Mauvaise prise et amitié
Ecrit par deebaji
Mon plan était en place et j’avais fait imprimer assez de fausses coupures de billets pour appâter mon cher rival de la rue d’en face, toujours bien sapé et beau parleur, j’allais lui montrer que s’il savait jouer, moi aussi je pouvais en faire autant. Je me suis donc rhabillé, j’ai enfilé mon déguisement de vieux gâteux et grincheux histoire de bien me mettre dans le personnage et aussi pour qu’il ne se doute pas une seule seconde que je n’étais qu’un jeune adolescent du même âge que lui déguisé pour lui faire les poches. Je me suis donc assis en face de son terrain de jeu et je me suis mis à l’observer cacher derrière un journal dont les pages étaient trouées, ce qui me permettait de voir tout sur tout et d’attendre le bon moment pour frapper avec mon stratagème. Les gens passaient, les gens passaient et notre petit voleur de rue (je sais c’est un but contre son camp, parce que je faisais la même chose que lui) n’avait toujours pas trouvé de client à rançonner et déposséder. Alors il était là, il allait et venait se prélassait de gauche à droite comme s’il était perdu, jusqu’à ce qu’il aperçoive une vielle dame qui avait l’air d’en avoir plus dans les poches que dans la tête, c’est-à-dire qu’elle était une proie facile parce qu’elle semblait riche mais beaucoup trop crédule. Alors le jeune homme se reprit de sa posture désinvolte et s’avança vers la pauvre vielle dame et une discussion débuta alors entre les deux, ne me demandez pas comment j’ai fait pour l’entendre sachant que j’étais à une dizaine de pas du filou (Jeremy) et de la dame. Bref la discussion entama :
Jeremy et la vielle dame se mirent à échanger :
- Bonjour jeune dame, comment allez-vous ? Vous m’avez l’air toute belle c’est quoi votre prénom ? (Jeremy)
- Flattée par les compliments de son interlocuteur, la jeune dame se mit à sourire et répondit : Vous m’avez l’air bien charmant vous, que me vaut l’honneur d’une telle complaisance ? (La vielle dame)
- Je passais juste par là et je vous ai aperçu mais, avant d’en dire un peu plus à mon sujet, j’aimerais tout de même connaître votre prénom. (Jeremy)
- Que feriez vous du prénom d’une dame qui a l’âge de mettre au monde une femme qui pourrait être votre mère ? (La vielle dame)
- Eh bien, il faut dire que lorsque j’aborde les gens il m’ait plus facile de discuter avec eux en les appelant par leurs prénoms et je suis plus que sûr et certain que le vôtre doit être tout aussi magnifique que vous l’êtes ! (Jeremy)
- Ma foi, vous êtes bien un grand dragueur vous ! à tout hasard prenez vous des cours de séduction ? Parce que j’ai bien l’impression que vous vous amusez à me faire la cour en ce moment ! (La vielle dame)
Jeremy était dégouté, cela pouvait se lire sur son visage qu’il faisait semblant mais ce qui paraissait surtout c’était son envie d’en finir rapidement avec cette dame, faut croire qu’il ne devait pas être dans son meilleur jour notre jeune Houdini avec ses airbags. Bref la conversation se poursuivit :
- Tout gêné, il répondit, et bien mademoiselle cela est tout à fait possible, après tout charmante comme vous êtes qui ne vous sauterait pas à la gorge. (Jeremy)
Quel farceur ce mec, malgré le fait qu’il était dégouté et en mauvaise posture, il ne lâchait rien et dans le même temps, par les mots de la vieille dame, l’enflure s’était rapprochée d’elle et la tenait par la taille, j’en étais sûr, c’était le moment qu’il attendait pour lui faire les poches, un seul contact physique et son compte était bon. Que ne faut-il pas faire pour de l’argent ? Nom d’une pipe en siphon de bois. La conversation se poursuivit :
- Elle répondit : Eh bien jeune homme je dois dire que vous savez vous y prendre avec les femmes vous, j’aurais volontiers accepté que vous m’invitiez à dîner mais comme vous avez sûrement dû le remarquer je suis un peu trop vieille pour vous et par-dessus tout, je suis mariée.
Tout souriant, Jeremy avait compris que son stratagème avait fonctionné, et il répondit :
Jeremy : Mais où allez-vous chercher de telles choses mademoiselle, en fait si je vous ai abordé c’est pour vous parler d’un projet qu’on m’a chargé de mettre à la connaissance de toute la ville et mon employeur m’a dit qu’absolument tous et toutes pouvaient y participer sans le moindre problème, quel que soit l’âge, le sexe, ou encore des histoires telles que la race, les ethnies et les religions. Alors j’ai profité de l’occasion pour vous en faire part et ce n’est que pour vous montrer mon grand intérêt pour votre personne que j’ai demandé votre prénom.
