Mouna

Ecrit par Les Chroniques de Naty

Chapitre 21

 

—C’est quoi cette mauvaise blague Mouna ? Dis-je énervée ; en tout cas c’est de très mauvais goût. Et comment peux-tu plaisanter avec un sujet aussi sensible ?

Elle me regarda et commença à pleurer. Je crois que c’était tout sauf une blague ! Mon estomac se noua et je perdis l’appétit.

—Oh mon Dieu !!! Pardon ma sœur dit moi que tu plaisante ; tu ne peux pas être enceinte, ce n’est pas possible. Pour être enceinte il faut avoir des rapports sexuels avec un homme et toi… toi… tu ne peux pas avoir fait ça, pas à ton si jeune âge.

Elle ne me répondit pas et pleurait toujours ; heureusement que nous sommes loin des autres clients et ceux-ci ne peuvent pas entendre notre conversation. Ma petite sœur de 19 ans est enceinte.

Elle me tendit une feuille que je dépliais et lu.

—Seigneur !!! C’est donc vrai ;

Il est marqué ici noir sur blanc qu’elle est enceinte de 7 semaines. Je n’arrive toujours pas à y croire ; j’espère que tout ceci est un cauchemar et que je ne vais pas tarder à me réveiller. Mais la voix de ma petite sœur me ramena à la triste réalité.

—Cela fait deux mois que je ne voyais pas mes règles ; explique-t-elle. Au début je n’ai pas pensée à ce que ça puisse être une grossesse. Mais quand je me suis évanouie le lundi en cours, ma voisine m’a accompagnée à l’infirmerie. Heureusement qu’ils n’ont pas trop poussés les examens, sinon la dame aurait su que je suis enceinte et elle en aurait parlé au proviseur. C’est sûr que j’allais me faire renvoyer. Je suis donc allez à l’hôpital pensant à un début de paludisme, et c’est là que je l’ai su. Ils m’ont demandé de faire une consultation prénatale et de prendre un carnet de santé pour moi et le bébé.

Mais j’ai refusée et je n’y suis plus retournée. Je ne sais vraiment pas vers qui me retourner Ayana ; tu as été la première personne à laquelle j’ai pensée et même Nafi ne le sait pas. Mais cela ne saurait tarder car tu l’as connais toi-même ; elle est tellement attentive.

Elle pleurait de plus belle. Je pris pitié de ma sœur ; ma pauvre petite sœur. Si jeune et si naïve. Mais la seule qui me fait encore plus de peine est ma mère. C’est sûr qu’elle ne résistera pas à cette nouvelle.

Je ne savais même pas que ma sœur avait un petit copain, jusqu’a même avoir des contacts charnels avec ce dernier et la cerise sur le gâteau qu’elle soit enceinte.

—Mouna pourquoi as-tu fais ça ?

Je ne sais même pas quoi dire ! Les mots me manquent et je me sens tellement mal.

—Je ne l’aie pas fait exprès Ayana, je te le jure. On ne l’a fait qu’une fois. Après ça je n’ai plus recommencé ; j’ai tellement eu mal la première et j’ai saignée abondement. Confessa-t-elle entre deux sanglots. Je croyais… je voulais ressentir ce plaisir que tu décrivais ; je voulais juste essayer pour voir. Je ne pensais même pas que je tomberai enceinte.

Je suis encore plus dépassée par ce qu’elle vient de dire. Comment ça elle voulait faire comme moi ?

—De quoi parles-tu Mouna ? Tu ne vas pas dire que c’est de ma faute si tu t’es fait enceintée ? Je t’expliquais certes mes ébats, mais je ne t’ai jamais demandé d’en faire autant. Et puis c’est qui le père du bébé ?

Elle garda la tête baissée et murmura.

—Il s’appelle Konaté Khalil !

Je ne connais pas de Khalil, et je n’en aie jamais entendu parler non plus.

—Et ?

—Il est… comment dire, il est marié et a déjà deux enfants

Le ciel vient de me tomber sur la tête je n’ai vraiment plus envie d’en savoir plus ; j’ai l’impression qu’on va de mal en pis. Plus elle parle plus et je me rends compte que la pilule devient plus difficile à avaler.

