Les 4 vérités

Ecrit par Aura


- VOUS VOUS FOUTEZ DE QUI AU JUSTE ? entendis-je provenir du côté de Mireille. Sa voix m’a poussé à me retourner vers elle. Elle qui tout à l’heure était en retrait, semblait cette fois-ci réveillée.  Elle était debout maintenant, le regard voilé par ses lunettes, mais en train de me fixer. On croirait qu’elle allait se jeter sur moi, d’un moment à un autre au point où tous ceux qui composaient le jury étaient tout de suite surpris de sa réaction et moi encore plus. 

- POUR QUI VOUS VOUS PRENEZ-VOUS AU JUSTE ?

- Euh euh pour moi bafoué-je ! 

- ALORS FICHEZ LE CAMP DE CETTE SALLE ! Pour qui vous vous prenez au juste pour venir jouer aux dames éplorées. Vous croyez qu’on est à l’action sociale ici ? Vous a-t-on dit que nous sommes ici pour réaliser les rêves manqués de qui que ce soit ? C’est un lieu de travail madame, pas une cour de récréation ! Je suis ici pour rechercher des mannequins, QUALIFIES ! Pas des femmes aux foyers qui s’ennuient de leur quotidien. 

- Mais…en fait…tentai-je de la calmer, vous vous méprenez sur moi. Je suis…

- FOUTEZ-LE-CAMP ! Est-ce que vous vous êtes mirée avant de mettre vos pieds dans cette salle ? Vous vous croyez où au fait ? A la foire ou au manège ? Non, mais ! Il y a des gens qui ne manquent pas d’air hein sérieux. 

Je déglutis. C’est à moi qu’elle s’adresse ou à quelqu’un d’autre. 

- J’en ai assez vu de votre tronche de pain rassis, maintenant j’en ai marre et disparaissez ! grondé-t-elle.  

- Mireille….tentait Sonia. Tu ne devrais pas réagir de la sorte. 

- LA FERME TOI ! 

- Hein ?

- Oui tais-toi ! Je t’ai observé tout à l’heure étaler ta médiocrité devant ces candidates et j’ai laissé passer parce que je croyais que tu apprenais au fur et à mesure. Mais laisser passer ce genre de bêtises avec une femme pareille, non, je ne le cautionne pas. Nous ne sommes pas Mère Theresa, alors on passe.  

- Mais Mireille osait Sonia. 

- J’ai dit que tu te taises, incapable. Je suis étonnée que tu laisses cette femme déblatérer ici dans cette salle alors que tu sais à quel point, je suis allergique aux personnes qui sabotent le travail des autres. 

- Mais….

- Un seul mot encore Sonia et tu seras virée.  COMPRIS cria-t-elle !

- Oui, oui…

- J’ai toujours dit que tu étais nulle. Mais j’ignorais que c’était à un tel degré. Quand je pense que je voulais retourner à New-York avec toi. Je crois que j’ai misé sur le mauvais cheval. Une assistante comme toi, c’est juste la déception. Kevine me manque tellement. Elle au moins savait comment répondre à mes demandes. Pas des incapables comme ça. 

J’ai vu le visage de Sonia se décomposer. Elle est devenue toute rouge comme la tomate. On sentait qu’elle était vraiment contrariée et qu’elle était prête à éclater d’une seconde à une autre. Mais elle se retenait complètement. Elle a refermé le document qu’elle avait en main, a formulé des excuses rapides qu’elle a lancées, avant de sortir en trombes. 

C’était un rêve ou l’assistante venait vraiment de prendre ses jambes à son cou ? Si elle l’avait fait avec sa collaboratrice, qu’adviendrait-il donc de moi ? Je suis toujours plongée dans mes réflexions, lorsque cette Mireille me sort de mes pensées. 

- Eh toi ? Qu’est-ce que tu fiches encore ici ? 

- Moi ? 

- Oui c’est à toi que je m’adresse ou bien tu es totalement sourde. 

- Euh…..

- DEGAGE ! lance-t-elle brutalement.

- QUOI ? 

- Tu ne comprends pas ou quoi ? Vas voir dehors si j’y suis. 

