Nouvelle

Ecrit par Max Axel Bounda

Dr Tchibinda, quittait le laboratoire de l'hôpital municipale de Tchibanga en avançant d'un pas lent et assuré, à la fois présent et absent. Il se dirigea vers la maternité Josephine où s'apprêtait à naître son premier enfant.
Son premier vrai enfant aimait-il se le répéter.
En effet, à cinquante ans cet homme marié et brillant médecin était père d'une bonne demi douzaine de descendants. Dont quatre vivait dans sa maison : Trois filles et un garçon. Les deux autres filles qu'il n'avait pas vu depuis deux décennies vivaient avec leur mère.
Perdu dans ses pensées l'homme arriva à la maternité où les infirmières et les sages femmes agitées couraient dans tous les sens. Il sentit des problèmes à l'horizon, il se hâta de rejoindre le bureau du médecin chef. Son collègue et compagnon de route, Mabiala.
- Mab. Que se passe t-il?
- La petite ne va pas bien. Elle fait une hémorragie interne. On fait de notre mieux pour sauver le bébé.
Mais comme tu sais, on manque de tout ici. La pharmacie de l'hôpital est presque vide. Il faut que tu ajoutes du matos qu'il nous manque.
- Quoi mon frère ? Dis moi je vais acheter.
Mabiala, lui tendit une ordonnance sur laquelle il y avait une longue liste d'objets.
- Ok je fonce à la pharmacie. S'il te plait, sauve le bébé, lança l'homme les yeux larmoyant.
- Nous n'en sommes pas là, Boursier. C'est mon neveu je ferai tout pour qu'il vive.
- Merci, je vais à la pharmacie.
- J'ai déjà envoyé des gens dans toutes les pharmacies de Tchibanga. Il faut que tu ailles à Mouila.
- D'accord. Le futur papa quitta le bureau de son collègue au pas de course. Rejoignit sa Toyota carina 3 garée dans la cour de l'hôpital et démarra en trombe.
Tchibanga etait une petite ville perdue au milieu de nulle part, à l'extrême sud du Gabon. Chef lieu d'une province réputée bastion imprenable de l'opposition cette contrée de 50.000 habitants environ avait aux cours des années été oubliée par les projets de développement.
A Tchibanga, chacun vivait sa vie, comme si le reste du monde n'existait pas et la vie n'y était pas moins gaie. Les populations qui semblaient toutes se connaitre, se fréquentaient, s'enivraient beaucoup en guise de divertissement et étaient sans cesse en quête de nouveautés, de sang frais et de changement. Vous l'aurez compris, à Tchibang city, il ne se passait jamais rien. Même les histoires de sorcelleries jadis célèbres avaient fini par lasser les populations. Les prouesses de Ndéndé et ses neufs routes n'impressionaient plus personne.
Dernière ville du Gabon, en terme de développement, Tchibanga manquait de tout et ressemblait à une contree sous lockdown. Sa distance d'avec les autres villes du pays en faisait la plus difficile à ravitailler. Alors, même certains services publics y étaient absents tout comme les loisirs et les bonnes choses.

