Lorsque tout le monde s'en mêle

Ecrit par Farida IB



Mariam KEÏTA épouse DIOMANDE…


**** Une journée plus tôt ****


Je supervise les enfants qui pataugent dans l’eau du marigot tout en ramassant les vêtements secs sur la baie, ils s’amusent à s’éclabousser l’eau sur le visage. La mare n’est pas si profonde que ça donc le risque de noyade est très minime. Toutefois, il y en a assez pour leur commodité. Aujourd’hui, c’était la journée lessive et comme ils ont été sages et qu’ils ont même mis la main à la pâte, je leur ai permis la baignade le temps de ramasser les habits séchés sur la baie. Ça fait deux semaines qu’ils sont là et j’avoue que je suis très heureuse de les avoir ici avec moi, ils m’ont trop manqué mes petits monstres (rire). Bon, il faut reconnaître que, ce n’est pas tout le temps que c’est facile de les gérer, mais la transition se passe relativement bien. Ils s’adaptent à l’environnement et sont heureux de faire la connaissance de ma famille. 


Lorsque je finis, je remplis les deux bidons apportés de la maison d’eau avant de m’occuper des enfants. Plus tard nous quittons le marigot, les têtes chargées de bidons d’eaux pour Fayez et moi et pour les plus petits, les bassines contenant nos vêtements. Nous mettons le cap sur la maison à la queue leu leu sous le bavardage gai des enfants. Ils font des commentaires sur leurs aventures depuis leur arrivée et je les écoute les idées ailleurs. D’ailleurs, c’est comme ça depuis ma discussion avec Salifou, il me suffit de peu pour voguer dans mes pensées. J’avoue qu’il m’a laissé dans une sorte de dilemme, d’autant plus qu’il semblait être sérieux. C’est vrai que je le connais assez pour savoir qu’il n’est pas doué pour le mensonge, mais, sur le coup, je ne pouvais rien décider au risque de le regretter plus tard. Il faut le dire cette histoire m’a vraiment ébranlée mine de rien, comme si quelque chose s’était brisée en moi. Il a zappé ma confiance, et pourtant, c’était la seule personne en qui j’avais le plus confiance. Cependant, je vois les choses sous un autre angle depuis notre discussion et j’envisage la possibilité de rétablir la situation sous peu. Enfin, je suis encore dans l’imbroglio, mais d’ici là, je verrai plus clair.  


Je suis donc dans mes pensées lorsque la voix plaintive d’Islam m’y sort. 


Moi (regardant dans sa direction) : qu’est-ce qu’il y a ?


Islam (basculant un peu la tête en arrière) : maman mon cou, ça pèse trop.


Kismat : pfff toujours là à se plaindre !!


Islam : tu dis ça parce qu’il n’y a presque rien dans ta bassine (se tournant vers moi) maman, pourquoi, c’est toujours à moi de charger ce qui pèse le plus ?


Moi : ce n'est pourtant pas rempli cette fois, ton frère a un bidon de 50 litres sur la tête, mais il ne se plaint pas pour autant.


Islam (ton boudeur) : beuhh la tête de Fayez est plus grosse que la mienne, lui il peut tout charger moi, je suis encore petit. 


Kismat : maman, il a dit que Fayez avait une grosse tête.


Moi (sur un ton de reproche) : il n’a pas dit ça


Islam renchérissant : je n’ai pas dit ça.


Fayez : si tu l’as dit, tu as dit que j’avais une tête plus grosse que la tienne. 


Islam : mais c’est vrai, tu es le plus grand donc tu as la plus grosse tête.


Fayez (ton menaçant) : Islam tu es mort, attends qu’on arrive à la maison.


Moi intervenant : anh anh Fayez tu ne lui feras rien du tout, il ne voulait pas dire cela.


Fayez maugréant : pfff tu le défends comme d’habitude !


Moi : je ne défends personne, d’ailleurs arrêtez de vous chamailler. (à Islam) Mon chéri, nous allons bientôt rentrer et tu n’auras plus mal ok ?


Islam : d’accord maman, c’est encore loin ?


Moi : non, c’est tout près. Nous allons d’abord passer récupérer mon téléphone chez le boutiquier, la batterie doit être totalement chargée.


Kismat avec enthousiasme : super, on peut appeler papa ensuite ?


Moi : non demain, c’est un peu tard pour aller à la montagne. 