La vielle dame se sentait toute gênée d’avoir absolument confondu tout sur tout, fit des excuses en disant :
La vielle dame : Pardonnez ma méprise jeune homme, c’est que de nos jours, les choses ne sont plus comme avant, je me suis trompé sur votre compte, je vous fais mes sincères excuses, dites-moi comment vous appelez vous et quel est ce fameux projet dont vous me parlez là, j’aimerais en savoir un peu plus.
Une véritable enflure ce mec, je vous jure, là ce n’était plus lui demandait le prénom de son interlocutrice non, c’était carrément elle qui lui faisait des excuses et le lui demandait ensuite. Ce mec c’était un génie mais, qu’est ce qu’il pouvait m’énerver putain ! Voyant que sa victime avait mordu à l’hameçon, le vilain renard (en référence à la fable de Jean de la fontaine, le corbeau et le renard) en beau costume continua son beau discours en se rapprochant davantage de sa victime et en lui disant :
Jeremy : Oh, ne vous en faites pas mademoiselle, ce n’est pas bien grave vous savez, ce sont des choses qui arrivent vous n’avez aucune crainte à vous faire j’accepte vos excuses et je ne vous en veux pas, pour ce qui est de mon prénom, Je m’appelle Jeremy Dudley et vous ?
La vielle dame : Jeremy Dudley, quel nom charmant, rétorqua la vielle dame, il reflète bien votre caractère et votre belle personnalité, c’est un beau prénom que vous avez là, très cher ! Mais du coup comment puis-je vous venir en aide ?
Jeremy : Eh bien tout simplement, j’aimerais que vous me donniez votre avis et que vous remplissiez un sondage pour moi, cela ne prendra que quelques minutes de votre précieux temps et puis de toute façon, il me les faut bien ces avis pour le sondage sinon mon chef me jettera dehors. (Tout cela dans le but d’émouvoir la pauvre vieille dame qui venait de se faire rouler sans même s’en rendre compte)
La vielle dame : J’accepte, j’accepte, et si cela peut permettre de rendre service à des braves jeunes hommes comme vous en leur permettant de garder leur emploi, j’accepte encore plus, dites à votre patron de vous offrir une promotion.
Mon œil, Quel patron ? Quelle promotion ? Quel Sondage ? le sondage que ce frauduleux personnage tenait entre ses mains n’était qu’un vulgaire article de journal qu’il avait photocopié par des centaines et des centaines histoire d’être sûr de ne pas manquer de paperasse !! Bon faudrait que j’arrête de dire ce que je pense et que je vous relate totalement ce qui s’est produit. Jeremy voyant tant de facilités dans son stratagème fut pris d’une sorte de compassion qui disparut très vite, en effet, il avait pris la décision de laisser la vieille dame s’en aller sans lui retirer un sou mais il tenait quand même à voir s’il s’était trompé en dressant un mauvais profil sur cette dernière. Alors d’un geste franc, rapide et efficace, le voyou glissa sa main dans le sac de sa victime et Patatras !!
Jeremy se mit à penser :
- Mon Dieu, d’où est ce qu’elle sort tout cet argent ? (Jeremy)
- Là-dedans, il y a de quoi nourrir tout un village d’Afrique et même leur fournir de l’eau potable (Jeremy)
- Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Je n’en sais rien mais une chose est sûre, hors de question de laisser filer cet argent, je lui laisserais peut-être une partie mais, il est totalement hors de question que je ne me serve pas, après tout, j’ai faim moi, j’ai un loyer à payer.
