L'histoire de ma vie
Ecrit par Farida IB
Salifou DIOMANDE…
Sans perdre une seule seconde, Mariam me prépare un bain moussant à la fraise. Je ne me le suis pas fait répéter deux fois avant de me buller là-dedans, l’eau tiède eu rapidement l'effet de dissiper cette fatigue qui me plombait les articulations. Et ça, c’est ma définition du vrai bonheur (sourire), en fait il n’y a que ma femme, ma perle qui ait ce don de me procurer la sensation d’être au paradis. Année après année, son ingéniosité fulgurante a toujours été un fort appoint à notre vie de couple. Elle a toujours eu de la poigne et du répondant, avec elle tout devient si facile que l’aimer l’ait encore plus. Rassurez-vous qu’elle n’a usé d’aucun charme sur moi (rire), elle a simplement su sauvegarder cette image parfaite que je me suis toujours fait d’un parfait couple.
En réalité Mariam et moi, étions tombés amoureux enfants. Vous allez peut-être trouver cela puéril, mais enfants, nous savions déjà que nous étions ce dont nous avions besoin lorsque nous nous tenions par les mains. Mariam, ah Mariam (soupire d’aise.), ma belle peulh Moba (peuple du Nord Togo) ma seule raison de vivre. Pour elle, j’étais capable de sarcler tous les champs de ce village. Elle et moi avions grandi ensemble avec la promesse de nous marier une fois quand je serai riche. Heureusement et malheureusement à l’époque, elle s’était retrouvée enceinte et bannie de sa famille à quatorze ans. Unique fille d’une fratrie de dix enfants, elle était promise à Monsieur Djibril un peulh possédant plusieurs troupeaux de bovins, d’ovin et de caprin.
Pour tout vous dire, ma vie n’a pas été un long fleuve paisible comme vous l’aurez sûrement entendu dire par 80 % des nantis. Notre vie à deux était assurément vouée à l’échec, enfin, c’est ce que pensaient notre entourage et surtout son père en tête des statistiques. Mais bon, avec nous l’adage qui dit que l’amour, le vrai résiste à tout, prend tout son sens.
Cela va de soi que mon cœur se serre chaque fois que je dois me remémorer le passé, mon quotidien était loin d’être commun à celui de mes camarades d’antan. Je rentrais des cours les articulations enraidies après une longue distance parcourue entre l’école publique et la maison. Je ne pouvais me plaindre, tous mes amis n’avaient pu se procurer le privilège d’être instruit. Moi, je l’étais, bien que je n’aie pas les moyens de payer tous les fournitures et les livres. Chaque après-midi, je croupissais sous le poids de la fatigue, mes pieds chancelaient, mais je devais tout de même reprendre la route du champ (vous comprenez à présent pourquoi je raffole des bains relaxants rire.). À peine je déposai mon sac en bambou qui me servait de cartable que je me munissais de mon équipement de fortune (hache, houe, daba) direction l’immense champ de Monsieur Dabou. Monsieur d'Abou était le plus riche de Biediokro (un village du Burkina Faso) dans le temps, il possédait plusieurs hectares de champs maniocs et des fermes où on élevait des animaux de toute espèce.
J’occupai ainsi chacun de mes après-midi depuis tout au long de l'année et deux fois plus lors des grands vacances, non seulement pour ma survie, mais je voulais offrir le meilleur à Mariam. D'autant plus qu'elle s'était retrouvée enceinte.
Je me souvins de ce jour comme si c’était hier, ce jour funeste où Diagoné avait éconduit la prunelle de ses yeux en tenue d’Eve lorsqu’il s’était rendu compte de son état. Ce matin-là, où l’harmattan foisonnait et n’avait rien du tout à envier à un hiver canadien, Mariam traversa le village nue comme un ver jusqu’à l’autre extrême pour me retrouver.
Mariam (en pleur) : Lifou, Baba m’a chassé de la maison, il a menacé de me tuer si jamais je remettais mes pieds dans sa maison.