Islam : s’il te plaît maman, je veux lui raconter comment j’ai nagé dans le marigot.


Kismat : moi aussi maman.


Moi soupirant : demain vous lui raconterai tout ça, ce soir ce n’est plus possible.


Islam et Kismat parlent en même temps.


Islam : pfff, c’est nul !


Kismat le ton boudeur: moi je veux parler à papa.


Moi répétant : vous lui parlerez, mais demain (sur un ton de conciliation) notez tout ce que vous voulez lui dire dans vos journaux comme ça demain vous n’allez pas oublier.


Islam : c’est nul à chier brrr !


Moi : surveille ton langage jeune homme.  


Fayez : dit maman, vous allez vous séparez papa et toi ?


Prise de court, j’arque un sourcil dans sa direction


Islam/Kismat (ton surpris) : ils vont se séparer ?


Islam : c’est faux hein ? Vous allez vraiment vous séparer papa et toi ?


Moi : bien sûr que non mes chéris.


Fayez : alors pourquoi tu es partie de la maison ? 


Moi déboussolée : parce que… Bon, je ne suis pas partie de la maison, je suis venue voir papi et mamie.


Fayez : pourtant, Diré (l’un de mes neveux) raconte à tous nos amis que papa a un autre enfant et c’est pour ça que tu es partie de la maison.


Islam visiblement choqué : papa a un autre enfant ? Ça veut dire que nous avons un petit frère ?


Fayez précisant : une sœur, elle est plus âgée que vous.


Kismat ton inquiet : c’est vrai que j’ai une grande sœur maman ?


Moi à Fayez : c’est Diré qui t’a raconté ça ?(il hoche la tête.) (marmonnant) Abou (mon frère) va m’attendre, qu’est-ce qui lui prend de raconter de telles histoires devant les enfants ?


 Fayez : mais tu n’as toujours pas répondu à ma question.


Moi : non, ton père et moi n’allons pas nous séparer. Nous avons juste un différend que nous essayons de régler. 


Islam : alors c’est vrai que papa a un autre enfant ?


Moi (coupant court) : ça suffit ! Ce sont des histoires de grandes personnes qui ne vous regardent pas. 


Fayez : moi, je veux savoir maman, si papa et toi, vous vous séparez nous serons obligés de rester ici avec toi alors que moi, je ne veux pas rester dans ce village. C’est super d’être ici, mais moi, je préfère quand nous sommes en ville avec papa et toi.


Les autres : c’est vrai !


Moi (fronçant les sourcils) : je pensais que vous étiez heureux d’être ici.


Fayez : on s’amuse bien, mais je préfère être avec papa et surtout que tu sois là aussi (enchaînant) lorsque tu es partie papa était très malheureux et…


Kismat l’interrompant : c’est vrai, il ne s’amusait plus avec nous.


Fayez continuant avec une petite voix : je sais qu’il a fait quelque chose qui n’est pas bien et que tu es fâchée à cause de ça. Cependant, il faut juste le gronder comme tu le fais avec nous quand nous faisons des bêtises. Papa est malheureux et toi aussi, papi dit que c’est ton orgueil qui t’empêche de lui pardonner.


Moi (plissant le front) : il a dit ça ton grand-père ?


Fayez : oui !


Kismat : maman, c’est quoi orgèye ?


Moi : orgueil Kis, c’est quand quelqu’un n’est pas gentil.


Kismat : donc tu es méchante avec papa ?


Moi : non Kis (soupir) je promets d’arranger les choses avec votre père, nous allons rentrer à la maison si les vacances finissent.


Eux (sans grand enthousiasme) : ok !


Le reste du trajet vers la maison se passe dans le silence absolu, et même lorsque j’ai récupéré le téléphone portable. Le plus dur, c’est de me rendre compte que cette histoire a pris des proportions bien plus grave que ce que je n’aurais imaginé (soupir.).


Sitôt arrivés à la maison, les enfants se sont retournés à leurs jeux comme si de rien était pendant que j’aide ma mère pour la préparation du dîner en réfléchissant à propos de tout ça. 


Aya (derrière moi) : Mari c’est de l’eau que tu verses dans le tô et non la bouillie.


Je sors de la brume de mes pensées pour remarquer effectivement le récipient d’eau dans ma main.


N’nan (me fixant perplexe) : qu’est-ce que tu as ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette ce soir.