—Mais dans quelle merde t’es-tu fourrée jeune fille ? Non seulement tu es enceinte, mais d’un homme marié déjà père de deux enfants. Et quel âge a ce dernier ?

—Il a 33 ans.

—Tu te rends compte que ce monsieur est bien trop vieux pour toi ? Et le pire c’est qu’il est marié. Comment as-tu pu fricoter avec un homme marié ? Je peux comprendre que tu puisses à ton âge vouloir avoir un petit copain comme tes amies, mais tu aurais pu au moins trouver quelqu’un de ton âge. Non il fallait que mademoiselle aille s’enticher d’un vieux pervers qui n’as pas hésité à coucher avec elle. M’emportais-je.

Il faut vraiment que je me calme et que j’essaie d’y aller en douceur avec elle pour qu’elle puisse tout me dire.

—Bon dit moi que pense ce Khalil de ta grossesse ?

Elle hésita un moment avant de répondre.

—Tu sais je ne savais pas qu’il était marié. C’est quand je lui ais dis que je suis enceinte qu’il m’a dit qu’il a déjà une femme et des enfants, et qu’il ne peut pas se permettre de les perdre à cause d’une moins que rien comme moi. Il dit que l’enfant n’est pas de lui et que j’aille chercher le père de mon bâtard ailleurs. Et depuis lors il ne répond plus à mes appels. Il a surement du me mettre sur liste noire.

Quand je pensais avoir tout entendu et tout encaissé, voilà qu’elle me donne le coup de grâce. Mais au fond je n’en veux pas à cet irresponsable, la seule coupable ici est ma sœur. Elle n’a pas eu pitié d’elle ni de notre mère. Elle n’a même pas pensé aux conséquences que son acte pourrait engendrer et voici maintenant qu’elles nous jetaient tous dans la merde. C’est sûr que papa va accuser maman à tort. Parce que dans notre communauté lorsqu’un enfant commet des fautes, c’est à la mère qu’on fait les reproches, c’est elle seule qui en supporte les pots cassés. Mais si l’enfant réussit et qu’il accomplie des prouesses, c’est au père d’en récolter les éloges et autres avantages.

Alors j’imagine un peu le tolet que va créer cette histoire dans notre famille, et aussi dans notre communauté. Vue le statut de papa c’est clair qu’il va renier Mouna. Il ne supporte ni le déshonneur et encore moins la honte. Maman ne pourra pas survivre à cela. Son mariage est en danger, papa serait capable de la répudier.

—Comment as-tu pu faire confiance à ce monsieur Mouna ? Je te croyais plus intelligente que ça.

—Mais je ne savais pas qu’il jouait avec moi, et puis j’étais amoureuse. Se défendit-elle. Depuis que je sais que je suis enceinte et que Khalil a refusé de reconnaitre la grossesse, je ne cesse de penser à tous les conséquences que cette histoire aura sur nos vies. Alors je veux épargner cette douleur à tout le monde ; j’ai bien réfléchie et je veux me faire avorter.

—Quoi ??? Criais-je. Mais ça ne va pas chez toi ou quoi ? Tu es déjà deux mois de grossesse alors ne t’avise même pas de penser à interrompre cette grossesse. Tu m’entends Mouna ? L’avortement est un péché capital, et en plus tu pourrais y perdre la vie. Alors n’y pense même pas. Si papa te mets à la porte tu viendras rester chez moi. Je suis sure qu’Aly n’y verra aucun problème.

—Non je ne peux pas garder cet enfant. Riposta-t-elle. Ma décision est déjà prise et je ne reviendrai pas là-dessus. C’est décider je vais avorter. Et vue que c’est déjà avancer, je veux le faire le plus tôt possible. Les examens de fin d’année sont déjà programmés et nous commençons la semaine prochaine. Je t’avais dit j’ai déjà déposé mes dossiers pour passer le Bac en candidat libre. Donc dans deux semaines nous finirons la compo, et je pourrais par la suite le faire.

