Marie-France Tété au culte

Ecrit par Yanolebon

   Le dimanche, jour de prière et d’adoration du Seigneur, les églises et les temples ne désemplissaient pas, et recevaient leurs fidèles qui venaient de partout écouter la parole de Dieu. La communauté de l’Église des Saints Anges de Dieu ne déroba pas à la tradition. Comme à l’accoutumée, l’église était pleine, et les cantiques fusaient de toute part. L’évangéliste Jacob et le diacre Pierre Bah s’activaient à animer le culte.

    Le culte commença à 9 h par la procession des fidèles que conduisait le pasteur Auguste Nali. La célébration débuta par une prière de rédemption, suivie d’un chant de louage et d’adoration. 

 L’évangéliste Jacob : L’Évangile choisi ce jour est celui de saint Matthieu, chapitre XVIII, versets 10 à 14, qui se résume à « ne pas mépriser les petits qui sont comme les anges ». Il s’agit aussi d’aller chercher celui qui s’écarte du troupeau. Si l’une des brebis s’égare du troupeau, le berger ne laissera-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres pour aller la chercher ? Et quand il la retrouve, elle lui cause plus de joie. Cette parole a été choisie par le pasteur Auguste pour accueillir Marie-France qui n’est pas là. 

   Soudain, une belle voiture vint se garer dans la cour de l’église et une resplendissante, ravissante jeune femme en descendit en claquant fortement la portière. Tous les regards se tournèrent vers l’entrée du temple. Une jeune dame aux lunettes noires, vêtue de manière extravagante, entra dans l’église et perturba la quiétude de tous les fidèles. Elle avança, traversa insolemment toute l’allée pour se retrouver devant l’autel, cherchant maladroitement une chaise vide pour s’y installer. Les fidèles étaient désagréablement surpris et perturbés, et leurs regards tournèrent vers les dirigeants restés pantois devant cette scène insolite. 

   Le pasteur Auguste en levant la voix ramenant tout le monde au calme, entonne un cantique d’alléluia pour arracher les fidèles de leur torpeur. Il salua l’arrivée de Marie-France qu’il qualifia de brebis retrouvée. Les fidèles ovationnèrent le sermon du pasteur Auguste qui, habillement, présenta la sœur Marie-France comme la brebis égarée et retrouvée. 

   Elle se leva salua d’un geste de la main les fidèles rassemblés dans le temple. Après son sermon sur l’Évangile du jour, le père invitera Marie-France à s’adresser aux fidèles et à leur donner les raisons de son arrivée dans la communauté des Saints Anges de Dieu. Marie France saisit l’occasion pour emballer tous les fidèles dans sa quête du salut. Elle parlait avec élégance, avec véhémence et d’une ardeur déconcertante. Elle avait de l’autorité sur tout ce qui pouvait emballer un auditoire. Elle débitait des paroles flatteuses et mielleuses aux fidèles. La communauté l’ovationnait en signe de victoire, signe que le ciel indiquait. Une nouvelle brebis que le Seigneur envoyait pour une intégration ! Le culte continuait jusqu’à la quête puis les offrandes. Au son de la musique et des chants de louange, les fidèles s’alignèrent, et déposèrent ce qu’ils avaient comme biens dans le gros panier devant l’autel. Marie-France se leva la dernière et mit la somme de 200 000 FCFA dans le panier. La foule des fidèles se leva et la congratula. Elle promit publiquement et devant l’assemblée le versement au pasteur Auguste de la somme de 3 000 000 FCFA pour sa première dîme. Les fidèles exultèrent de joie. 

   Pasteurs et fidèles rassemblés, chantèrent et rechantèrent les merveilles du Seigneur, ses bienfaits, et bénirent le Seigneur pour la sœur retrouvée. Chaque fidèle venait tour à tour exhiber des pas de danse en son honneur. À la sortie du culte, les fidèles revinrent la saluer, la congratuler. Le pasteur Auguste l’invita au presbytère afin de la présenter aux différents dirigeants. Elle reçut les bénédictions et les félicitations des dirigeants, qui lui remirent des bougies et de l’eau bénite pour lui permettre de prier, de chasser les démons et les mauvais esprits de sa maison.   

   Pour Marie-France la machine était mise en marche. Le pasteur Auguste Nali profita de l’occasion pour lui adresser des paroles de paix. 

   Deux semaines plus tard, c’est Mademoiselle Denise qui entra dans la danse. Elle avait séduit l’évangéliste Jacob qui la présenta à la communauté comme la belle et élégante étudiante qui cherchait le salut et le bien-être social. La machine infernale de Claudie était en marche et faisait du bruit dans la communauté. Le pasteur voyait d’un mauvais œil l’évangéliste Jacob s’accaparer de la belle étudiante. Jacob n’était pas content du pasteur Auguste qui ne lâchait pas d’une semelle la belle et la riche Marie-France Tété. 