Puis, d’un geste frivole, le filou glissa sa main dans son sac et s’empara d’environ cinq liasses de billets toutes fraîches, attachées avec des élastiques et flambantes neuves. Je venais de voir cette saloperie, dérober autant d’argent. Mon cœur se mit à palpiter, je voulais lui casser la gueule mais quelque chose me retint, c’était mon instinct, la petite voix en moi, elle me disait de garder mon calme et de réfléchir à une solution parce que de toute façon, si j’allais maintenant à sa rencontre pour me taper avec lui, je serais obligé de rendre tout l’argent à la dame et je grillerais par la même occasion la couverture de Jeremy et la mienne donc je me suis calmé, je me suis rassis tranquillement et j’ai continué d’épier la scène, lorsque l’idée décisive qui allait nouer notre amitié avec Jeremy me vint en tête. J’avais sur moi les fausses coupures de billets que j’avais soigneusement imprimé pour lui tendre un piège et les quelques billets d’un dollar, qui servaient à masquer la supercherie. Je savais qu’il essayerait également de me la faire à l’envers et de me faire les poches. La pauvre dame ne s’était pas aperçue une seconde que le voyou était entrain de se servir littéralement dans son sac à main et l’avait même remercié de lui avoir accordé son temps, c’était plutôt elle qui lui avait accordée son argent oui, à ce rustre bien habillé, ce petit malin, il ne perdait rien pour attendre. Au bout d’une demie heure, il n’y avait plus personne dans le coin alors j’ai tout bonnement décidé de tenter ma chance et de lui faire comprendre qui était le boss ici, je ne sais pas pourquoi mais le fait de le regarder avait le don particulier de sacrément m’énerver et pourtant, il le fallait, il fallait même que je collabore avec lui à cause de son intelligence hors paire qui lui permettait d’aborder n’importe quoi et n’importe qui et d’en sortir sans le moindre problème, il me fallait son talent, il me fallait sa maîtrise du verbe et des relations humaines, cela me permettrait sans doute d’arriver à satisfaire de plus grosses faims tout en élargissant mon entourage, j’avais toujours rêvé de créer une bande, et si lui, il était la personne que je cherchais depuis tout ce temps ? Je n’en avais vraisemblablement pas la moindre idée et il me fallait encore que je puisse l’impressionner et il montrer de quoi j’étais capable pour qu’il accepte de collaborer avec moi. Ce qui allait sans dire bien évidemment, qu’il fallait que je mette le paquet sur ce coup, le tout pour le tout, le meilleur du meilleur. Alors j’attendais impatiemment et j’observais. Quand soudain, je me suis levé de mon siège (les bancs de la rue et je me suis dirigé vers lui) sans pour autant qu’il ne devine ma trajectoire, j’ai donc marché à une certaine distance de lui pour que cela soit lui, qui vienne vers moi et non l’inverse, sinon tout tomberait immédiatement à l’eau, il lui serait facile de me démasquer et de se détourner de moi ensuite pour me refuser toute discussion avant même de venir à parler de collaboration. Quelle enflure ce mec, il m’en demandait de la réflexion lui. Mais bon tant pis, les coups de maître ne se sont font jamais sur un coup de tête, alors il fallait être méthodique, précis et très adroit lorsque j’essayerai de lui arracher sa bourse. En effet, maintenant qu’il avait tout cet argent sur lui, les enjeux étaient doublés et la mise également. Là il ne s’agissait plus de juste lui faire voir qui j’étais ou de l’impressionner ou même de le faire me rejoindre, non. Il s’agissait tout bonnement de lui prendre cet argent et de l’utiliser comme bon me semblerait. Juste pour lui montrer que c’était moi qui commandais et que j’étais clairement plus habile que lui. Alors je me levai et j’avançais vers lui en longeant le trottoir le dos courbé et la tête dans les nuages. Immédiatement après m’avoir aperçu le filou, Jeremy s’avança vers moi pour me jouer le même scénario stupide de son supposé projet de sondage avec tout le blablabla qui allait avec. J’allais lui faire croire qu’il m’avait eu avec son baratin pour ensuite le dépouiller et lui laisser des vulgaires copies avec quelques billets d’un dollar, de quoi lui payer le retour et le burger. A moi le magot ! il m’aborda et une conversation débuta entre nous :
- Bonjour Monsieur, je vous ai aperçu tout seul depuis un moment et je me demande bien ce qu’un gentleman de votre envergure faisait tout seul, cloitré derrière un journal, j’aurais voulu me joindre à vous pour faire la discussion mais fort heureusement vous voilà venu jusqu’à moi (Jeremy)
Pour qui me prenait-il ce rustre ? Ne savait-il donc pas que je savais tout sur lui, tout sur sa manière de cibler, de procéder, d’agir, de dérober et même de dire bonjour ? J’allais lui faire regretter de me prendre pour un demeuré ce mec…
- Oh, bonjour jeune homme ! lui ai-je répondu avec une voix grelotante. C’est très aimable à vous de bien vouloir me tenir compagnie mais comme vous le voyez je suis pauvre et seul au monde, je n’ai donc rien à vous offrir. (Le vieil homme, moi)
- Pas d’inquiétude mon cher ami, vous savez, le bonheur n’est pas juste financier et l’on n’a pas forcément besoin de compter des centaines de milles de dollars avant d’être considéré ou important pour les gens.