Moi : calme-toi Ayam (ma femme), nous allons trouver une solution.
Les jours d’après, toutes mes tentatives de conciliation fut vaines. J’avais droit à toutes sortes de noms d’oiseaux, moi le pauvre orphelin sans avenir qui avait mis fin aux projets d’avenir de sa fille.
J’avais certes perdu mes parents quand j’avais deux ans, j’étais certes pauvre, mais je croyais aux lendemains meilleurs et je luttais pour cela. Je fus l’un des plus grandes victimes d’une mystérieuse maladie a sévit dans tout Biediokro, j’avais perdu mes parents ainsi que mon enfance. J’ai tôt fait de me chercher dans tout le village afin d’acquérir un bout de pain pour assouvir ma faim. Ma grande mère étant trop vieille pour s’occuper de moi, à sept ans, je vendais déjà les fruits saisonniers pour m’en sortir. Elle me quitta elle aussi un jour de pluie, j’avais dix ans en ce moment.
Baba Diagoné (manchette à la main) : sort.de chez moi enfant maudit ! Sortez !!!
C’était ma dernière tentative pour trouver un compromis qui pour ma plus grande déception fut une fois de plus vain. Ce jour, je suis rentré déterminé à ne plus jamais laisser Mariam couler des larmes par ma faute, je me suis fait le vœu de ne jamais l’abandonner. J’ai promis la protéger contre vents et marrées d’être sa forteresse. Ce jour nous nous sommes tenus par les mains en nous faisant la promesse d’être l’un pour l’autre la famille que nous n’aurons jamais. C’était dès l’instant qu’elle m’offrit cet amour inconditionnel qui nous lie jusqu’à présent.
De cultivateur, sans domicile fixe, gardien de sécurité, de chargeur de marchandises, commerçant de rue, racoleur, et j’en passe, je suis aujourd’hui Salifou DIOMANDE l’opérateur économique, deuxième homme le plus riche du Burkina Faso et le mari idéal (plus que vrai lol). C’est avec un point de fierté que je vous dirai que j’ai la plus belle famille au monde, surtout que j’aime ma femme et je tiens à elle comme l'abeille à son miel (clin d’œil).
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Axcel BENAN…
Je fulmine de colère dans toute la maison, je brise même un verre sur mon passage et enfonce mon poing dans le mur. J’ai la main qui dégouline du sang, mais cela ne me préoccupe plus que la colère que je ressens en ce moment. Mais bon sang, comment est-ce papa peut prendre une telle décision sans demander mon avis ? Qu’est-ce que j’irai faire au Bénin alors que toute ma vie est ci ?
Bang !
Je déchaîne ma haine et ma frustration sur tous les objets décoratifs du salon avec la pensée que je serai peut-être puni et que papa oublierait cette foutue décision qui m’éloignera de Rachelle. Je vide toutes les boissons de son mini bar en fracassant un par un les bouteilles sur le sol, je continue mon manège lorsque je vois maman débouler dans le salon toute paniquée. Elle me lance un regard apeuré puis court chercher la boîte à pharmacie.
Maman (me jetant un regard inquiet) : Axcel mon Dieu ! Qu’est-ce qui t’a pris ?
Nous nous fixons un bref instant avant que je ne m’écroule sur le sol, gisant dans le sang. Ma mère tenta tant bien que mal de le neutraliser avant de m’envoyer sans tarder à la clinique « Immaculée Conception ».
Moi (grinchant de douleur) : je vous déteste maman, je vous déteste papa et toi.
Elle me lance un regard plein d’incompréhension à présent, j’y pense, elle n’y est pour rien dans cette stupide décision de papa. Elle n’avait d’ailleurs jamais eu le droit, et même le cran de le contredire depuis tout petit. Durant toute ma vie, je suis demandé quel modèle d’amour ma mère ressentait pour son époux (soupir). Moi ce que je sais de l’amour, il peut être tout sauf contraignant. Mon père a toujours été un homme despotique et intégriste qui n’a jamais aimé les démonstrations affectives donc j’ai toujours recherché la raison pour laquelle ma mère l'aimait si tant.
