MEHDI

Ecrit par Nadia.K

Aujourd'hui est le premier jour du reste de ma vie.

Je me suis réveillée nonchalamment ce matin, la bouche pâteuse, les paupières lourdes, le corps engourdi.

Je me suis réveillée la boule au ventre  ce matin. Oh Ya Rabbi que se passe-t-il ?

Je me suis réveillée ce matin et j'ai senti au plus profond de mes entrailles que ma vie ne serait plus  jamais pareille.

Je me suis réveillée  pour fajr et j’ai fait la seule chose en mon pouvoir : j'ai prié de toute mes forces, de toute mon âme.  J'ai laissé à chaque prosternation cette amertume et ce quelque chose que je ne saurais décrire qui étreint mon cœur. Oh Ya Rabbi, je ne sais ce qui se passe mais je sais que tu es Souverain, Souverain et Bienveillant mon Dieu. Je m'en remets à toi…

Mes premières pensées allèrent immédiatement à la fin de ma prière, vers Mehdi,  « mon âme frère » comme je m'amusais à l'appeler, lui rappelant que son âme sœur était Anna, qu'il l'avait déjà trouvée et que cette place était unique. S'il ne pouvait donc pas être une âme sœur pour moi, il serait alors une « âme frère ». Cette pensée m’arracha un sourire et je lui dédiais alors à lui, à Anna et à nos familles mes douas du matin.

Un peu plus légère qu'à mon réveil, je pus me préparer pour le boulot. Je souhaitais appeler Mehdi et savoir comment il allait.

Hier soir, il m'avait appelé. Il m'avait semblé différent et m'avait dit des choses que jamais il ne m'avait dites. Il m'avait dit que j’étais forte, j étais la plus belle personne et âme, qu’Allah lui avait fait la grâce de connaître lors de sa  vie.

Hier soir, il avait pansé de ses mots chacune de mes blessures passées, il avait répondu de lui-même à des questions que jamais je n'avais oser lui poser. Il m'avait livrée son cœur comme jamais auparavant alors que nous avions toujours été si proches. Nous avions ri, pleuré, rêvé. Cette conversation d'une heure et demie en pleine nuit, sortie de nulle part, avait été la plus intense que nous ayons eu en vingt ans que nous nous connaissions.

Hier soir, Mehdi m'avait dit qu'il m'aimait. J’étais habituée à l’entendre me le dire tout le temps, mais cette fois, ces trois mots prononcés de sa bouche avait une connotation différente, une saveur différente. Ils firent réagir mon cœur d'une façon que je lui avais interdite depuis bien des années.

Hier soir, on se fit des douas sincères, profondes.

Hier soir notre discussion était particulière et à un moment m'a fait ressentir de façon inattendue de la honte. L'impression que ce qui se passait n’était pas correct pour Anna qui devait être couchée seule dans son lit sans la compagnie de son tendre époux. Cette sensation, il a dû aussi la ressentir. Il n'a donc pas objecté lorsque je l'ai renvoyé à contre cœur vers sa femme en le chahutant après avoir si longtemps parlé.

Hier soir, il eut un silence avant qu'il raccroche. Ce silence était bruyant, profond et fit écho à une phrase simple qui venait, je le sentais du fond du cœur de Mehdi : «  Je t’aime Nalla. Je veux que tu sois heureuse peu importe les difficultés ». Cette déclaration rompit la dernière barrière que j'avais mise à mon cœur pour cesser d'espérer… « Je t'aime aussi Mehdi, je veux aussi que tu sois heureux, Qu'Allah nous réunisse en son paradis In sha Allah mon âme frère ». Ce fut ma réponse avant que nous raccrochions.

Au Paradis In sha Allah Mehdi, dans cette vie ce n'est pas possible. Je m’endormis sur cette pensée presqu'aussitôt, d'un sommeil sans repos.

Je me suis réveillée ce matin, et j'avais vraiment envie d'appeler Mehdi, d'entendre sa douce voix et de la laisser réchauffer mon cœur. Je me ravisais toutefois, nous avions passé une belle partie de la nuit à parler, il devrait consacrer du temps à sa femme ce matin.

Je me suis réveillée ce matin et ma conscience m’a grondée plus fort que les autres jours pour ce sentiment que jamais je n'avais avouer et que j'essayais si fort d’éteindre. Je me promis d'appeler Anna pour que nous déjeunions ensemble demain midi. Cette gourmande ne refusera sûrement pas, encore moins maintenant qu'elle mange pour deux.

Je me suis réveillée ce matin et j'imaginai la frimousse d'un petit Mehdi ou d'une petite Anna. Ce bébé n’était pas né encore que je l’aimais déjà et je riais des bêtises qu’il ferait pour nous rendre tous les trois fous. Cette pensée ravit mon cœur jusqu'à mon arrivée au boulot.

Ce matin, je ris avec tout le monde. Je taquinais mes collègues. La journée allait finalement être belle Al hamdoulillah. J'ignorais à dessein, la petite voix au fond de moi qui souhaitait me persuader du contraire. C'était vendredi en plus ! On avait tous une raison d’être heureux.

En pleine discussion avec ma collègue sur le menu de ce midi, je fus interrompue par l’assistante d’accueil de notre entreprise. J avais de la visite.

Heureuse je me rendis au comptoir en tirant la langue à Jeannette, ma collègue, qui disait que Mehdi allait finir par toucher un salaire tellement il était fréquent dans nos locaux.

Ce n’était pas Mehdi…

C’était Abou, son bras droit et cousin.

C’était Abou et il avait de petits yeux ce matin.

C’était Abou et aujourd'hui il ne souriait pas, il se retenait de pleurer.

Aujourd'hui est le premier jour du reste de ma vie…

Je me suis réveillée nonchalamment ce matin, la bouche pâteuse, les paupières lourdes, le corps engourdi.

Je me suis réveillée la boule au ventre  ce matin. Oh Ya Rabbi je sais maintenant ce qui se passe.

Je me suis réveillée ce matin et j'ai senti au plus profond de mes entrailles que ma vie ne serait plus  jamais pareille.

Je me suis réveillée ce matin. A mon boulot, Abou m'a confirmer que ma vie ne serait plus jamais la même.

Abou est venu me dire que Mehdi, m'avait tout pris.

Abou m'a annoncé que Mehdi a enlevé à ma vie sa saveur en emportant avec lui mon cœur.

Abou, d'un regard m'a fait réaliser que Mehdi  s'est laissé aller à l’ange de la mort.

Mehdi, mon ami, mon beau-frère, mon  seul et unique amour…

Je me suis réveillée ce matin et mon âme sœur s'en est allé avec une partie de nous.

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