Regardez-le, quel acteur ! Nom d’une pipe siphonnée en bois d’Egypte ! Voulait-il réellement me faire croire qu’il s’inquiétait du bien être des gens autour de lui ? Même pendu comme une pauvre cloche, je ne croirais jamais à sa vulgaire mise en scène. Mais une idée me vint en tête, puisqu’il tenait tant à faire le bon samaritain, et bien j’allais lui donner de quoi le faire…
La conversation reprit donc :
- Oh dans ce cas, pourriez-vous m’offrir un repas ? Je n’ai pas dîner depuis des jours et je crève de faim, un geste si bienfaisant de votre part me ferait un grand plaisir ! (Le vieil homme, moi)
- Haha, et bien mon bonhomme, sachez que tout ce que vous voyez sur moi n’est que paraître, en vérité je n’ai également pas un sou en poche, rien je vous le promets. Je suis aussi pauvre qu’un rat d’église, vous pouvez me croire !! (Jeremy)
Quel menteur, cette enflure de première, je l’avais aperçu lorsqu’il se servait dans le sac de la petite vielle dame qui avait bien voulu lui prêter main forte, et maintenant, le voilà qui me disait qu’il n’avait pas un sou en poche !!! Quel hypocrite, quel vil menteur !! Au moins, cela prouvait quelque chose, il ne m’avait pas vu et ne savait donc pas que j’étais entrain de l’épier depuis des jours, ni que je l’avais démasqué…
Moi : Bien dommage, brave jeune homme, j’espère que vous trouverez votre subsistance et que vous vous ferez suffisamment d’argent pour ne plus vous considérer comme un rat d’église. Pourrais-je avoir au moins un câlin de votre part ? à l’inverse de me remplir le ventre, cela me réchaufferait au moins le cœur !!
Cela réchaufferait mes poches oui, je n’attendais que ce moment, qu’il me prenne dans ses bras et établisse le contact physique pour me palper les poches pendant que je vidais les siennes…
Jeremy : Comme vous vous voudrez mon bonhomme approchez donc que je vous prenne dans les bras et que le seigneur nous accompagne pour la suite, c’est tout ce que je peux pour vous.
Moi : Merci, jeune homme. Vous êtes bien aimable pour un monsieur aussi bien habillé que vous, heureux et enchanté de faire votre connaissance. Puis-je connaître votre prénom ?
Jeremy : Une fois que vous m’auriez pris dans vos bras, allez venez là ne soyez pas timides cela vous fera le plus grand bien.
A malin, malin et demi, qui se serait laissé avoir par un arracheur de dent comme lui ? Je savais pertinemment que, s’il acceptait de m’offrir ce câlin, ce n’était tout juste que pour me palper et voir combien de sous se trouvaient à l’intérieur de mes poches que je prétendais si maigrichonnes, mais je n’allais pas le laisser faire sans lui rendre la pareille. « Entre mécréants, l’on se tient par la barbichette… »
Alors il me prit dans ses bras et me serra fort contre lui, comme si c’était lui et non moi qui avait besoin de son fichu câlin, bien sûr que j’avais besoin de son câlin pour lui faire les poches mais, il n’y avait pas non plus lieu de me serrer comme ça. Qu’est ce qui pouvait se passer dans la tête de ce mec ? Je n’en savais fichtre rien, mais le câlin se fut et d’une main habile je suis parvenu à lui arracher une bonne partie des liasses de billets qu’il avait volé à cette pauvre dame. Mais, je ne pouvais pas me résigner comme ça et m’arrêter juste après lui avoir volé cet argent, non. Il fallait qu’il me croie et qu’il ne se doute de rien jusqu’à ce que je finisse de lui faire totalement les poches car, au lieu de me limiter à juste une poignée de billets, il était préférable finalement que je lui prenne tout sur tout sans rien lui laisser. Une fois le câlin terminé, nous nous serrâmes la main avec les sourires les plus hypocrites jamais connus en ce monde et chacun prit sa route. J’avais ses liasses et lui qu’avait-il de moi ? Rien. Ah la vie, je venais de le rouler et de me mettre bien sur l’argent qu’il avait volé à cette dame. Seulement, je ne m’étais toujours pas rendu compte que lui m’avait pris ma carte bancaire dans laquelle je stockais tout l’argent que j’avais pour ne pas qu’il soit saisi si jamais mon domicile venait à être perquisitionné…