Dix minutes plus tard, Boursier garait devant la Gabonprix de Tchibanga où comme tous les jours de la semaine, des buveurs se donnaient rendez-vous à la fin de la journée, pour en prendre une. La ville n'était assurément pas la seule où les gaboprix, en temps normal des centres commerciaux, se transformaient en bar le temps de quelques heures. C'était un vendredi et les clients ne laisseraient pas Bouanga la gérante fermer avant 20h. Tchibinda descendit le coeur aussi gros qu'un melon. Il reconnut plusieurs visages, des compagnons de pots ou des patients qu'il avait reçu à l'hôpital, il ne pouvait le dire. Il pénétra le centre commercial qu'il connaissait bien, ouvrit le réfrigérateur et souleva un pack de Regab light fraiches. Il se pointa à la caisse et lança à la gérante: tu l'ajoutes à mon compte.
La dame dans la quarantaine acquiesça juste, trop occupée et visiblement agacée par deux clients qui la draguaient sans succès depuis une heure.
- Chérie, lança t-il non pas à l'intention de Bouanga mais des deux hommes assis près du comptoir, je vais à Mouila. Je t'apporte quelque chose?
- Oui mon choux, un poisson braisé.
- D'accord.
Il tourna le dos et sourit, non pas pour la ruse mais plutôt parce qu'il avait eu deux ou trois coups avec cette Bouanga. De temps en temps quand l'envie leur prenait, ils se retrouvaient dans un motel à la sortie de la ville et s'envoyaient en l'air. La vie c'est le partage. Tu me donnes, je te donne.  De toute façon, il n'y avait rien de mieux à faire.
Le Docteur après avoir ouvert une cannette, regarda la montre, il était 19 heures la nuit commençait à tomber sur la ville. Il se remémora soudain que sa tchiza de 22 ans était en couche, avec son enfant dans le ventre mais que l'accouchement allait être compliqué. Il démarra pour Mouila.

Ibinga, était une jeune fille native de la région, de père et de mère, et même de grand parents originaires de Tchibanga, elle n'avait jamais quitté la ville. Elle avait grandi dans un quartier excentrée et avait fait son bonhomme de chemin. C'était une belle petite punu, une femme comme les hommes en aiment. De belles formes, des lèvres pulpeuses, une poitrine plantureuse et un derrière bien fourni. Une vraie punu, même si, quelque chose faisait tâche au décor. Ibinga était claire. hors les filles de la région étaient plus connues pour leur peau couleur ébène à faire pâlir de jalousie Naomi et ses diamants. Cette différence n'avait pas empêché Tchibinda de s'arrêter devant le groupe de filles qu'il avait rencontré deux ans plus tôt alors qu'elles sortaient du lycée.
La vue de ses filles sexy et appétissantes en tenu scolaire lui avait immédiatement fait penser à ses actrices de films d'adultes qui jouaient souvent le rôle d'écolières.
Ce jour-là, il les prit dans son véhicule en leur proposant de les raccompagner chez elles. La conversation qui s'était vite engagée entre eux lui avait permis de savoir que les filles étaient en seconde, qu'elles avaient vingt ans donc qu'elles étaient majeurs. D'ailleurs, un peu trop même avait il remarqué quand suite à son invitation à boire un pot, la conversation dériva sur des échanges on ne peut plus équivoques. Il comprit qu'il avait un ticket et qu'il passerait la nuit avec l'une d'elles. Peut-être même les trois. L'idée lui traversa l'esprit. Et il lança la conversation en l'air comme un appât.
- Tu n'as pas peur de mourir hein? Répondit Ibinga, et les autres filles éclatèrent de rire. Carrément nous trois.
- Mourir? Pourquoi ? Vous mangez les hommes ?
- Non, on ne mange que ce vous avez au milieu là, lança Mbina à l'arrière en riant comme ses copines.
- Avec les pères comme vous, on ne sait jamais. Si on te touche tu peux faire une crise cardiaque.
Tchibinda esquissa un sourire. Les choses seraient nettement plus faciles.
- On lui donne Mbina, lança Ibinga. Elle se fatigue vite. Elle va le gérer en deux, quatre et six et c'est fini.
L'homme n'en demandait pas moins. Même si celle qui l'intéressait était assise à la cabine près de lui, la jupe remontée au milieu de ses cuisses brunes. Elle lui lançait des regards amusés de temps à autre.