Je vois bien qu’elle avait pensée à tout. Je suis de plus en plus étonnée d’entendre ma sœur parler d’avortement avec autant de détermination et de froideur. Je la croyais faible et fragile, mais là c’est une jeune fille sure et déterminée que j’ai sous les yeux. Pourquoi a-t-il fallut que cette épreuve te tombe sur la tête pour que tu t’endurcisses autant ma chérie ?

Elle ne pleurait plus et m’expliquait clairement comment elle comptait s’y prendre.

—J’ai plein de copine qui sont déjà passées par là ; et l’une d’entre elle m’accompagnera chez son gynécologue. Elle dit qu’il est fiable et professionnel ; et que je n’ai rien à craindre car tout se passera bien. Nous avons donc pris rendez-vous le weekend end après les examens. Et après l’opération, je pourrai aller me reposer chez toi, ainsi les parents n’en sauront rien. Aussi je veux que cela reste entre nous. Personne ne doit entrer informée.

Je l’écoutais parler et je n’en revenais toujours pas. A quel moment Mouna attelle rencontrée cet homme ? Comment se sont-ils connus aussi intimement ? Qu’a-t-il pu lui dire pour qu’elle se laisse aller de la sorte ?

Mais une chose est sûre et certaine, cet homme est un enfoiré qui mérite d’être corriger. On doit lui passer l’envie de courtiser d’autres jeunes filles innocentes et abuser d’elle avant de les jeter comme de vieilles chaussettes usées. Il mérite une bonne correction. Je me rends compte, et douloureusement d’ailleurs qu’il vient de foutre la vie de ma petite sœur en l’air.

—Mouna chérie, tu ne penses pas qu’on devra chercher une autre solution à ce problème. Essayais-je de la convaincre. Et si c’était le seul enfant que Dieu à décider de te donner, mais si tu t’en débarrasse maintenant tu pourrais le regretter plus tard.  C’est Peut être ta seule chance d’être mère, alors ne la gâche pas s’il te plait.

Son regard se durcit.

—Non n’insiste pas ; je vais avorter et ce n’est pas la peine de te fatiguer à me convaincre du contraire. De toutes les façons je n’ai pas besoin de ton avis. Je t’ais informée car tu es la seule qui puisse me remettre la somme dont j’ai besoin.

Ses propos me choquèrent.

—Ne soit pas impoli Mouna ! Ordonnais-je. Tu fais une bétis…

—Moi j’ai fait une bêtise ? Me coupa-t-elle ? Non mais attends de quel droit veux tu me faire la morale quand toi-même tu n’es pas un exemple de vertu ? Tu as couché avec un autre homme que ton mari une semaine avant ton mariage. Tu tiens tête à nos parents en disant tout ce qui te passe par la tête. Tu passes ton temps à manquer de respect à tout le monde et c’est toi qui veux me donner des leçons de bonne conduite. Oh là ma sœur c’est vrai que j’ai besoin de ton argent, mais faut pas dépasser les bornes quand même.

Je ne pu répondre tant je suis choquée par tout ce qu’elle vient de dire. Je ne pouvais que pleurer, je ne sais quoi dire face à toutes ces accusations qui je crois sont bien fondées. En faisant ma rebelle j’avais complètement oubliée que J’ai des cadettes qui voyez en moi un model ou un exemple. Qu’elles pouvaient bien vouloir faire comme moi ; et étant donné que je n’ai fait preuve ni de sagesse et de figure à reproduire, alors Mouna a bien raison m’accabler de tous ces reproches. Je mérite bien qu’elle s’acharne sur moi, je mérite d’être puni pour n’avoir pas été là pour mes sœurs. Je n’ai pas été capable de les guider, j’étais trop occupée à faire la tête.

—D’accord je comprends que tu puisses être en colère contre moi et tout, mais ce n’est pas une raison pour faire ça.

