NADIÉ (Nouvelle).

Extrait de À LA CONQUÊTE DU MONDE TOME 3 coming soon...

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Ce fut aux alentours de midi. Nadié profita de l'absence de Louis son mari pour aller rencontrer le fameux Babazawari; le féticheur aux pouvoirs miraculeux dont lui avait parlé son amie Anita. Après avoir elle-même préparé le déjeuner, elle laissa la somptueuse tâche qu'elle avait l'habitude d'accomplir; celle de servir son mari à son retour du travail à la domestique contre un petit billet de mille francs. Elle lui intima également l'ordre de ne lui rien  répondre au cas où ce dernier demanderait d'après elle. Elle allait elle-même tout gérer avec lui à son retour.

Nadié se rinça rapidement en quelques minutes. Elle fouilla dans son armoire et sortit une magnifique robe qui la sciait bien et qui dessinait ses incontournables rondeurs. C'était Louis qui la lui avait offerte lors de la dernière fête de la saint Valentin. Elle la prit, l'essaya devant son petit miroir tout en se maquillant et émit un léger sourire. C'était parfait pour elle alors elle choisit de la mettre pour l'occasion avec le sac à main et les  chaussures qui allaient avec et prit la route de chez Babazawari. 

Quelques instants plus tard, après avoir traversé avec hâte la forêt, Nadié arriva au domicile de Babazawari. C'était tel qu'Anita le lui avait décrit. C'était un endroit assez flippant. On croirait être dans un village des années soixante où les guerriers exterminaient leurs prisonniers de guerre. Déjà à l'entrée se trouvait trois fétiches sous un petit hangar. Celui du milieu à voir sa taille paraissait le plus âgé. Des cauris de petite taille formaient ses deux yeux et aussi ses narines contrairement aux deux autres qui n'en avaient pas. Sur sa tête se trouvait une calebasse remplie de sang; probablement celui d'animaux; quant à celles des deux petits se trouvait des morceaux de viande qui dégageaient une odeur assez nauséabonde. L'enceinte elle-même avait une forme de cercle composée de petites cases rondes construites en banco. Chaque case était bien paillée et avait une petite porte sur laquelle était dressée des peaux de bête sauvages. Une grande paillote était construite au milieu de l'enceinte. C'était le lieu où Babazawari recevait les invités. Il avait étalé deux petites nattes par terre parmi un tas d'ossements gigantesques. Il s'asseyait sur l'une et demanda avec courtoisie à l'invité de s'asseoir sur l'autre. Elle demanda ensuite à Nadié de se déchausser; ce qu'elle fit sans hésiter. 

  - Sois la bienvenue ma fille. 

  - Merci Baba. 

Après les salutations, Babazawari demanda à Nadié de sortir un billet de mille francs et de marmonner dessus tout ce qu'elle souhaitait. Après que ce fut fait, il lui tendit une coquille dans laquelle elle le mit et le déposa par terre. Il la reprit et la mit dans un canari puis fit longuement des incatations. Après quelques minutes, il lui dit.

  - Ma fille, je vois tes inquiétudes; celle d'avoir un enfant et de combler ton mari et ta belle famille de bonheur. Hélas, tous tes efforts depuis ces années sont vains. Mais ne t'inquiète pas; rien n'est impossible chez Babazawari. Ton problème a déjà une solution. 

  - Merci Baba. Merci de comprendre ce que j'endure depuis des lustres. Louis...

  - Non. Tu n'as plus à beaucoup parler. Les fétiches t'ont déjà entendue. Voici ce que tu vas faire. Je vais t'écrire une liste de certaines choses que tu vas acheter. On fera une cérémonie de purification avec. En plus de cela, toi et moi devons coucher ensemble pour que les génies implantent leur germe de fécondité en toi. C'est suite à cela que tu peux tomber enceinte et avoir des enfants que tu as longtemps désirés. 

  - Quoi? Je...

  - Ma fille, on ne bégaie pas ici chez moi. Tu veux avoir des enfants oui ou non ? 

  - Oui Baba.

  - Alors, je te donne trois jours pour que tu ramènes les choses ici. Une dernière chose. Pendant ces trois jours, tu ne dois pas avoir des relations sexuelles avec ton mari. Okay?

  - Okay Baba. 

  - Pars maintenant et ne te retourne pas. 

Nadié très affolée quitta Babazawari sans se retourner comme il lui avait dit. Plusieurs idées s'entremêlaient dans sa cervelle. Elle n'avait pas imaginé qu'il lui imposerait une condition pareille avant de pouvoir l'aider à féconder. Anita aussi ne lui avait pas mentionné cette partie là. Elle décida de passer directement chez elle avant de rentrer histoire de se nourrir de ses conseils...

  - Alors, tu as vu Baba? Qu'est-ce qu'il a dit ? Lui demanda Anita.

  - Si je l'ai vu. Mais...

  - Mais quoi? Pourquoi fais-tu cette tête mon amie? Qu'est-ce qu'il a dit?

  - Il m'a demandé de payer certaines choses pour une cérémonie qui aura lieu dans trois jours. Mais là n'est pas le problème. Il veut aussi coucher avec moi.

  -Où est le problème Nadié?

  - Comment ça où est le problème Anita? Tu veux me dire que tu as aussi couché avec lui ?

