières minutes du vol, mon père arbore son regard courroucé qui annonce la tempête du coup personne n'ose parler. Au bout d'un moment, la situation m'agace donc je décide de briser le silence.


Moi : qu'allons-nous faire à présent ?


Maman : il n'y a rien à faire fiston, vous ne pouvez pas vous marier sans la permission de son père.


Je me passe la tête dans les cheveux et soupire.


Moi : ce n'est pas grave, nous allons réessayer une prochaine fois.


Papa : ne compte même pas sur moi pour récidiver. 


Moi dans un soupir : papa...


Papa : si tu tiens à l'épouser, tu te débrouilles comme tu peux pour te faire accepter par son père. 


Je soupire simplement.


Papa : si si et tant que ce n'est pas le cas, je ne veux plus vous voir traîner ensemble. Khadija tu iras vivre à l'étranger.


Le tournant décisif