Aya : vraiment, ça fait trois fois que j’appelle ton nom.


Moi (indexant un tabouret bas à côté) : assois-toi, tu es là depuis longtemps ?


Aya : assez pour remarquer ta bêtise.


Je lui fais un sourire contraint avant de corriger le tir, je remue un peu dans la pâte et couvre la marmite avant de me retourner vers elles. Aya, c’est une amie d’enfance avec qui je tripe dans le village depuis mon retour, disons que je n’ai pas d’autres choix puisque c’est la seule fille de ma génération qui vit encore dans ce village. Elle a pris sa retraite en foyer après que son dernier époux, qui sois disant en passant était le quatrième a pris le large avec une blanche. Elle est donc revenue squatter la maison de ses parents qui ont déjà fait le grand voyage avec ses sept gosses dont s’occupe sa grande mère.


Aya : tu peux me dire ce qui te contrarie autant ?


Moi soupirant : j’ai eu une discussion avec les enfants toute à l’heure au sujet de leur père.


N’nan : ce sont tes enfants qui te mettent dans un tel état ? Tu écoutes les bêtises d’enfants pourquoi ?


Moi (soupir agacée) : ce ne sont pas des bêtises, ils sont malheureux et je ne m’étais pas rendu compte de cela.


Aya roulant les yeux : parce qu’ils ont leur mot à dire ? C’est toi qui leur donnes ce privilège, sinon ils veulent quoi ? (répondant elle-même) Que tu zappes l’infidélité de leur père ? Ils devaient comprendre que tu es la plus malheureuse dans cette histoire, mais vraiment ! 


Moi choquée : Aya, ce sont des enfants !


Je relève le couvercle sur la marmite en sentant l’odeur du brûlé, je me remets à la préparation de ma pâte tout en prêtant une oreille attentive à ce qu’elles disent. 


Aya lancée : justement ! Qu’ils restent à leur place d’enfant et te laissent gérer cette histoire comme tu peux. On ne devrait pas tolérer ce genre de choses, bien de femmes croupissent aujourd’hui dans une prison de mariage au nom des conventions dictées par la société au point d’oublier leur propre épanouissement. Sauf qu’avec le temps, le malaise reste et le foyer se transforme en un ring. En tout cas avec moi ça ne passe pas, je préfère mourir mère célibataire que de vivre avec un homme qui m’a trahit pour le confort de « mes enfants » 


N’nan renchérissant : dis lui bien ça ma fille. Tu penses que je serais encore restée avec ton père malgré mes dix enfants s’il avait fait preuve d’une telle bassesse ? On ne trompe pas la femme qu’on aime !


Moi commençant : c’est vrai, mais il ne l’a fait qu’une fois et…


N’nan (me coupant la parole) : c’est ce qu’il t’a dit, qu’est-ce qui prouve qu’il n’a pas eu d’autres aventures ? Si cette femme n’avait pas resurgi tu n’en saurais rien, et c’est comme ça d’autres apparaîtrons !


Moi doucement : ce n’est pas le cas, Salifou n’est pas comme ça.


Aya : qu’est-ce que tu en sais ?


Moi : je le connais, il a toujours été sincère avec moi. Avant cette histoire, je n’ai jamais eu à le soupçonner.


Aya : si tu en es si sûre, pourquoi t’es là au lieu d’être avec lui en ce moment ? 


La question à dix millions d’euro (soupir). Je la fixe un moment avant de détourner mon regard sans plus,  je ne saurais quoi répondre de toute façon. Elles se retiennent également d’ajouter quoi que soit et passent sur d’autres sujets. 


……


Les enfants sont déjà couchés depuis un moment et lorsque c’est le cas, on peut entendre le chien du village voisin aboyé. Je suis assise avec ma mère qui comme d’habitude ne tarit jamais d’histoire et l’écoute discrètement en suivant les faits et gestes de mon père assis sur son fauteuil en rotin à sa place habituelle. Lorsque ma mère se rend compte que je ne l’écoute qu’à moitié, elle se lève et prends le chemin de leur chambre en me souhaitant une bonne nuit. Je me lève avec l’intention de l’imiter et c’est lorsque je plie la natte sur laquelle nous étions assises que j’entends mon père m’appeler.


Baba : M’Bigua (ma fille) vient me voir.


Je prends le temps de ranger la natte avant d’avancer vers lui un peu perplexe.


