PARTIE 12 : En toute intimité
Ecrit par Fleur de l'ogouée
Tania
Je me réveille toute endolorie, le genre de courbature que
mon corps apprécie, un sourire rayonnant, j’ai envie de chanter comme Mariah
Carey, il n’en fallait pas beaucoup pour me redonner force et courage et pour
chasser le stress, je me redresse lorsqu’il fait son entrée dans la pièce, oh
mon étalon, qu’il est beau et sexy mon étalon
-Bonjour belle dame, dit-il en m’embrassant
La nuit d’hier a été très courte, la tension sexuelle était
plus que palpable ces derniers jours et quatre jours au village ont été
suffisant pour que nos corps nous réclament cette danse qu’ils voulaient
partager à deux. Hier, après le
repas nous discutions comme chaque soir et à ce moment-là nous parlions de
préliminaires et de ce que les femmes attendaient des hommes et vice versa,
nous ne parlions pas de sexe habituellement, je suppose que la proximité a fait
germer dans nos esprits des pensées pas très pieuses. Je ne sais pas à quel
moment nos lèvres se sont rencontrés et nos vêtements se sont évaporés mais je
sais que j’en avais besoin, je n’en pouvais pas de lutter contre moi-même, ce
fût une nuit de qualité rempli de bisous, câlins et de prouesses
exceptionnelles. Je ne sais pas ce qui m’a fait perdre la tête, j’avais
l’impression de redécouvrir le sexe, les sensations étaient décuplées, je ne
sais pas ce que j’ai ressenti mais l’alchimie de nos corps était au-delà de mes
attentes. J’ai cette crainte-là, que lorsque nos
vies auront repris leurs cours normales cette histoire n’ira pas bien loin,
alors je profite du moment présent, je l’attire à nouveau vers moi, quitte à
passer mes derniers moments de liberté autant me faire plaisir. Il enlève les
vêtements qu’il avait enfilé et me rejoint sous les draps, mes mains se
baladent sur son corps, sa bouche ne quitte pas la mienne, son gendarme se
réveille, le match recommence.
Une bonne douche plus tard nous rentrons en cuisine, il a
entrepris de me faire cuisiner, moi la pro des commandes de nourriture, au menu
aujourd’hui c’est feuille de manioc et tubercules de manioc vapeur. Les
tubercules de manioc je n’apprécie pas vraiment mais au risque de mourir de
faim, je serais obligé de manger. Nous commençons par cueillir les feuilles de
manioc, puis déterrons les tubercules, jusque-là rien de très compliqué. Une
fois la cuisson lancée, nous nous asseyons sur une natte que nous étalons dans
la cour sous un arbre pendant la journée.
-Les préservatifs tu as regardé leurs dates de
péremption ?
-Non mais je les ai achetés il n’y a pas longtemps
-C’est noté
-Je suis un homme sérieux, dit-il en souriant
-Je sais cela très
cher mais dis-moi où as-tu appris à cuisiner comme ça ?
-Chez nous, tout le monde sait cuisiner, depuis l’enfance
ma mère met un point d’honneur à ce que chacun sache faire toutes les tâches
ménagères et de plus, moi en tant qu’aîné il fallait souvent que je m’occupe de
mes petits frères en l’absence de maman
-C’est génial, ah et tu as l’air très protecteur avec tes
petits frères d’ailleurs
-Oui ayant très tôt jouer le rôle d’un père de substitution,
j’oublie parfois que je ne suis que leur grand-frère
-Je comprends, tu avais quel âge à cette époque ?
-Quand mon père a décidé de nous abandonner je n’avais que
17ans, je voulais découvrir le monde, vivre ma vie mais je ne me sentais pas de
laisser ma mère se débrouiller seule. A l’époque elle vendait des légumes au
marché, comment aurait-elle pu seule s’occuper de 5 enfants
Le silence s’installe tandis que ses yeux s’emplissent de
larmes, sa jeunesse lui a presqu’été arraché, j’ai tellement de la peine pour
lui. Moi je n’ai jamais eu à m’inquiéter pour l’argent, je n’ai même jamais
fait attention à mes dépenses, j’ai toujours vécu une vie de château et là j’ai
en face de moi un homme admirable, qui s’est sacrifié pour ses frères. Je
prends sa main contre la mienne
-Tu es un homme admirable et si des filles comme moi te
traitent mal à cause de ton métier c’est qu’elle ne te mérite pas
Il s’est efforcé à me faire un petit sourire, avant de
m’enlacer. J’ai l’impression qu’il ne parle pas beaucoup de ses souffrances et
qu’il emmagasine trop de sentiment en lui, un peu comme tous les hommes de la
planète, pleurer fait souvent plus de bien qu’ils ne le pensent.
-Qu’est-ce qui s’est passé avec ton père ?