- (Silence)

- Mais est-ce que tu vas bien ou pas ? Dégage de ma salle de casting bon sang ! Comment quelqu’un peut se réveiller un matin et penser une seule seconde défiler dans les vêtements de Mireille KANTE ? Ce ne sont pas vos friperies madame hein, c’est de la haute couture, pas du n’importe quoi. Ce ne sont pas des vêtements qu’on trouve dans vos marchés, jetés à même le sol, mais plutôt vendus dans les grandes boutiques du monde entier. Et ce n’est pas n’importe qui, qui peut se les acheter, mais les bourges. Alors quelqu’un comme toi ne peut pas venir se permettre de gâcher mon casting et surtout mon défilé juste parce qu’elle a envie de porter des vêtements de ma propre marque. Ça jamais. Autant mieux les garder chez moi que commettre un tel péché. Donc si l’envie te reprends un de ces jours de faire des grands sauts, essaies de te jeter d’une falaise pour voir au lieu de venir tenter de saboter le travail de quelqu’un. N’importe quoi.

Je l’entends mais je ne l’écoute pas. Je sais pertinemment que je suis ridicule. Il suffit de voir tous les regards de pitié qui sont posés sur moi pour le comprendre. Cette femme est une sale garce. Oui, une sale gare de la pire espèce ! Je la regardais avec admiration depuis que j’ai su ce qui la liait avec moi. Mais là je tombe des nues. Comment quelqu’un peut-être aussi désagréable que ça ? Comment quelqu’un peut-il traiter les autres comme de la merde et continuer à respirer tranquillement comme si de rien était ? Je suis dégoutée. Ce qui m’écœure davantage c’est la passivité de autres membres de l’équipe. A croire que ce sont ses larbins et qu’ils doivent lui lécher le cul au risque de subir ses colères. 

     La bonne dame continue de m’insulter comme une moins que rien. Et moi, je la regarde là debout comme une statue. Je crois que mon attitude l’énerve. Elle quitte sa place de tout à l’heure et vient devant moi pour tenter de me brutaliser, mais je l’esquive immédiatement. 

- Ça suffit ! lui lançai-je

Elle se tétanise d’un coup. 

- J’ai dit que ça suffit ! Je vous défends de me brutaliser encore moins de me manquer de respect comme vous venez de le faire. 

Toute la salle reste abasourdie. A croire qu’ils sont tous littéralement étonnés que je réagisse, alors que tout à l’heure j’étais passive. Eh bien la passivité, ce n’est plus mon style. J’ai longtemps été passive dans ma vie et cela m’a couté les humiliations, les mensonges, les abus et surtout mon argent. Alors je ne serai plus passive désormais. C’est terminé ! Elle aurait dû le faire avec l’ancienne moi. Trop tard pour elle, j’ai changé. 

- Je suis déçue commencé-je. Oui je suis étonnement déçue. Je croyais que la grande Mireille que j’admirais tant était une femme de valeur, une femme respectable. Mais non, je suis tombée une petite fille en mal être. Ouais c’est ce que vous êtes. Malgré le corps de femme de rêve que vous avez, je suis déçue que votre esprit ne soit qu’un tonneau vide. 

- Je ne vous permets pas. 

- Oh que si je vais me le permettre. Tout à l’heure, vous m’avez insulté sans ménagement et je n’ai rien dit. Maintenant vous allez me supporter parce que je viens de commencer. Je vous croyais plus intelligente, plus douce, plus charitable, plus respectueuse. Mais non, je me suis trompée de personne. Comment peut-on être une femme de votre calibre et se comporter avec autant de bassesse ? Ce n’est vraiment pas croyable. On croirait être encore en pleine traite négrière ! Quels sont ces comportements de bas étage ? Si tes larbins ont l’habitude de te lécher le cul, alors ce n’est pas mon cas. Désolée ! Et je vais te dire une chose que tu vas retenir dans ce qui te sert de tête. Le design ou la mode ce n’est pas seulement fabriquer des vêtements bizarres qui coutent extrêmement chers pour les bourges et qu’ils vont porter une seule fois dans leurs vies avant de les garder dans les placards. La mode petite, c’est bien plus que ça. C’est rendre chaque catégorie de personnes élégants dans tous types de vêtement que l’on créé. La mode c’est faire sentir chaque personne intégrée, comprise et surtout épanouie. Dire que tes vêtements ne sont pas réservés à n’importe qui c’est de la discrimination et surtout c’est montrer qu’on a rien dans la tête. Ton n’importe qui là c’est qui ? Les pauvres ? Les gros ? Les moches ? Les petites-tailles ? Les handicapés peut-être ? Quelle désolation !! On devrait vous apprendre bien plus dans vos écoles de mode que le dessin ! On devrait vous apprendre l’humanise. Ça t’éviterait de raconter des idioties pareilles. 