Ce soir là, tout se passa comme prévu. Une soirée arrosée, de la braise à volonté, des flirts et une nuit torride avec Mbina qui avait gratifié le Docteur Tchibinda d'un des plus sublimes coup de rein de sa vie. Ces petites savaient de quoi elles parlaient.
Pourtant, toute la nuit il n'avait pas arrêté de penser à Ibinga. Surtout au moment où celle-ci s'était mise à danser sur lui, bougeant et tournant son derrière à volonté et exhibant sa poitrine sous nez. L'extase s'accomplit quand elle posa ses lèvres sur les siennes et tourna sa langue dans sa bouche. Il ne se rappelait pas avoir connu une femme qui embrassait aussi bien.
Le lendemain, il avait pris son numéro, et l'avait invité toute seule. Deux semaines plus tard, après avoir goûté au fruit défendu, il en avait fait sa maitresse à titré. Son deuxième bureau. Il s'occuperait désormais d'elle et de ses besoins.  Et elle de satisfaire sa libido.
Quelques nuits torrides passées avec la jeune Ibinga l'avait convaincu. Il ne voulait la partager avec personne d'autre.

Vidant sa deuxième regab, il vira sur le bas côté de la route. Il ferait tout pour que cet enfant vienne au monde. Il en avait marre d'être pointé du doigt parce que vingt ans plus tôt, il avait épousé une femme de la région de sept ans son aînée. Elle qui avait déjà deux filles en bas âges et un garçon dans le ventre n'avait pas forcément une bonne réputation dans la ville. Il l'avait choisi en lieu et place d'une première compagne qui elle, avait deux filles aussi. Tous sans exception appelaient "Papa" ce jeune diplômé et nouvellement affecté dans la ville.
Même si tout le monde faisait semblant de ne pas le savoir, chaque fois qu'il se présentait avec ses enfants, qui aujourd'hui étaient grands, plusieurs langues ne s'empêchaient pas de murmurer que ce n'était pas les siens. Maintenant qu'il avait l'occasion d'être un père : Un vrai. Il n'allait pas laisser le ciel lui ôter cette chance.
Tchibinda appuya sur l'accélérateur. Mouila n'était qu'à deux heures de routes. Vidant des cannettes tout au long du passage, il ne pensa même pas à sa femme qui ne l'attendait pas. Il y'a longtemps qu'il ne se passait plus rien entre eux. Mariée sous le régime  monogamique et de la communauté des biens, elle avait décidé de s'en contenter. Elle avait une grande et belle maison, un bon boulot et beaucoup d'argent. Que voudrait-elle de plus?