Maman soupirant : Axel, chéri, comprend qu’il le fait pour ton bien.
Moi (commençant à m’énerver à nouveau) : maman arrête, je suis assez grand pour savoir ce qui est bien pour ma vie. En fait, c’est pour me séparer de Rachelle hein ? Il l’a toujours détestée pour une raison que j’ignore, mais je n’ai pas encore dit mon dernier mot !
Maman calmement : calme-toi mon fils, tu sais bien que les décisions que prend ton père sont toujours irrévocables. Je suis certaine que tu pourras t’en sortir au Bénin, tes oncles et tes tantes seront là pour te soutenir.
Moi (ton meurtri) : maman parfois, il faudrait imposer des limites à la soumission de ton cœur, non seulement pour toi-même, mais aussi pour le bonheur de tes enfants. Je sais bien que cette décision te déplaît autant que moi, tu n’as qu’à essayer une fois de plus de lui en dissuader. Je t’en prie maman…
Elle se tut un moment avant de me prendre dans ses bras, je savais au fond de moi qu’elle n’allait pas oser contredire le boss bien que je nourrissais au fond de moi un brin d’espoir. Nous étions restés entrelacés des secondes entières qui me parurent comme une éternité quoique cela me fasse du bien.
Les deux semaines qui ont suivi, j’avais fini par capituler, par respect à ma mère. Ces deux semaines, je les ai passées avec Rachelle, ma beauté romaine avec un embonpoint parfaitement symétrique, à la taille de guêpe et au teint d’ébène. Le jour du départ à l’aéroport, je me saisis fortement de maman et pleure tout mon soul, oui je suis un homme, mais un homme qui a un cœur sur la main.
Deux ans que je suis à Cotonou, mon pays d’origine et je déteste toujours autant ma vie ici. La seule chose qui m’attendrit un tant soit peu c’est la douce voix de ma chérie, ma Rachelle que je reverrai dans les quinze prochains jours (sourire).
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Nihad Milenzi ANOUAM…
Donc, comme ça, j’ai réussi à ne pas me noyer dans mon chagrin cette nuit. Sois disant en passant, je vous confie ma joue droite la prochaine fois que je remettrai à penser à ce Dylanmachinchose ! J’ai bien dit la joue droite, je suis sensible du côté gauche de mon corps, et même que c’est comme ça le type m’a eu malgré la carapace de fauve.
Et me revoilà en train de parler de lui, vous serez sûrement d’accord avec Gabrielle OBIANG, ma sœur de cœur que j’avais une cervelle avant de tomber amoureuse. C’est méchant de dire cela à sa sœur, n’est-ce pas ? Bah, disons qu’elle avait raison sur toute la ligne.
Je sors du lit sans réelle motivation pour me diriger vers le réfrigérateur que j’ai oublié de remplir pour le retrouver plein à croquer. Nul doute que ma mère fit irruption dans ma maison ces dernières quarante-huit heures. Ma mère est une brebis dans la peau d’une louve, sous ses airs d’une femme d'affaires obnubilée par son travail et sans humanité, elle a un cœur en or contrairement à ce que pensent tous les employés de MIKALA Textile. La seule chose qui lui rappelle encore mon père, un Marocain qui a fait chavirer le cœur de Geneviève MIKALA. Je n’ai jamais connu le bon monsieur pour la simple raison qu’il avait dû repartir au Maroc auprès de sa famille en lui léguant la firme. Pour lui, ce fut une aventure sans lendemain, mais pour elle, ce fut l’amour de sa vie dont je suis le fruit. J’ai toujours rêvé de le rencontrer un jour, cet homme qui a autant de l’emprise sur ma mère au point où elle n’a plus jamais pensé à refaire sa vie. C’était un géant du textile qui était de passage ici à Libreville dans les années 90, je doute fort qu’il soit au courant de mon existence.