- (Silence)

- Et vous, je m’adresse à tous les autres dans la salle. Vous n’êtes que des idiots et des égoïstes. Comment peut-on traiter votre collègue de la sorte et vous restez de marbre ! N’importe quoi. On devrait refaire vos éducations à tous. C’est moi qui vous le dis hein ! N’importe quoi. Pardon, où est même la sortie ? Je m’en vais de ces lieux bizarres. C’est ça une salle de casting ? Mon œil ouais. Et puis on dit qu’on sort des USA avec ça. Pff ! C’est le paradis de quoi comme ça ! Bêtises ! 

Je sors de la salle tout en bavardant. Arrivée à l’entrée, je leur lance encore un regard avant de tchiper et de claquer la porte.  Le bruit qu’elle fait, réussit à faire sursauter tout le monde, je dirais les candidates qui attendent dans le couloir. Je passe au milieu d’eux en silence et vais m’engouffrer dans l’ascenseur vide prêt à descendre. Ses portes se referment sur toutes les filles qui me regardent perdues. C’est bien ! Là, sans m’en rendre compte, l’ascenseur descend au deuxième niveau, ce qui m’effraie tout de suite. Ehhh, qui m’a envoyé dans cet enfer ? Puis il arrive au premier, je m’agrippe à l’un des coins. Quand il arrive enfin au rez-de-chaussée, je souffle et sors de là en vitesse. Je continue ma course jusqu’à l’arrêt de bus qui se trouve à quelques mètres de l’hôtel.

Je rentre chez moi en silence. Je m’achète de la nourriture en route pour apaiser ma faim. Je n’ai pas mangé de la journée et j’ai passé mon temps dans un parc du centre-ville où je me suis mise à réfléchir sur ce que je peux encore entreprendre pour mon plan, car honnêtement, je viens de griller la seule carte que j’avais en main. Comment vais-je donc faire à présent pour m’approcher de NGOMA maintenant que je me suis faite virée volontairement du casting. Fichtre ! 

Je prends une bonne douche, m’installe sur mon matelas et me sers mon plat de matémbélé (légumes) avec du Thomson (poisson fris) que je savoure avec deux boules de couscous maïs. Le plat est délicieux et je m’en régale. Quand je finis, je jette les couverts (en plastique) pour la circonstance. Je commence à ranger mes vêtements calmement. Demain, je vais devoir retourner dans mon pays et me faire à l’idée que je ne peux pas me battre contre le monument qu’est NGOMA. C’est vraiment impossible. Je ne suis pas capable de cela et surtout je n’ai pas les armes qu’il faut. Je suis nulle, c’est pourquoi il m’a quitté, m’a fui pour en épouser une autre. Alors je devrais m’estimer vaincue. Car il a suffi de quelques heures pour tout faire foirer. Alors qu’en sera-t-il si ça devait prendre plus de temps ? Rien de bon je suppose.  Je dois retourner à ma vie d’avant, à mes enfants. Ils ont le plus besoin de moi. Je vais peut-être trouver du travail et subvenir à nos besoins. Mouais, c’est le mieux que je puisse faire. De toutes façons, si quelqu’un a décidé de se faire passer pour mort, alors autant mieux le laisser continuer de l’être. Pourquoi chercher à me venger ? 

Je me couche sur mon matelas, sort un bouquin que j’ai acheté en chemin aujourd’hui. Le titre porte sur « Le pleurer-rire ». Il me semble intéressant dès les premières pages. Les personnages portent pratiquement des noms d’ici et je trouve ça complètement drôle. Je suis à la cinquième page, lorsqu’une notification de mon téléphone me sort de ma lecture. Je récupère le téléphone posé quelque part non loin de moi et le consulte. Il s’agit d’un mail qui vient d’arriver. Et il est de Mireille. Je suis étonnée qu’elle m’ait écrit sur son mail à elle. 

« Bonjour ! Rendez-vous demain au Burber Hills à 17h. Sois ponctuelle. Tenue décontractée avec des talons. Tu passeras un deuxième casting. Ne crois pas avoir gagné de sitôt. Je t’ai encore à l’œil. MK »  

Je rêve ou je viens d’être réintégrée dans la course. Et moi qui croyais être nulle ? Mon Dieu ! Je lui ai donc fait bonne impression alors. Non, je lui ai plutôt dit ses six milles vérités. Elle avait besoin de ça. Et je crois que ça a marché puisque cette connasse m’a rappelé dans l’équipe. L’idiote croit m’avoir donné une seconde chance. Non non non, elle vient juste de commettre la plus monumentale erreur de toute sa vie : ramener la louve dans la bergerie. Elle va s’en mordre les doigts parce que je ne ferai pas cadeau. 

* Éclairez ma lanterne !!!*

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