Conduisant prudemment, il aperçut au bord de la route une femme d'une trentaine d'années qui faisait du stop. Il décida de s'arrêter et de l'embarquer. Un peu de compagnie surtout féminine ne lui ferait pas de mal. Même s'il se demandait ce que faisait une femme au bon milieu de nul part en pleine nuit. La jeune femme prit place à la cabine.
- Merci beaucoup Monsieur. Ça fait une heure que j'attends. Notre voiture est tombée en panne un peu plus haut, dit-elle.
Tchibinda se souvint pas avoir rencontrer de véhicule en détresse sur le chemin.
- Appelez-moi Boursier, dit-il. Je vous dépose où?
- Moi c'est Gisèle Manomba. Je descends dans un village avant Mouila. Je vais voir mon père qui est malade. J'étais à Tchibanga acheter des médicaments.
Gisele lui montra le sachet de médicaments qu'elle avait en main. Il portait le logo vert des pharmacies.
La jeune femme le déposa sur la banquette arrière.
Un silence s'installa un bref instant. Tchibinda annonça à Gisèle qu'il se rendait justement à Mouila pour acheter des médocs lui aussi. Les pharmacies de sa ville n'en avait plus.
- Ma femme est sur le point d'accoucher, dit-il. Sa femme, pensa t-il. Cette expression laissait-elle présager qu'il avait des projets beaucoup plus sérieux pour cette jeune femme qui allait bientôt lui donner un beau et gros fils?
Les deux inconnus échangèrent pendant une heure de route jusqu'au village de la jeune femme qui descendit en riant. Elle le remercia et disparut dans la pénombre. Le Docteur aperçut des demeures dans l'ombre. Il supposa que son père devait vivre là. Sans attendre plus longtemps, il répartit de plus belle vers Mouila dont les lumières pointaient à l'horizon. Très vite, il atteignit la gare routière fortement éclairée et se renseigna. La pharmacie n'était pas très loin. Il mit le pied à l'accélérateur et se rendit au lieu indiqué. La pharmacie était fermée. Au même moment son téléphone sonna, c'était son ami Mabiala.
- Allô? Comment va t-elle? Et le bébé?
- Son état ne s'est toujours pas stabilisé. Fais vite avec le matériel. Sinon on sera obligé de l'évacuer sur Bongolo.
- C'est trop loin. Ils n'y survivront pas. Je fais vite, je vais à la pharmacie de garde.
Tchibinda se renseigna auprès d'un autre passant et suivit les indications. Et enfin, il trouva la pharmacie de garde dans laquelle se trouvait une femme qui discutait avec le garde qui au lieu d'être à l'extérieur était plutôt dans la pharmacie.
Tchibinda entra en furie et déposa un feuille de papier sur le comptoir: Je veux le tout, annonça t-il.
La femme se leva et observa le papier, et le monsieur en face. Avant de se mettre à taper sur les touches de son ordinateur. Elle le faisait si lentement que Tchibinda avait l'impression qu'il y passerait la nuit.
- Avec ou sans CNAMGS?
- Avec CNAMGS, ça fait combien ?
- 30400 FCFA. Mais le médecin n'est pas là. Et on n'a pas de fiches.
- Pourquoi posez-vous la question alors? S'énerva le médecin. C'est combien sans CNAMGS?
- Ca fait 62.700, Monsieur. Mais il manque deux médicaments. C'est en rupture de stock.
- Humm pas grave. Donnez moi ce que vous avez.
L'homme fouilla son porte feuille et en fit le compte. 35.000 c'est tout ce qu'il avait. Où est que je peux trouver un GAB s'il vous plait?
- Au bout de la route, à la station.
- D'accord. Tenez ça, je vais chercher le reste.
Tchibinda quitta la pharmacie et se dirigea vers la station qu'il apercevait à plusieurs mètres, en priant que le GAB ait de l'argent. Le docteur pénétra dans le petit bâtiment et introduisit sa carte. Attendit que son nom s'affiche mais rien ne se fit. Cinq minutes, puis dix aucun retour. Il sortit et c'est là qu'il se rendit compte que sur le côté un panneau indiquait en "panne". Sa carte venait d'être avalée par le robot. Merde! Il vociféra, lança des jurons et mit les mains sur la tête. Son fils allait mourir s'il ne revenait pas avec ces médicaments.
Au même moment, il sentit une pointe de couteau dans son dos. Une voix lui souffla: Ne bouge pas!
La personne, sans doute un jeune homme, commença à palper ses poches qui étaient vides. Le docteur avait laissé ses affaires dans la voiture et son portefeuille à la pharmacie. La fouille n'ayant pas été bonne, l'agresseur s'énerva. Lui donna un coup de poing dans les côtes, Tchibinda s'écroula. Et reçut une batterie de coup de poing et coup de pied l'atteignant parfois au visage, tantôt dans le dos ou dans les cotes. Comment un grand comme toi, tu peux balader sans argent ? Enfoiré! Lança l'agresseur quand une voix, sans doute celle du pompiste se fit entendre. Elle appelait au secours.