    Marie-France se faisait petit à petit désirer et courtiser par le pasteur Auguste. Elle venait régulièrement chez le pasteur pour la prière de délivrance. Elle arrivait le soir pour prier avec le pasteur. Au début cela marchait bien puis le pasteur se laissait tenter mais résistait à la tentation. Il ne devrait pas soupçonner Marie-France d’une mauvaise intention. Mais Marie-France Tété tenait bon et jouait à son jeu. De l’église où se déroulaient les séances de prière, sous l’œil vigilant de Jacob l’évangéliste et celui de l’exorciste Pierre Bah, c’est la maison du père et son presbytère qui prenaient le relais de temps en temps. Ces endroits, qui servaient de lieu de prière et de délivrance à Marie France, ne déplaisaient pas à celle qui savourait silencieusement sa victoire. Elle profitait largement de la situation. Elle s’offrait le luxe d’arriver ou de débarquer chez le pasteur quand elle voulait. Cela avait suffi pour mettre la puce à l’oreille des fidèles et des dirigeants. Elle arrivait souvent à la prière avec le dîner préparé par Claudie et elle obligeait le pasteur à dîner avec elle dans leur communauté, au vu et au su de tout le monde. Après le repas du soir, elle s’excusait et prenait congé. Marie-France provoquait le pasteur Auguste et arrivait à la séduction. Le plan fonctionnait à merveille. Mais le pasteur tenait toujours bon et patientait. Marie-France lui soutirait des informations pour le compte de Claudie. 

 Pasteur Auguste : Ta promesse faite aux paroissiens n’arrive toujours pas. 

 Marie-France : Je t’attendais pour te l’expliquer. Tu sais que ma famille est extrêmement riche et possède de grands biens. 

 Pasteur Auguste : C’est exact. C’est bien la raison pour laquelle je viens respectueusement te la réclamer. 

 Marie-France : Je comprends, mais je vais te dire ceci : il est temps de te montrer suffisamment responsable devant tes fidèles. Je vais te dire comment ma famille est devenue très riche. Je veux partager ce secret avec toi, maintenant que nous sommes devenus des amis. 

 Pasteur Auguste : Oui, vas-y vite, vas-y ! Je t’écoute ma fille. 

 Marie-France : Écoute-moi bien. C’est l’argent qui appelle l’argent ! Certes, sans les idées, l’argent reste muet. Je vais te mettre sur la piste des bienfaiteurs de ma famille. Ce sont des bailleurs de fonds avec lesquelles ma famille fait de bonnes affaires. C’est la propriété privée de la famille. C’est un secret entre toi et moi et le seul témoin restera toujours Dieu. Voici comment pourrait se dérouler l’opération : d’abord, il nous faut un fonds propre à nous ; je dis « nous » parce que la communauté représente déjà un fonds non négligeable. Tu l’engages. 

 Pasteur Auguste : Parle ma belle, parle ! Comment pourrai-je l’engager ? Comment rentrer en contact avec les bienfaiteurs ? 

 Marie-France : Je suis le chemin par lequel tu arriveras à les joindre. Voici les démarches. Sur un formulaire que je te remettrai, tu identifieras les besoins de la communauté, les fidèles et tous les responsables signeront ce formulaire. Tu confirmeras devant tes fidèles que ma promesse est déjà tenue et que l’argent est sur le compte. Tu leur diras ensuite que j’ai fait la promesse de rebâtir le temple ainsi que d’autres projets de constructions : d’un centre de santé, d’une école et d’un centre socioculturel. 

    Tu obtiendras leur accord, et c’est après tout cela que j’écrirai le projet avec toi et que nous entrerons en contact avec les bailleurs de fonds. Dès que nous aurons signé l’accord avec nos partenaires, tu recevras le tiers de la valeur du coût total des projets. 

 Pasteur Auguste : Ma fille bien-aimée, on ne doit pas mentir aux fidèles. Ce que tu as promis tu dois le donner d’abord. Pour le reste, je suis d’accord, je suis d’accord. Mes paroissiens seront tout heureux en apprenant que tu nous engages dans de tels projets. 

 Marie-France : Non ! Les affaires ne se font pas ainsi. Il y a des procédures à suivre, des formulaires à remplir, des papiers à fournir et les différentes signatures et pièces administratives, le tout est à expédier aux donateurs. Il faut un avocat et un notaire pour garantir les fonds. Si vous n’en avez pas, je vais vous en fournir… 

 Pasteur Auguste : Je suis prêt à tout fournir. Je suis prêt. Mes paroissiens le sont. Mais d’abord, donne-nous les 3 000 000 FCFA et, ensuite, trouve-nous les juristes. Nous serons prêts !  Marie-France : Demain, tu auras tous les papiers et les pièces à fournir, et après nous rentrerons en contact avec le Président de l’institution qui est à Londres. Je vous donnerai les 3 000 000 FCFA et beaucoup d’autres choses. 