-Tout s’est passé en une seule
journée, je m’en rappelle comme si c’était hier. C’était un samedi matin, il
s’est levé, a mis des vêtements dans une valise et a annoncé à ma mère qu’il
allait à Mounana car il venait d’être nommé directeur de l’école publique
là-bas, ensuite les voix se sont élevées dans la maisonnée si calme au petit
matin. Comme pour clore la discussion, il a ajouté et qu’il ne reviendrait pas
parce qu’il y allait avec son épouse, il s’était marié deux semaines plus tôt
sans que personne ne soit au courant. C’est comme ça qu’il nous a quitté, du
jour au lendemain, il n’a pas seulement rompu avec maman mais avec nous aussi,
car nous n’avons plus jamais eu de ses nouvelles. Il est parti froidement sans
se retourner.
-C’est tellement cruel ! Je suppose qu’il n’était pas
marié légalement avec ta mère, c’est pour ça qu’il s’est permis d’être si
ignoble. Vit-il toujours là-bas ?
-Il avait seulement épousé ma mère à la coutume dans leur
jeunesse, donc rien ne l’a empêché de se marier à l’état civil avec cette dame
secrétaire particulière d’un député à l’époque. Il a vécu là-bas jusqu’à sa
mort il y’a 4ans
-Je suis désolé de l’apprendre
-Ne le soit pas, lorsqu’il nous abandonné il n’a plus
jamais compté pour moi, déjà que ce n’était pas un père très aimant. Quand il
senti sa mort il nous convoqua ainsi que ses enfants issus de son second
ménage, je n’y suis pas allé
-Tu ne regrettes pas de pas l’avoir vu une dernière
fois ?
-Pas du tout, ça n’aurait rien changé
Pour couper court à cette discussion qui semble raviver des
sentiments douloureux je propose qu’on aille surveiller la cuisson de nos
plats. J’avoue que son histoire me touche beaucoup même si je ne peux pas
m’identifier à cela. J’ai envie de parsemer chacune des parcelles de son corps
et de lui dire que tout ira bien mais je ne peux pas faire ça, faire naître une
romance en ce moment ne serai pas sensé, je ne sais pas ce que je ressens pour
lui, il m’attire, je le trouve sympa mais est-ce suffisant ?
Gregory
C’est le point serré que je me redirige vers la cuisine,
cette discussion à fait remonter trop de sentiments enfouis en moi, je déteste
me sentir vulnérable, je ne parle jamais de mon géniteur, je ne parle jamais de
ce qu’il nous a fait et là t’as un petit bout de femme qui me fait me mettre à
nu. Je ne le déteste plus, j’ai tiré un trait sur lui et sur ce qu’il
représentait pour nous à l’époque, il a fait un choix, il a tenté de
s’expliquer lorsque que mes cadets sont allés à son chevet mais comment
pourrait-on expliquer l’inexplicable. Je sors de mes pensées lorsqu’elle agite ses
mains devant moi
-Hey, je suis désolé si mes questions ont été maladroites
-Ce n’est pas de ta faute, ce n’est pas toi qui as
abandonné femme et enfants du jour au lendemain. Je t’avoue que je n’avais pas
repensé à tout ceci depuis longtemps, je vis ma vie paisiblement, j’ai eu de la
peine par le passé, il nous a laissé sans le moindre sou, avec une mère jeune
et débrouillarde qui s’est battu pour nous donner le minimum. Pendant que ses
nouveaux enfants ont vécu dans de meilleures conditions, ont pu faire leurs
études supérieures à l’étranger, avec leur mère ils ont un domaine à Mounana,
plus grand que tout ce que l’on n’a jamais possédé.
-Et il n’a pas laissé de testament ce monsieur ?
-Pas à ma connaissance, il disait vouloir se rattraper, il
avait donné un million à mon frère et ma petite sœur que tu as rencontré et
200.000 aux plus petits, c’est tout ce que je sais. Cette somme d’argent avait
servi pour les frais scolaires de tout le monde, améliorer le mobilier de la
maison et renouveler les gardes robes, deux millions 400 au total, ça nous
semblait énorme, aucun de nous n’avait jamais possédé une telle somme.
-Et toi ? Tu ne penses pas qu’il y aurait eu une part
pour toi ?
-Aucune idée, je n’ai jamais rien réclamé et sincèrement je
ne prendrai rien de lui pour subvenir à mes besoins. Néanmoins si un jour on me
fait part d’un héritage quelconque, cela pourrait être utile pour mes frères et
sœurs
-Je ne peux pas te dire que je comprends, ce serait te
mentir mais j’ai appris à te connaître et je sais que tu es quelqu’un de
formidable et j’imagine que ta mère l’est aussi, c’est lui qui a tout perdu en
vous abandonnant. Franchement tu es quelqu’un de fort, ça force le respect
-Attention, je pourrais m’habituer à ces beaux mots
L’on se regarde droit dans les yeux, je sens une étincelle
dans son regard, je ne saurais pas dire si ce que c’est mais ça me fait du
bien. Nous retournons nous installer sur la natte tandis que les feuilles de
manioc poursuivent leur cuisson
-J’ai beaucoup parlé de moi aujourd’hui et toi tu ne m’as
presque rien dit
-Oh mais j’ai eu une vie bien basique
-Tania je suis sûre que tu as des secrets ou au moins des
histoires intéressantes, par exemple pourquoi une femme aussi remarquable que
toi ne porte pas une jolie bague à son doigt
-Je ne saurais te dire pourquoi, juste qu’aucun homme ne
m’a donné envie de l’épouser sauf …
-Sauf ???