Ma vie a tout de même été un conte de fées, du lycée français, je me suis retrouvée à Havard d’où je suis rentrée avec un doctorat en Affaires internationales. Je bosse dans les succursales familiales tout en collaborant avec d’autres entreprises en tant que consultante. Cependant, cela ne m’empêche guère de faire la belle dans tout Libreville lol. Le seul hic dans ma vie, ce sont mes relations amoureuses (soupir), elles, ce sont toutes les fois soldées en échec. Tout ce que je demande à ces hommes, c’est juste de m’aimer, je ne leur demande que ça, mais je finis toujours déchue. (soupir lasse). Enfin avec Dylane j’y croyais enfin, et même que j’y étais presqu’arrivée !
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Cynthia CLARK.
Voix de l’animateur : merci mesdames et messieurs d’avoir fait le déplacement massif ici à l’olympiade de Lomé pour la présentation de la fondation de notre chère sœur, parent, amie, et connaissance Austine AGBEKO qu’elle a dénommé ″Fille-mère épanouie″. Vous avez tous à votre disposition le programme et une brochure qui vous présente brièvement les objectifs de cette fondation. À présent je laisse la jeunette Austine AGBEKO nous parler de sa fondation parce que moi je ne fais que répéter ce qui est écrit sur ce bout de papier (il brandit le bout de papier en question.), tel un perroquet.
Tout le stade effectue un rictus joyeux et je vois ma Aus avancer dans une belle robe imprimé floral qui lui va à ravir. Elle avance majestueusement et fit une bise à l’animateur au passage avant de prendre la parole.
Je suis Cynthia CLARK, présentatrice télé de formation et coach de développement personnel. Il faut dire que je dois beaucoup à Austine, plus qu’une amie, une sœur de me faire croire à nouveau en la vie après tout ce que j’ai vécu par le passé.
Austine : la fondation "Fille-mère épanouie" a pour vocation d’améliorer la condition de vie des filles ayant contractés des grossesses précoces, des filles de bas âges tombées enceinte sans le soutient de leur famille, des filles-mère obligées de se prostituer pour subvenir aux besoins de leur progéniture. Nous avons pour mission de les aider à s’intégrer dans la société active, à reprendre confiance en elle et à devenir une fille-mère épanouie. Je passe la parole à notre coach de développement personnel, j’ai nommé Cynthia CLARK. Je dois vous avouer que c’est l’exemple parfait d’une battante, elle a surpassé tant d’épreuves pour être devant vous aujourd’hui aussi que jamais. Cynthia CLARK sous vos ovations s’il vous plaît !
Flattée par le compliment, je souris à Austine et le remercie avant de prendre la parole pour briefer mon rôle dans cette fondation.
Je finis ma présentation et redonne la parole aux autres orateurs, la cérémonie pris fin deux heures plus tard par un déjeuner et une collecte de fond. Nous rentrons ensuite dans notre petit appartement où les flûtes de champagnes coulaient telle une fontaine.
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Nadine GBEGNON…
Notre croisière en mer, c’est la parfaite rime aux notes musicales (soupir d’aise). J’ai retrouvé mon Florent, celui dont j’étais naïvement tombée amoureuse pendant qu’il venait voir sa tante à Abomey. Notre amour était simplement impossible, je me rappelle encore combien de fois mon père m’humiliait pour cet homme.
Florent est en fait le neveu à ma tante, la sœur utérine de mon père. Je n’avais jamais trouvé d’inconvénients à ça, mémé Houéfa avait eu mon père avec pépé Crépin, après la mort de celui-ci, elle se retrouva mariée au frère de pépé (pépé Gontran) par lévirat et a donné naissance à ma tante Anette. Florent, c’est le fils à la sœur de ma tante Anette, sa demi-sœur.
L’histoire de ma famille est assez compliquée, entre la tradition et nos histoires d’amour nous nous perdons tous à un moment.
Ces dix jours en mer me semblent si court, j’aimerais tant m’y éterniser et profiter de ces moments idylliques.