Les retombées
Ecrit par Farida IB
Bradley
Ça fait un bon moment depuis les résultats et rien à dire sur ma vie. Elle est devenue très monotone surtout que je me tiens à carreau des embrouilles et je me suis bien rangé. Bon ça, vous le savez déjà que depuis que miss Tina est rentrée dans ma vie, je n’ai d’yeux que pour elle. Mes potes me charrient souvent du fait qu’elle m’ait autant subjugué (rire). Je me pose bien la question des fois, mais du moment que la fille me satisfait de fond en comble pourquoi aller fouiller dans les déchets ? A part quelques bris de notre conversation avant le déboire d’Armel qui me chagrine de temps à autre tout va pour le mieux. J’ai appris à relativiser et à profiter des moments que nous passons ensemble.
Le plus urgent en ce moment, c’est notre vie post bac, on prend souvent le bac comme le dernier virage, mais moi, je dis que c’est le point de départ de nos rêves parce que j’ai toujours voulu dépasser ce cap pour pouvoir entamer mes études en architecture et urbanisme. Ça a toujours été ma passion, l’aménagement urbain, la rénovation des villes et des quartiers tout ce qui a trait au réaménagement et à l’innovation. C’est devenu une obsession depuis que j’ai appris à conduire. Il faut noter que ce n’est pas le grand luxe de rouler sur les voies de Lomé et environs et surtout le fait de ne pas pouvoir rouler à volonté dans la voiture de mes rêves que papa m’a offert pour ma brillante réussite au bac (une Ford Focus couleur blanche glacier s’il vous plaît !), pour dire vrai la vétusté des voies dans la sous-région en est pour beaucoup dans ce choix. Aussi, je pense que les vieux immeubles datant de l’époque de mathusalem doivent faire place aux grattes-ciels. Il faut bien que la mondialisation s’imprègne non seulement dans la technologie, mais aussi dans l’aménagement urbain de nos pays en Afrique.
J’ai passé le concours avec brio, reste à finaliser les démarches pour l’inscription. Papa n’était pas trop d’avis, il aurait préféré que je fasse l’ENA ou les Sciences politiques à la fac afin de prendre le relais de sa carrière dans le futur. Ça été très difficile de le faire fléchir, la chance que maman sache se montrer convaincante.
Eddie (au seuil de ma porte) : descends, papa convoque une réunion urgente.
Moi : de quoi s’agit-il ?
Eddie : aucune idée, il est dans son bureau tout furieux avec papa Déborah.
(Ça, ça n’annonce rien de bon, nous avons été caftés!)
Nous arrivons dans le bureau de papa et tout le monde était déjà là, il y a Armel qui reste immobile sur sa chaise signe qu’il panique.
Papa : Marc (papa Debbie), nous n’allons pas perdre plus de temps, je vais laisser mon fils s’exprimer.(ils se tournent vers Armel.) que s'est-il passé avec Deborah ?
Moi : juste un petit incident entre gamins que j’ai géré papa.
Papa (me foudroyant du regard) : je ne t’ai pas encore donné la parole et tu connais la règle, attend ton tour.
Il fait signe à Armel de parler et celui-ci pris la parole et expose les faits à bâtons rompus. Ce qui est bien, il omet quelques détails et cela ira dans notre avantage à tous les deux.
Armel (concluant) : elle s’est blessée, j’ai appelé grand frère et tata Tina et grand frère l’a soigné.
Papa : tu es sûr que c’est vraiment ce qui s’est passé ? (Armel secoue vigoureusement la tête.), pourtant ce n’est pas la version qu’à donné Déborah à son papa ici présent. Dommage qu’elle ne soit pas là pour nous dire sa version des faits.
Papa Debbie (penaud) : Armel, tu ne l’as pas déshabillé et essayé de lui forcer à faire des choses qu’elle ne voulait pas ?
Armel (apeuré) : non je n’ai rien fait de cela, je voulais lui faire un bisou comme grand frère et tata Tina (rroohh le petit là est venu ici avec son histoire là) et elle a dit qu’elle va me montrer le jeu que son papa et sa maman font la nuit quand il pense qu’elle dort.
(Papa Debbie avait à présent les yeux grands ouverts)
Maman (qui n’avait rien dit depuis) : Fo Marc, je connais bien mon fils, il peut être bandit et espiègle, mais il ne ment pas. Nous n’admettons pas le mensonge dans cette maison, c’est notre totem. Il a peut-être tenté une chose, sauf que ce n'est pas ce à quoi, vous vous referiez, je vous conseille de faire preuve de vigilance dorénavant lors de vos ébats avec votre femme. Les enfants grandissent et voient tout et à un moment donné, ils ont envie d’essayer eux aussi.
Papa : bien, maintenant que les faits sont élucidés, j’espère que chacun de nous prendra ses dispositions afin qu’un tel évènement ne se répète plus. Armel, je ne veux plus te voir traîner dans les pattes de Déborah d’ailleurs ma décision que tu iras en pensionnat prend effet dès maintenant.