-Romain, mon ex fiancé
-Tu as été fiancé ?
-Oui dans une autre vie
-Tu ne peux pas piquer ma curiosité et rester aussi vague
après
Elle prend un souffle comme-ci elle s’apprêtait à courir un
marathon, j’espère que cette histoire de confession ne va pas finir en larme,
j’ai déjà eu du mal à retenir les miennes tout à l’heure
-J’ai rencontré Romain à la fac à Paris nous avions 23ans
tous les deux à cette époque, ça a tout de suite été le grand amour, il aimait
comme moi les voyages, les vêtements de luxe et les restos chic, j’avais
l’impression d’avoir trouvé mon alter égo, il me rendait heureuse et moi aussi.
En plus de ça nos parents s’étaient rencontrés et le courant était bien passés et surtout le fait que je sois noire
et africaine n’était un problème pour personne dans cette famille. Je pensais
enfin avoir trouvé l’amour, au bout de 2ans de relation il m’a demandé en
mariage, je vivais un véritable rêve qui s’est transformé en cauchemar quant-il
a commencé à fréquenter le fils d’un ministre bosniaque. Ce gars l’a initié aux
drogues dures en tout genre, c’était là le début de mes soucis, Romain avait
changé du tout au tout, irritable, agressif, toujours en manque de sensation
forte, accro aux nouvelles expériences de tout type, plan à trois homosexuelle
et/ou hétérosexuelle, saut en parachute, expérience sado maso, combat de boxe
illégal, monster jam, vraiment il voulait tout tenter.
-Et votre relation dans tout ça ?
-Je voulais bien le suivre dans ces délires mais je n’étais
faite pour ce monde, un matin j’ai fait renvoyer l’alliance par courrier
recommandé et s’en était fini de nous deux
-Je suis désolé d’apprendre tout ça, il n’était pas
intelligent ce gars
-Malheureusement l’histoire ne s’arrête pas là, quelques mois
plus tard il me recontacta, ses parents avaient menacé de lui couper les vivres
s’ils ne se ressaisissait pas, il avait besoin que je sois à ces côtés pour
cette nouvelle épreuve. C’est ainsi qu’il a passé quatre mois en cure de détox,
j’étais à ses côtés pendant toute cette période quitte à sacrifier mon propre
épanouissement, j’arborais à nouveau ma bague de fiançailles, les choses allait
mieux entre nous, je retrouvais enfin mon Romain à moi
-Mais je ne comprends pas, qu’est-ce qui s’est passé ?
Pourquoi vous n’êtes plus ensemble ?
-J’en viens. A sa sortie les choses allaient bien entre
nous ou du moins c’est ce que je pensais. J’ai été surprise quand deux mois
après sa sortie il m’a dit que ça ne pouvait plus marcher entre nous, que sa
vision de la vie ne correspondait plus à la mienne, il avait rencontré une
avocate plus âgée pendant sa cure, il trouvait que leur passé de toxico les
rapprochaient, qu’elle le comprenait mieux et qu’il valait mieux que l’on se
sépare. Trois mois seulement après cette conversation il lui mettait la bague
au doigt sur une plage guadeloupéenne et moi je pleurais sur mon sort, en me
maudissant d’être allé le soutenir dans cette épreuve, je voulais tellement
raviver la flamme que je ne voyais pas qu’il ne me traitait plus comme avant,
je n’étais là que pour redorer son image auprès de ses parents, je maudissais
la terre pour cet enchaînement d’épisodes malheureux et je décidai à partir de
cet instant de me focaliser sur mon travail. J’avais 26 ans quand tout est
définitivement fini, mon diplôme en poche, un minable CDD, décider de rentrer
au Gabon était une évidence pour moi à ce moment-là, plus rien ne me retenait
là-bas.
-Je ne sais vraiment pas quoi te dire, les blancs ont
toujours des délires bizarres mais j’espère que tu ne laisseras pas ce gars
t’ôter l’envie d’aimer et être aimé. Pendant cette cohabitation j’ai vu en toi
quelque chose de rafraîchissant, malgré les apparences tu es une bonne femme
qu’on a envie de mettre à la maison et sincèrement je te souhaite une belle et
longue relation, qui te donnera à nouveau foi en l’amour.
-Merci t’es gentil
Je me lève et lui fait un câlin, je comprends mieux son
détachement et son aversion pour les relations amoureuses.