Moi (m’accroupissant devant lui) : je suis là.


Il prend la peine de briser la cola qu’il a en main, la porte à ses lèvres avant de parler.


 Baba intrigant : apporte un tabouret.


Ce que je fais, il partage ensuite sa cola avec moi avant de dire mon nom trois fois de suite.


Moi répondant : oui baba.


Baba (se raclant la gorge) : prête attention à tout ce que je veux te dire, je ne voudrais pas me répéter.


Moi : d'accord je t’écoute.


Baba : j’ai entendu par mégarde toute votre conversation avec ta mère et ton amie ce soir et je tiens à te dire qu’elles ont raison dans leur logique, mais j’aurai néanmoins quelques questions à te poser.


Moi septique : ok


Baba : dis-moi à quel âge, tu as quitté cette maison ?


Moi : 14 ans.


Baba : et c’était de ton plein gré ?


Moi (sans détour) : non, tu m’y as obligé.


Baba : qui t’a obligé à revenir ? 


Moi (encore plus intriguée) : personne, je suis revenue de mon plein gré.


Baba : je suis sûr que tu étais revenue avec le cœur net, sans le moindre doute.


Moi : au contraire, j’étais très anxieuse. Je craignais un rejet surtout de ta part (sur un ton de confidence) à vrai dire … Ça a été plus que difficile pour moi de vivre toutes ces années loin de N’nan et toi en vous sachant en colère contre moi.


Baba sans transition : aussi invraisemblable que cela puisse paraître, j’étais submergé par les mêmes sentiments. J’avoue que je me suis laissé aveugler par la colère et l’orgueil et j’ai laissé filer ce qui m’était le plus cher au monde. Au fil des années, je n’étais pas le seul à subir cette injustice que je t’ai faite, non, ta mère en pleurait toutes les nuits. Tes frères m’ont détesté pour ça, si la plupart sont en ville aujourd’hui et refusent de rentrer, c’est bien à cause de cela. Les jours passaient, puis les semaines se sont converties en mois qui à leur tour devenaient des années, et simultanément, le remord, telle la griffe du tigre déchirait mon cœur et paralysait mes articulations. Réponds-moi, sincèrement, voudrais-tu faire subir les mêmes choses à tes enfants ?


Moi (la tête baissée) : non


Baba : maintenant dis-moi en quoi cet autre enfant fait-il de lui un autre homme que celui que tu connais depuis quinze ans ?


Moi : il est toujours resté le même, (expliquant) la pilule a du mal à passer, je n’arrive toujours pas à croire qu’il m’ait caché une telle réalité durant toutes ces années.


Baba : Mariam, il a commis une erreur, sans doute qu’il regrette, mais c’est quelque chose qui est déjà faite. Même s’il le voulait, il ne pourrait rien y changer donc à toi de voir. 


Moi : mais…


Il me stoppe d’un geste de la main.


Baba : est-ce que tu l’aimes ? (oui de la tête) Est-ce que tu le veux ? (oui de la tête) C’est tout ce qui compte, tu dois savoir que la fierté et l’orgueil n’ont pas leur place en amour.


Moi (pas du tout d’accord) : ce n’est pas de la fierté, encore moins de l’orgueil.


Baba : si, de tous mes enfants, tu es celle qui tient le plus de moi. Tu sais au fond de toi qu’il ne ment pas et tu l’as même déjà pardonné, mais tu ne peux pas t’empêcher de l’enfoncer dans l’abîme, tout ça pour satisfaire ton ego démesuré.


Moi : entre autres (soupir) il y a tellement de choses à considérer baba, ça change tout le cours de notre vie. Les choses ne seront plus jamais comme avant.


Baba : je te suggérerais dans ce cas de ne pas laisser les ombres d’hier obscurcir ta lumière de demain. Écoute ton cœur Mariam, il saura te guider vers un lendemain meilleur comme autrefois.


Notre discussion pris fin à ces mots, plus tard dans la nuit les pensées se bousculaient dans ma tête. La voix de la raison dominait toujours celle du cœur même si la conversation avec mon père revenait en boucle dans ma tête.


C’est avec plein d’hésitation dans la tête que je pris le premier bus le lendemain à destination de Ouaga aux aurores. À la descente, je mis une heure à cogiter sur le bien-fondé de ma démarche avant de prendre un taxi pour notre domicile. S’il y a une chose qui est bien plus qu’évident, c’est que j’aime Salifou et je ne suis pas prête à le perdre.  