  - Bien sûr que si. C'est suite à cela que mes affaires marchent très bien. Regarde tous mes supermarchés et magasins, tu crois que l'argent m'est tombé du ciel? Écoute Nadié, tu es ma meilleure amie. C'est pour cette raison que je t'ai envoyé là bas. Dans la vie, il ne faut pas rester verser waa dans la nature comme ça. Il faut souvent se ressourcer et protéger ses intérêts. Toutes les grandes personnes que tu vois en ville dans des grosses voitures là sont passés chez cet homme. Alors s'il te dit de coucher avec lui avant que tu ne tombes enceinte de ton mari, fais-le. C'est un sacrifice. Mais si toi-même tu veux que ta belle famille te traite chaque jour de stérile et de sorcière, ça te regarde. 

Nadié et Louis s'étaient rencontrés à l'université. Louis était en fin cursus lorsqu'elle entrait en première année de la même faculté. C'était lors d'une balade un soir sur le campus qu'ils s'étaient rencontrés et avaient sympatisé. Elle lui ramenait souvent des exercices qu'elle avait du mal à traiter et il l'aidait. C'est ainsi que l'amour naquit entre eux. Ils se mirent donc ensemble pour faire grandir cette grande passion qui les unissait. Louis quitta l'université après avoir obtenu son diplôme. Une grande société l'embaucha où il exerçe en tant que chef personnel. Il était bien rémunéré. Alors il demanda Nadié en mariage quand bien même qu'elle n'avait pas encore terminé son cursus. Elle accepta et une grandiose cérémonie fut organisée. Elle obtint à son tour son diplôme mais Louis lui construisit un hôtel qu'elle gère. Plusieurs années passèrent et le problème d'enfant s'installa entre eux. Ils firent le tour des hôpitaux mais cela n'améliora en rien la situation; ce qui amena la famille de Louis à s'attaquer directement à Nadié en la traitant de stérile. Elle s'était même allée jusqu'à proposer à Louis d'épouser une deuxième femme; ce que ce dernier avait catégoriquement refusé.

Nadié s'affala dans le divan, très pensive. Elle se rappela de tous les insultes que lui proférait sans cesse sa belle famille et imagina un moment la venue d'un nouveau né dans la famille. Une paix et quiétude totale s'y installerait forcément. Pensa-t-elle. Elle décida alors de faire tout ce que lui avait demandé Babazawari. 

Trois jours plus tard...

Nadié avait tout acheté sur la liste que Babazawari lui avait donnée. Elle avait également évité son mari durant les trois jours. Des excuses à couper le souffle lui servaient d'alibis. Ce matin, après que Louis la déposa au service, elle alla retrouver Baba pour que le rituel soit fait. Baba prépara tout et fit comme d'habitude. Ensuite il coucha avec elle sur sa natte à plusieurs reprises tout en incantant. Après, il lui dit qu'elle devait coucher avec son mari dans les prochaines douze heures au cas contraire, les conséquences seraient dévastatreuses. Mais si elle suivait à la lettre les consignes, elle aura beaucoup d'enfants comme elle ne l'avait jamais imaginé. 

Tard dans la soirée, Nadié prépara avec soin le dîner et dressa la table. Elle alla prendre une bonne douche, se maquilla, mit une jolie robe et attendit son mari. Ce dernier rentra. Elle l'accueillit comme jamais et ils passèrent à table. Après qu'ils eurent fini de manger, son téléphone sonna. L'on lui annonça qu'il y avait un très grand incendie au travail. Il se précipita sous la douche et en ressortit quelques minutes plus tard. Il s'habilla et partit sur le champ. Nadié, prise de panique ne pouvait rien faire pour l'empêcher de partir. Elle, qui avait prévu à ce qu'ils couchent ensemble pour que le rituel fonctionne était désespérée. Il ne restait plus que quatre heures de temps pour que les douze heures ne s'épuisent. Elle appela Baba et lui expliqua la situation mais ce dernier lui fit clairement savoir qu'il n'y avait plus d'autres possibilités. Elle devait faire tout son possible pour qu'ils couchent ensemble. 

Les yeux rivés sur l'horloge au mur, Nadié coula abondamment les larmes. Les quatre heures restantes venaient de s'épuiser et Louis n'était toujours pas de retour. Elle lui téléphona. Ce dernier lui fit savoir que les sapeurs pompiers étaient en train de maîtriser le feu donc cela prendrait encore un peu de temps avant qu'il ne rentre...

****Quelques jours plus tard...****

Le supermarché d'Anita était noire de monde. Les clients étaient obligés de se mettre en rang pour être bien servi. Dans la foulée, un grand bruit se fit entendre. Quelqu'un venait de renverser toute une ligne de marchandises par terre. Tous les regards se tournèrent; direction de la personne. 

  - Mais qu'est-ce qui se passe ici? Cria Anita en rentrant. En fait elle venait d'arriver.

Elle s'approcha mieux pour voir celui qui était responsable de tout cette mascarade afin de pouvoir le facturer mais dès qu'elle s'approcha que cette dernière sauta sur elle et l'attrapa violemment par les cols de sa chemise. Elles se retrouvèrent à terre. Elle était sale, puante et avait juste noué un pagne à la hanche. Ses cheveux étaient débraillés et sa bouche sentaient si mal; on dirait des égouts. Le vigile et certains clients réussirent à les séparer. Anita se leva, dans tous les états. 

  - Qui a laissé cette folle entrer ici? Je vais vous virer tous. Cria-t-elle. 

  - Eh bien tu ne me reconnais pas Anita ? C'est moi Nadié.

  - Nadié? Quoi ? S'étonna-t-elle lorsqu'elle la regarda de très près...

Écrit par Koffi Olivier HONSOU alias Verdo Lompiol. (Noveliste togolais).

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