—Tu ne comprends pas, il ne s’agit pas de toi mais de moi. Arrête de tout ramener à ta petite personne. Tu as toujours été égoïste, egocentrique ne pensant qu’à toi et toi seule. Tu t’en fous de ce que les autres peuvent ressentir quand tu poses tes actes. Et moi contrairement à toi je pense à maman, Nafi, papa, Mina et même toi je pense à toi. Je veux vous éviter de souffrir par ma faute alors je décide de me débarrasser de cet enfant. Donc s’il te plait épargne-moi tout ça. Il est bientôt l’heure de mon cours donc je peux compter sur toi ou non.

—De combien as-tu besoin ?

—De 200.000fcfa.

—Quoi tout ça ?

—Oui l’opération coute 150.000 et après il va me prescrire des médicaments que je dois acheter. Ils me reviennent à 50.000 ; alors tu vois que ce n’est rien de bien cher. Je dois donner l’argent le plus tôt possible.

—Quand ?

—Disons au plus grand tard après demain. Donc je te laisse la journée d’aujourd’hui, bon l’après-midi puisque la journée est déjà terminée. Tu pourras me le remettre demain ! Maman a dit qu’on doit tous se rendre demain chez Mina pour lui tenir compagnie.

—D’accord. Mais Mouna j’ai peur pour toi ! C’est bien trop risqué d’avorter à un stade aussi avancé de la grossesse.

Ses traits se radoucissent et elle sourit.

—Ne t’inquiète pas frangine. Tout se passera très bien ; et après tout ça ne sera qu’un mauvais souvenir. Je réussirai à mon exam et on fêtera ensemble. Ok ? Bon je vais aux toilettes et à mon retour on part. Il est déjà 15H.

Je la regarde s’éloigner en direction des toilettes et j’ai bien du mal à croire qu’elle porte un enfant dans son tout petit ventre. Un être humain fait de chair et de sang, qui respire et dont le cœur bat est entrain de grandir en elle. Et sans aucun état d’âme, elle veut y mettre fin ; arracher la vie de cet enfant.

J’en voulais à mort à cet homme, ce Khalil qui a oser se jouer de ma sœur et de ses sentiments. Si seulement je le connaissais. Une idée me vient en tête. Je pris le téléphone de Mouna, elle l’avait laissé sur la table. Je vis le numéro ; et le note rapidement dans le mien. Je vais retrouver ce gars et lui faire regretter tout ça.

Quand elle revient, je règle l’addition et nous partons. Le trajet du retour est beaucoup plus calme que celui de l’allée. Chacune perdue dans ses pensées. J’essayais de me concentrer tant bien que mal sur la route, mais je n’arrêtais pas de jeter de furtifs coups d’œil à Mouna, ou à son ventre.

Je viens de me rendre compte à quel point j’aime ma petite sœur ; et elle a peut-être raison de dire que je suis égoïste et tout. Mais elle doit savoir aussi que je l’aime et que je ne supporterais pas qu’il lui arrive malheur. C’est vrai que le mal est déjà fait, mais je pense qu’on aurait pu trouver une autre solution que celle-là.

Lorsque nous arrivons devant son école, je lui tendis un billet de 10 000f.

—Tiens mets ça sur toi au cas où.                                                                            

—Merci Ayana dit-elle en le prenant. Aussi j’aimerai m’excuser d’avoir été si dure avec toi tout à heure. Je te remercie de m’avoir écouté et d’être là pour moi. Je t’aime frangine et à demain.

Elle me fit la bise et descendis de la voiture.

—Moi aussi je t’aime ma chérie murmurais je pour moi-même ; puisqu’elle était déjà loin pour m’entendre. Je la regardais partir et j’eus un pincement au cœur.

Oh mon Dieu ! Protège là. Je sais bien que ce que je m’apprête à faire n’est pas bien, mais c’est seulement comme ça qu’elle se sentira mieux. Car même si ce n’est pas moi qui lui remets l’argent elle pourra l’avoir par un autre moyen. Alors mieux vaut que je sois là avec elle et la soutenir.

C’est mal d’avorter, mais ma sœur a besoin de moi. Et j’espère vraiment que toute cette histoire aura une issue favorable et que ça ne sera plus que de l’histoire ancienne dans quelques temps…

Esclave de mon cœur