Le braqueur prit la fuite, et le jeune pompiste releva Tchibinda qui avait du sang sur les lèvres et des blessures sur le visage. Pouvant à peine parler, il tituba sur le chemin menant à la pharmacie où il reçut des soins. Il avait la lèvre enflée et des cotes fêlées. Il se mit à pleurer. Sa femme était entrain d'accoucher, son seul et unique enfant risquait d'y passer. Il venait de perdre sa carte dans le robot et pour finir avait failli se faire tuer.  Pourquoi le ciel s'en prenait-il à lui.
Il expliqua tout ceci à la caissière compatissante qui lui expliquait que sans le reste d'argent elle ne pouvait pas le servir. Du moins, elle lui donnerait la moitié des produits. Non, il lui fallait le tout.
Tchibinda passa quelques coup de fils à sa femme, qui ne répondit pas et à quelques amis qui ne purent lui trouver 30.000. Ils auraient pu lui trouver de la bière mais pas d'argent. Son mobile money était vide et les banques fermées.
- Puis je vous signer une reconnaissance de dettes?
- Non, Monsieur c'est impossible.
- C'est qui le médecin chef ici? Demanda t-il. Je suis le Dr Tchibinda, de l'hôpital de Tchibanga. Je peux vous laisser tous mes papiers. Demain à la première heure je reviens vous payer, s'il vous plait.
La caissière compatissante voulait bien l'aider et flaira l'occasion de jouer gros. Elle lui proposa un prêt. Elle lui donnait les médicaments restant à hauteur de 30.000. Et le docteur devait s'engager à rendre le double.
- Un intérêt de 100%! s'exclama l'homme.
- C'est à prendre ou à laisser.
- Ok ok. Je vous rédige une reconnaissance de dettes. Et vous laisse ma pièce d'identité.
Vingt minutes plus tard, la transaction était faite. En sortant il ressentit une forte douleur dans les cotes. Il souffrait par amour. Et réalisa qu'il avait fait énormément de dépense pour ce bébé. Plus il en dépensait plus son amour pour lui grandissait. Il se rappela des caprices de sa mère durant toute la grossesse, du trousseau qu'il avait fait venir d'Afrique du sud de 300.000 par l'intermédiaire d'une amie et maintenant ça, 90.000 francs pour des médicaments. Avec à la prime un braquage et une cote fêlée. Et ça, c'était sans compter les besoins de la mère: Le logement, les études, le taxi et autres. Ces jeunes filles avec leur appétit vorace et leurs yeux plus gros que le ventre.

Abattu mais vaincu, c'est plus guai que Tchibinda quitta la pharmacie de Mouila en clodiquant. Il déposa le sac de médicaments sur le siège passager à la cabine, et remarqua alors sur la banquette arrière le bagage de son passager précédent. Gisèle avait oublié les médicaments de son père mourant. il devait à tout prix les lui rapporter. Il s'engagea alors sur le chemin du retour et une demi heure plus tard, il se gara à l'endroit où il avait déposé Gisèle. Il longea la voie à pied et se retrouva devant une maison demi dure dans laquelle les lumières étaient encore allumées. Il frappa à la porte. Il était 21h34. Un homme vint lui ouvrir le regard inquisiteur.
- Bonsoir, pardon du dérangement. Je cherche une femme que j'ai déposé toute à l'heure. Elle a oublié des médicaments dans ma voiture. Elle s'appelle Gisèle, dit-elle.
Le visage de l'homme en face se renfrogna. Et aussitôt d'autres occupants, une femme et deux garçons apparurent le premier.
- Gisèle, qui? Elle est comment ?
- Gisèle Manomba. Elle est noire, un peu pleine. Elle a dit que son père est très malade. Voici les médicaments qu'elle a oublié. Si je me suis trompé de maison excusez-moi.
Tchibinda ne savait pas si les gens en face le croyaient ou pas. Mais il remarquait qu'on le dévisageait étrangement. Que se passait-il?
L'homme qui lui avait ouvert lui demanda d'attendre dehors. Et tout le monde disparut dans la maison, de laquelle s'échappaient des murmures. Le médecin crut un instant qu'on lui préparait une embuscade. Finalement, au bout de 10 min qui lui avait semblé une éternité, on lui demanda d'entrer.