Papa Debbie (se confondant en excuses) : je vous présente toutes mes excuses pour les désagréments causés par cette histoire, nous avons toujours eu une relation de bon voisinage et je voudrais bien que cela perdure. Ne prenez pas des mesures aussi radicales. Ce sont des choses qui arrivent entre gamins nous sommes tous passés par là et nous nous devons juste de veiller sur eux.
Papa (voix rauque de colère) : vous n’avez pourtant pas pensé à cette possibilité avant de faire des spéculations sur cette affaire. Vous avez directement intenté une action en justice (rire jaune), c’est l’hôpital qui se moque de la charité. Rendez-vous compte que vous avez littéralement traité mon fils de violeur ?
(Nous écarquillons tous les yeux interloqués, c’est quoi cette histoire ?)
Papa Debbie (sur un ton se voulant conciliant) : ce n’était pas mon intention de vous nuire, Fulbert, j’étais furieux parce que ma fille m’avait dit qu’il avait essayé d’abuser d’elle et en essayant de se défendre elle est tombée et s’est blessée au talon. Vous êtes vous aussi parents et je suis certain qu’à l’entente d’une pareille chose vous seriez sûrement sur le qui-vive. Vous avez également une fille qui est appelé à grandir, un jour ou l’autre vous ferez face à ce genre de situation.
Papa : je n’en disconviens pas, et je ne suis pas contre les raisons qui vous ont poussé à avoir une réaction aussi excessive, mais je pense que vous devriez chercher à connaître les deux versions avant de nous convoquer devant le juge pour tentative de viol sur mineur en complicité des parents. Ne serait-ce grâce à mes relations que cette affaire aurait pris une autre tournure. Vous savez aussi bien que moi que ma carrière n’a pas besoin d’un scandale de ce genre.
Papa Debbie : je vous réitère mes excuses Fulbert et j’espère que tout ça fera désormais parti du passé.
Papa (presque imperturbable) : ce sera tout, vous pouvez tous disposer sauf toi Bradley.
(quand le vieux m’appelle Bradley, c’est qu’un ouragan se prépare à passer)
****
Ça fait dix minutes que les autres sont sortis, on peut encore entendre Armel renifler dans le jardin Eddie essayant de le calmer. Papa n’a pas levé le nez de son ordinateur qu’il fixe intensément et pianote dessus depuis. Moi, je commence à trépigner d’impatience, je sais qu’il va me passer un savon, autant le faire vite.
Au bout de trente minutes, il lève enfin les yeux et je peux lire de la fureur dans ses yeux.
Papa : quand est-ce a eu lieu cette histoire avec Armel ?
Moi (me raclant la gorge) : environ deux semaines
Papa : et tu n’as pas jugé important de me tenir informé.
Moi : je ne savais pas que ça allait prendre une si grande envergure, j’avais réglé ça à ma manière et croyait avoir fini avec.
Papa (haussant un peu le ton) : tu n’as pas à jouer mon rôle quand tu n’arrives même pas à assumer le tien Bradley. Tout ce qui a trait aux bêtises d’Armel doit être traité avec beaucoup d’attention, voilà ce que tes ″ résolutions ″ nous ont apportés. J’ai évité de justesse un scandale pour le moment, mais qu’est-ce que vous allez me sortir une prochaine fois ? Tout ça, parce qu’il te prend comme exemple, je ne t’interdis pas d’avoir une petite amie, tu en as l’âge, mais j’estime que vous devez au moins penser à faire attention autour de vous. Que diraient les gens si cette affaire avec Marc avait fini au tribunal ? Que les enfants du député ELLI sont frivoles et leur papa irresponsable ! Qu’en serait-il de ma carrière bien parti ? Quand serait-il de mes ambitions politiques ?
Moi : papa, je crois que le problème est réglé et je te promets que ça ne va plus se répéter. Je ferai attention avec Tina désormais et je te ferai un rapport détaillé de tout ce que fera Armel de mal à partir de dorénavant.
Papa (baissant le ton) : je te décharge de cette responsabilité Bradley, j’ai pris une décision depuis que cette histoire est survenue.
(il prend un grand souffle.) ; j’ai décidé d’envoyer Armel au prytanée militaire cette année, ça tombe bien qu’il ait fêté ses onze ans récemment. Déjà que j’en avais marre de ses bêtises à la maison et des plaintes à son école ajouté à ce qui vient de se produire, je ne suis plus à même de parfaire son éducation. En ce qui te concerne, tu iras faire les études de droit en Afrique du Sud. J’ai pour projet de présenter ma candidature pour les prochaines élections qui auront lieu dans cinq ans et j’aurai besoin de toi pour m’épauler au cours de la campagne.
Et je peux t’assurer que ma décision est irréversible !