C’est pendant que le chauffeur roule que je lance un appel vers son numéro qui sonne dans le vide. Je finis par laisser tomber avec la conviction de lui faire une surprise. Je descends du taxi et salue Moussa qui a l’air très heureux de me revoir, il m’ouvre le portail avant de le refermer pour ouvrir celle du garage ensuite parce qu’il aurait aperçu la voiture de son patron dans l’allée menant vers la maison. Je décide donc de l’attendre dans le hall pour qu’on pénètre l’habitacle ensemble, c’est ce que je fais alors qu’il gare et sors du véhicule en arquant un sourcil.   


Moi le fixant : Sal il faut qu’on parle.


Salifou titubant : euh, tu… Je croyais que… Euh où sont les enfants ? 


Moi : ils vont bien, je suis venue pour qu’on parle.


Il ouvre la bouche et les yeux en me fixant, comme s'il avait perdu ses mots.


Moi triturant les doigts : il vaudrait peut-être mieux qu’on rentre à l’intérieur.


Salifou (l’air de sortir de sa torpeur) : euh ok, après toi.


Je hoche la tête et marche devant lui tout en cherchant mes mots, je regrette soudainement de ne pas l’avoir fait pendant tout le trajet. Nous faisons quelques pas que ″sa fille″ sort de nulle part, me dépasse toute excitée et se jette ensuite sur lui.


La fille : papaaa ! Tu es déjà rentré ? C’est génial, tu m’as ramené des gâteaux ? 


Je me fige en regardant la scène un peu perdue alors que Salifou se débat pour la faire descendre.


Salifou à sa fille : vous êtes encore là ? Ta mère est où ?


La fille : à l’intérieur, elle nettoie les meubles.


Salifou : va la rejoindre, je viens.


J’attends qu’elle disparaisse avant de parler.


Moi sarcastique : je vois qu’on a le temps de jouer à la petite famille dans la prairie.


Salifou ton suppliant : avant de dire ou de penser quoi que ce soit sache que je n’ai rien à voir dans tout ça. C’est Moussa qui les a laissé entrer dans la maison, je n’en suis pour rien.


Moi dégoûté : en plus, tu mets le tort sur le pauvre vieillard !


Salifou : mais puisque je te le dis, elle a débarqué ce matin alors que je me préparais pour un rendez-vous important. Je n’avais pas le temps de la chasser.


Moi : tu n’as pas besoin de la chasser, elle est chez elle ici. (ironisant) Dans la maison du père de son enfant où je n’ai plus désormais ma place.


Salifou : Mariam ne dit pas de sottises, je croyais que tu étais venue arranger les choses entre nous.


Moi : c’était le cas (moue de dégoût) et dire que je culpabilisais d’avoir autant laissé trainer la situation. Salifou tu n'es qu’un abruti doublé d’un sale menteur, aussi fourbe que le mot. Tu venais susciter de la pitié auprès des miens pendant que tu vivais tranquillement ta petite vie de famille ici.


Salifou (se rapprochant de moi) : crois-moi, je t’en supplie, ce n’est qu’un malheureux concours de circonstances.


Il veut me toucher mais je me défile, au même moment l’autre femme sort de la maison en fonçant droit sur nous.


Elle : qu’est-ce qui se passe ici ? C’est quoi tous ces cris ? (se tournant vers Salifou) Toi pourquoi tu chasses l’enfant alors qu’elle venait accueillir (articulant) son père ?


Salifou : je ne l’ai pas chassé, je l'ai juste renvoyé à l'intérieur. Et puis tu fais quoi encore là à me poser des questions stupides ? 


Elle : comment ça, je fais quoi là ? Je suis en train d’installer ma fille comme je te l’ai dit ce matin.


Moi (me dirigeant vers la sortie) : je vous laisse continuer votre discussion, j’ai mieux à faire.


Salifou (me suivant en répétant) : Mariam attend s’il te plaît.


Elle lançant : je n’en ai pas fini avec vous deux.


Comme si j’en avais que faire tchuippp !!!


Moi (hâtant mes pas) : attendre pour quoi ?


Salifou : attends, je vais tout expliquer.


Je m’arrête brusquement et le fixe avec fureur.