Le logis était humble et paisible. On l'invita à s'asseoir sur des fauteuilles de cuir. Il attendit encore quelques minutes et vit sortir d'un couloir, un vieil homme aidé par un des garçons. Le vieil s'assit près de lui.
- Mboloué Tâte, le médecin s'exprima en puni, patois local, pour briser la glace et dissiper de possibles malentendus. Désolé du dérangement.
- Tu ne me déranges pas mon fils, tu dis que tu as vu Gisèle ?
- Oui papa, dit-il en lui remettant le sachet de médicament.
Le garçon assis près de lui, sembla vérifier si le contenu correspondait à l'ordonnance qu'il avait en main.
- Tu viens d'où?
- De Mouila, je retourne à Tchibanga.
- Et tu as rencontré Gisèle où?
Tchibinda se sentit exaspéré par toutes ses questions. Et lui fit le récit de sa rencontre avec Gisèle.
- Que se passe t-il? Elle n'est pas arrivée ici? Je l'ai laissé là à la route.
Le vieil homme parut hésitant.
- C'est cette femme là bas?
Il désigna un portrait accolé au mur derrière eux. Le médecin reconnut Gisèle. Il acquiesça.
Le patriarche presce qu'au bord des larmes, l'invita alors à le suivre derrière la maison. Tchibinda s'exécuta. ils arrivèrent alors devant un énorme tas de terre. Et on lui expliqua que Gisèle était morte des suites d'un avc trois mois plus tôt alors qu'elle travaillait à Libreville. C'était la fierté de son père, elle prenait soin de toute la famille. Sa perte avait été si douloureuse que personne ne s'en était encore remis. Le caveau n'avait même pas encore été fait. Tchibinda accusa le coup, et réalisa que le portrait qu'il venait de voir était un cadre photo qu'on utilise pour les décès justement. Il voulait partir de là au plus vite. Il ne croyait pas avoir rencontré un fantôme. Ce n'était pas vrai.
On le fit assoir et lui donna de l'eau. Une eau bien glacée. Il vida son verre en silence en réfléchissant. Sa nuit avait été des plus agitées. Et il ne manquait plus que ça.
N'ayant plus rien à faire, il prit congé de ses hôtes en priant que plus aucune surprise ne lui soit offerte. Elle l'acheverait.

Une heure de route plus tard, il se gara dans la cour de l'hôpital. Et courut dans le bureau de son ami qui l'observa avec étonnement.
- Que t'est-il arrivé?
- Une longue histoire. Comment vont ils?
- Elle a commencé la césarienne, tu tombes à pique. On va changer sa perfusion. Et prier que tout se passe bien. Tchibinda tomba sur la chaise. Le seigneur l'avait assez mis à l'épreuve pour la nuit. Il ne pouvait pas lui prendre son fils. Son premier fils. Son sang. Son vrai sang.
Il quitta le bureau, alla s'asseoir près de la salle d'accouchement. Il entendait les sages femmes vociférer des insultes à l'endroit sans doute d'une jeune mère. C'était certainement leur façon à elles de l'encourager: Pousse, sinon ton enfant va s'étouffer. Une autre rétorqua: Quand tu écartais les cuisses, tu n'étais pas fatiguée maintenant pousse moi l'enfant là! La fille poussa en criant.
Tchibinda se leva pour faire les cents pas, inquiet et fatigué. Il ne savait pas quelle heure, il était et il marchait seul au milieu de la cour quand il entendit des pleurs de l'autre coté. Ils venaient du bloc. Son enfant était né. Il esquissa un sourire. Dieu est bon. Il est merveilleux se surprit-il à dire.
Des femmes quittaient la salle d'opération en lui lança des regards étranges. Mais il s'en foutait. Ce n'était pas un secret. Tout l'hôpital savait que c'était lui le père. Il se rendit à la porte du bloc. La doyenne des sages femmes quitta la salle en lui lançant un regard non pas de félicitations mais de pitié. Il ne comprenait pas.
- Je peux le voir?
- Bientôt, il passe aux soins d'abord.
Deux autres infirmières sortirent en riant.
Que se passait-il?
Quarante minutes plus tard, il comprit pourquoi les sages femmes le dévisageaient autant. Et pourquoi on se moquait de lui. Gertrude, lui apporta une mignonne petite créature, un petit garçon, enveloppée dans des couvertures roses. Il le prit dans ses bras en souriant. Aussitôt, son sourire s'estompa. Il n'en croyait pas ses yeux. Le nouveau né était métisse.
- Ton fils n'est pas le tien. Lui lança sa collègue chirurgienne. Ni toi, ni elle n'est blanc!

Ton fils n'est pas l...