   Pour la première fois, Marie-France était visiblement embarrassée, son plan risquait d’échouer. Elle alla rendre compte à Claudie qui la félicita. Claudie avait déjà préparé un correspondant à Londres pour l’exécution du plan. Elle aura tous les renseignements sur la communauté des Saints Anges de Dieu, pensait-elle. Mais il fallait neutraliser le renard des lieux : l’évangéliste Jacob. 

   De son côté, Denise Kouadio ensorcelait Jacob… qui ne mourut point. Le renard ne meurt pas facilement. Elle le manipulait mais ne pouvait l’avoir. Elle voulait avoir des renseignements, connaître les moyens dont les dirigeants de la communauté disposaient pour exorciser, guérir les patients et, surtout, comment la guérison de Claudia avait-elle été possible et qui l’avait guérie… Elle voulait savoir comment Claudia, l’amie de Claudie, était arrivée dans la communauté. Elle cherchait à savoir s’il y avait un lien entre la mort d’Yves-Roland et l’arrivée de Claudia dans la communauté des Saints Anges de Dieu. La lutte pour avoir ces informations était féroce. Cependant, la lutte menée jusqu’au bout du compte eut le succès escompté. Denise put obtenir les informations qu’elle cherchait. Pour y parvenir, elle avait créé la jalousie entre le rusé Jacob, son guide spirituel, et les autres exorcistes qui la courtisaient. La jalousie et la rancœur avaient fini par les vaincre, et les informations les plus secrètes, les plus folles lui furent révélées. Elle fut initiée, édifiée, et introduite dans le cercle fermé des responsables. Elle était parvenue à identifier les ensorceleurs et les possédés qui fréquentaient la communauté. Arrivée à un haut niveau de connaissances, Denise reconnaissait elle aussi et aisément les plantes médicinales, les racines et les feuilles qui composaient les différentes potions à administrer aux possédés et aux patients. Les prières de guérison, de neutralisation des énergies, de l’exorcisme, de purification et de destruction lui furent enseignées. Elle sut à quel moment les voyants et les exorcistes châtiaient les pauvres âmes, les âmes les plus faibles et les plus fortes. 

    Elle tourna le dos à l’espionnage et devint une voyante dans l’Église des Saints Anges de Dieu. La prochaine guerre déclarée entre le pasteur Auguste et l’évangéliste Jacob fut de courte durée car l’œuvre de Mademoiselle Denise poussa Jacob et le pasteur Auguste à la réconciliation et au pardon. 

   Le plan de Claudie échoua, trahie par Marie-France qui fut nommée la première responsable des financiers, en remplacement de Claudia. Elle fut chargée de la reconstruction des édifices de la communauté et de l’administration de ses biens. Cette décision, prise unilatéralement par le pasteur Auguste, permit de trouver les fonds nécessaires pour la rénovation de la nouvelle église. Les fonds retrouvés, une nouvelle guerre éclata et divisa la communauté : quand Denise Kouadio activait le feu par ses prises de position, Marie-France, de son côté, arrivait à l’éteindre par ses prises de paroles apaisantes et rassurantes. Elle était rentrée dans la bonne grâce des fidèles qui, auparavant, avaient déposé tous leurs biens dans les mains des responsables pour le salut de leurs âmes. 

   Marie-France devrait identifier tous ces biens et leurs propriétaires. Elle responsabilisa les meilleurs fidèles, créa la confiance, et s’attacha à leur formation. Ayant la caution du pasteur Auguste, elle fit de belles choses avec les bailleurs de fonds de Londres. Après sa nomination, elle prit possession des clés des portes, et du numéro de compte de la paroisse qu’elle remplit de grosses devises…

  Claudie avait toujours en tête son plan diabolique pour nuire et pour déstabiliser les dirigeants de la communauté des Saints Anges de Dieu. Elle ruminait cette vengeance depuis longtemps. Ses juges, informés, attendaient eux aussi la fin du scénario. Marie-France Tété et Denise Kouadio avaient chacune programmé leur scénario d’accusation de viol. Mais, convaincues que ce plan était diabolique et machiavélique, elles abandonnèrent, élaborèrent un nouveau plan et laissèrent Claudie dans son double deuil : le deuil d’une femme méchante et envieuse. Claudie était devenue arrogante, violente envers les employés de Mamie Love. Elle les congédiait sans dédommagement. Peu à peu, les magasins se vidaient, et les employés renvoyés sans être dédommagés allèrent porter plainte contre elle. Sa puissance financière fut de courte durée. Claudie n’avait plus rien, elle n’avait plus d’amies, plus de domestiques plus de courtisans. Elle ne recevait plus de visite. Isolée, elle ne comprenait plus rien. Elle finissait ses jours dans l’isolement et s’adonnait à la boisson. Tous les employés de la maison avaient vidé les lieux.

Seigneur ne nous laisse pas entrer en tentation, Amen..... 

Une Amitié Dangereus...