Moi (respirant avec peine): m’expliquer quoi ? J’ai tout vu de mes propres yeux, je n’ai plus besoin d’explications.


Salifou : et ce n’est pas vrai (joignant les deux mains) essayons de régler ça calmement s'il te plaît.


Moi : il n’y a plus rien à régler Salifou, tu as choisi mené ta petite vie avec (faisant des griffes avec ses doigts) ta petite famille.


Salifou les yeux suppliants : l’unique famille que j’ai, ce sont les enfants et toi, crois moi s’il te plaît, c’est auprès de toi que je veux mourir. Il n’y a rien qui tienne plus à mes yeux que les enfants et toi (pointant son doigt en direction de la bâtisse) cette fille, je ne suis même pas certain que c’est la mienne et c’est toi qui m’as ouvert les yeux. Sache que j’ai déjà entrepris les démarches pour confirmer cette hypothèse, (se mettant à genoux la voix tremblante) je t’en prie ne laisse pas cette femme briser tout ce que nous avons mis toutes ces années à construire. Et même s’il s’avérait que ce soit ma fille, je suis prêt à la renier pour que tu reviennes dans ma vie. Mariam, je t’aime, je ne conçois pas ma vie sans toi. (coulant des larmes) Reviens je t’en prie.


Moi stoïque : c’est trop tard Salifou. 


Je fais demi-tour les yeux brillants et me sauve vers la porte d’entrée, je dépasse Moussa en courant et rentre dans le premier taxi que je croise.


*

*


Salifou DIOMANDE…


Je regarde dans la direction où vient de partir Mariam et mes larmes coulent encore plus. Je finis par me relever contraint par la douleur au niveau de mes genoux et le soleil ardent qui brûlait le milieu de mon crâne dépourvu de cheveux. Je me remets de mes émotions avant d’avancer fougueusement à l’intérieur de la maison.


Moi hurlant : Fatim dégage de chez moi !


Elle surgit dans le vestibule du couloir menant vers les chambres et me lance un regard plein de défi.


Fatim : je ne bouge pas d’ici, j’ai autant le droit qu’elle de rester.


Moi serrant mes points : tu prends ta fille et vous dégagez de chez moi !


Fatim : c’est aussi la tienne !


Moi : prouve-le !


Fatim arquant le sourcil : tu veux insinuer quoi par là ?


Moi : que rien ne prouve que je sois le père de ta fille.


Fatim ricanant : tu blagues, regardes son teint, sa taille. Nul doute que ce soit ta fille.


Moi sur le qui-vive : tu veux me dire que tout ce remue-ménage que tu viens faire dans ma vie, c’est pour une simple supposition ?


Fatim haussant les épaules : bah, lorsque je t’ai revu ce jour à la télé, j’ai eu l’illumination que c’était ta fille. Elle te ressemblait trait pour trait.


Moi choqué : non mais as-tu perdu un boulon ? Ça ne va pas chez toi ? 


 Fatim : heppeppepp arrête de crier dans mes tympans, je suis tombée enceinte après avoir couché avec toi.


Moi rectifiant : après avoir abusé de moi !


Fatim (balayant l’air d’un revers de main) : c’est la même chose !


Moi (secouant la tête) : demain à la première heure nous irons faire un test de paternité (interceptant son geste) et tu n’as même pas intérêt à refuser.


Fatim égale : tant mieux, nous serons tous fixés. Je n’ai rien à craindre de toute façon, c’est ta fille et ce ne sont pas les machines qui diront le contraire.


Moi : on verra, mais, pour l’instant libères moi les lieux.


Fatim catégorique : jamais, je reste ici avec ma fille.


Moi quasi-stérique : Fatim quitte cette maison ou je ne réponds plus de rien (prenant la direction de la cuisine) d’ailleurs mon fusil de chasse doit être dans la cuisine, je reviens !


Elle rigole pendant que j’avance vers la cuisine, lorsque je reviens avec le fusil en question, elle se calme automatiquement et hèle sa fille qui déboule les dents dehors comme d’habitude. Le temps de le charger, je les vois prendre la direction du portail en courant. J'arrive dans le hall et leur lance.


Moi : je vous attends demain matin très tôt à l’hôpital général ou c’est la police qui viendra vous chercher.


J’attends que Moussa referme le portail avant de poser le fusil et de me laisser tomber dans le canapé du salon.







Amour & Raison